Agitation et agressivité du sujet âgé : de la clinique avant toute chose !

La Revue de Gériatrie, T
ome 28, N°4
A
VRIL 2003
349
ENSEIGNEMENT
Agitation et agr
essivité du sujet âgé :
de la clinique avant toute chose !
Agitation and aggr
essiveness of elderly
Cyril
HAZIF-THOMAS
, Dominique
LÉGER
, Philippe
THOMAS
Service Universitair
e de Psychogériatrie (Limoges), France.
Service de Psychogériatrie (Niort), France.
Auteur corr
espondant : Docteur Cyril Hazif-Thomas.
Article r
eçu le 04.01.2003 - Accepté le 05.03.2003.
L
agitation est classiquement une des port
d’entrée en psychogériatrie et Mega l’estime
extrêmement fréquente (46 à 90% selon les
séries) (1)
. Comptant par
mi les motifs de consultation
fréquents en Psycho-gériatrie, l’agitation et l’agr
essivité
du Sujet
Â
gé (SA) sont souvent mal vécus. Leur abor
d
est malaisé et le pir
e serait de stigmatiser un malade âgé
par l’image d’un comportement anor
mal, quand il est
par
fois passager
. Bien pr
endr
e en char
ge un tr
ouble du
comportement chez l’aîné implique donc d’aller au-delà
de la présentation du malade pour entendr
e sa subjecti
-
vité, sa souf
france et se rappeler que toute la vie
psychologique consiste à se comporter dans le monde,
donc que tout symptôme a un sens.
DÉFINITION
____________________________________
L’agitation est un comportement perturbant l’envir
on-
nement, fait d’excitation et d’instabilité psychomotrice,
d’intensité et de durée variable. Elle peut êtr
e ou non
associée à l’agr
essivité. Plus précisément, il s’agit d’un
comportement vocal ou moteur
, perturbateur ou hasar
-
deux dont le caractèr
e dispr
oportionné est néfaste soit
pour autrui soit pour le malade lui-même. La personne
âgée est handicapée dans sa r
elation à l’envir
onnement
par une conscience impar
faite, du degré et de la natur
e
de son tr
ouble. Derrièr
e le symptôme, existe une lutte
qui se livre dans le
m
oi du
m
alade, lutte dont la per-
s o n n e
menacée est l’enjeu. Cette notion de menace est
centrale car il y a dans l’agr
essivité le désir de ne pas se
laisser submerger et envahir p
a
r ce que la
m
en
a
ce
a n x i e u s e
charrie d’avenir catastr
ophique : cela est parti
-
culièr
ement vrai lors de l’agitation de la dépr
ession due
à l’anxiété, qu’on peut aussi r
egar
der comme un état
mixte, dépr
essif à comorbidité anxieuse.
A l’inverse du r
etrait et du r
epli sur soi, existe l’agitation.
Le malade peut ainsi exprimer ses frustrations en mar
-
chant de long en large, en chirant ses vêtements, en
criant, en faisant des gestes répétitifs.
C
ette réali cli-
nique comporte également des co
m
portements agr
e s s i f s
consistant en des colères, des propos accusateurs, des
g
e
stes hostiles et des attitudes viol
e
ntes (tableau 1)
T
ableau 1 : T
ypes d’agitation.
T
able 1 : Styles of agitation.
AGITATION LEGERE :
• Comportement perturbateur pour les autr
es, mais qui n’est pas agr
essif et pose
peu de risque de danger
.
• Les soignants se sentent mis à l’épr
euve et ont besoin de soutien.
E
xe
m
ples : gé
m
i
ssem e
n
ts, cris,
e
rg
o
t a
g
e , q
u
es
t
i
on
s ré
p
é titives, s
o
ty
p
i
es
m
otrices,
u
til
i
sa
t
i
on
du
té lé
p
h
on
e,
e
rra
n
ce m ais ca
n
al
i
sa
b
les, s’a
d
resser
d
e
façon inapr
opriée à des étrangers...
AGITA
TION SEVERE :
• Comportement agr
essif ou danger
eux qui est très perturbateur et/ou pr
ovoque
une menace ou un préjudice physique pur soi ou pour les autr
es.
• L’agitation est une sour
ce majeur
e de dif
ficultés pour les soignants. Les consignes
verbales de bons sens et le r
ecadrage les soignants sont inef
ficaces.
Exemples : hurlements, essais insistants de quitter la résidence ou fugues, dif
fi
-
cultés alimentair
es et opposition aux soins, jeter des objets, empoigner ou grif
-
fer des soignants, blesser les autr
es ou soi-même.
Agitation et agr
essivité du sujet âgé
L’agitation demeur
e un tr
ouble fréquent et Gr
ossber
g
rapporte un taux de 81% en moyenne en maison de
r
etraite à partir d’une étude sur 43 établissements
(2).
L’agitation et l’agr
essivité de la personne âgée sont un
pr
oblème majeur pour les soignants. Il n’est pas sûr que
des infir
mièr
es bien entraînées à gér
er la vie de r
elation
soient moins fréquemment confr
ontées à la violence. Le
savoir
-fair
e en la matièr
e est complémentair
e de la mise
en place d’un cadr
e thérapeutique afin que l’envir
onne
-
ment soit sécurisant, rassurant : c’est en ce sens qu’il
faut r
elativiser l’observation selon laquelle l’agitation et
la violence sont d’autant plus pr
ononcées que les per
-
for
mances cognitives sont basses. La violence est une
extension de l’agr
essivité, se définissant en référ
ence à
un acte. Elle désigne donc tout acte agr
essif qui
implique un contact physique. La violence symbolique
n’a toutefois pas besoin de ce contact pour exister et si
une forte personnalité ne tue pas par elle-même «il est
possible de détruir
e quelqu’un avec des mots» : on parle
alors de violence perverse.
LA DÉMARCHE ÉTIOLOGIQUE
________________
Quelques soient les méthodes d’appr
oche employées, il
est bon de rappeler la règle suivante : tout symptôme
psychiatrique apparaissant chez le sujet âgé devrait fair
e
l’objet d’une anamnèse, d’un examen somatique, d’une
évaluation comportementale et d’un entr
etien avec les
demandeurs de la consultation. Rar
ement, le patient
peut demander de l’aide par lui-même, étant souvent
atteint dans ses capacités de communication ou bien
per
cevant autrui comme aussi impuissant que lui. Il est
impératif qu’un examen psychocognitif soit mené, com
-
pr
enant un MMS, un bilan gér
ontologique, des exa
-
mens complémentair
es orientés par le contexte cli
-
nique. Il faudra r
ester simple dans sa démar
che et cher
-
cher cinq causes prioritair
es r
egr
oupées dans le sigle
m
otechnique
( f i g u r
e 1) D3AP où D3 signifie
Delirium (confusion), Dépr
ession, Douleur
, A = Aide
humaine inadaptée et P = Episode psychotique
(3).
L’apport de l’envir
onnement r
elationnel est fondamen
-
tal. L’entourage nous appr
endra ainsi que chez le
confus, la survenue des tr
oubles est rapide après un
changement intervenu dans l’envir
onnement, que les
hallucinations peuvent accompagner l’agitation. Il nous
appr
endra par exemple que des douleurs s’associent
par
fois à une infection, appar
emment seule connue.
Une rétention urinair
e peut êtr
e ailleurs r
esponsable
d’une agitation. Il nous aidera à r
econnaîtr
e derrièr
e l’a-
gitation verbale d’un dément, l’existence d’une souf
-
france dépr
essive.
Il faut savoir en ef
fet, que la démence est rar
ement
dir
ectement r
esponsable de l’agitation. Les symptômes
psychotiques sont fréquents et surviennent dans près de
50% des cas de maladie d’Alzheimer et dans 9 à 40%
des cas de démence vasculair
e. La personnalité du
malade ne doit pas êtr
e la seule à pr
endr
e en compte.
Une aide humaine inadaptée serait déclenchante des
manifestations d’agitation dans 12,5% des cas. Les
tr
oubles du comportement sont la raison majeur
e des
admissions des patients déments en institution et il y a
donc là des drames humains et familiaux qui ne font pas
toujours l’économie de la violence symbolique ou phy
-
sique, de la maltraitance. L’épuisement des soignants
familiaux n’explique pas tout et l’alcoolisme, le tr
ouble
de personnalité d’un aidant vont toujours de pair
e avec
une souf
france familiale méconnue. En d’autr
es ter
mes,
le tr
ouble du comportement ne doit pas r
envoyer au
seul malade âgé, mais aussi au contexte socio-familial
où il évolue.
SPÉCIFICITÉS SÉMIOLOGIQUES ET
ÉTIOLOGIQUES
________________________________
A
vant de typer l’agr
essivité selon un cadr
e diagnostique
précis, il importe de gar
der à l’esprit le sens adaptatif
qu’elle peut signifier
. Il est dif
ficile de concevoir que l’a
-
gr
essivité a, elle aussi, sa valeur défensive lorsqu’on se
tr
ouve face à une personne âgée (P
A) qui n’a pas cons
-
cience de ses dif
ficultés mais il importe de toujours y
penser
. C’est elle par exemple qui anime le cancér
eux
La Revue de Gériatrie, T
ome 28, N°4
A
VRIL 2003
350
Figur
e 1 : Etiologie de l’agitation chez la personne âgée.
Figur
e 1 : Causes of agitation in elderlies.
D3AP
D3
Episode Psychotique
Fréquence des idées de préjudice
Aide humaine
inadaptée
Dépr
ession hostile
48% colèr
eDouleur
Démence
Alcoolisme
Personnalité
pathologique
15% dans l’entourage
Agitation et agr
essivité du sujet âgé
livrant une bataille pour sa survie: ainsi Fr
eud qui lance
au
m
édecin venu lui annoncer son diagnostic de cancer :
«Qui vous a donné le dr
oit de me tuer ?» (lettr
e à W
.
Fli
e
ss du 22
/
06
/
1
8
94
)
. Pour Freud, l
agressivi est ainsi
un sentim
e
nt plus archaïque que l’amour et
elle trouve sa
s o u r
ce dans les pulsions de conservation du
m
oi.
C’est en quoi, et plus particulièr
ement hors du champ
psychiatrique, «l’agr
essivité est d’abor
d une attitude
générale devant la vie; elle désigne le dynamisme d’une
personne qui s’af
fir
me, qui ne fuit pas les dif
ficultés ni
la lutte pour la vie. Elle est un phénomène nor
mal, un
élément de défense per
manente de l’homme face aux
facteurs de str
ess de son envir
onnement» selon T
ribolet.
L’agitation et l’agr
essivité dépr
essives
font parler
de pression hostil
e
. Derrière l’agitation et l’agr
e s s i v i t é
se profilen
t
la détresse du
m
alade, pour ne pas parler
aussi parfois du désarroi des soignants. Dans ces états
d é p r
essifs, les attaques de colère seraient prédominan-
tes, l’agressivité aurait valeur d’appel à l’aide. Les tr
o u
-
bles comporte
m
entaux amènent les soignants à qualifier
ces patients de difficiles, voire de caractériels. D
a
ns ces
cas, les propos et gestes violents vont masquer lapr
e s
-
sion. Point capital, dans la pression, le niveau de l’a-
g re
s
sivi est variable, tantôt relatif, tantôt absent.
L’agitation anxieuse,
satellite d’une attaque de
p a n
-
ique chez la personne âgée. Le trouble panique est sous-
estimé chez la p
e
rsonne âgée ( 4 ) et la récurrence des cri-
ses d’angoisse, souvent méconnue, du fait de l’abrasion
de la symptomatologie par des prescriptions
«
à l’aveugle»
ou par la focalisation médicale sur les troubles so
m
a-
tiques, par exe
m
ple cardi
a
ques, seuls pris en co
m
pte. La
ambulation du dé
m
ent, les plain
t
es iratives ou les
coups de sonnettepétitifs doivent y faire penser.
La schizophrénie vieillie :
La cessation des contacts
sociaux aggrave l’agitation. Grivois notait en particulier
que «Chez certains schizophrènes, indif
fér
ents en appa
-
r
ence, par
fois même figés et catatonique, mais sujets à
des hallucinations, à un syndr
ome d’influence, on peut
assister à l’apparition inattendue d’un raptus furieux».
Pour autant ces der
niers sont rar
es car selon Léger et
Léger
, l’évolution de la maladie se caractérise par une
baisse inhomogène de la symptomatologie psychotique,
en particulier ce qui touche «le signifiant de la folie», fait
d’excitation, de tension, d’agitation
(5).
Chez le paranoïaque,
l‘agr
essivité est en lien avec le
désir de pr
ouver sa for
ce ; l’objectif thérapeutique est ici
de créer un climat de sécurité, c’est à dir
e de per
mettr
e
au malade d’exprimer son agr
essivité sans danger de
r
eprésailles (sans qu’on devienne agr
essif avec lui.)
L
e
cara
c
t
è
r
e
po t
e
ntiell
e
m
e
nt dang
e
r
e
ux
d
u
patie
n
t
p
s
ychotiq
u
ene doit toutefois ja
m
ais être oublié
m
ême si chez le sujet â ce qui pose problème est assez
souvent la non
prise en charge psychiatrique, qui peut
elle-
m
ême provenir de la problé
m
atique p
s
ychotique.
C’est ainsi le cas des refus de soins, qui lorsqu’ils ne sont
pas en rappor
t
avec un trouble
panique méconnu ou avec
une c
a
rence d
informations délivrées au
m
alade r
e n v o i e n t
c l a i r
e
m
ent à lobjection absolue du psychotique schizo-
phrène ou délirant chronique
«
qui refuse de consulter et a
fortiori d
être hospitalisé, convaincu qu’il est d
être attiré
vers des pièges grossiers tendus par ses ennemis pour le
r é d u i r
e ou le faire disparaître
»
rappelle Sutter.
La d
é
m
e
nc
e
fro
n
tal
e
: Lasinhibition, les colèr
e
s, lir-
ritabilité, les co
m
portements d’urination sont parallèles à
la pendance totale du malade frontal à son envir
o n n e
-
m
en
t
. Certains comporte
m
ents agressifs sont parfois à
interpréter co
m
me des fenses
m
aniaques face à cette
pend
a
nce et la question se pose alors d’une prise en
c h a r
ge insuffisam
m
ent cadrante. Quoiqu’il en soit, lorsque
l’agitation est de survenue précoce, une
m
ence fr
o n t o -
temporale et une démence vasculaire sont à r
e c h e r
c h e r
.
Pour la maladie d’Alzheimer
,
on distingue deux
modes d’évolution :
1.
Soit de l’agr
essivité et une inversion du rythme
V
eille/Sommeil: les pertes cognitives sont alors rapides.
2.
Soit des traits «psychotiques» - paranoïa et hallucina
-
tions dans la pr
emièr
e année - : et l’on observe des per
-
tes fonctionnelles rapides.
Quoiqu
il en soit les troubles du comportement dans la
m
aladie d’Alzhei
m
er résultent souvent d’une inadaptation
au changement et lagressivité, au mê
m
e titre que les
signes gatifs coûtent particulièrement aux aidants.
Cette agressivité nest pa
s
univoque d
ailleurs et il se peut
qu’elle se veuille essentiellement appel à l’aide et
s
ignal
d ’ a l a r
m
e: en effet la personne âgée peut é
m
ettre le signal
« a g r
essivité
»
afin d’exprimer à son entourage sa tr
e s s e
de se voir incapable de pr
e n d r
e de la distance face à la
mort sans couper les ponts avec le monde objectal ; en
ce cas l
agressivité serait une main tendue et comme
annonciatrice d’un repli et d’une régression plus dange-
reuse encore si rien n’opérait au plan symbolique pour la
r
e v a l i d e r
. Ce serait alors
«
l’agressivité
m
anquée
»
qui ferait
le lit de l’enfer
m
ement dé
m
entiel et du désinvestissement
m o r t i f è r
e.
I
l faut savoir aussi que la démence est rar
e m e n t
responsable par elle-
m
ême de
lagitation.
Il s’agit aussi de r
ester vigilent quand à l’évolution de
cette agitation notamment en ter
mes de risque de
fugue, car l’anosognosie des tr
oubles dans la maladie
d’Alzheimer s’accompagne d’agr
essivité et de tr
oubles
du comportement moteur
. On ne peut ne plus écarter a
La Revue de Gériatrie, T
ome 28, N°4
A
VRIL 2003
351
Agitation et agr
essivité du sujet âgé
priori un autr
e risque, celui des accidents domestiques
dans la mesur
e où l’agitation comporte nécessair
ement
une hyperactivité psychomotrice désor
donnée.
AGIT
A
TION : CONTEXTE INSTITUTIONNEL ET
INTIMITÉ
_______________________________________
L’agr
essivité est souvent réactionnelle à un événement
r
essenti comme frustrant ou hostile, à un placement
subit dans une maison de r
etraite, à un changement
d’envir
onnement, surtout chez le dément. Il est alors le
r
eflet d’une perte de maîtrise de l’envir
onnement. Les
personnes âgées répriment tr
op souvent cette agr
essivi-
té, ce qui les empêche de délimiter leur territoir
e et de
défendr
e leur intimité. Cette der
nièr
e dimension est
particulièr
ement importante à appréhender car des
réponses soignantes inappr
opriées (soi-niantes seraient
plus justes) (Salomé) à type de contention ou d’humilia
-
tion peuvent se voir
, soit qu’on ne tienne pas compte de
la volonté du malade (le changer de chambr
e sans lui
demander son avis) soit qu’une escalade agr
essive soit
entamée avec lui. Le soignant fait partie d’un système
r
elationnel qui inter
fèr
e avec les dif
ficultés du malade
(figur
e 2)
. C’est dans ce cas qu’il est utile de rappeler
que le cadr
e thérapeutique ne peut êtr
e réduit à un
cadr
e de contention. Il ne peut que gagner à devenir un
cadr
e contenant ce qui justifie des actions de soin avec
une base r
elationnelle importante pour l’étayer
. Cela est
fondamental si l’on se souvient notamment que l’agita
-
tion est une des principales raisons de demander le pla
-
cement de son par
ent âgé dépendant.
Encor
e faudrait-il toutefois r
emar
quer qu’il s’agit ici d’a
-
gitation le plus souvent agr
essive et que cette agr
essivi-
té n’est pas orientée «au hasar
d» : c’est surtout l’agr
es-
sivité vécue au cours des toilettes et en rapport avec le
(r
efus de) partage autour de l’alimentation qui initie ce
r
efus de continuer à fair
e épr
euve domestique commu
-
ne. Or il est clair au plan éthologique (Bradshaw) que ce
sont là les sour
ces (toilettage, partage de nourritur
e), des
r
elations de par
enté chez le grand singe. Qui a donc osé
affir
mé agr
essivement que le singe était un cousin de
l’homme ? C’est pour
quoi il est bon de rappeler
, pour
finir sur une note humoristique, que si le «lancer de
fèces», le «crachat» et le «jet d’urine» sont une manièr
e
connue par nos amis les grands singes de manifester
envers le personnel soignant leur humour ar
chaïque, ce
mélange de malice bien observé par les éthologues,
«Les singes ne sont pas tous des agités bruyants. Leurs
vocalisations servent à communiquer
, au sein des gr
ou-
pes, comme entr
e les gr
oupes» (Picq). Cela devrait en
toute bonne logique nous fair
e réfléchir au sens des cris
répétitifs, cette plaie des institutions selon J-M Léger
.
LES THÉRAPEUTIQUES DE L’AGIT
A
TION ET
DE L’AGRESSIVITE DU SUJET ÂGÉ
____________
L’abor
d médicamenteux se complète nécessair
ement
des mesur
es envir
onnementales :
Dans l’agitation légèr
e, on préconisera de r
ester calme,
d’essayer de distrair
e le patient, de sortir le malade
d’une situation anxiogène, de demeur
er congruent dans
notr
e expr
ession verbale et non verbale, de sépar
er les
personnes âgées bruyantes et perturbatrices des per
-
sonnes plus calmes, de réduir
e l’isolement, de four
nir
des activités quotidiennes pr
ogrammées et avec le
même soignant référ
ent
(tableau 2)
...
Dans l’agitation sévèr
e en r
evanche, il s’agit des placer
les r
epèr
es spatiotempor
els, de four
nir un envir
onne
-
ment suf
fisamment bon (sans oublier la petite veilleuse
la nuit), d’autoriser la déambulation dans un espace
aménagé si cela ne met pas le malade en danger
, d’évi-
ter les contentions physiques et plus généralement d’é
-
viter l’affr
ontement.
Dans tous les cas, on essayera de pr
oposer des théra
-
La Revue de Gériatrie, T
ome 28, N°4
A
VRIL 2003
352
Figur
e 2 : T
r
oubles du comportements et aidants.
Figur
e 2 : Relationship between beheviour disor
der and car
egivurs.
Les aidants font
partie du système
r
elationnel
Les aidants ont
une demande
thérapeutique
T
empo non r
especté
Détr
esse de
l’aidant
Agressivité du
SA
Irritabilité
Perte de disponibilité
T
ableau 2 : Attitudes interpersonnelles.
T
able 2 : Interpersonal behaviours.
AMÉLIORA
TION DE L’ENVIRONNEMENT INTERPERSONNEL
- Pr
endr
e du temps pour s’asseoir à côté, écouter et répondr
e.
- Reste r cad
r
ant, fer
m
e ma is n
o
n
h
ost
i
le :
p
e
n
se
r
à
l
a souffra
n
ce de
r
r
i
è
r
e
l
’ag
r
e s s i v i t é
- Eviter l’escalade symétrique : dir
e l’ef
fet pr
oduit sur soit par l’agr
essivité
- Assur
er un congruence entr
e communication verbale et non verbale
- Se mettr
e à la hauteur visuelle du SA.
- Donner des solutions en utilisant un vocabulair
e adapté au SA.
Agitation et agr
essivité du sujet âgé
pies alter
natives, er
gothérapie, musicothérapie.
L’appr
oche médicamenteuse est indispensable dans le
cas d’une agitation sévèr
e. En pratique, si les nouveaux
antipsychotiques
(
rispéridone notam
m
ent) semblent
intér
essants dans les décompensations délirantes ou les
psychoses parkinsoniennes), le tiapride apparaît en pr
e-
mièr
e intention la molécule de référ
ence. Il maintient ou
amélior
e la vigilance et r
especte les fonctions supérieu
-
r
es des personnes âgées. D’autr
e part son ef
ficacité sur
l’agitation et l’agr
essivité est établies par plusieurs étu
-
des multicentriques en comparaison avec des neur
olep-
tiques et contr
e placébo
Lorsqu’un ef
fet sédatif est r
echer
ché, il est clair que le
neur
oleptique le plus utilisé par les pr
escripteurs est
l’Halopéridol. Or on connaît les syndr
omes extrapyra
-
midaux induits par l’Halopéridol et le glissement de l’a
-
gitation, en particulier chez le dément, à l’inhibition
motrice après l’intr
oduction de la thérapeutique.
Dans le but de cibler des symptômes spécifiques, l’em
-
ploi des anticonvulsivants et en particulier du Tégrétol et
du T
rileptal (même famille chimique) paraît particulièr
e-
ment intér
essante pour traiter l’agr
essivité du sujet âgé.
La Carbamazépine et Dépamide sont intér
essants car ils
ne modifient par les per
for
mances amnésiques et la ten
-
sion artérielle. Le T
rileptal, quant à lui, ne présente pas
d’interactions médicamenteuses (psychotr
opes, antivita
-
mines K), seule la natrémie et la fonction rénale devant
êtr
e de préfér
ence surveillées chez le sujet âgé.
Il en est de
m
e des antipresseurs sér
o t o n i n e r
g i q u e s
et de no
m
breux cliniciens ont traités e
m
pirique
m
ent l’a-
g r
essivité des patients avec des inhibiteurs lectifs de la
s é r
otonine. Lorsque la perte de contrôle de l’envir
o n n e
-
m
ent, est à l’origin
e
de lagressivité et l’hostilité, lamio-
logie pressive est souvent en cause et il est logique de
p r
e s c r i r
e un anti-dépresseur sér
o t o n i n e r
gique. Si l
e
m
ploi
de cette classedica
m
enteuse reste a évalu
e
r plus cor-
recte
m
ent dans cette indication, il est recommandé d’utili-
ser dans ce sens des molécules qui elles
m
êmes ont une
très faible densi d’incidence d’agitation. En ce sens, la
sertraline et la paroxetine sont de bonnes molécules, ainsi
que la trazodone dont l’emploi a é validé outre
Atlantique. A doses i
m
portantes la trazodone a égale
m
ent
été reconnue com
m
e efficace dans l
agitation verbale. Les
s é r
o t o n i n e r
giques apparaissent com
m
e la pr
e m i è r
e ligne
de traitement, en particulier lorsque les sy
m
ptô
m
es dépr
e s
-
sifs et lhostili sont au premier plan. Leur profil d’ef
f e t s
indésirables avec peu d’effet anticholinergiques et d’ef
f e t
hypotenseurs les placent en premier par rapport aux anti-
d é p r
esseurs tricycliques.
I
l conviendra d’être prudent dans
leur usage en cas d’
œ
m
es, d’insuffisance cardiaque, d’usage
conjoint de certains médica
m
ents comm
e
les
diurétiques,
où un dosage régulier de la natrémie s’impose.
La classe des benzodiazépines n’est plus guèr
e r
ecom
-
mandable dans la mesur
e où l’on connaît l’importance
des chutes et des confusions iatr
ogènes liées à leur
emploi. Elle r
este par
fois utile dans cette indication,
mais à des posologies le plus faible possible. C’est ainsi
qu’elle peuvent tr
ouver leur utilité en cas d’anxiété ou de
tension.
La buspir
one a été utilisée dans des cas non ur
gents d’a
-
gitation, et il est à r
emar
quer que cette molécule ne pr
o-
duit pas de sédation et est donc d’emploi utile chez la
personne âgée. Le seul inconvénient de la buspir
one est
le long délai de mise à niveau de son ef
ficacité, mais son
emploi peut êtr
e utile en particulier comme alter
native
aux neur
oleptiques dans l’agitation légèr
e.
Quelques r
e m a r
ques générales doivent compléter cette
a p p r
oche prag
m
atique de lagitation au plan
m
édicamen-
teux. Il serait faux d
utiliser des aides au diagnostic, en par-
tant de l’efficacité des thérapeutiques sur les symptômes.
C
est une erreur et il s’agit de r
e g a r
der plutôt les réactions
à l
environnement et c’est ainsi que lon peut individualiser
des réactions hostiles ou certaines réactions dispr
o p o r t i o n
-
es répétitives co
m
me les moins d’une demande d’aide
comporte
m
entale. C’est pourquoi il faut
m
aintenir, autant
que possible, la
P
A dans son cadre fa
m
ilier et réaliser
des
soins de nursing appropriés. Il est égale
m
ent utile de tou-
jours établir avec le
m
alade une relation de confiance
lorsque cela est possible. Lorsque la décision de traiter
dicamenteusement est prise, il faut toujours traiter sans
t a r
der pour éviter l’épuise
m
ent des soignants puis leur dés-
investissement, ce qui accentu
e
rait le sentiment d’abandon
de la PA et finale
m
ent son angoisse et son agressivi. Il y
a lieu égale
m
ent de ne pas tirer dans le br
o u i l l a r
d : les pr
e s
-
criptions sont parfois l’arrêt pur et simple des thérapeu-
tiques, sourc
e
de confusion, notam
m
ent lorsque celles-ci
ont des propriétés anticholiner
g i q u e s .
Lorsque la
m
arche diagnostique et étiologique
a é
menée, il y a alors effective
m
ent lieu de cibler les pr
e s c r i p
-
tions psychotropes. On essayera toujours de favoriser un
traite
m
ent dica
m
enteux anticonfusionnel et anxiolytique
et cest pourquoi les neuroleptiques benza
m
ines
(
tiapride,
sulpiride
)
sont en ce
sens les
m
ieux indiqués.
I
l faut toujours
se rappeler également que bien que les neur
o l e p t i q u e s
apparaissent com
m
e un traitement
«
passe partout» de l’a-
gi
t
ation, leur efficaci ne fait l
unani
m
ité. Peut-être en
viendra-t-on à réserver leur prescription aux tableaux psy-
chiatriques et à rester très réservé quant à leur usage lors-
qu’existent des pathologies organiques com
m
e c’est deve-
nu le cas aux Etats Unis. L’akathisie qu
ils peuvent induir
e ,
l’akinésie aussi, sont des effets secondaires nants et des
facteurs certains de non observance du traitement. D
e
plus,
si les neuroleptiques se
m
ontrent efficaces sur la
m
éfiance,
l
e
s hallucinations, l’hostilité, l
hyperactivi, l
exci
t
ation,
l’insomnie, ils le sont beaucoup moins sur les fugues, la
déambulation, les stéréotypies. Ce qui nous amène à
La Revue de Gériatrie, T
ome 28, N°4
A
VRIL 2003
355
1 / 6 100%

Agitation et agressivité du sujet âgé : de la clinique avant toute chose !

La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !