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Introduction
Mon expérience professionnelle, en maternelle et en tant que ZIL, m’a permis
de constater que les enfants en difficulté semblaient souvent se gager de leur rôle
d’élève, qu’ils en étaient pour beaucoup désinvestis.
Lors du premier stage en situation de cette année de formation, j’ai pu vérifier
ce fait et même observer que plus on montait dans les niveaux de classe, plus ce
désinvestissement grandissait face aux disciplines, elles-mêmes de plus en plus
problématiques pour l’élève en difficulté. En fin de cycle III, on se retrouve face à
des élèves qui ont abandonné l’espoir ou l’envie d’apprendre même si souvent ils ont
adopté une attitude « scolaire » qui tente de masquer leurs difficultés. En effet, ils
connaissent la norme scolaire comme ils connaissent pour la plupart toutes les règles
disciplinaires apprises et répétées maintes fois sans pouvoir pour autant les mettre
en pratique.
La difficulté du maître E sera de rendre les enfants qu’il prendra en
regroupement d’adaptation acteurs de leurs apprentissages. Les motiver, leur
redonner le désir d’apprendre et leur permettre de faire un lien entre l’écolier qu’ils
savent être et l’élève qu’ils n’arrivent pas à être.
Il me semblait important de trouver une activité qui permette cette mise en
acte de l’élève tout en faisant du lien avec les acquis disciplinaires. Une activité qui
soit un tant soit peu en marge du champ disciplinaire dans lequel les élèves
éprouvent des difficultés dans le but de leur offrir les possibilités de changer leur
point de vue sur la discipline elle-même et de s’investir à nouveau dans les
apprentissages.
Je voulais impliquer les enfants dans le choix du projet de groupe qui
débuterait lors du deuxième stage en situation. J’ai donc deman aux élèves de
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CM2 pris pour des difficultés en langue écrite sur quel support ils aimeraient travailler
lorsqu’on se retrouverait : un jeu, un conte, un album ou une pièce de théâtre ? La
réponse a été unanime : une pièce de théâtre.
Etre acteur c’est pouvoir endosser une autre personnalité. C’est aussi pouvoir
se risquer au delà de ses propres limites.
Est-ce que l’activité théâtrale qui semble évidente et adaptée
permettra le changement attendu chez les élèves en difficulté ?
Permettra-t-elle les échanges entre élèves autant que
l’investissement individuel ?
Permettra-t-elle aussi de faire du lien entre ce qu’il se passe en
regroupement d’adaptation et dans la classe et, entre les diverses
connaissances et compétences que les élèves en difficulté n’arrivent
pas à mettre en pratique ?
Au premier abord, il semble que la motivation soit présente dès le départ dans
l’imagination des enfants concernés par le projet, dans leur représentation de
l’activité.
Cette motivation sera-t-elle assez solide pour surmonter les
difficultés d’une mise en scène ?
Perdurera-t-elle au delà du projet pour servir les apprentissages ?
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Aspects théoriques
1. L’élève en difficulté.
a) L’enfant/écolier/élève
Etre à la fois enfant, écolier et élève est une réalité pour chaque petit individu
qui se rend quotidiennement à l’école pour apprendre. L’Ecole, la Société attendent
de l’enfant qu’il soit un bon écolier doublé d’un bon élève. La plupart des enfants y
parviennent sans trop de problème. Que se passe-t-il pour l’élève en difficulté ?
« On peut (donc) être un écolier sans être encore véritablement un élève,
mais on ne peut pas être un élève sans être aussi un écolier. On décrit ainsi l’écolier
de l
’extérieur
par ses comportements et ses conduites sans donner d’importance
particulière à ses contenus de pensée on décrit en revanche l’élève de l’
intérieur
par ses démarches cognitives et les réalisations qui s’y rapportent. »
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Le trio enfant/écolier/élève se construit peu à peu. La Maternelle dont le
premier objectif est la socialisation fait passer l’enfant du milieu familial au milieu
scolaire en lui enseignant les gles spécifiques de l’Ecole. Les apprentissages
disciplinaires se colleront à cette scolarisation pour devenir centraux lors du passage
au CP.
Mais pour que l’enfant devienne élève, cet accompagnement ne suffit pas.
Encore faut-il qu’il ait le désir d’apprendre. On ne peut devenir élève sans ce désir là.
Pour les enfants signalés au réseau d’aide, l’absence de ce désir se traduit soit par un
comportement qui empêche l’enfant de devenir écolier, ce qui parasite ses
apprentissages en tant qu’élève, soit par un trouble de l’apprentissage malgré un
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J-J. Guillarmé & F. Eriksen : « Ecouter l’enfant, aider l’élève » EAP, Paris 2004.
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comportement écolier. Si le Maître G aide en rééducation l’enfant empêché
d’apprendre, le Maître E lui aidera, en regroupement d’adaptation, l’écolier en mal
d’apprendre.
Enfant
Maître G
Désir
d’apprendre
Elève Ecolier
Maître E
b) L’écolier en mal d’apprendre.
Au cours de ma carrière, j’ai souvent été interpellée par le décalage existant
chez certains enfants entre la capacité à emmagasiner les « informations scolaires »
et l’impossibilité de les réinvestir. Ce décalage était pour moi comme pour de
nombreux collègues source d’incompréhension et de désespoir.
A l’occasion des observations et évaluations des élèves que j’ai accueillis en
regroupement d’adaptation au cours de cette année de formation, j’ai pu écouter
autrement les enfants et mieux localiser ce décalage. Leur vision des apprentissages
même si elle se manifeste différemment selon l’âge, le niveau ou le cycle, reflète
toujours la même chose : « apprendre c’est faire pour l’autre, c’est faire comme
l’autre ». L’enfant se met en retrait. Il ne retire aucune satisfaction personnelle à
apprendre, il n’en voit pas l’intérêt. Il est écolier à l’école comme on peut exercer une
profession sans en éprouver l’amour du métier.
Lire pour l’élève de CP en difficulté c’est « travailler », c’est « pour faire plaisir
à la maîtresse ». Au CE1, la même image de la lecture peut perdurer. S’ajoutent
alors les premières règles grammaticales et avec elles, un autre décalage. « Une
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phrase commence par une majuscule et fini par un point ». Les enfants sont fiers de
pouvoir répéter cette phrase, car apprendre par cœur ce genre de choses c’est
« travailler », c’est « faire ce que la maîtresse demande ». Et ainsi de suite jusqu’à la
fin du Cycle III.
Comme le souligne Jacques Lévine : « Le sens qu’il (l’enfant) donne a son
histoire personnelle, familiale, sociale peut aussi bien jouer un rôle stimulateur
qu’inhibiteur par rapport aux investissements scolaires. »
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La distanciation que l’élève
en difficulté met entre ce qu’il faut apprendre et le pourquoi il faut apprendre est
significative de la distance qu’il met entre être écolier et être élève. Pour apprendre
il faut donner du sens à ce qu’on apprend, pour être élève il faut donner un sens à
sa présence à l’école.
L’élève en difficulté n’arrive pas à s’approprier le savoir. Le sens qu’il donne
aux apprentissages l’en empêche. Les raisons inconscientes peuvent en être
diverses. Elles sont rarement identifiables par l’entourage. Ce qui reste visible, ce
sont des comportements inadaptés qui se répètent. Ces comportements naissent
lorsque l’enfant se rend compte qu’il est en échec. Cette prise de conscience est une
blessure qu’il s’évertuera à ne plus revivre. C’est alors qu’il va adopter une attitude
passive face à la tâche scolaire qui lui pose problème. Car être passif, c’est ne pas se
risquer, c’est ne pas s’exposer.
Aider un élève en difficulté c’est l’aider à abandonner certaines
attitudes pour en construire de nouvelles plus actives, plus dynamiques, et
à retrouver le désir d’apprendre en donnant un sens aux apprentissages
auxquels il est confronté.
2. Le maître E et le regroupement d’adaptation.
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Entretien avec J. Lévine dans « Comprendre et aider les enfants en difficulté scolaire » de la FNAME,
chez RETZ, Paris 2004.
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