Au 20 mai 2010 - Centre de droit international de Nanterre (CEDIN)

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Réunion du CEDIN du 20 mai 2010
POINT D’ACTUALITE JURIDIQUE INTERNATIONALE
ORGANES NON JURIDICTIONNELS INTERNATIONAUX
* Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Etude conjointe sur les pratiques de
détention secrète dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, 26 janvier 2010, A/HRC/13/42
(221 p.) (www2.ohchr.org/english/bodies/hrcouncil/docs/13session/A-HRC-13-42.pdf)
[Etude de la pratique des détentions secrètes en général puis du recours à celles-ci depuis 2001 dans le cadre de la
lutte contre le terrorisme, dans chaque région du monde ; appréciation de sa licéité au regard du droit international
humanitaire et du droit international des droits de l’homme]
* Position du Parlement européen sur les aspects institutionnels de l’adhésion de l’UE à la
CEDH (http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=REPORT&reference=A7-20100144&language=FR)
[Relations entre le droit de l’UE et la CEDH ; clause d’autorisation à adhérer contenue dans le traité de Lisbonne ;
rapports entre la CJUE et la CourEDH et leurs voies de recours respectives ; « autonomie interprétative » de la
CJUE et de la CEDH ; répartition de la responsabilité entre UE et Etats membres ; exécution des arrêts de la CEDH
dans l’ordre juridique de l’UE]
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE (www.icj-cij.org)
* Affaire relative à des Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay),
arrêt du 20 avril 2010
[Droit international de l’environnement ; différence entre obligation procédurale et obligation de fond (en
particulier sur le terrain de la réparation) ; compétence en cas de renvoi d’une norme à une autre ; différence entre
la compétence à l’égard d’une norme et sa prise en compte aux fins d’interprétation d’une autre norme ; importance
des obligations procédurales en droit de l’environnement ; rôle de la CARU (et droit des organisations
internationales) ; principe de prévention ; charge de la preuve (même si elle pèse sur le demandeur, le défendeur
« devrait coopérer » aussi en produisant tout élément de preuve en sa possession ; preuve par expertise (pas de
particularité de régime) ; obligations de fond en matière environnementale ; existence en droit international général
d’une obligation de procéder à une étude d’impact sur l’environnement]
* Demande d’avis consultatif soumis à la Cour le 26 avril 2010, Jugement n°2867 du TAOIT sur
requête contre le Fonds international de développement agricole (FIDA) (requête du 26 avril ;
ordonnance du 29 avril 2010)
[Recours introduit devant la Cour contre la validité d’un jugement du TAOIT ayant reconnu sa compétence pour
connaître d’un recours contre le FIDA ; compétence discutée au motif que le requérant devant le TAOIT était
membre du personnel du Mécanisme mondial de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la
désertification dans les pays gravement touchés par sécheresse vis-à-vis duquel le FIDA joue simplement le rôle
d’organisation d’accueil ; nature des relations juridiques entre le FIDA et le Mécanisme ; question de l’imputabilité
au FIDA des décisions prises par le directeur général à l’égard du personnel du Mécanisme ; nature du rattachement
au FIDA du personnel du Mécanisme ; question de la compétence du TAOIT pour interpréter le MOU entre la
Conférence des Etats parties du Mécanisme et le FIDA]
ORD (OMC) (www.wto.org)
* Chine — Mesures affectant les droits de commercialisation et les services de distribution pour
certaines publications et certains produits de divertissement audiovisuels (Plaignant : EtatsUnis) (Chine — Publications et produits audiovisuels), WT/DS363/R, rapport du groupe spécial
du 12 août 2009
[Exception de moralité publique – art. XX (a) GATT 1994, non infirmé en ce point par le rapport de l’Organe
d’appel du 21 décembre 2009 ; premier cas d’application de l’exception de moralité publique (art. XX (a) GATT
1994) dans le cadre du commerce des marchandises ; le groupe spécial a opté pour la même interprétation de la
notion de « moralité publique » que le Groupe spécial dans l’affaire États-Unis – Jeux qui concernait l’exception
similaire de l’accord général sur les services (art. XIV (a) AGCS) : « l’expression ‘moralité publique’ désigne les
normes de bonne ou mauvaise conduite appliquées par une collectivité ou une nation ou en son nom », sa teneur
« peut varier dans le temps et dans l’espace, en fonction d’une série de facteurs, y compris les valeurs sociales,
culturelles, éthiques et religieuses dominantes » ; il convient donc « d’accorder aux Membres une certaine latitude
pour définir et appliquer pour eux-mêmes les concepts de « moralité publique » et d’« ordre public » sur leurs
territoires respectifs, selon leurs propres systèmes et échelles de valeurs » (§ 7.759 du rapport non infirmé par
l’Organe d’appel)].
[v. également Communautés européennes — Mesures prohibant l’importation et la commercialisation de produits
dérivés du phoque (plaignants : Canada (DS 400) et Norvège (DS401)) : en novembre 2009, le Canada et la
Norvège ont demandé l’ouverture de consultations avec les Communautés européennes au sujet du Règlement (CE)
n° 1007/2009 du 16 septembre 2009 sur le commerce des produits dérivés du phoque et des mesures connexes
ultérieures. Ce litige sera peut-être l’occasion de préciser l’applicabilité de l’exception de moralité publique aux
« procédés et méthodes de production »].
COUR DE JUSTICE DES CARAÏBES
* Décision du 31 mars 2010 dans l’affaire « n° AR 1 of 2008 », entre Trinidad Cement Limited
TCL Guyana Incorporated and The State of the Co-operative Republic of Guyana
(http://www.caribbeancourtofjustice.org/judgments.html)
[Question du locus standi devant cette cour régionale des personnes physiques et morales désirant attaquer en
responsabilité un Etat membre du CARICOM ayant violé le droit du CARICOM ; recours aux règles
d’interprétation de la CV de 1969 ; analyse du statut des personnes privées en droit international, de la protection
diplomatique au droit international des droits de l’homme et des intégrations régionales ; droit de recours accepté]
COUR EUROPEENNE DES DROITS DE L’HOMME (www.echr.coe.int)
* (Grande chambre) Affaire Medvedyev et autres c. France, arrêt du 29 mars 2010
[Interception par la marine française, en haute mer, d’un navire battant pavillon étranger, dans le cadre de la lutte
contre le trafic de stupéfiants ; applicabilité extraterritoriale de la convention au titre du critère de la « juridiction »
de l’article 1 de la CEDH (« compte tenu de l’existence d’un contrôle absolu et exclusif exercé par la France, au
moins de facto, sur le Winner et son équipage dès l’interception du navire, de manière continue et
ininterrompue ») ; régime de la privation de liberté des personnes arrêtées au cours de l’interception ; question du
fondement de l’interception des autorités françaises (inapplicabilité en l’espèce des dispositions pertinentes de la
convention des Nations Unies sur le droit de la mer ; caractère insuffisamment précis et prévisible de la note
verbale des autorités cambodgiennes (Etat du pavillon)) ; violation de l’article 5(1) de la CEDH, mais pas de
l’article 5(3)]
A comparer à : (France) Cour de cassation, chambre criminelle, 17 février 2010, n° 09-87254
(www.legifrance.gouv.fr)
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[« (…) les autorités militaires françaises ont régulièrement appréhendé les personnes suspectées de se livrer à des
actes de piraterie et saisi les biens se trouvant en leur possession sur le fondement de la résolution 1816 adoptée par
le Conseil de sécurité des Nations unies le 2 juin 2008 autorisant les Etats, dans les eaux territoriales somaliennes, à
faire usage des pouvoirs que leur confère, en haute mer ou en tout autre lieu ne relevant de la juridiction d’aucun
Etat, l’article 105 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 ; qu’en troisième
lieu, le transfert vers la France des personnes appréhendées en vue de leur présentation à un juge était subordonné à
l’accord préalable des autorités somaliennes intervenu le 21 septembre 2008 ; qu’en quatrième lieu, dès leur arrivée
sur le sol français, le 23 septembre 2008, à 17 heures, les personnes soupçonnées ont été régulièrement placées en
garde à vue puis présentées le 25 septembre 2008 à un juge d’instruction »]
V. également l’arrêt de la Cour du 2 mars 2010, Al-Saadoon et Mufdhi c. Royaume Uni (requête
no 61498/08)
[Application extraterritoriale de la CEDH (en l’occurrence de la jurisprudence Soering) aux autorités britanniques :
en remettant aux autorités irakiennes des personnes arrêtées par les forces anglaises en Irak sans s’assurer que les
droits de ces personnes au titre de la CEDH ne seraient pas violés, les autorités britanniques ont manqué à l’article 3
de la convention (traitement inhumain et dégradant en lien avec le risque d’être exécuté par les autorités
irakiennes)]
CJUE (http://curia.europa.eu/)
* CJUE, arrêt du 25 février 2010, dans l’affaire C-386/08, Firma Brita GmbH c.Hauptzollamt
Hamburg-Hafen
[ (v. le point d’actualité du 24 novembre 2009 pour les conclusions de l’avocat général) arrêt confirmant les
conclusions de l’avocat général : inapplicabilité des dispositions de l’accord d’association CE-Israël aux produits
originaires des territoires palestiniens occupés ; application de règles coutumières des traités codifiées par la
Convention de Vienne de 1969 aux accords externes de la Communauté (jurisprudence constante) : application des
principes « du droit international général de nature coutumière » en matière d’interprétation des traités et du
principe de droit international général de l’effet relatif des traités ; la Cour se montre dualiste quant à sa compétence
mais moniste quant au droit applicable par elle (elle a compétence pour interpréter les accords conclus par l’UE car
ils font partie de l’ordre juridique de l’Union, mais néanmoins, « conclu entre deux sujets de droit international
public, l’accord d’association CE-Israël est régi par le droit international, et plus particulièrement, du point de vue
de son interprétation, par le droit international des traités »)]
* CJUE (grande chambre), arrêt du 2 mars 2010, Rottmann, affaire C-135/08
[demande de question préjudicielle sur les dispositions du TCE relatives à la citoyenneté européenne s’agissant du
retrait d’un acte de naturalisation ; la Cour invoque en particulier plusieurs instruments internationaux (déclaration
universelle des droits de l’homme, convention sur les réductions des cas d’apatridie, la convention européenne sur
la nationalité) et elle vise au pt. 53 un « principe de droit international général » s’agissant de la compétence
discrétionnaire en matière d’octroi et de retrait de la nationalité ; à la question de savoir s’il est possible de retirer
(pour cause d’acquisition frauduleuse) à un individu la nationalité d’un Etat membre dans la mesure où cela a des
effets sur la citoyenneté européenne de l’individu (qu’il perd de ce même fait), la Cour répond que dès lors que le
retrait a un effet sur le droit de l’UE, cette mesure est « susceptible d’un contrôle juridictionnel opéré au regard du
droit de l’Union » (pt. 48) en vue de vérifier que le principe de proportionnalité est respecté (au regard du droit de
l’UE) (pts. 55-59), et cela compte tenu de « l’importance qu’attache le droit primaire au statut de citoyen de
l’Union » (pt. 56)]
* CJUE (grande chambre), arrêt du 2 mars 2010, Salahadin Abdulla, affaires jointes C-175/08,
C-176/08, C-178/08 et C-179/08
[à propos des conditions minimales pour obtenir au sein de l’UE le statut de réfugié (au sens de la directive de
2004) (dans quelles circonstances peut-on considérer qu’une personne peut légitimement perdre le statut de
réfugié (évolution dans le pays d’origine) ? – la Cour les encadre très strictement en faisant preuve de réalisme et en
rappelant la nécessité de protéger les droits fondamentaux de l’individu) ; « la convention de Genève constitue la
pierre angulaire du régime juridique international de protection des réfugiés »]
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* Conclusions
de l’Avocat Général, Mme E. Sharpston, présentées le 4 mars 2010, dans l’affaire
C-31/09, Nawras Bolbol c. Bevándorlási és Állampolgársági Hivatal
[Question de savoir si une ressortissante palestinienne ayant demandé l’asile en Hongrie peut bénéficier des règles
de la Convention de Genève, alors que l’Office des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRAW) assure
une protection et une assistance pour ces réfugiés et qu’ils sont a priori exclus du bénéfice de la Convention, en
vertu de l’article 1 D de celle-ci ; interprétation par l’Avocat général de l’article 1 D) de la Convention (littérale,
téléologique, travaux préparatoires) aux fins de la détermination du champ d’application personnel de la directive
qui y renvoie. Utilisation du Guide et des notes du HCR aux fins de l’interprétation de la Convention de Genève de
1951 sur les réfugiés, force persuasive de ces actes. Qualification incidente « d’impératives » des règles de la
Convention de Genève ; solution : seules les personnes bénéficiant d’une protection effective de l’UNRAW (se
trouvant dans la zone de compétence territoriale de celui-ci) sont exclues du bénéfice de la Convention et partant de
la directive]
* CJUE (grande chambre), arrêt du 20 avril 2010, affaire C-246/07, Commission européenne c.
Royaume de Suède
[recours en manquement introduit contre la Suède qui avait unilatéralement proposé l’inscription d’une nouvelle
substance à l’annexe A de la convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants à laquelle la CE et
les Etats membres sont parties, dans le cadre d’une compétence partagée ; la Cour conclut à la violation de
l’article 10 TCE (obligation de coopération) dès lors que, même si la CE n’avait pas pris de décision formelle sur la
question, « il existait alors une stratégie communautaire à cet égard » et donc il n’y avait ni « une situation de ‘‘vide
décisionnel’’, ni même une situation d’attente équivalente à une absence de décision » ; la Suède aurait donc dû
attendre que le Conseil CE définisse définitivement sa position sur l’inscription de cette substance ; en ne le faisant
pas, elle « s’est dissociée d’une stratégie commune concertée au sein du Conseil » et a donc violé l’article 10 TCE ;
au surplus, l’inscription de cette nouvelle substance avait des conséquences pour l’UE (qui est liée par cette
nouvelle inscription, sans avoir pu s’y opposer au sein du Comité de la convention de Stockholm), ce qui justifiait
également que la Suède s’abstienne d’agir seule ; précisions intéressantes par ailleurs (pts. 92 et s.) sur la mise en
œuvre concrète d’une compétence partagée au sein d’une organisation internationale à laquelle participent les Etats
membres et l’UE]
JUGEMENTS INTERNES
* (France) Cour de cassation, 16 avril 2010, n° 10-40002 (www.legifrance.gouv.fr)
[Saisine par la Cour de cassation de la CJUE d’une question préjudicielle visant à déterminer si la question
prioritaire de constitutionnalité (QPC) est conforme au droit de l’UE (dès lors qu’elle oblige à examiner d’abord la
question de la conformité à la Constitution et qu’une décision du Conseil constitutionnel concluant à la conformité
pourrait empêcher le juge judiciaire de saisir ensuite la CJUE d’une question préjudicielle)]
V. la « réponse » indirectement donnée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010605 DC du 12 mai 2010 (www.conseil-constitutionnel.fr) (points 9-16)
[La décision de la Cour de cassation du 16 avril 2010 (renvoi préjudiciel à la CJUE) n’implique nullement que le
Conseil constitutionnel serait juge de la conventionnalité des lois et donc de leur conformité au droit de
l’UE comme le réclament les requérants car : (i) l’autorité qui s’attache à ses décisions n’empêche nullement, après
une QPC, au juge ordinaire de statuer sur une question de conventionnalité ; (ii) dans l’attente de l’examen d’une
QPC, le juge ordinaire peut suspendre l’application de la loi et ainsi protéger les droits tirées d’un engagement
international ou européen ; (iii) la transmission d’une QPC n’interdit nullement de formuler une demande
préjudicielle auprès de la CJUE]
* (Albanie), Cour constitutionnelle, 26 janvier 2010
[décision prise à l’unanimité annulant l’accord de délimitation maritime conclu par l’Albanie et la Grèce à
l’occasion du processus de ratification, pour cause de contrariété à la Constitution albanaise (cession de territoire
non autorisée) et à la convention des Nations Unies sur le droit de la mer]
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