Les relations « in house » des sociétés publiques locales
(SPL)
Par Antoine WOIMANT, Avocat, Docteur en droit,
Notre analyse s’appuie sur un exemple d’une société publique locale (SPL) composée de 30
collectivités. Elle a pour objet d’identifier si la relation entre la SPL et chacune des collectivités
est une relation
in house
.
Pour cela, il convient de revenir sur la définition de la relation
in house
(1) puis sur
l’interprétation de l’un des critères qui la compose, celui du contrôle analogue (2).
1- Définition de la relation
in house
Si les principes de transparence, de non discrimination et d’égalité de traitement imposent une
publicité et une mise en concurrence pour les contrats passés par une collectivité territoriale
(marchés publics, délégations de service public, concessions de travaux ou encore concessions
d’aménagement), la jurisprudence communautaire a toutefois prévue une exception à
l’application de ces principes. Les prestations
in house
ou prestations intégrées ou également
appelées quasi-régies permettent aux collectivités territoriales de contracter de gà gré avec
certaines entités ou organismes sans publicité ni mise en concurrence.
L’exception
in house
est une dérogation aux règles de passation des contrats des collectivités
territoriales.
Elle a été transposé en droit interne dans le code des marchés publics (article 3.1), le code
général des collectivités territoriales (articles L. 1411-12 et L. 1415-3) et le code de l’urbanisme
(article L. 300-5-2) respectivement pour les marchés publics, les délégations de service public,
les concessions de travaux et les concessions d’aménagement.
Etablie par la CJUE dans son arrêt
Teckal
du 18 novembre 1999 (CJUE, 18 nov. 1999, C-
107/1998, point. 50), l’objectif de cette jurisprudence est d’écarter l’application des gles
publicité et de mise en concurrence «
pour les contrats conclus par un pouvoir adjudicateur
avec certains organismes […] ayant des liens
[particuliers]
avec celui-ci
».
En effet, dans ces jurisprudences, la Cour de justice précise qu’ «
il suffit, en principe, pour
constituer un marché public, que le contrat ait été conclu entre d’une part, une collectivité
territoriale et, d’autre part, une personne juridiquement distincte de cette dernière. Il ne peut
en aller autrement que dans l’hypothèse
la collectivité territoriale exerce sur la personne en
cause un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ces propres services et où cette personne
réalise l’essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent
» CJUE, 8 mai
2005,
Espagne c/ Commission
, C-349/1997, point. 204)
Pour que le contrat soit une prestation intégrée ou contrat
in house
, la jurisprudence fait donc
émerger deux critères cumulatifs :
d’une part que la collectivi territoriale exerce sur la personne en cause un contrôle
analogue à celui qu’elle exerce sur ces propres services
et que, d’autre part cette personne alise l’essentiel de son activité avec la ou les
collectivités qui la détiennent.
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Dans le cadre d’une SPL, le respect de ce second critère, le critère de l’opérateur dié, est
automatique puisque l’article L. 327-1 du code de l’urbanisme dispose qu’elles «
exercent
leurs activités que pour le compte exclusif de leurs actionnaires et sur le territoire de ceux-ci
».
En revanche, il convient de reprendre l’interprétation donnée par la Cour de justice du
« contrôle analogue » pour l’appliquer à la SPL et aux différentes communes.
2- Le « contrôle analogue » à celui que la commune exerce sur ses propres
services
Le contrôle doit être «
analogue à celui que cette autorité exerce sur ses propres services, mais
non pas qu’il soit identique en tous points à celui-ci
» (CJUE, 13 octobre 2005, Parking Brixen,
C-458/03, point 62).
C’est «
un contrôle permettant
la personne publique]
d’influencer les décisions de ladite
société. Il doit s’agir d’une possibilité d’influence déterminante tant sur les objectifs stratégiques
que sur les décisions importantes de cette société
» (CJUE, 13 octobre 2005, Parking Brixen, C-
458/03, point 65).
«
Il importe que le contrôle exercé sur l’entité […] soit effectif, mais il n’est pas indispensable
qu’il soit individuel
». (CJUE, 13 nov. 2008, Coditel Brabant, C-324/07, point 46).
Pour identifier si le contrôle analogue est effectif, il convient de se rattacher au faisceau
d’indices qu’a fait émerger la CJUE dans sa jurisprudence.
Aucun de ces indices n’est cependant cisif. Il n’existe pas de présomption d’existence d’une
relation
in house
entre une SPLA et une commune actionnaire lorsqu’un indice positif est
identifié. Ils doivent chacun faire l’objet d’une appréciation globale au cas par cas pour «
tenir
compte de l’ensemble des dispositions législatives et des circonstances pertinentes
» (CJUE, 11
mai 2006, Carbotermo, C-340/04, point 36).
Les indices pertinents qui se dégagent de la jurisprudence de la CJUE sont les suivants :
- la détention du capital de l’entité en cause, en l’espèce d’une SPLA :
«
la circonstance que
[la personne publique]
détient, seul ou ensemble avec d’autres pouvoirs
publics, la totalité du capital d’une société adjudicataire tend à indiquer, sans être cisive
,
[qu’elle]
exerce sur cette société un contrôle analogue à celui qu’[elle] exerce sur ses propres
services
» (CJUE, 11 mai 2006, Carbotermo, C-340/04, point 36).
- la composition des organes de décision de celle-ci :
Le fait que les organes de décision soient composés de représentants «
des autorités publiques
qui lui sont affiliées indique que ces dernières maîtrisent les organes de décision de
[l’entité]
et
sont ainsi en mesure d’exercer une influence terminante tant sur les objectifs stratégiques
que sur les décisions importantes de celle-ci
» (CJUE, 13 nov. 2008, Coditel Brabant, C-324/07,
point 46).
- l’objectif statutaire :
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L’autre indice identifié par la Cour de justice est que l’entité en cause soit «
dépourvue de
caractère commercial
» et «
que l’objectif statutaire de celle-ci est la réalisation de la mission
d’intérêt communal en vue de l’accomplissement de laquelle elle a été créée et qu’elle ne
poursuit aucun intérêt distinct de celui des autorités publiques qui lui sont affiliées
». (CJUE, 13
nov. 2008, Coditel Brabant, C-324/07, points 37 et 38)
- l’autonomie des pouvoirs reconnus à son conseil d’administration :
Lindice de l’autonomie du Conseil d’administration est également pertinent.
Si le Conseil d’administration a l’obligation de contracter avec tous ces actionnaires dans des
conditions et des tarifs fixés par un texte réglementaire ou législatif, la Cour de justice a
considéré que cette contrainte ne permet pas de qualifier de contractuelle les relations entre les
actionnaires et l’entité, et reconnaît ainsi la relation
in house
(CJUE, 19 avril 2007, ASEMFO, C-
295/05, point. 60).
En revanche, lorsque les «
statuts ne réservent à la commune
[…]
aucun pouvoir de contrôle ou
droit de vote particulier pour restreindre la liberté d’action reconnue à ces conseils
d’administration. Le contrôle exercé par la commune
[…]
sur ces deux sociétés se résume pour
l’essentiel à la latitude que le droit des sociétés reconnaît à la majorité des associés, ce qui
limite de manière considérable son pouvoir d’influencer les décisions de ces sociétés
» (CJUE,
11 mai 2006, Carbotermo, C-340/04, point 38).
En l’espèce, l’application de l’exception
in house
aux collectivités composant la SPL n’est pas
sans risque.
Certes les capitaux de la SPL sont uniquement publics et son conseil d’administration est
composé de représentants de ces autorités publiques.
Mais les 30 collectivités qui la compose ne disposent que d’un pouvoir de contrôle minimum
prévu par les dispositions législatives du code général des collectivités territoriales à savoir un
représentant au sein du conseil d’administration, la communication annuelle à la Commune d’un
rapport écrit (article L. 1524-5 du CGCT) et l’obligation d’une libération de l’assemblée pour
une modification de la structure, de l’objet social, des organes et des statuts de la SPLA (article
L. 1524-1 du CGCT).
Or, au regard de la jurisprudence de la CJUE, ce contrôle minium légal n’est pas suffisant
pour caractériser automatiquement le critère du contrôle analogue. C’est d’ailleurs la
position du ministre de l’intérieur dans la CIRCULAIRE N°COT/B/11/08052/C du 29 avril 2011
sur le régime juridique des sociétés publiques locales (SPL) et des sociétés publiques locales
d’aménagement (SPLA).
Ainsi, le risque est réelle pour la commune de se voir sanctionné par le juge pour un marché
important attribué de gré à gré à la SPL. Pour limiter ce risque, il convient de renforcer le
contrôle des communes sur la SPL à la fois dans ses institutions, avec la création par exemple
d’un pacte d’associé, mais également dans son fonctionnement en créant des comités ou des
commission spécialisés par secteur, très actifs et qui seraient composés d’élus des communes.
C’est le cas par exemple de la création d’une commission d’appel d’offres (CAO), come pour les
collectivités territoriales, composée d’élus des communes et qui interviendrait systématiquement
pour l’attribution des marchés passés par la SPL.
A cet égard, il convient de rappeler que la SPL est soumise aux dispositions de l’ordonnance du
6 juin 2005 n°2005-649 imposant des obligations de publicité et de mis en concurrence pour la
passation de ses marchés.
Or, en imposant un avis de la CAO pour l’attribution de chaque marché, le contrôle des
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communes sur l’action de la SPL sera renforcé et pourrait permettre de qualifier la relation avec
la SPL de
in house
.
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