même but (la connaissance absolu du réel) que la métaphysiuqe et que, d’ailleurs, elle semble
montrer beaucoup plus d’habilité à réaliser ce but. Le succès de la science positive est si
frappante que les philosophes sont tentés de lui abandonner totalement la considération des faits.
C’est-à-dire les philosophes sont portés à croire que les faits objectifs sont en soi tels que la
science positive les décrit et s’abstiennent ainsi de se prononcer activement sur les questions de
fait. En revanche, ils essaient de rétablir la dignité de la métaphysique en la plaçant, pour ainsi
dire, au-dessus de la science positive : ils prétendent s’assigner pour travail d’éclairer les
principes sous-jacents à la science positive ou de synthétiser les résultats de son investigation
dans des principes plus généraux. Ainsi, ils croirent pouvoir affirmer la supériorité de la
métaphysique par rapport à la science positive ; mais, quant à la connaissance même des faits,
ils la tiennent pour affaire de science positive et non pas de métaphysique.
Mais comment ne pas voir que cette prétendue supériorité de la métaphysique par rapport à la
science positive n’est qu’une illusion, si l’on remet aux mains de la science positive la tâche de
déterminer et décrire les faits objectifs ? En effet, dans ce cas-là, tout ce que la métaphysique se
réserve de faire, elle va le recevoir tout fait de la science positive : tout ce qu’elle va développer
se trouve déjà contenu dans les descriptions et les analyses que la science positive donne de la
réalité. Comme elle s’abstient d’intervenir dans les questions de faits, son travail se trouve
réduit à approuver en termes plus précis et plus raffinés ce qui lui est livré irrévocablement de la
science positive6 . Or, pour faire ce travail d’explicitation, il ne faut pas une science sui generis
et distincte de la science positive, car pourquoi la science positive elle-même ne pourrait-elle
pas faire ce genre de travail par sa seule force sans avoir recours à une autre science
indépendante?
6 « Pour n’avoir pas voulu intervenir, dès le début, dans les questions de faits, il <le métaphysicien> se
trouve réduit, dans les questions de principe, à formuler purement et simplement en termes plus précis la
métaphysique et la critique inconscientes, partant inconsistantes, que dessine l’attitude même de la
science vis-à-vis de la réalité » – EC, p.660
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