La rationalité universelle se retrouve dans la pensée interconnectée, dans l’écologie, elle
reconnaît les impondérabilités de l’intervention humaine dans les procès de la nature.
Mais on n’en est pas resté à l’échange rationnel, qui remplaça des proportions
d’échange “d’airain”, fixées par la coutume et la loi mythique pour des “biens excédentaires”
particuliers, par une monnaie de compte universelle, un moyen d’échange et de paiement pour
un marché cosmopolite, entièrement transparent ! La rationalité d’une médiation universelle
porte en soi la dynamique impossible à freiner de la perversion du rapport moyen-but en soi,
de sorte que finalement les biens deviennent des marchandises, dont l’essence consiste à être
la forme naturelle de la valeur : le comble de l’irrationalité ! Aujourd'hui encore, il y a des
économistes politiques qui s’illusionnent sur le fait que l’on pourrait créer un ordre
économique naturel, dans lequel des producteurs individuels pourraient échanger, via l’argent,
de manière paisible, universelle et équitable, leurs marchandises sans intentions spéculatives,
selon des règles fixées par papa marché (on parle même d’un marché naturel !) ou bien par
des accords généraux, et dans lequel l’argent resterait donc une pure mesure et un simple
moyen d’échange, et ne dégénèrerait pas en objectif. La rationalité du complexe “économie”
implique cependant une commensurabilité universelle et infinie. Rien n’échappe à la reine
valeur, ou bien à son maréchal unité de valeur. L’unicité (le caractère discret) devient le plus-
ou-moins de cette unité. Entre l’être et le non-être, il y a une infimité de degrés de nuances de
la valeur (continuité).
On assiste à la dissolution de toutes les relations traditionnelles, et le capital, qui attèle
la marchandise force de travail au procès de la valeur qui tire profit d’elle-même, n’est que
l’exécuteur d’un verdict qui prend naissance avec l’argent, lequel, même s’il n’est que peu
purifié de tous les restes pré-économiques, porte en lui le type pur. Mais cette forme pure
correspond à la prise de pouvoir du complexe “économie”, dans lequel l’argent n’est plus une
médiation marginale, mais où il est devenu le but (ultérieurement, l’argent devient à nouveau,
dans ses différentes formes et fonctions, un facteur simplement marginal du procès du
capital). Au début, l’échange, qui se transforme en commerce et dans lequel on fait davantage
d’argent avec l’argent de départ au moyen de l’achat destiné à la revente, repose plus ou
moins sur la tromperie rusée en direction de communautés mythiques, qui ne sont pas
cosmopolites, quand ce n’est pas carrément sur le vol caractérisé. Le commerçant sait là où
les actes d’échange sont disproportionnés et il exploite cette disproportionalité. L’on ne doit
pas s’occuper par ailleurs ici du procès complémentaire, mais ce qui doit être souligné, c’est
le parallélisme entre l’économie de la valeur (et plus tard du capital) qui s’étend (il faut sans
cesse garder devant les yeux qu’il y eut aussi, au plus tard avec le développement de
l’agriculture, un “mode de production familial” (M. Sahlins) d’avant la valeur, à partir duquel
il y eut chez Aristote l’ébauche d’une oikonomia comme science, qui prit une attitude
négative par rapport à la chrémastique des commerçants !) et la mentalité rationaliste. Et en
effet : une production sous l’égide de la valeur, ou mieux : de la plus-value, avait
naturellement un effet rétroactif sur le monde du travail, et même sur tout le mode de vie. Le
commerce, c'est-à-dire une pensée économique fondée sur la valeur, se détache du cosmos
statique traditionnel, relativise les positions, favorise l’évaluation spéculative, non concrète,
accomplit avec facilité la “réincarnation” qui consiste à se sentir à l’aise dans la position d’un
autre, se rend compte de l’effet et du contre-effet (causalité et “pensée interconnectée”),
acquiert une idée de l’immortalité concrète (en l’occurrence sur l’exemple de la valeur qui se
conserve éternellement), et acquiert même déjà une idée de la totalité (du marché mondial
comme interaction des valeurs partielles, des capitaux partiels). Derrière l’image du
commerçant rusé et cupide se cache sans aucun doute quelque vérité, mais aussi le
ressentiment de ceux qui sont restés des balourds intellectuels, des villageois borné. Les
marchands parlent différentes langues, ils développent même leur propre lingua franca
(contre les langues classiques des fonctionnaires littéraires qui sont les piliers de l’État),