La publicité dans
l'espace public
Réglementations
et concessions
Kurt Custers, chercheur-associé d’étopia, conseiller en urbanisme
Février 2007
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1 Introduction
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La problématique de la multiplication de la publicité et de l'affichage
préoccupe les urbanistes, pouvoirs administratifs urbanistiques et
fonctionnaires depuis plusieurs années.
Outre les écrans de télévision, la publicis'est emparée de toutes les surfaces
disponibles, et elle se présente sous différentes formes : abris de transports en
commun, trottoirs, terrains vagues, toits, devantures de commerces…
Trois grandes familles peuvent être distinguées :
la publicité autonome et permanente, qui se présente le plus souvent
sous forme de panneaux d'affiches double-face de 2m² sur les rues et
les places, affiches déroulantes ou non. Ce type de publicité se présente
aussi sous des formats plus grands, sur des pignons d'immeubles ou
aux abords et sur les talus des routes.
ensuite, les installations de publicité autonomes et temporaires,
principalement sur les clôtures de chantiers de construction.
enfin, les dispositifs de publicité liés aux commerces et associés à
l’enseigne. Il s'agit de dispositifs dont le message publicitaire est axé
sur un produit ou un service distribué ou presté par l’occupant
commercial ou industriel de l’immeuble, par exemple l'indication d'une
marque de boisson avec le nom d'un établissement horeca sur la
devanture.
Cette catégorie ne sera que très brièvement abordée dans le cadre du présent
article. On placera dans cette catégorie aussi les simples promotions de
marchandises, comme les anciens murs peints et les affiches placardées sur les
devantures de certains commerces, pratique courante par exemple chez les
marchands de meubles et d'automobiles.
Pour ce qui est de la glementation urbanistique, le présent article aborde
uniquement celle qui est d'application en Région de Bruxelles-Capitale,
principalement le Règlement Régional d'Urbanisme.
Dans un deuxième temps, il traitera d'un sujet étroitement lié à la publicité
dans l'espace public, à savoir les concessions qui sont octroyées par certaines
localités à des sociétés d'affichage, en échange de compensations, le plus
souvent des fournitures de mobilier urbain ou des services connexes.
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Kurt Custers est historien de l’art et fut chef de cabinet de l’échevin de l’urbanisme
d’Ixelles (2004-2006). Ce texte est issu d’une intervention au colloque Publicité et espace
public, organisé par étopia et le Groupe Ecolo au Parlement burxellois le 27 janvier 2007.
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2 Première partie :
La réglementation urbanistiqu e à Bruxelles
2.1 Le Code Bruxellois de l'Aménagement du Territoire et ses Arrêtés d'application
En vertu du Code Bruxellois de l'Aménagement du Territoire (le COBAT),
l'installation fixe d'un dispositif de publicité, ancré au sol ou sur un immeuble,
est soumis à l'obtention préalable d'un permis d'urbanisme.
Fait relativement exceptionnel, il s'agit d'un des deux cas où la durée de
validité du permis d'urbanisme n'est pas illimitée, et ce en vertu de l'arrêté
'Ducarme' du 29 janvier 2004 relatif au permis d'urbanisme à durée limitée. La
durée du permis ne peut s'étendre au-delà de 9 ans pour les publicités liées à
l'enseigne et les publicités autonomes non-lumineuses et à 6 ans pour les
publicités autonomes lumineuses. Se trouvent respectivement dans ces deux
catégories les grands placards le long des routes (qui ne sont pas considérés
comme « lumineux » mais « éclairés », et les « sucettes » ou « mupis » de 2 m².
Sauf si la demande concerne un monument ou un site classé ou inscrit à la liste
de sauvegarde, de manière générale, ces permis d'urbanisme sont livrés par
les autorités locales, les collèges des bourgmestre et échevins.
Dans le cadre d'un processus dit « de simplification administrative », le
législateur régional a cependant créé un régime dérogatoire à la disposition
générale du COBAT, en exonérant d'office un certain nombre de dispositifs de
publicité de permis.
Ces dérogations sont déterminées par l'arrêté 'DRAPS' du 12 juin 2003,
déterminant les actes et travaux dispensés de permis d'urbanisme, de l'avis du
fonctionnaire-délégué, de la commune ou de la Commission Royale des
Monuments et des Sites ou de l'intervention d'un architecte, en raison de leur
« minime importance ».
Sont exonérés de permis :
(art. 17, 4°) les dispositifs de publicité non- lumineux inférieurs à 1m²
au rez-de-chaussée des commerces
(art. 17, 6°) les dispositifs de publicité (lumineux ou non) sur mobilier
urbain et sur édicules d'une surface inférieure à 0,25m² et les dispositifs
de publicité événementielle.
Le même arrêté prévoit que peuvent être délivrés dans le cadre d'une
procédure plus courte, immédiatement par la commune sans demande d'avis
à la Région comme cela est habituellement le cas :
(art. 18, 1°) (à l'exclusion de la zone interdite) les dispositifs de publicité
non-lumineux, en dehors du domaine public, sur un mur mitoyen ou
une clôture de chantier ou de terrain non bâti
(art. 18, 2°) (à l'exclusion de la zone interdite et restreinte) les dispositifs
de publicité (lumineux ou non) supérieurs à 1m² au rez-de-chaussée
des commerces
On se rappelera la campagne médiatique qui devait informer le grand public
de cette innovation, avec le slogan grossier mais efficace « Allez-y, c'est
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permis! », campagne qui a d’ailleurs fait l'objet d'une interpellation
parlementaire de la part du député Ecolo Yaron Pesztat.
2.2 Le Règlement Régional d'Urbanisme
Maintenant que nous savons que, sauf exception, elles doivent faire l'objet d'un
permis d'urbanisme préalable, dont la durée de validité est par surcroît limitée,
il importe de regarder de plus près les règlements qui précisent les
caractéristiques de forme, de dimension, d'emplacement etc. auxquelles les
installations de publicité doivent se conformer.
Ces caractéristiques sont détaillées dans le Règlement Régional d'Urbanisme
(le RRU en abrégé), et plus précisément dans le Titre VI intitulé « Publicités et
Enseignes ».
Le RRU constitue l'un des instruments fondamentaux de la politique
urbanistique de la Région de Bruxelles-Capitale. A côté de la planification
territoriale prévue par le Plan Régional d'Affectation du Sol (le PRAS),
l'ensemble des règles relatives à l'urbanisme de la Région est défini dans le
RRU, à l'exception du titre XIII du Règlement général de la Bâtisse de la Région
(RGBA) relatif à la sécurité incendie qui est resté d'application.
Entre parenthèses : une procédure d'adoption laborieuse
Aussi fondamental qu'il soit dans le paysage législatif, le RRU est pourtant un
règlement relativement récent et qui a connu pas mal de mésaventures dans sa
procédure d'adoption, précisément suite à un recours en annulation introduit
au Conseil d'Etat par une société spécialisée dans la publicité par voie
d'affichage.
Le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale avait adopté les Titres I à
VII du premier RRU par arrêté du 3 juin 1999 et la Société ROSSEL
OUTDOOR, non contente des restrictions qui figuraient à l'article 21 du Titre
VI dudit règlement, avait introduit un recours au Conseil d'Etat.
L'article 21 concernait directement sa sphère d'activité et stipulait que « Le
nombre total de mobiliers urbains servant de support à de la publicité et de
dispositifs d'information est limité à 4 par carrefour ou par place. En espace
public, les dispositifs de publicité (n'ayant pas de fonction première d'utilité
publique) ne peuvent se trouver à moins de 50 mètres d'un mobilier urbain
servant de support à de la publicité ou d'autres dispositifs de publicité ou
d'information.»
Suite à ce recours, c'est l'ensemble du RRU qui était susceptible d'être annulé
par le Conseil d'Etat. Les parlementaires se rappellent sans doute que le
Gouvernement a été amené en séance plénière à répondre à des questions sur
les conséquences dudit arrêt du Conseil d'Etat et les responsables locaux se
souviennent de la fâcheuse période, qui a duré pendant de longs mois,
pendant laquelle il n'y avait tout simplement plus de règlement régional de
bâtisse.
Inutile de dire que, durant cette période de vide juridique, nombre de
responsables locaux ont été approchés par des sociétés d'affichage, leur
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suggérant de « profiter » de ce vide juridique pour délivrer des permis pour
des affiches plus grandes ou à des endroits où le RRU ne l'autorisait pas.
Finalement, le 21 novembre 2006, un nouveau Règlement régional d'urbanisme
(RRU), quasiment identique, a été approuvé par le Gouvernement Picqué.
Les restrictions contenues dans l'article 21 incriminé par la société ROSSEL
OUTDOOR ont été maintenues et un certain nombre de nouvelles formes de
publicité, devenues de plus en plus courantes ces dernières années (comme les
publicités sur bâches et sur vynils de chantier), ont été incluses dans le
règlement de 2006.
2.3 Les quatre zones du RRU
Le RRU distingue en substance, sur l'ensemble du territoire régional, quatre
zones différentes, dans lesquelles différentes prescriptions sont d'application :
1. la zone interdite : concerne les voiries reprises en annexe du règlement,
principalement les grandes avenues dans les quartiers plutôt aisés : les
avenues Albert, Bockstael, Churchill, de Broqueville, de Tervueren, mais
aussi quelques lieux « de prestige » comme la place Schumann, ainsi que le
Ring. + les espaces verts + les immeubles classés ou sauvegardés + les zones
légales de protection autour des biens protégés + sur les arbres et l'éclairage
public + sur tout ou partie d'une baie de façade + sur les façades
d'immeubles d'habitation (hormis les rez-de-chaussée commerciaux et les
bâches de chantier, cfr. infra) + sur les façades d’immeubles inoccupés.
On notera que ces interdictions sont exclusivement basées sur des
considérations esthétiques et paysagères, et pas par exemple sur la proximité
d'un lieu de rassemblement de jeunes (un parc de skate, une école ...).
Ce serait pourtant de la plus haute importance. Selon l'aveu des sociétés
d'affichage elles-mêmes, qui en font un argument de vente, les implantations
d'affiches font l'objet d'une sélectivité géographique : elles ne sont pas
aléatoires, mais forment des groupes, des parcours, des circuits, qui visent
chacune un autre public-cible : les jeunes, les femmes, les PRA (ou personnes
responsables des achats dans les familles), les branchés mode...
On sait donc, lorsqu'on autorise un nouveau dispositif, quel sera le type de
publicité qui y sera apposé : les produits de beauté et de textile dans les zones
commerciales et les lieux de consommation, les produits « accessibles » dans
les abris de bus (banques et assurances, friandises, sodas, bières), les marques
d'automobiles le long des grandes voies de circulation...
Ainsi, le société JCDECAUX offre à ses clients le réseau « Tactic Young »,
spécialement destiné à toucher les jeunes. Il assure une présence du produit
dans les endroits les plus fréquentés par cette cible : magasins de sport,
discothèques, cinémas, multimédia ...
2. la zone restreinte : les voiries reprises en annexe du règlement : en réalité,
les axes interquartiers comme la rue des Vétérinaires, la chaussée de
Haecht, la rue Montoyer ...) + les zones d'Intérêt culturel, historique,
esthétique ou d'embellissement du PRAS
3. la zone élargie : les voiries reprises en annexe : les boulevards et quais du
canal, la chaussée de Budda, le boulevard Paepsem etc.
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