ENSEIGNEMENT Agitation et agressivité du sujet âgé : de la clinique avant toute chose ! Agitation and aggressiveness of elderly Cyril HAZIF-THOMAS, Dominique LÉGER, Philippe THOMAS agitation est classiquement une des port d’entrée en psychogériatrie et Mega l’estime extrêmement fréquente (46 à 90% selon les séries) (1). Comptant parmi les motifs de consultation fréquents en Psycho-gériatrie, l’agitation et l’agressivité du Sujet Âgé (SA) sont souvent mal vécus. Leur abord est malaisé et le pire serait de stigmatiser un malade âgé par l’image d’un comportement anormal, quand il est par fois passager. Bien prendre en charge un trouble du comportement chez l’aîné implique donc d’aller au-delà de la présentation du malade pour entendre sa subjectivité, sa souffrance et se rappeler que toute la vie psychologique consiste à se comporter dans le monde, donc que tout symptôme a un sens. L’ anxieuse charrie d’avenir catastrophique : cela est particulièrement vrai lors de l’agitation de la dépression due à l’anxiété, qu’on peut aussi regarder comme un état mixte, dépressif à comorbidité anxieuse. A l’inverse du retrait et du repli sur soi, existe l’agitation. Le malade peut ainsi exprimer ses frustrations en marchant de long en large, en déchirant ses vêtements, en criant, en faisant des gestes répétitifs. Cette réalité clinique comporte également des comportements agressifs consistant en des colères, des propos accusateurs, des gestes hostiles et des attitudes violentes (tableau 1)… Tableau 1 : Types d’agitation. Table 1 : Styles of agitation. AGITATION LEGERE : • Comportement perturbateur pour les autres, mais qui n’est pas agressif et pose peu de risque de danger. • Les soignants se sentent mis à l’épreuve et ont besoin de soutien. DÉFINITION ____________________________________ L’agitation est un comportement perturbant l’environnement, fait d’excitation et d’instabilité psychomotrice, d’intensité et de durée variable. Elle peut être ou non associée à l’agressivité. Plus précisément, il s’agit d’un comportement vocal ou moteur, perturbateur ou hasardeux dont le caractère disproportionné est néfaste soit pour autrui soit pour le malade lui-même. La personne âgée est handicapée dans sa relation à l’environnement par une conscience impar faite, du degré et de la nature de son trouble. Derrière le symptôme, existe une lutte qui se livre dans le moi du malade, lutte dont la personne menacée est l’enjeu. Cette notion de menace est centrale car il y a dans l’agressivité le désir de ne pas se laisser subm erger et envahir par ce que la menace Exemples : gémissem ents, cris, ergot age , questi ons ré pé titives, stéréotypi es motrices, utili sati on du té lé phone, errance m ais canalisables, s’adresser de façon inapr opriée à des étrangers... AGITATION SEVERE : • Comportement agressif ou dangereux qui est très perturbateur et/ou pr ovoque une menace ou un préjudice physique pur soi ou pour les autr es. • L’agitation est une sour ce majeur e de difficultés pour les soignants. Les consignes verbales de bons sens et le recadrage les soignants sont inefficaces. Exemples : hurlements, essais insistants de quitter la résidence ou fugues, diffi cultés alimentaires et opposition aux soins, jeter des objets, empoigner ou grif fer des soignants, blesser les autr es ou soi-même. Service Universitaire de Psychogériatrie (Limoges), France. Service de Psychogériatrie (Niort), France. Auteur correspondant : Docteur Cyril Hazif-Thomas. Article reçu le 04.01.2003 - Accepté le 05.03.2003. La Revue de Gériatrie, Tome 28, N°4 AVRIL 2003 349 Agitation et agressivité du sujet âgé Figur e 1 : Etiologie de l’agitation chez la personne âgée. Figure 1 : Causes of agitation in elderlies. L’agitation demeure un tr ouble fréquent et Grossberg rapporte un taux de 81% en moyenne en maison de retraite à partir d’une étude sur 43 établissements (2). L’agitation et l’agressivité de la personne âgée sont un problème majeur pour les soignants. Il n’est pas sûr que des infirmières bien entraînées à gérer la vie de relation soient moins fréquemment confrontées à la violence. Le savoir-faire en la matière est complémentaire de la mise en place d’un cadre thérapeutique afin que l’environnement soit sécurisant, rassurant : c’est en ce sens qu’il faut relativiser l’observation selon laquelle l’agitation et la violence sont d’autant plus prononcées que les performances cognitives sont basses. La violence est une extension de l’agressivité, se définissant en référence à un acte. Elle désigne donc tout acte agressif qui implique un contact physique. La violence symbolique n’a toutefois pas besoin de ce contact pour exister et si une forte personnalité ne tue pas par elle-même «il est possible de détruire quelqu’un avec des mots» : on parle alors de violence perverse. D3AP D3 Dépression hostile 48% colère Douleur Démence Aide humaine inadaptée Alcoolisme Personnalité pathologique 15% dans l’entourage Il faut savoir en effet, que la démence est rarement directement responsable de l’agitation. Les symptômes psychotiques sont fréquents et surviennent dans près de 50% des cas de maladie d’Alzheimer et dans 9 à 40% des cas de démence vasculaire. La personnalité du malade ne doit pas être la seule à prendre en compte. Une aide humaine inadaptée serait déclenchante des manifestations d’agitation dans 12,5% des cas. Les troubles du comportement sont la raison majeure des admissions des patients déments en institution et il y a donc là des drames humains et familiaux qui ne font pas toujours l’économie de la violence symbolique ou physique, de la maltraitance. L’épuisement des soignants familiaux n’explique pas tout et l’alcoolisme, le trouble de personnalité d’un aidant vont toujours de paire avec une souffrance familiale méconnue. En d’autres termes, le trouble du comportement ne doit pas renvoyer au seul malade âgé, mais aussi au contexte socio-familial où il évolue. LA DÉMARCHE ÉTIOLOGIQUE ________________ Quelques soient les méthodes d’approche employées, il est bon de rappeler la règle suivante : tout symptôme psychiatrique apparaissant chez le sujet âgé devrait faire l’objet d’une anamnèse, d’un examen somatique, d’une évaluation comportementale et d’un entretien avec les demandeurs de la consultation. Rarement, le patient peut demander de l’aide par lui-même, étant souvent atteint dans ses capacités de communication ou bien percevant autrui comme aussi impuissant que lui. Il est impératif qu’un examen psychocognitif soit mené, comprenant un MMS, un bilan gérontologique, des examens complémentaires orientés par le contexte clinique. Il faudra rester simple dans sa démarche et chercher cinq causes prioritaires regroupées dans le sigle mémotechnique (figure 1) D3AP où D3 signifie Delirium (confusion), Dépression, Douleur, A = Aide humaine inadaptée et P = Episode psychotique (3). L’apport de l’environnement relationnel est fondamental. L’entourage nous apprendra ainsi que chez le confus, la survenue des troubles est rapide après un changement intervenu dans l’environnement, que les hallucinations peuvent accompagner l’agitation. Il nous apprendra par exemple que des douleurs s’associent parfois à une infection, apparemment seule connue. Une rétention urinaire peut êtr e ailleurs responsable d’une agitation. Il nous aidera à reconnaître derrièr e l’agitation verbale d’un dément, l’existence d’une souffrance dépressive. La Revue de Gériatrie, Tome 28, N°4 AVRIL 2003 Episode Psychotique Fréquence des idées de préjudice SPÉCIFICITÉS SÉMIOLOGIQUES ET ÉTIOLOGIQUES ________________________________ Avant de typer l’agressivité selon un cadre diagnostique précis, il importe de garder à l’esprit le sens adaptatif qu’elle peut signifier. Il est difficile de concevoir que l’agressivité a, elle aussi, sa valeur défensive lorsqu’on se trouve face à une personne âgée (PA) qui n’a pas conscience de ses difficultés mais il importe de toujours y penser. C’est elle par exemple qui anime le cancéreux 350 Agitation et agr essivité du sujet âgé livrant une bataille pour sa survie: ainsi Freud qui lance au médecin venu lui annoncer son diagnostic de cancer : «Qui vous a donné le droit de me tuer ?» (lettre à W. Fliess du 22/06/1894). Pour Freud, l’ agressivité est ainsi un sentiment plus archaïque que l’amour et elle trouve sa source dans les pulsions de conservation du moi. C’est en quoi, et plus particulièrement hors du champ psychiatrique, «l’agressivité est d’abord une attitude générale devant la vie; elle désigne le dynamisme d’une personne qui s’affirme, qui ne fuit pas les difficultés ni la lutte pour la vie. Elle est un phénomène normal, un élément de défense permanente de l’homme face aux facteurs de stress de son environnement» selon Tribolet. Le caractère po ten tiel lem ent dangereux du patient psychotique ne doit toutefois jamais être oublié mêm e si chez le sujet âgé ce qui pose problème est assez souvent la non prise en charge psychiatrique, qui peut elle-même provenir de la problématique psychotique. C’est ainsi le cas des refus de soins, qui lorsqu’ils ne sont pas en rapport avec un trouble panique m éconnu ou avec une carence d’ informations délivrées au malade renvoient clairement à l’objection absolue du psychotique schizophrène ou délirant chronique «qui refuse de consulter et a fortiori d’ être hospitalisé, convaincu qu’il est d’ être attiré vers des pièges grossiers tendus par ses ennem is pour le réduire ou le faire disparaître» rappelle Sutter. L’agitation et l’agressivité dépressives font parler de dépression hostile. Derrière l’agitation et l’agressivité se profilent la détresse du malade, pour ne pas parler aussi parfois du désarroi des soignants. Dans ces états dépressifs, les attaques de colère seraient prédominantes, l’agressivité aurait valeur d’appel à l’aide. Les troubles comportementaux amènent les soignants à qualifier ces patients de difficiles, voire de caractériels. Dans ces cas, les propos et gestes violents vont m asquer la dépression. Point capital, dans la dépression, le niveau de l’agressivité est variable, tantôt relatif, tantôt absent. La démence frontale : La désinhibition, les colères, l’irritabilité, les comportements d’urination sont parallèles à la dépendance totale du m alade frontal à son environnement. Certains com portements agressifs sont parfois à interpréter comme des défenses maniaques face à cette dépendance et la question se pose alors d’une prise en charge insuffisamment cadrante. Quoiqu’il en soit, lorsque l’agitation est de survenue précoce, une démence frontotemporale et une démence vasculaire sont à rechercher. Pour la maladie d’Alzheimer, on distingue deux modes d’évolution : 1. Soit de l’agressivité et une inversion du rythme Veille/Sommeil: les pertes cognitives sont alors rapides. 2. Soit des traits «psychotiques» - paranoïa et hallucinations dans la première année - : et l’on observe des pertes fonctionnelles rapides. Quoiqu’ il en soit les troubles du comportement dans la maladie d’Alzheimer résultent souvent d’une inadaptation au changem ent et l’agressivité, au m ême titre que les signes négatifs coûtent particulièrem ent aux aidants. Cette agressivité n’est pas univoque d’ ailleurs et il se peut qu’elle se veuille essentiellement appel à l’aide et signal d’alarme: en effet la personne âgée peut émettre le signal «agressivité» afin d’exprimer à son entourage sa détresse de se voir incapable de prendre de la distance face à la mort sans couper les ponts avec le m onde objectal ; en ce cas l’ agressivité serait une main tendue et com me annonciatrice d’un repli et d’une régression plus dangereuse encore si rien n’opérait au plan symbolique pour la revalider. Ce serait alors «l’agressivité manquée» qui ferait le lit de l’enfermement démentiel et du désinvestissem ent mortifère. Il faut savoir aussi que la démence est rarement responsable par elle-même de l’agitation. Il s’agit aussi de rester vigilent quand à l’évolution de cette agitation notamment en termes de risque de fugue, car l’anosognosie des troubles dans la maladie d’Alzheimer s’accompagne d’agressivité et de troubles du comportement moteur. On ne peut ne plus écarter a L’agitation anxieuse, satellite d’une attaque de panique chez la personne âgée. Le trouble panique est sousestimé chez la personne âgée (4) et la récurrence des crises d’angoisse, souvent méconnue, du fait de l’abrasion de la symptom atologie par des prescriptions «à l’aveugle» ou par la focalisation médicale sur les troubles somatiques, par exemple cardiaques, seuls pris en compte. La déambulation du dément, les plaintes itératives ou les coups de sonnette répétitifs doivent y faire penser. La schizophrénie vieillie : La cessation des contacts sociaux aggrave l’agitation. Grivois notait en particulier que «Chez certains schizophrènes, indifférents en apparence, parfois même figés et catatonique, mais sujets à des hallucinations, à un syndrome d’influence, on peut assister à l’apparition inattendue d’un raptus furieux». Pour autant ces derniers sont rares car selon Léger et Léger, l’évolution de la maladie se caractérise par une baisse inhomogène de la symptomatologie psychotique, en particulier ce qui touche «le signifiant de la folie», fait d’excitation, de tension, d’agitation (5). Chez le paranoïaque, l‘agressivité est en lien avec le désir de prouver sa force ; l’objectif thérapeutique est ici de créer un climat de sécurité, c’est à dire de permettre au malade d’exprimer son agressivité sans danger de représailles (sans qu’on devienne agressif avec lui.) La Revue de Gériatrie, Tome 28, N°4 AVRIL 2003 351 Agitation et agressivité du sujet âgé priori un autre risque, celui des accidents domestiques dans la mesure où l’agitation comporte nécessairement une hyperactivité psychomotrice désordonnée. (refus de) partage autour de l’alimentation qui initie ce refus de continuer à faire épreuve domestique commune. Or il est clair au plan éthologique (Bradshaw) que ce sont là les sources (toilettage, partage de nourriture), des relations de parenté chez le grand singe. Qui a donc osé affirmé agressivement que le singe était un cousin de l’homme ? C’est pourquoi il est bon de rappeler, pour finir sur une note humoristique, que si le «lancer de fèces», le «crachat» et le «jet d’urine» sont une manière connue par nos amis les grands singes de manifester envers le personnel soignant leur humour archaïque, ce mélange de malice bien observé par les éthologues, «Les singes ne sont pas tous des agités bruyants. Leurs vocalisations servent à communiquer, au sein des groupes, comme entre les groupes» (Picq). Cela devrait en toute bonne logique nous faire réfléchir au sens des cris répétitifs, cette plaie des institutions selon J-M Léger. AGITATION : CONTEXTE INSTITUTIONNEL ET INTIMITÉ _______________________________________ L’agressivité est souvent réactionnelle à un événement ressenti comme frustrant ou hostile, à un placement subit dans une maison de retraite, à un changement d’environnement, surtout chez le dément. Il est alors le reflet d’une perte de maîtrise de l’environnement. Les personnes âgées répriment trop souvent cette agressivité, ce qui les empêche de délimiter leur territoire et de défendre leur intimité. Cette dernièr e dimension est particulièrement importante à appréhender car des réponses soignantes inappropriées (soi-niantes seraient plus justes) (Salomé) à type de contention ou d’humiliation peuvent se voir, soit qu’on ne tienne pas compte de la volonté du malade (le changer de chambre sans lui demander son avis) soit qu’une escalade agressive soit entamée avec lui. Le soignant fait partie d’un système relationnel qui interfère avec les difficultés du malade (figure 2) . C’est dans ce cas qu’il est utile de rappeler que le cadre thérapeutique ne peut être réduit à un cadre de contention. Il ne peut que gagner à devenir un cadre contenant ce qui justifie des actions de soin avec une base relationnelle importante pour l’étayer. Cela est fondamental si l’on se souvient notamment que l’agitation est une des principales raisons de demander le placement de son parent âgé dépendant. Encore faudrait-il toutefois remarquer qu’il s’agit ici d’agitation le plus souvent agressive et que cette agressivité n’est pas orientée «au hasard» : c’est surtout l’agressivité vécue au cours des toilettes et en rapport avec le LES THÉRAPEUTIQUES DE L’AGITATION ET DE L’AGRESSIVITE DU SUJET ÂGÉ ____________ L’abord médicamenteux se complète nécessairement des mesures environnementales : Dans l’agitation légère, on préconisera de rester calme, d’essayer de distraire le patient, de sortir le malade d’une situation anxiogène, de demeurer congruent dans notr e expression verbale et non verbale, de séparer les personnes âgées bruyantes et perturbatrices des personnes plus calmes, de réduire l’isolement, de fournir des activités quotidiennes programmées et avec le même soignant référent (tableau 2) ... Dans l’agitation sévère en revanche, il s’agit des placer les repères spatiotemporels, de fournir un environnement suffisamment bon (sans oublier la petite veilleuse la nuit), d’autoriser la déambulation dans un espace aménagé si cela ne met pas le malade en danger, d’éviter les contentions physiques et plus généralement d’éviter l’affrontement. Dans tous les cas, on essayera de proposer des théra- Figure 2 : Troubles du comportements et aidants. Figure 2 : Relationship between beheviour disor der and caregivurs. Les aidants font partie du système relationnel Tempo non respecté Tableau 2 : Attitudes interpersonnelles. Table 2 : Interpersonal behaviours. Les aidants ont une demande thérapeutique AMÉLIORATION DE L’ENVIRONNEMENT INTERPERSONNEL Détresse de l’aidant Perte de disponibilité - Prendre du temps pour s’asseoir à côté, écouter et répondr e. - Reste r cadrant, ferme ma is non hostile : penser à l a souffrance derri ère l’agressivité - Eviter l’escalade symétrique : dire l’effet produit sur soit par l’agr essivité - Assurer un congruence entre communication verbale et non verbale - Se mettre à la hauteur visuelle du SA. - Donner des solutions en utilisant un vocabulair e adapté au SA. Agressivité du SA Irritabilité La Revue de Gériatrie, Tome 28, N°4 AVRIL 2003 352 Agitation et agr essivité du sujet âgé pies alternatives, er gothérapie, musicothérapie. L’approche médicamenteuse est indispensable dans le cas d’une agitation sévère. En pratique, si les nouveaux antipsychotiques ( rispéridone notamment) semblent intéressants dans les décompensations délirantes ou les psychoses parkinsoniennes), le tiapride apparaît en première intention la molécule de référence. Il maintient ou améliore la vigilance et respecte les fonctions supérieures des personnes âgées. D’autre part son efficacité sur l’agitation et l’agressivité est établies par plusieurs études multicentriques en comparaison avec des neurolep tiques et contre placébo Lorsqu’un effet sédatif est recherché, il est clair que le neuroleptique le plus utilisé par les prescripteurs est l’Halopéridol. Or on connaît les syndromes extrapyramidaux induits par l’Halopéridol et le glissement de l’agitation, en particulier chez le dément, à l’inhibition motrice après l’introduction de la thérapeutique. Dans le but de cibler des symptômes spécifiques, l’emploi des anticonvulsivants et en particulier du Tégrétol et du Trileptal (même famille chimique) paraît particulièrement intéressante pour traiter l’agressivité du sujet âgé. La Carbamazépine et Dépamide sont intéressants car ils ne modifient par les performances amnésiques et la tension artérielle. Le Trileptal, quant à lui, ne présente pas d’interactions médicamenteuses (psychotropes, antivita mines K), seule la natrémie et la fonction rénale devant être de préférence surveillées chez le sujet âgé. Il en est de même des antidépresseurs sérotoninergiques et de nombreux cliniciens ont traités empiriquement l’agressivité des patients avec des inhibiteurs sélectifs de la sérotonine. Lorsque la perte de contrôle de l’environnement, est à l’origine de l’agressivité et l’hostilité, la sémiologie dépressive est souvent en cause et il est logique de prescrire un anti-dépresseur sérotoninergique. Si l’emploi de cette classe médicamenteuse reste a évaluer plus correctement dans cette indication, il est recom mandé d’utiliser dans ce sens des molécules qui elles mêmes ont une très faible densité d’incidence d’agitation. En ce sens, la sertraline et la paroxetine sont de bonnes molécules, ainsi que la trazodone dont l’emploi a été validé outre Atlantique. A doses importantes la trazodone a également été reconnue com me efficace dans l’ agitation verbale. Les sérotoninergiques apparaissent com me la première ligne de traitement, en particulier lorsque les symptômes dépressifs et l’hostilité sont au premier plan. Leur profil d’effets indésirables avec peu d’effet anticholinergiques et d’effet hypotenseurs les placent en premier par rapport aux antidépresseurs tricycliques. Il conviendra d’être prudent dans leur usage en cas d’œdèmes, d’insuffisance cardiaque, d’usage conjoint de certains médicaments com me les diurétiques, où un dosage régulier de la natrémie s’impose. La classe des benzodiazépines n’est plus guère recomLa Revue de Gériatrie, Tome 28, N°4 AVRIL 2003 mandable dans la mesure où l’on connaît l’importance des chutes et des confusions iatrogènes liées à leur emploi. Elle reste parfois utile dans cette indication, mais à des posologies le plus faible possible. C’est ainsi qu’elle peuvent trouver leur utilité en cas d’anxiété ou de tension. La buspirone a été utilisée dans des cas non urgents d’agitation, et il est à remarquer que cette molécule ne produit pas de sédation et est donc d’emploi utile chez la personne âgée. Le seul inconvénient de la buspirone est le long délai de mise à niveau de son efficacité, mais son emploi peut être utile en particulier comme alternative aux neuroleptiques dans l’agitation légère. Quelques remarques générales doivent compléter cette approche pragmatique de l’agitation au plan médicamenteux. Il serait faux d’utiliser des aides au diagnostic, en partant de l’efficacité des thérapeutiques sur les symptôm es. C’ est une erreur et il s’agit de regarder plutôt les réactions à l’environnement et c’est ainsi que l’on peut individualiser des réactions hostiles ou certaines réactions disproportionnées répétitives comme les témoins d’une demande d’aide comportementale. C’est pourquoi il faut maintenir, autant que possible, la PA dans son cadre familier et réaliser des soins de nursing appropriés. Il est également utile de toujours établir avec le malade une relation de confiance lorsque cela est possible. Lorsque la décision de traiter médicamenteusement est prise, il faut toujours traiter sans tarder pour éviter l’épuisement des soignants puis leur désinvestissement, ce qui accentuerait le sentiment d’abandon de la PA et finalement son angoisse et son agressivité. Il y a lieu également de ne pas tirer dans le brouillard : les prescriptions sont parfois l’arrêt pur et simple des thérapeutiques, source de confusion, notamment lorsque celles-ci ont des propriétés anticholinergiques. Lorsque la démarche diagnostique et étiologique a été menée, il y a alors effectivement lieu de cibler les prescriptions psychotropes. On essayera toujours de favoriser un traitement médicamenteux anticonfusionnel et anxiolytique et c’est pourquoi les neuroleptiques benzamines ( tiapride, sulpiride) sont en ce sens les mieux indiqués. Il faut toujours se rappeler également que bien que les neuroleptiques apparaissent comme un traitement «passe partout» de l’agitation, leur efficacité ne fait l’ unanimité. Peut-être en viendra-t-on à réserver leur prescription aux tableaux psychiatriques et à rester très réservé quant à leur usage lorsqu’existent des pathologies organiques comme c’est devenu le cas aux Etats Unis. L’akathisie qu’ils peuvent induire, l’akinésie aussi, sont des effets secondaires gênants et des facteurs certains de non observance du traitement. De plus, si les neuroleptiques se montrent efficaces sur la méfiance, les hallucinations, l’hostilité, l’hyperactivité, l’ excitation, l’insomnie, ils le sont beaucoup moins sur les fugues, la déambulation, les stéréotypies. Ce qui nous amène à 355 Agitation et agressivité du sujet âgé considérer qu’il faut toujours évaluer la dépendance à l’environnement. Si celle-ci est totale, des éléments frontaux sont parfois retrouvés lors des épreuves neuropsychologiques et lors des tests psychométriques. En dehors du cadre de la démence frontale, fronto-temporale, de la démence à corps de Léwy, dans laquelle la prescription de neuroleptiques est par fois désastreuse , la présence de stéréotypies doit faire tenter une prescription antidépressive I.M.A.O. L’institution paradoxale des manifestations agressives avec des anxiolytiques de type benzodiazépiniques doit faire préférer la buspirone, agoniste 5 H T 1 partiel. Il faut savoir objectiver dans la durée l’efficacité et l’utilité d’une prescription au long cours, qu’il s’agisse d’un traitement neuroleptique ou relationnel. L’hyper-stimulation d’un patient dépressif non encore rétabli, une rééducation orthophonique entraînant de mauvais résultats en particulier en début de maladie, vont déclencher de l’agressivité devant les mises en échec successives. Il y a donc lieu d’y remédier. che multidisciplinaire, même si ceux-ci ne seront jamais tout à fait stabilisés, compte tenu de la relative impuissance dans laquelle nous sommes à guérir certains états pathologiques. Même si les thérapeutiques anti-démentielles ne sont encore qu’anti-évolutives, leur effet très prometteur dans les troubles du com portem ent, est un indice thérapeutique certain pour la qualité de prise en charge du SA et pour sa qualité de vie. ■ LA CONDUITE A TENIR CHEZ LE DÉMENT AGITÉ __________________________________________ QCM ___________________________________________ RÉFÉRENCES __________________________________ 1. 2. 3. 4. 5. 1 - Devant une agitation de la personne âgée en institution A. Les antipsychotiques sont systématiques compte tenu de la douleur morale. B. Les antidépresseurs sont inutiles. C. Il faut rechercher une cause organique. D. Une étiologie douloureuse. La premièr e décision à prendre est incontestablement celle de débuter un traitement anticholinestéranique afin d’améliorer le fonctionnement global et de réduire l’intensité des symptômes psychotiques qui grèvent l’évolution de la maladie. Les aspects non médicamenteux (tableau 2) de la prise en charge s’appliquent chez le dément comme chez tous malades. Des solutions architecturales visant à limiter les contraintes et les interdits pesants sur le malade, améliorant la luminosité du lieu de vie pour prévenir le syndrome du coucher de soleil, et lui per mettant de déambuler sans obstacles préviennent les troubles du comportement et allègent la charge de travail du personnel intervenant. 2 - L’agressivité de la personne âgée A. Résulte d’une rigidification des traits de caractères telle que rencontrée dans un vieillissement normal B. Peut être liée à des difficultés relationnelles avec l’entourage. C. Est un des traits de la dépression hostile D. Est une marque classique de la démence sénile. 3 - L’agressivité de la personne âgée A. Peut être liée à un alcoolisme à la maison. B. Est plus fréquente lorsqu’il existe un syndrome psychotique chez le malade. C. Peut cesser spontanément grâce à une prise en charge relationnelle de type Rogers. CONCLUSION __________________________________ Le traitement de l’agitation et de l’agressivité de la personne âgée est à la fois complexe et simple. Il est complexe car il faut savoir bien cibler les symptômes et utiliser une large palette de psychotropes, il est simple car il faut d’abord reconsidérer la relation de la personne âgée agitée à l’environnement. Quelques étiologies fréquentes sont également en cause et il vaut dont mieux aller à l’essentiel de prime abord. Il importe de savoir conjoindre des points de vue différents dans une approLa Revue de Gériatrie, Tome 28, N°4 AVRIL 2003 Mega MS, Cummings JL, Fiorello T, Gornbein J. The spectrum of behavioral changes in Alzheimer’s disease : a natural history study, J Am Geriatr Society, 1996;46:1078-81. Jost B.C, Grossberg G.T. The evolution of psychiatric symptoms in Alzheimer’s disease : a natural history study. J Am Geriatr Society, 1996;44:1078-81. Roberge R.F. L’agitation chez la personne âgée. Approche diagnostique et thérapeutique. Canadian Family Physician, 1996;42:2392-98. Hazif-Thomas C, Thomas P. Regard sur le trouble panique des personnes âgées. Rev. Geriatr, 1998;23:507-16. Leger D, Leger J-M. Influence du vieillissement sur les schizophrénies, Ann Méd Psychol, 1992, 150:633-58. RÉPONSES 356