Culture, le magazine culturel en ligne de l'Université de Liège
© Université de Liège - http://culture.ulg.ac.be/ - 24/05/2017
- 2 -
frère Edgar, fils légitime, et de supplanter son père au pouvoir. Reprenons rapidement. Le roi Lear,
lassé des responsabilités, aspire à jouir des avantages que lui confère son titre en léguant ses charges,
responsabilités et richesses à ses trois filles. En contrepartie, il demande à chacune de celles-ci de prouver
l'ampleur de son affection : « Parlez, mesfilles : en ce moment où nous voulons renoncer au pouvoir,
aux revenus du territoire comme aux soins de l'État, faites-nous savoir qui de vous nous aime le plus,
afin que notre libéralité s'exerce le plus largement là où le mérite l'aura le mieux provoquée1 ». Les deux
aînées, Goneril et Régane excellent à l'exercice, et leurs flagorneries plaisent au père souverain. La cadette
Cordélia, ne cède quant à elle aucune once de son honnêteté à la flatterie : « Malheureuse que je suis, je ne
peux lever mon cœur jusqu'à mes lèvres. J'aime votre Majesté comme je le dois, ni plus ni moins » (RL138).
Mis en fureur par la démonstration d'amour si peu avenante de sa dernière fille, Lear voue celle-ci à l'exil
avant de se défaire de sa couronne, malgré les protestations du fidèle comte de Kent, banni également par
la colère du souverain.
Lear, accompagné de sa cour, prévoyait un séjour mensuel dans chacune des parts du royaume divisé en
faveur des deux aînées et de leurs maris respectifs. Les couples amphitryons, rapidement lassés de ce
père jouissant des reliquats de son autorité, lui ôtent bien vite ces privilèges. Frappé par l'ingratitude de ses
filles, le vieux monarque s'enfonce dans la lande déchirée par cette tempête qui verra sa raison s'étioler.
Une fois le père écarté, les deux sœurs intriguent entre elles pour tenter de s'arroger l'entièreté de l'héritage.
Edmond tire avantage de la débâcle, il réussit à faire de son frère un fugitif et à s'arroger la place de son
père. Alertée de la situation, Cordélia revient au bras du roi de France et de son armée, avec l'intention de
rétablir l'ordre dans le royaume et le respect dû au père. Vaincue et faite prisonnière, elle sera étranglée
dans sa prison. Le roi, repentant, a le temps de recouvrer la raison avant d'être terrassé par le chagrin.
Edgar, revenu de son exil pour se venger de la trahison du frère illégitime, le terrasse, tandis que les deux
sœurs s'entretuent. Âpre revanche, triste victoire. « Dans Le Roi Lear,il n'y aura pas de couronnement.
Edgar n'a plus qui inviter. Tous sont assassinés ou sont morts. Le mot de Gloucester s'est accompli, "[…] ce
grand monde s'usera jusqu'au néant"2 ». Au crépuscule du drame, quelques survivants hagards supportent
la récompense du juste : un royaume désolé dont il reste à soutenir les ruines.