Corps perfectoïdes - Institut de Mathématiques de Bordeaux

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LES CORPS PERFECTOïDES
OLIVIER BRINON
Groupe de travail sur les travaux de P. Scholze
Le but de ces notes est d’expliquer [2, §3]. Dans tout ce qui suit, p désigne un nombre
premier fixé.
1. La construction de base
Soient A un anneau tel que ϕ : A/pA → A/pA; x 7→ xp soit surjectif, ̟ ∈ A tel qu’il
existe N ∈ N>0 avec ̟ N A ⊆ pA ⊆ ̟A, et Ab = lim A/pm A son complété pour la topologie
←
−
m
p-adique. On pose
n
R(A) = lim A/̟A = (xn )n∈N ∈ (A/̟A)N , (∀n ∈ N) xpn+1 = xn
←
−
ϕ
o
(son « parfaitisé »). On le munit de la topologie produit, l’anneau A/̟A étant muni de la
topologie discrète.
Proposition 1. L’application naturelle (réduction modulo ̟)
n
x(n)
n∈N
∈ AbN , (∀n ∈ N) x(n+1)
p
o
= x(n) → R(A)
est un isomorphisme de monoïdes multiplicatifs.
Démonstration. Soient x = (xn )n∈N ∈ R(A) et (xbn )n∈N ∈ AbN relevant x. Pour n, m ∈ N,
m+1
m
m+1 b
b
b
bp
bp
on a xbpn+m+1
A (car p ∈ ̟A). À n fixé,
m≡ xn+m mod ̟ A, donc xn+m+1 ≡ xn+m mod ̟
p
N
b
la suite xbn+m
∈ A est donc de Cauchy pour la topologie p-adique : elle converge.
m∈N
m
Notons x ∈ sa limite. Bien sûr, xbpn+m relève xn pour tout m ∈ N : il en est de même
b
e
b
de x(n) . Si (xen )n∈N ∈ AbN est un autre relèvement
m de x, on
amxn+m
≡ xn+m mod ̟ A, donc
m
m
xepn+m ≡ xbpn+m mod ̟ m+1 Ab : les suites xbpn+m
et xepn+m
ont même limite, i.e.
(n)
Ab
m∈N
x(n) ne dépend que de x et de n. Par ailleurs, si n ∈ N, on a :
m+1
x(n) = lim xbpn+m+1 = lim
m→∞
Enfin, si y ∈ R(A), la suite x
lim
m→∞
x(n+m) y (n+m)
Remarque.
pm
(n) (n)
y
m→∞
n∈N
m
xbp(n+1)+m
p
m∈N
= x(n+1)
p
relève xy = (xn yn )n∈N : on a donc (xy)(n) =
= x(n) y (m) pour tout n ∈ N.
(1) Si x, y ∈ R(A) et n ∈ N, on a (x + y)(n) = m→∞
lim x(n+m) + y (n+m)
Date: 11 octobre 2012.
1
pm
.
2
LES CORPS PERFECTOÏDES
(2) L’anneau R(A) ne dépend pas du choix de ̟.
(3) Cette construction est bien sûr fonctorielle.
Notation. Dans ce qui suit, pour x ∈ R(A) on pose x♯ = x(0) : on a alors x(n) = x1/p
n
♯
b x 7→ x♯ est multiplicative. C’est un isomorpour tout n ∈ N. L’application R(A) → A;
phisme lorsque A est parfait de caractéristique p.
2. Les corps perfectoïdes
2.1. Définition et première propriété.
Définition. Un corps perfectoïde est un corps topologique K qui est complet pour une
valeur absolue non-archimédienne |.| : K → R≥0 d’image dense, dont le corps résiduel est
de caractéristique p, et tel que le Frobenius
ϕ : OK /pOK → OK /pOK
soit surjectif.
Remarque. (1) En caractéristique p, perfectoïde implique parfait.
(2) La condition de densité sur l’image de |.| équivaut au fait que |.| n’est pas discrète.
(3) Le corps résiduel de K étant de caractéristique p, on a |p| < 1.
′
:= F (p1/p ) (pour F une
Example. Les corps complétés de F∞ := F (µp∞ ) et de F∞
∞
1/pn
extension finie de Qp ) et le complété de ∪n=0 Fp ((t))[t
] sont perfectoïdes.
∞
Lemme 2. Le groupe |K × | est p-divisible.
Démonstration. On a |K × | =
6 |p|Z par densité, donc |K × | est engendré par |K × |∩]|p|, 1] ;
si x ∈ OK est tel que |p| < |x|, il existe y ∈ OK tel que |x − y p | ≤ |p|, de sorte que
|y|p = |y p | = |x + y p − x| = |x| (vu que |y p − x| ≤ |p| < |x|).
On fixe désormais K un corps perfectoïde, |.| : K → R≥0 « sa » valeur absolue et on note
m l’idéal maximal de l’anneau des entiers OK .
2.2. Le basculement. Choisissons ̟ ∈ OK tel que |p| ≤ |̟| < 1. On dispose de l’anneau
R(OK ) ≃ lim OK , qui est intègre, parfait de caractéristique p.
←−
x7→xp
Lemme 3. Il existe ̟ ♭ ∈ R(OK ) tel que |(̟ ♭ )♯ | = |̟|.
Démonstration. Comme le groupe |K × | est p-divisible, il existe ̟1 ∈ OK tel que |̟1 |p =
|̟|. La surjectivité du Frobenius sur OK /̟OK implique qu’il existe ̟ ♭ ∈ R(OK ) tel
que ̟ ♭ = (0, ̟1 , . . .). On a alors |(̟ ♭)(1) − ̟1 | ≤ |̟| donc |(̟ ♭ )(0) − ̟1p | ≤ |̟|2, d’où
|(̟ ♭ )♯ | = |̟|.
Comme les constructions ne dépendent pas du choix de ̟, il sera commode de remplacer
̟ par (̟ ♭ )♯ (qui a la même valuation) : on a alors (̟ ♭ )♯ = ̟ (ce qu’on suppose donc
désormais), soit encore ̟ ♭ = (̟ (n) )n∈N ∈ lim OK avec ̟ (0) = ̟.
←−
x7→xp
LES CORPS PERFECTOïDES
3
Pour i ∈ N, l’application
πi : R(OK ) → OK /̟OK
(xn )n∈N 7→ xi
est un homomorphisme surjectif d’anneaux (en vertu de la surjectivité du Frobenius de
OK /̟OK ). On a π0 = πi ◦ ϕi . Si x ∈ Ker(π0 ), on a |x(0) | ≤ |̟| : pour tout n ∈ N, on a
|x(n) | ≤ |̟ (n) | : il existe y (n) ∈ OK tel que x(n) = ̟ (n) y (n) . Comme OK est intègre, cela
implique que y = (y (n) )n∈N ∈ R(OK ) et x = ̟ ♭ y. On a donc Ker(π0 ) = ̟ ♭ R(OK ) et donc
i
Ker(πi ) = (̟ ♭)p R(OK ) pour tout i ∈ N. On en déduit les isomorphismes
R(OK )/̟ ♭ R(OK )
ϕi
YYYπYY0 Y
Y,
2
e
e
e
eee
i
R(OK )/(̟ ♭)p R(OK )
On pose alors
K ♭ := R(OK )
OK /̟OK
πi
h
1
̟♭
i
La bijection de monoïdes multiplicatifs R(OK ) ≃ lim OK se prolonge en
←−
x7→xp
K ♭ ≃ lim K
←−
x7→xp
En particulier, K ♭ est un corps, c’est donc le corps des fractions de R(OK ). Il est parfait.
On l’appelle le basculement 1 de K. Bien sûr, l’application x 7→ x♯ se prolonge en une
application multiplicative
K♭ → K
x 7→ x♯
Pour x ∈ K ♭ , on pose
|x|♭ := |x♯ |
Lemme 4. L’application |.|♭ : K ♭ → R≥0 est une valeur absolue.
n
n
n
Démonstration. Si x, y ∈ K ♭ , on a |x + y|♭ = lim |(x1/p )♯ + (y 1/p )♯ |p ≤ max(|x|♭ , |y|♭)
n
n
n
n
n→∞
♯ pn
n
vu que |(x1/p )♯ + (y 1/p )♯ |p ≤ max |(x1/p ) | , |(y 1/p )♯ |p
n ∈ N.
n
= max(|x|♭ , |y|♭) pour tout
Lemme 5. On a OK ♭ = R(OK ) et OK ♭ /̟ ♭OK ♭ ≃ OK /̟OK . Si m♭ est l’idéal maximal de
∼
OK ♭ , on a OK ♭ /m♭ → OK /m.
Démonstration. On a
x ∈ OK ♭ ⇔ |x|♭ ≤ 1 ⇔ x♯ ∈ OK ⇔ (∀n ∈ N) x(n) ∈ OK ⇔ x ∈ R(OK )
Le premier isomorphisme a été explicité plus haut : le second isomorphisme en résulte. 1. "tilt" en anglais
4
LES CORPS PERFECTOÏDES
b
Spec(OK )
Spec(OK /̟OK )
Spec(OK ♭ )
Spec(OK ♭ /̟ ♭ OK ♭ )
Spec(K)
basculement
Spec(K ♭ )
b
Proposition 6. Le corps K ♭ est perfectoïde.
Démonstration. Comme |K ♭ |♭ = |K| est dense dans R≥0 , il reste à voir que K ♭ est complet pour |.|♭ . L’anneau (OK /̟OK )N , muni de la topologie produit (où chaque copie de
OK /̟OK est munie de la topologie discrète), est complet. Comme R(OK ) = lim OK /̟OK
←
−
ϕ
est fermé dans ce produit, il est lui aussi complet pour la topologie induite. Il suffit donc
de montrer que la topologie définie par |.|♭ sur R(OK ) (i.e. la topologie ̟ ♭ -adique) coïncide avec la topologie induite par la topologie produit. Mais une base d’ouverts pour la
topologie produit est donnée par (Ui )i∈N où Ui = {x ∈ (OK /̟OK )N , (∀n ≤ i) xn = 0} : il
i
suffit d’observer que Ui ∩ R(OK ) = Ker(πi ) = (̟ ♭ )p R(OK ) pour tout i ∈ N.
Remarque. (1) Dans la preuve qui précède, la topologie produit et la topologie ̟ ♭adique sont différentes sur (OK /̟OK )N (la deuxième est strictement plus fine que la
deuxième) : ce sont leurs restrictions au sous-espace R(OK ) qui coïncident.
(2) Lorsque K est de caractéristique p, on a K ♭ = K.
Par exemple, lorsque K est le complété de Qp (p1/p ), on a OK = Zp [p1/p ], de sorte que
∞
∞
\
1/p∞ ]
R(OK ) = lim Fp [t1/p ]/(t) = lim Fp [t1/p ]/(tp ) = Fp [[t]][t
←
−
←
−
ϕ
n
∞
∞
n
2
où t = (p, p1/p , p1/p , . . .).
2.3. Le théorème de pureté pour les corps perfectoïdes.
Proposition 7. ([2, Proposition 3.8]) K est algébriquement clos si et seulement si K ♭ est
algébriquement clos.
Démonstration. Supposons K ♭ algébriquement clos et soit P (X) = X d +a1 X d−1 +· · ·+ad ∈
OK [X] irréductible : montrons qu’il a une racine dans K. Il existe c ∈ K tel que |c|d = |a0 |
(car |K × | = |K ♭× |♭ est un Q-espace vectoriel) : quitte à remplacer P (X) par c−d P (cX) (ce
qui est licite, vu que le polygone de Newton de P est un segment), on peut supposer que
|ad | = 1. Soit alors Q(X) = X d +b1 X d−1 +· · ·+bd ∈ OK ♭ [X] ayant la même image que P (X)
dans (OK ♭ /̟ ♭ OK ♭ )[X] ≃ (OK /̟OK )[X]. Comme K ♭ est algébriquement clos, Q admet
une racine y0 ∈ OK ♭ , et on a P (y0♯ ) ∈ ̟OK . Soient c0 ∈ K tel que |c1 |d = |P (y0♯ )| ≤ |̟| et
♯
♯
P1 (X) = c−d
0 P (c0 X + y0 ) ∈ OK [X] (le polygone de Newton de P (X + y0 ) est un segment).
Le terme constant de P1 est inversible : on peut répéter ce qui précède. Par récurrence,
LES CORPS PERFECTOïDES
5
N
N
N
cela fournit des suites (cn )n∈N ∈ OK
, (yn )n∈N ∈ OK
telles
♭ et (Pn (X))n∈N ∈ (OK [X])
que P0 = P et

−d
♯
P
n+1 (X) = cn Pn (cn X + yn )
|cn |d = |Pn (y ♯ )| ≤ |̟|
n+1
pour tout n ∈ N. On a Pn−1 (yn♯ ) = (c0 c1 · · · cn−1 )−d P (xn ) avec
xn = y0♯ + c0 y1♯ + c0 c1 y2♯ + · · · + c0 c1 · · · cn−1 yn♯ ∈ OK
donc |P (xn )| = |c0 c1 · · · cn−1 Pn−1 (yn♯ )| ≤ |̟|n , d’où P (x) = 0 pour x =
(série convergente pour la topologie p-adique).
La réciproque se démontre de façon analogue.
+∞
P
n=0
c0 c1 · · · cn−1 yn♯
Théorème 8. ([2, Theorem 3.7])
(1) Soit L/K une extension finie. Alors L est perfectoïde (muni de sa topologie de Kespace vectoriel de dimension finie).
(2) (Tate, Faltings, Ramero-Gabber). L’application
TrL/K
mult
OL ⊗OK OL −−→ OL −−−→ OK
est un accouplement presque parfait, i.e. l’application
tL : OL → OL∨ := HomOK (OL , OK )
x 7→ y 7→ TrL/K (xy)
est un presque isomorphisme (= son noyau et son conoyau sont tués par m, cf [1]).
(3) Le foncteur L 7→ L♭ est une équivalence de la catégorie des extensions finies de K
dans celle des extensions finies de K ♭ . Cette équivalence préserve les degrés.
Démonstration. Si L/K est une extension finie, la valeur absolue de K s’étend de façon
unique à L, et que ce dernier est complet (topologiquement isomorphe à K [L:K]). L’image
de |.| : L → R≥0 contenant celle de sa restriction à K, elle est dense dans R≥0 .
Cas où car(K) = p L’extension finie L/K est donc séparable, et L est parfait lui aussi. Le
corps L est donc perfectoïde en vertu de ce qui précède, ce qui prouve (1). On a alors le
carré commutatif :
tL
/ O∨
OL _
L

_
∼
/ L∨
L
La flèche du bas est un isomorphisme parce que L/K est séparable : cela prouve que tL est
injective, et que tL (OL ) engendre le K-espace vectoriel L∨ . Comme L/K est séparable, il
existe θ ∈ OL tel que L = K(θ) : on a OK [θ] ⊆ OL . On a alors OL∨ ⊆ (OK [θ])∨ ⊂ L∨ . Le
OK -module OK [θ] étant libre de rang d := [L : K], il en est de même de (OK [θ])∨ : soit
(fi )1≤i≤d une base. Il existe x ∈ OK \ {0} tel que xfi ∈ tL (OL ) pour tout i ∈ {1, . . . , d}.
On a alors x(OK [θ])∨ ⊆ tL (OL ), et a fortiori xOL∨ ⊆ tL (OL ). Pour tout m ∈ N, on a alors
m
x1/p OL∨ = ϕ−m (xOL∨ ) ⊆ ϕ−m (tL (OL )) = tL (ϕ−m (OL )) = tL (OL )
6
LES CORPS PERFECTOÏDES
m
i.e. x1/p Coker(tL ) = 0, et donc m Coker(tL ) = 0 : cela prouve (2). Comme L♭ = L, (3)
est trivial.
Cas où car(K) = 0
Première étape. On construit un foncteur pleinement fidèle
n
o
n
K ♭ -algèbres finies étales → K-algèbres finies étales
(quasi-inverse du basculement). On procède de la façon suivante :
n
o

K ♭ -algèbres finies étales (∗)
/
n
K-algèbres finies étales
O
o
n
OK ♭ -algèbres upfe
o
➃
OK ♭ /̟ OK ♭ -algèbres upfe
♭
?
OK -algèbres upfe
➁
n
o
(∗∗)
➀
n
o
o
➂
/
n
OK /̟OK -algèbres upfe
o
(où upfe signifie « uniformément presque finies étales »). Le foncteur ➀ est une équivalence
en vertu du cas de la caractéristique p. Les foncteurs ➁ et ➃ sont des équivalences : il s’agit
de la généralisation dans le cadre des presque mathématiques de l’équivalence habituelle
(déformation topologiquement nilpotente des extensions étales). Le foncteur ➂ est une
équivalence parce que OK ♭ /̟ ♭OK ♭ ≃ OK /̟OK comme on l’a vu plus haut. Par ailleurs,
le foncteur (∗∗) est pleinement fidèle.
Deuxième étape. On montre que le foncteur (∗) est essentiellement surjectif, ce qui prouve
(3) et implique que le foncteur (∗∗) est une équivalence (ce qui prouve (2)). Pour ce faire, on
se ramène au cas où K ♭ est algébriquement clos, où c’est évident en vertu de la proposition
qui précède.
Troisième étape. Soit L/K une extension finie : d’après ce qui précède, l’extension OL /OK
est upfe : l’idempotent e ∈ L ⊗K L correspondant à l’immersion diagonale (fermée) de
Spec(L) dans Spec(L ×K L) vérifie : (∀ε ∈ m) εe ∈ OL ⊗OK OL . Par ailleurs, il vérifie
µ(f ) = (TrL/K ⊗ IdL )(f e)
pour tout f ∈ L⊗K L (où µ : L⊗K L → L désigne la multiplication). Si x ∈ OL et ε ∈ m, on
a donc εp x = µ(x⊗εp ) = (TrL/K ⊗ IdL )((x⊗1)(εe)p ). Écrivons εe =
on a (εe)p ≡
r
P
i=1
xpi ⊗ yip mod pOL ⊗OK OL , et donc εp x ≡
r
P
i=1
r
P
i=1
xi ⊗yi ∈ OL ⊗OK OL :
TrL/K (xxpi )yip mod pOL .
Mais comme le Frobenius est surjectif sur OK /pOK , pour tout i ∈ {1, . . . , r}, il existe
p
r
P
p
p
p
zi ∈ OK tel que TrL/K (xxi ) ≡ zi mod pOK . On a alors ε x ≡
zi yi
mod pOL .
i=1
Cela prouve que le Frobenius est presque surjectif sur OL /pOL . Montrons qu’en fait, il est
surjectif, ce qui prouvera (1).
LES CORPS PERFECTOïDES
7
Soient y ∈ OL et ε ∈ OK tel que |ε| = p12 (ce qui est possible car |K × | est p-divisible, comme
2
on l’a vu plus haut). D’après ce qui précède, il existe x0 , y0 ∈ OL tels que εp y = xp0 + εp y0 .
2
Cela implique que x0 = εx1 avec x1 ∈ OL : on a alors y = xp1 + εp −p y0 . De même, il existe
2
x2 , y1 ∈ OL tels que y0 = xp2 + εp −p y1 . On a alors y = xp1 + (εp−1 x2 )p + ε2p(p−1) y1 . Comme
p ≥ 2, on a 2p(p − 1) ≥ p2 , donc y ≡ (x1 + εp−1x2 )p mod pOL et on a fini.
∼
Corollaire 9. On a un isomorphisme de groupes topologiques GK → GK ♭ .
Remarque. Ce qui précède englobe strictement la théorie des « corps de normes parfaits »
de Fontaine-Wintenberger. Le contexte est le suivant : on part d’un corps de valuation
discrète F complet de caractéristique 0, à corps résiduel parfait de caractéristique p. On se
donne une tour (Fn )n∈N d’extensions « arithmétiquement profondément ramifiée » (typiquement, une Zp -extension totalement ramifiée). Par exemple, F = Qp et Fn = Qp (µpn ),
n
ou bien Fn = Qp (p1/p ). On pose F∞ = ∪∞
n=0 Fn . Si M/F∞ est finie, le corps de normes
♭
c
e
e
e
parfait associé est EM /EF∞ (où EM = M ). L’équivalence du théorème 8 (3) a alors été
montrée par Fontaine et Wintenberger. Ils utilisent pour cela la théorie des groupes de
ramification supérieurs et des idées de Tate.
De fait, dans ce cadre, les résultats de Tate sur la ramification sont plus fins que ceux fournis
par le théorème de pureté : il y a un contrôle numérique (optimal) sur les valuations des
discriminants dans la tour. Cela permet de définir des « corps de normes imparfaits »
EM / EF∞ ≃ k∞ ((πe )) fournissant une équivalence semblable à celle du théorème 8 (3). Le
e
corps E
M est alors le complété de la clôture radicielle de EM .
En utilisant ces corps, Fontaine à développé la théorie de (ϕ, Γ)-modules, qui permet de
classifier les représentations p-adiques de GF .
3. Résumé des résultats de l’article "Perfectoid spaces" ([2])
Tout d’abord, P. Scholze définit la notion de K-algèbre perfectoïde (ce sont des Kalgèbres de Banach vérifiant des propriétés similaires 2 à celle des corps perfectoïdes, cf
[2, Definition 5.1]). Il définit le basculement d’une telle algèbre : R♭ = lim R et prouve
←−
x7→xp
l’analogue relatif du théorème 8 (cf [2, Theorem 5.25], ce qui prouve au passage le théorème
de pureté de Faltings de façon très générale, cf [2, Theorem 7.9]). Il définit les K-algèbres
affinoïdes perfectoïdes : ce sont les couples (R, R+ ) où R est une K-algèbre perfectoïde
et R+ ⊆ R◦ un sous-anneau ouvert et normal. On peut leur associer leur basculement
(R♭ , R+♭ ). Si X = Spa(R, R+ ) et X ♭ = Spa(R♭ , R+♭ ) sont les espaces adiques de Huber
associés, il démontre :
Théorème 10. ([2, Theorem 6.3]).
(1) Il y a un homéomorphisme (explicite) X ≃ X ♭ , qui fait se correspondre les sousensembles rationnels.
+
(2) Si U ⊂ X est rationnel, alors (OX (U), OX
(U)) est perfectoïde, et sonbasculement
+
♭
♭
est (OX ♭ (U ), OX ♭ (U )).
2. L’ensemble R◦ des éléments topologiquement bornés est borné, et le Frobenius est surjectif sur
R /pR◦ .
◦
8
LES CORPS PERFECTOÏDES
+
(3) Les préfaisceaux OX et OX
sont des faisceaux.
+
i
(4) H (X, OX ) est presque nul (i.e. tué par m) pour i > 0 (théorème d’acyclicité de Tate
pour les espaces perfectoïdes).
En recollant les K-algèbres affinoïdes perfectoïdes, il définit la catégorie des espaces perfectoïdes (cf [2, Definition 6.15]), et l’opération de basculement sur icelles. Il montre :
Théorème 11. ([2, Proposition 6.17]). La catégorie des espaces perfectoïdes sur K et celle
des espaces perfectoïdes sur K ♭ sont équivalentes.
En utilisant le théorème de pureté de Faltings évoqué plus haut, il prouve aussi :
Théorème 12. ([2, Theorem 7.12]). Le basculement induit une équivalence de sites
♭
Xét ≃ Xét
.
ce qui lui permet de démontrer :
Théorème 13. ([2, Theorem 1.12]). Le topos étale
^
.
lim Pn,ad
K
←
−
ét
ϕ
^
Pn,ad
est équivalent à la limite
♭
K
ét
grâce auquel il prouve la conjecture de monodromie-poids pour les variétés sur les corps
locaux qui sont propres, lisses, géométriquement connexes et intersections complètes dans
une variété torique projective lisse ([2, Theorem 9.6]).
Références
[1] O. Gabber & L. Ramero – Almost ring theory, Lecture Notes in Mathematics, vol. 1800, SpringerVerlag, 2003.
[2] P. Scholze – « Perfectoid spaces », À paraître aux Publications Mathématiques de l’IHES, 2011.
Institut de Mathématiques de Bordeaux, Université Bordeaux 1, 351, cours de la Libération, 33405 Talence
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