Traitement des séquelles des fractures du plateau tibial

Traitement des séquelles des fractures
du plateau tibial
D. Saragaglia, Th. Lebredonchel et Y. Tourné
Les fractures du plateau tibial, comme toute fracture articulaire, nécessitent
une réduction anatomique et une fixation stable et solide pour permettre une
rééducation immédiate. Si, la plupart du temps, entre des mains expérimen-
tées, leur ostéosynthèse donne des résultats satisfaisants, il n’en reste pas moins
que certaines fractures sont difficiles à ostéosynthéser et qu’elles exposent soit
à une réduction insuffisante, soit à un déplacement secondaire, à l’origine de
cals vicieux particulièrement invalidants.
Dans un autre ordre d’idée, il n’est pas rare d’avoir à traiter des fractures
passées inaperçues ou traitées « à la sauvette » chez des polytraumatisés où
toute l’attention a été attirée par une lésion du crâne, du thorax ou de l’ab-
domen particulièrement inquiétante, reléguant au deuxième plan les lésions
de l’appareil locomoteur.
Notre propos est de faire le point sur le traitement des séquelles précoces
des fractures du plateau tibial diagnostiquées dans l’année ou les deux ans qui
suivent le traumatisme. Nous ne parlerons ni de la gonarthrose post-trauma-
tique, ni des raideurs du genou, qui seront abordées dans d’autres chapitres.
Séquelles des fractures des plateaux tibiaux
Hormis les raideurs (en flexion, en extension ou mixtes), les cals vicieux sont
les complications les plus fréquentes (1), et à un degré moindre, les nécroses
du plateau tibial latéral ; les pseudarthroses sont exceptionnelles.
Cals vicieux intra-articulaires
Ce sont ceux qui retentissent sur la congruence fémoro-tibiale avec défaut de
contact entre le condyle fémoral et le plateau tibial. Ce sont habituellement
des séquelles du traitement orthopédique, des fractures passées inaperçues
(polytraumatisés) ou d’un défaut de réduction après traitement chirurgical. Il
peut s’agir de séquelles de fracture-séparation, de fracture-enfoncement ou de
fracture enfoncement-séparation. La plupart du temps, cette lésion séquellaire
siège au niveau du plateau tibial latéral et il s’agit volontiers d’une fracture-
enfoncement (fig. 1).
Cals vicieux extra-articulaires
Ils sont de quatre ordres : en varus, en valgus, en flexum ou en recurvatum.
– les cals vicieux en varus sont volontiers la conséquence d’une fracture spino-
glénoïdienne médiale, d’une fracture bitubérositaire mal réduite, ou d’un dépla-
cement secondaire en varus d’une fracture bitubérositaire mal stabilisée (fig. 2) :
– les cals vicieux en valgus correspondent habituellement soit à un défaut
de réduction, soit à un enfoncement secondaire du plateau tibial latéral frac-
turé. Après une fracture du plateau tibial latéral, il existe volontiers un valgus
résiduel modéré (2 à 3 degrés) souvent bien toléré ;
– les cals vicieux en flexum sont plus rares et ils sont souvent la consé-
quence d’un défaut de réduction d’une fracture bitubérositaire. Cette défor-
mation résiduelle peut être particulièrement invalidante lorsqu’il existe une
lésion associée du ligament croisé antérieur. L’exagération de la pente tibiale
entraîne une subluxation antérieure du tibia, à l’origine d’une instabilité mal
tolérée (fig. 3) ;
232 Fractures du genou
Fig. 1 – Fracture-enfoncement du
plateau tibial latéral passée inaperçue
en urgence chez un polytraumatisé.
Fig. 2 – Déplacement en varus d’une fracture
bitubérositaire mal stabilisée.
Fig. 3 – Pente tibiale postérieure résiduelle,
excessive après réduction d’une fracture bitu-
bérositaire avec rupture du ligament croisé
antérieur. Noter la subluxation antérieure du
tibia à l’origine d’une instabilité +++.
– les cals vicieux en recurvatum sont plus volontiers la conséquence d’un
traitement orthopédique mal conduit, parfois d’un défaut de réduction d’une
fracture traitée à ciel ouvert. Le handicap est majeur lorsqu’il existe une rupture
associée du ligament croisé postérieur. L’inversion de la pente tibiale met les
condyles fémoraux sur un plan incliné qui entraîne une subluxation posté-
rieure permanente du tibia (fig. 4).
Nécroses du plateau tibial
Elles se voient volontiers au niveau du plateau tibial latéral de sujets âgés. Au
décours d’une ostéosynthèse, à la remise en charge (90 à 120 jours), on assiste
à une déformation progressive en valgus. Les radiographies montrent une
nécrose plus ou moins complète du plateau tibial opéré (fig. 5).
Traitement des séquelles des fractures du plateau tibial 233
Fig. 4 – Pente antérieure excessive
après traitement orthopédique d’une
fracture bitubérositaire. Noter la
subluxation postérieure du tibia par
rupture du ligament croisé posté-
rieur à l’origine d’une impossibilité
de marcher sans cannes.
Fig. 5 a) Fracture du plateau tibial latéral chez un homme de 72 ans. b) Relèvement et ostéo-
synthèse par une plaque de Kerboul. c) Nécrose secondaire du plateau tibial. d) Radiographie
après ablation du matériel.
a b
c d
Traitement des séquelles des fractures du plateau tibial
Il est habituellement chirurgical et il dépend de la gêne, de l’âge et du type
de lésion. Plus le sujet est jeune (moins de 60-65 ans) et plus on essaiera d’être
conservateur dans la mesure où cela est possible ; plus le sujet est âgé et plus
l’on s’orientera vers une chirurgie prothétique. Il faut par ailleurs bien évaluer
la gêne par une cotation stricte des symptômes et ne pas se contenter de traiter
des radiographies.
Cals vicieux intra-articulaires
Enfoncement isolé
Il est difficile de faire raisonnablement une ostéotomie de relèvement sans créer
des dégâts parfois plus importants. Lorsque cet enfoncement est inférieur à
2 ou 3 mm et qu’il est gênant, on peut proposer en dessous de 60 ans une
ostéotomie sous-tubérositaire de relèvement (2). Nous n’avons pas l’expérience
des greffes en mosaïques, mais cela pourrait être théoriquement une bonne
indication. Au-delà de 60 ans, la prothèse unicompartimentaire latérale est
certainement une solution très intéressante. Lorsque l’enfoncement est supé-
rieur à 5 mm, l’ostéotomie créerait un cal vicieux de l’extrémité supérieure
du tibia particulièrement gênant pour la mise en place ultérieure d’une pro-
thèse. La seule solution viable est la mise en place d’une prothèse unicom-
partimentaire latérale (fig. 6) ou une prothèse totale pour les plus âgés.
234 Fractures du genou
Fig. 6 a) Séquelle d’enfoncement du plateau tibial latéral. b) Mise en place d’une prothèse
unicompartimentale latérale.
a b
Enfoncement-séparation
Il existe dans ce cas-là un élargissement de l’épiphyse qui autorise une ostéo-
tomie. Avec une scie oscillante, on peut en effet réséquer la zone enfoncée et
faire une nouvelle ostéosynthèse en resserrant l’épiphyse proximale du tibia
(fig. 7). Ce geste peut être réalisé jusqu’à 50-60 ans ; au-delà, il peut être pré-
Fig. 7 a) Séquelle de fracture enfoncement-séparation du plateau tibial latéral. b) Résection
de l’enfoncement, « resserrage » de la séparation et ostéosynthèse par plaque de Kerboul.
a b
férable de mettre en place une prothèse partielle ou une prothèse totale du
genou. Une diminution des amplitudes du genou (moins de 110° de flexion)
orientera plutôt vers une prothèse totale.
Séparation pure
Cette éventualité est relativement rare. L’ostéotomie est possible en reprenant
la fracture initiale. Il faut de plus réséquer l’os qui comble le trait de fracture
et faire une ostéosynthèse en bonne position. Il s’agit d’une ostéotomie uni-
tubérositaire qui mérite d’être tentée chez un sujet jeune handicapé par un
genu valgum ou genu varum post-traumatique.
Cals vicieux extra-articulaires
Dans ce contexte, les ostéotomies sont toujours possibles. Au-dessous de 60-
65 ans, il faut toujours tenter une ostéotomie. Elle doit siéger au niveau de
la déformation, c’est-à-dire à la partie proximale du tibia : ostéotomie tibiale
de valgisation d’ouverture médiale en cas de cal vicieux en varus, ostéotomie
de varisation de fermeture médiale (de préférence) en cas de genu valgum,
ostéotomie de correction de la pente tibiale en cas de flexum ou de recur-
vatum de l’épiphyse proximale du tibia (fig. 8, 9). Au-delà de 60-65 ans, il
Traitement des séquelles des fractures du plateau tibial 235
Fig. 8 – Ostéotomie de déflexion par ferme-
ture antérieure de l’extrémité proximale du
tibia (dossier de la fig. 3).
Fig. 9 – Ostéotomie de flexion de l’extrémité
proximale du tibia : ouverture antérieure +
greffe (dossier de la fig. 4). Remarquer la dimi-
nution de la subluxation postérieure. Marche
possible sans cannes et sans réparation du LCP.
Fig. 10 a) Cal vicieux extra-articulaire après fracture bitubérositaire. b) Prothèse totale du
genou avec cale métallique médiale pour compenser la bascule en varus.
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