Le Roi Lear - BFM (Théâtre)
William Shakespeare a-t-il appris le français depuis qu’il est
éternellement assis aux premières loges célestes ? J’aurais volontiers
recueilli ses impressions sur le devenir du roi torturé qu’il a fait naître,
dans cette mise en scène de Jean-François Sivadier. Si j’osais, je
présumerais d’un certain ravissement, de contentement même et,
pourquoi pas, d’une touche d’agréable surprise.
Lorsque la pièce débute, partie pour durer plus de trois heures, les comédiens sont déjà sur les
bords de la scène depuis… une période indéterminée. Le temps, c’est sûr, est la première
chose que nous, public, allons oublier. A tous les niveaux. Dans des costumes actuels,
d’époques, sans date, la tragédie débute. Le Roi Lear veut léguer son royaume à ses filles, de
manière proportionnelle au degré d’amour qu’elles lui portent. Les voilà donc qui, par ordre
d’âge inversement chronologique, se lancent dans un panégyrique pompeux, pour la plus
grande satisfaction de leur royal père. Arrive le tour de la cadette. Cordélia, loin de suivre
l’exemple de ses deux sœurs, expose sereinement une indéniable théorie sur l’impossibilité
d’être sincère et femme d’un mari quelconque à la fois, s’il doit apparemment s’agir d’aimer
son propre père et de n’aimer que lui. Se laissant gagner par une rage foudroyante, le Roi la
déshérite aussitôt. Débute alors un chaos humain, émotionnel, familial et éthique qui n’ira
qu’en s’empirant, jusqu’à l’anéantissement de chacun des principaux protagonistes.
Pour servir ce monument théâtral, une scénographie mobile, aussi imposante que simple,
ingénieuse et parfaitement au service du scénario et du jeu : les décors, la musique, les
lumières et autres accessoires visuels ou sonores semblent jouer le rôle de l’italique, du gras
ou des soulignements dans le texte. Traduction de Pascal Collin, ce dernier est totalement
anachronique, transmettant autant de force que de multiples touches de dérision. Une
comédienne joue un rôle masculin, un comédien interprète l’un des rôles féminins. Nicolas
Bouchaud, jeune vieux Roi Lear, a un charisme et une puissance – vocale – qui font de cette
pièce ce qu’elle. Mention d’honneur à Norah Krief, fille de Lear (Cordélia) mais également
extraordinaire Fou dont les « ça vaaaa ??? » ou autres chansons dramatiquement drôles et
crues laissent une empreinte digne des plus grands Bouffons que l’histoire a pu compter.
Le Roi Lear
De William Shakespeare
Mise en scène : Jean-François Sivadier (France)
Interprétation : Nicolas Bouchaud, Stephen Butel, Murielle Colvez, Vincent Dissez, Vincent
Guédon, Norah Krief, Nicolas Lê Quang, Christophe Ratandra, Nadia Vonderheyden, Rachid
Zanouda
Bâtiment des Forces Motrices (BFM)
Les 20, 21 et 22 février 2008
Durée 3h45 entracte compris
Réservation Théâtre Forum Meyrin, 022 989 34 34
[Martine]
www.forum-meyrin.ch 24 février 2008