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Introduction Générale
Etat des lieux
La société camerounaise est une société plurale de par sa diversité ethnique et
linguistique. Par conséquent, comme toute société dans laquelle on retrouve un
foisonnement de cultures, elle est une société quelque peu dérisoire. Ici, les individus
aiment bien porter des jugements sur leurs propres groupes d’appartenance ou sur
des groupes différents des leurs.
Pour ainsi dire, au Cameroun, les préjugés sont très présents, surtout du point de
vue ethnique à cause de la multitude d’ethnies qu’on retrouve dans le pays.
Il se dit par exemple que les Eton sont « vindicatifs », les Bamiléké « aiment
l’argent », les Douala sont « vantards », les Bulu sont « bavards », les Bassa sont
« méchants ».
Des « jugements rigides et simplifiés »
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qui s’imposent aux membres de ces
groupes.
Ces quelques clichés, en général non vérifiés et non vérifiables sont pourtant ceux
que l’on retrouve de manière permanente dans la société camerounaise.
Ces perceptions ne s’arrêtent pas aux ethnies. On les retrouve également à travers
les genres et même les catégories socioprofessionnelles. Ainsi, on aura par exemple
des clichés apposés aux hommes, aux femmes, aux jeunes, selon qu’ils sont actifs
ou pas dans la société. Des hommes, on dira par exemple qu’ils sont tous forts, des
femmes qu’elles sont toutes belles, des jeunes qu’ils sont anticonformistes…
Certaines valeurs se retrouvent ainsi liées à un sexe, ou à une tranche d’âge, ce qui
en fait des stéréotypes.
Les stéréotypes se vivent au Cameroun et ils se « consomment » à travers les portes
ouvertes par le système. Ainsi ils sont présents dans la musique, le sport, la
politique, l’éducation, la religion… et ce système n’a pas laissé de la
communication et particulièrement la publicité. Bien plus, cette dernière se veut reflet
et révélatrice de la culture au Cameroun.
1
Madeleine GRAWITZ, Lexique des Sciences Sociales, 7ème édition, Dalloz, Paris, 2000, p. 385
2
D’après notre observation, la publicité au Cameroun tient compte des particularités
socio- culturelles. Elle « communique dans le contexte (…) de conventions et mythes
collectifs »
2
, ce qui veut dire qu’elle essaye au maximum de calquer les croyances de
son aire de déploiement.
La publicité vise l’adhésion du plus grand nombre, c’est pourquoi elle communique
avec ce grand nombre et se conforme à ses normes.
Cela explique qu’on retrouve des publicités télévisées, radio ou affichées, très
portées vers des représentations propres à un environnement culturel, dans lequel
tout Camerounais se reconnaîtrait, qu’il soit du Nord, du Sud, de l’Est ou de l’Ouest.
Quand nous observons l’affichage publicitaire au Cameroun (précisément à Douala,
la capitale économique du pays), on se rend bien compte qu’il ne déroge pas à la
règle. En général, les affiches tendent vers cette restitution plus ou moins fidèle des
codes et normes auxquels sont particulièrement attachés les individus.
Les affiches révèlent souvent un stéréotype fort, articulé sur la vision qu’on a de son
groupe d’appartenance ou d’un groupe différent du sien.
Mais la remarque que nous avons faite est que certains stéréotypes reviennent de
manière constante dans l’affichage publicitaire. Ce sont généralement les
stéréotypes sur les femmes, les hommes, les enfants, les jeunes ou encore des
représentations sur certaines valeurs telles que le pouvoir.
De janvier 2005 à juin 2006, nous avons observé les affiches 4X3 de la ville de
Douala, parmi lesquelles nous avons retenu quelques-unes comme corpus pour
notre travail.
Ainsi nous présenterons l’affiche de « JOHNNIE WALKER » dans laquelle on
retrouve aisément le stéréotype de l’homme « grand boss ». Le « grand boss » se
définissant ici par son statut professionnel, l’incarnation de la richesse, la
quintessence du succès ; des qualités les plus admirées par la société. C’est l’idée
qu’un homme, un vrai, doit être financièrement puissant et réussir socialement. Ce
stéréotype est peu à peu transféré au genre féminin et devient signe de mode et de
modernité.
C’est pourquoi, notre travail fera le distinguo entre les stéréotypes dits « modernes »
et les stéréotypes dits « anciens ».
2
LENDREVIE et BROCHAND, le nouveau Publicitor, 5ème édition, Dalloz, Paris, 2001, p. 446
3
Nous parlerons également de la campagne d’affichage de CIMENCAM qui montre le
stéréotype de « l’homme fort ». En montrant sa force, l’homme gagne
l’approbation des autres hommes et l’admiration des femmes. De toute évidence, la
force en elle-même est une valeur, mais le fait de lui donner forme à travers un
homme en fait un stéréotype. A ce niveau, le stéréotype serait, selon le Professeur
Laurent Charles BOYOMO, « la rencontre entre une valeur et la représentation
caricaturale et fermée de cette valeur »
3
Nous nous intéresserons aussi à l’affiche de MTN sur le service « PAY AS YOU
GO ». L’affiche avait été surnommée le « talon assassin ». Ici, apparaît l’idée de la
femme considérée comme un objet de désir, la « femme séductrice ». Cette idée se
décline à travers l’accroche Aucune offre ne peut résister au nouveau PAY AS
YOU GO ») et plus précisément à travers le verbe « résister ». L’offre de MTN est
comparée à une femme ou mieux, à son talon (métonymie) dans une chaussure
jaune qui écrase un téléphone de couleur orange.
L’autre cliché retrouvé très souvent est celui de la femme « bonne ménagère ». Il
présente, un peu comme sur l’affiche COCA COLA de décembre 2004, la femme
dans le rôle de mère de famille, servant à manger, ou s’occupant des taches
domestiques.
La campagne d’affichage du candidat Paul BIYA met en scène la représentation du
pouvoir tel que proposé par certains groupes hiérarchisés du Cameroun comme c’est
encore le cas dans les sociétés Bamoun et Bamiléké. L’idée est qu’il doit exister un
écart entre « le chef » et le reste du peuple.
L’objet de notre étude est de retrouver les stéréotypes mis en lumière dans
l’affichage publicitaire au Cameroun et d’analyser leur influence dans ladite société.
3
Pr. Laurent Charles BOYOMO ASSALA, rencontre de travail à l’UCAC, février 2005
4
La problématique
La problématique est finie comme le produit de l’élaboration d’un problème tel que
pris en charge par une théorie ou un ensemble de théories.
Le problème
Le problème de recherche est définit comme « l’écart ressenti entre une situation de
départ jugée insatisfaisante et une situation d’arrivée considérée comme
souhaitable ».
Pour Geneviève Cornu, « la seule référence dont peut se réclamer la publicité, est
l’ensemble des stéréotypes culturels. »
4
. C’est dire qu’en théorie, pour se faire
comprendre, la publicité devrait « puiser » dans la culture du milieu dans lequel elle
se déploie. Elle doit donc reproduire fidèlement ou presque la culture, être le miroir
de la société, pour l’intérêt de la marque, pour ne pas choquer le consommateur et
pour ne pas entacher la culture.
Les messages publicitaires affichés au Cameroun sont certes calqués sur la culture
de la société camerounaise, mais ils amplifient certains des stéréotypes qui la
constituent au point de choquer par moment les consommateurs.
De plus à y regarder de près, les affiches au Cameroun n’épousent pas toujours le
contexte. On se demanderait si l’image d’un homme à genoux, remettant des fleurs à
une femme ou encore de jeunes conduisant des scooters, renvoient effectivement
aux us camerounais.
En outre, fondamentalement, la notion de stéréotype est différente de celle de valeur,
mais on remarque que ces deux notions ont tendance à se chevaucher dans les
affiches publicitaires au Cameroun. Ici, il n’existe pas réellement de différence entre
les deux. Ainsi, dans certaines affiches, des valeurs peuvent prendre la forme de
certains stéréotypes et vice versa.
4
Geneviève CORNU, La lecture de l’image publicitaire, Semiotica, Vol 54-3/4, Amsterdam, Mouton, p.
426
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Les questions de recherche
La question principale
Quelle est l’influence des stéréotypes socioculturels présents dans les messages
publicitaires affichés au Cameroun (précisément dans la ville de Douala), du point de
vue du développement culturel et social du pays ?
Les Hypothèses
Madeleine GRAWITZ définit l’hypothèse comme « une explication provisoire de la
nature des relations entre deux ou plusieurs phénomènes. L’hypothèse scientifique
doit être confirmée ou infirmée par les faits »
5
.
L’hypothèse principale
Les stéréotypes de la publicité affichée au Cameroun véhiculent une idée forte du
conservatisme de la société camerounaise.
Hypothèses secondaires
o Les stéréotypes retrouvés dans les messages publicitaires affichés sont
un frein à l’ouverture au modernisme et au dynamisme de la société
camerounaise.
L’objet de l’étude
Notre étude traite des stéréotypes socio- culturels mis en lumière par l’affichage
publicitaire et leur influence sur le plan socioculturel et de ce fait, confirme le lien très
fort entre la culture et la publicité.
Notre analyse permet de montrer que la publicité évolue rarement en dehors du
cadre de la culture, et pour se faire comprendre, elle s’inspire de celle-ci. L’étude
relève donc par ricochet l’importance du rôle que joue la culture dans l’élaboration
des messages publicitaires destinés à un large public, mais pose le problème de
l’influence des stéréotypes contenus dans cette publicité affichée sur l’évolution de
ladite société.
5
Madeleine GRAWITZ, Lexique des Sciences Sociales, 7ème édition, Dalloz, Paris, 2000, p. 221
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