Histoire des Idées Politiques
Cours 8 ; le 10.03.10
Chapitre 5 : Les théories de l’Etat
La réflexion autour de l’Etat
Le mot découle du latin status (statut) c.-à-d. ce qui dure et s’inscrit dans la continuité. La
République de Rome avait ainsi un statut fondé car elle était fondée sur la tradition et la
permanence entérinée par un statut juridique qui dépasse le droit public. Le statut juridique
s’applique ainsi aux biens, aux hommes, à tout ce qui est susceptible d’être affecté par la
permanence.
La logique de l’Etat permanent va porter celle des 2 corps du Roi : on parlait déjà de la
Couronne en pratique, on va, en droit, déboucher sur la notion d’Etat : le Roi ne meurt
jamais (« Le Roi est mort, vive le Roi ! ») car il exerce une fonction qui est permanente.
Cette « dépatrimonialisation » se situe dans un contexte particulier.
Les suzerains (de superioritas) féodaux exerçaient des fonctions politiques à titre privé,
comme conséquence de leur monopole économique sur la terre et avec une série d’alliances
militaires personnelles (vassaux).
Le roi était donc le suzerain suprême mais il reste le « premier des seigneurs » donc son
pouvoir dépend de la pyramide féodale.
La République chrétienne était gouvernée par 2 tes : l’Eglise qui était la seule institution
unitaire avec un seul chef et aucune logique féodale & l’Empereur qui exerçaient un pouvoir
de droit public.
Les légistes vont ensuite donner une statut aux princes remettant ainsi en cause la
République chrétienne d’autant plus que les princes prennent le titre de Roi, titres très
ancien qui les distingue du reste des seigneurs. Le politique passe donc du statut de seigneur
à celui de chef d’Etat : il existe donc une distinction essentielle entre le suzerain et le
souverain qui, lui, exerce son pouvoir en soi, titre sa légitimité de lui-même et n’obéit à
aucun commandement extérieur.
Cette transition s’est faite au XIIIème et XIVème siècle par le statut donc par le droit comme à
Rome.
La nature de l’Etat en Europe se caractérise par 2 éléments principaux :
- Etat distinct du titulaire du pouvoir dès le XIVème siècle : distinction théorique entre
le pouvoir et la personne qui l’exerce. C’est en fait la réapparition de la notion de res
publica du droit romain mais dans le contexte du XIVème siècle d’affaiblissement du
pouvoir chrétien et de la notion d’Empire.
- Roi souverain en son royaume : en temps que chef de l’Etat donc titulaire de la res
publica, il est commandant suprême (imperium) donc empereur en son royaume.
C’est le fondement de la théorie de la souveraineté : le titulaire de la souveraineté
exerce la totalité des pouvoirs dont il est investi car souveraineté « inaliénable,
impartageable, incommunicable » d’après Jean Bodin.
Ces 2 théories sont liées, surtout dans le cas français, mais reste intrinsèquement dissociées
car, plus tard, avec la séparation des pouvoirs et la notion d’Etat de droit ces 2 éléments de
souveraineté devront être dissocié.
SI l’Etat a existé dans presque toutes les civilisations mais le modèle européen de l’Etat avec
ses 2 caractéristiques est particulier de part sa construction par le droit.
La monarchie assoie l’Etat car le régime ne pas se dissocier totalement d’une personne
physique (comme ce sera le cas avec la République plus tard). L’Etat s’affirme dans un milieu
hostile où seule l’Eglise est une institution cohérente avec des règles particulières : le célibat
évite la patrimonialisation et renforce l’institution.
Il aura fallu le traité de Troyes par Charles VI qui cède le trône de France au Roi d’Angleterre
pour affirmer l’inaliénabilité de la souveraine et la non patrimonialité de la Couronne :
l’Etat n’a pas d’héritier mais un successeur (car il s’agit d’une succession de droit public, non
d’un héritage de droit privé)
Le Traité de Troyes a été examiné par le Parlement de Paris c.-à-d. une cour de justice
supérieure qui rendait, au nom du roi, la justice suprême et enregistrait la volonté royale (=
Conseil d’Etat + Cour de Cassation)
Cette Constitution coutumière s’exprime au XVIème siècle par la dernière grande loi
fondamentale du royaume : la loi de catholicité du Roi. La question de la succession pose à
nouveau et amène Henri de Navarre à succéder à Henri III. Henri IV décide donc de se
convertir réaffirmant le principe de catholicité du Roi pour épouser la religion majoritaire de
ses sujets.
C’est le début de la monarchie de droit divin : « Tout pouvoir vient de Dieu » et c’est en
contestant le rôle de la religion de la société que les penseurs de la Modernité contesteront
la monarchie absolue.
La France est le pays qui ira le plus loin pour articuler la souveraineté et la notion d’Etat avec
la théorie de l’union mystique du Roi et de la Couronne. Après avoir distingué, ces 2
éléments, les juristes considèrent que le pouvoir naît de leur association. C’est pourquoi les
institutions françaises seront l’incarnation même de la monarchie : lorsque le Roi se
heurtera à des contre-pouvoirs (les parlements ou Etats Généraux du Royaume), il
réaffirmera sa souveraineté dans des luttes incessantes avec ces assemblées.
La France est devenue pleinement républicaine car elle ne pouvait évincée une monarchie
extraordinairement enracinée que par une rupture radicale.
A l’opposé, en Angleterre, dès le XIVème siècle, on effectue la même distinction entre les 2
éléments de la souveraineté mais très tôt on distingue clairement le Roi et son pouvoir
(Magna Carta de 1215) : Le Roi n’est souverain qu’en accord avec son Parlement. La
souveraineté implique d’autres pouvoirs que le Roi seul et même si ils émanent du Roi ses
membres de la souveraineté sont indispensables en eux-mêmes.
L’opposition politiques/monarchomaques
A la fin du XVIème siècle, s’opposent 2 familles de pensées sur la conception de la
souveraineté :
- les politiques incarné par les légistes qui réaffirment la souveraineté monarchique.
- les monarchomaques ou théoriciens de la monarchie qui exprime l’idée que la
souveraineté n’est pas impartageable mais doit s’exprimer avec le concours des
Parlements
Il s’agit ici d’une bataille au sommet de l’Etat mais sans débat sur le régime : personne ne
pense à remettre en cause la monarchie.
- équilibre entre tradition et modernité : mise en commun du cadre héritier du
Moyen-Âge vivifié par les tensions religieuses. Les monarchomaques attachent une
importance particulière aux questions religieuses dont découlent leurs conceptions
politiques.
Cette opposition marque pour la première fois l’apparition d’un débat politique qui était vite
étouffé par des faits acquis : droit divin, pouvoir absolu de la volonté royale.
Les théories monarchomaques seront célèbres par les théories du tyrannicide (mise à mort
du roi devenu tyran). Au final, ce sont les politiques qui s’imposeront avec l’avènement de
l’absolutisme monarchique.
Cette fois-ci, les théories politiques influencent pour la première fois la réalité monarchique
alors que jusque là (Saint-Thomas) elle n’en avait aucune.
La pensée des « politiques » : Jean Bodin
Les politiques vont s’imposer car la majorité d’entre eux sont encore des légistes. Parmi eux,
Jean Bodin écrira en 1576 les Six Livres de la République immédiatement après le massacre
de la Saint-Barthélemy. La monarchie capétienne est en crise profonde : les frères se
succèdent sur le trône mais sans fils : la dynastie des Valois est menacé. Charles IX est
malade, Henri II meurt spectaculairement et Henri III est sans descendance la personne
physique du roi paraît faible.
La 2ème fragilité du royaume réside dans le fait qu’il est un pays intermédiaire : ni de
tradition latine, ni de tradition germanique. La France ne s’identifie pas clairement comme
une nation comme s’est déjà un peu le cas en Allemagne ou en Italie
qui sont pourtant sans Etat uni. Les guerres de religion vont venir
exacerber ses tensions géographiques.
La France restera un pays majoritairement catholique mais avec une minorité forte aura une
religion différente : le protestantisme fera que le Royaume de France des Valois aura du mal
à dépasser l’opposition protestante (la Saint-Barthélémy n’ affait que vivifier l’opposition
protestante en France)
Dans la tradition monarchique ancienne, le 1er attribut royal était la « main de justice »
protection des sujets par le Roi. Hors en ordonnant ou laissant faire (débat) le massacre des
protestants, le Roi n’assure plus cette protection : l’équilibre du gouvernement des lois est
rompu.
Jean Bodin va donc prendre la parole pour défendre, non pas les Valois, mais la res publica
d’où le titre de son ouvrage. Pour lui, le gouvernement monarchique donne corps à la res
publica. Jean Bodin définit la république comme « un droit gouvernement de plusieurs
ménages avec puissance souveraine » : la république ne peut donc être que le
gouvernement des lois mais ici il s’agit des lois fondamentales du royaume. La république a
pour but d’unir les différentes parties de la société en un corps unique et pour cela elle doit
être souveraine n’obéissant à aucun commandement extérieur ni à un aucun concurrent
politique. Hors, cette puissance souveraine est incarnée par le monarque d’où le soutien que
lui apporte Jean Bodin.
Cours 9 ; le 17.03.10
La notion de « droit-gouvernement » de Bodin reprend en fait, la politéia d’Aristote que
Bodin connaît très bien. Adaptée à la réalité du XVIème siècle, elle devient la res publica.
Bodin affirme aussi que a société préexistée à l’Etat d’où l’importance des corps sociaux et
un début d’évocation d’une « loi naturelle ».
Cette république a « puissance souveraine » dans l’espace public qu’elle unit donc en
interne mais cette souveraineté s’exprime aussi en externe : l’Etat n’obéit à personne, il est
le pouvoir suprême.
La chose publique n’est donc soumise ni à l’Eglise ni à un Empire, son pouvoir est permanent
et sans délégation : le pouvoir vient de Dieu qui donne sa substance à l’Etat. La souveraineté
est aussi absolue c.-à-d. non communicable, elle n’a de condition que « la loi de Dieu et de
nature ».
A la fin du XVIème siècle, c’est la société toute entière qui est en question avec
l’affaiblissement du lien de religion et la guerre civile, pour y remédier il faut plus d’Etat et la
res publica pour éviter les luttes internes : idée qui débouchera sur l’Edit de Nantes.
Bodin rejette la démocratie come le régime des démagogues et l’aristocratie come un
régime qui entérine les divisions de la société, il s’en remet donc totalement à la monarchie
en rejetant tout régime mixte prôné par Aristote qui, pour Bodin, affaiblirait l’Etat. Il
reprochera donc aux monarchomaques de vouloir diviser la souveraineté au sommet de
l’Etat.
De Bodin à Montesquieu, le roi absolu n’est pas un roi despote car le pouvoir absolu découle
de la souveraineté absolue de l’Etat.
Ce n’est qu’au XVIIIème siècle, qu’on contestera le lien entre le roi et la souveraineté en
formant le néologisme « absolutisme ».
Bodin est le dernier légiste de la monarchie traditionnelle et clôt la période ouverte sous
Philippe le Bel.
Au XVIIème, d’autres penseurs reprendront les idées de Bodin notamment Thomas Hobbes
qui l’exagérera en affirmant l’Etat absolu au-delà de la société.
Les théories contractuelles des monarchomaques
La littérature des monarchomaques n’est politique qu’à la périphérie. Les monarchomaques
sont des littérateurs qui usent du pamphlet plus que du traité politique comme Bodin.
Les monarchomaques sont sous la menace permanente de la censure mais réussiront à
diffuser leurs écrits à grande échelle mais ils n’accèderont jamais au pouvoir gardant
toujours une culture d’opposition.
Les monarchomaques étaient majoritairement protestants qui s’estiment atteints dans leurs
droits mais bientôt ils seront rejoints par des catholiques opposants à des rois trop proches
des protestants.
Chez les monarchomaques, la question religieuse prime sur la question politique ce qui, à
l’inverse de Bodin, amène une division du corps social.
L’ouvrage monarchomaque le plus connu est la Francogalia par François Hotman
noble protestant mais aussi l’écrit anonyme Le réveille-matin des français et de leurs
voisins, Du droit des magistrats sur leurs sujets par Théodore de Bèze, Philippe du
Plessis Mornay.
Hotman et De Bèze font une histoire de la monarchie selon eux, le pouvoir royal a
toujours été équilibré par des contre-pouvoirs si bien que le Roi doit une partie de sa
puissance aux Etats Généraux du royaume.
Les monarchomaques distinguent ainsi le magistrat supérieur : le roi et des magistrats
inférieurs (mais qui existent) : ses Etats Généraux. Le monarchomaques donnent parfois aux
parlements un rôle assez analogue à celui des Etats Généraux, ils expriment en fait l’idée
d’un royaume dans le contexte aristocratique qui a toujours forcé le roi à considérer les
contre-pouvoirs.
Les monarchomaques vont reprendre l’idée thomiste que les princes eux-mêmes ont été
crée pour le peuple et non l’inverse. Les magistrats doivent ainsi être l’émanation du peuple
ce qui amène une définition de la finalité de l’Etat comme résidant dans l’ordre et la
prospérité des membres du corps social (définition proche de celle de Bodin). Le peuple est
donc à a fois la cause première et la cause finale de l’Etat : le fils du Roi n’est jamais son
héritier mais son successeur et le pouvoir du Roi est le résultat d’une délégation du peuple
au Roi, on en arrive ici à une théorie du contrat.
Cette conception est en totale contradiction avec celle des politiques.
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