Analyse du « Dormeur du Val »
1. Un paysage idyllique
a. Une nature accueillante
On relève les différents éléments : la « rivière », la « montagne », le « soleil », l' « herbe », les
« glaïeuls », le « cresson ». La nature fait un nid douillet pour le dormeur, qui est dans un « trou »,
dans un « petit val » qui lui fait comme un « lit ». La métaphore dessine l'espace intime de la
chambre, espace rassurant comme le suggère l'adjectif « petit ».
b. Des couleurs harmonieuses
La couleur essentielle est le vert (« verdure », « l'herbe », « lit vert ». On trouve également le
« bleu ». La présence de ces deux couleurs en suggère un autre, le jaune, puisque bleu + jaune =
vert. Le jaune peut être représenté dans le poème par le soleil et la lumière. Une parenté sonore est
établie entre « vert » et « lumière » au vers 8.
De plus, les sonorités de l'adjectif « vert(e) » permettent d'établir une relation harmonieuse entre la
nature et le personnage principal de la scène, qui a la bouche « ou/verte ».
c. Une nature maternelle
La Nature est personnifiée. Au vers 11 le poète apostrophe la nature et emploie le verbe « berce »,
qui est l'une des actions principales associées à la mère.
Au vers 1 la nature est aussi personnifiée, puisqu'elle « chante », peut-être une berceuse. Le chant
de la rivière est matérialisé dans le poème par l'assonance en [ã] (« chante », « accrochant »,
« follement », « argent »). De plus le verbe « accrochant » contient la syllabe « chant ».
2. La représentation de la mort
a. Du sommeil à la mort
Le lecteur croit tout d'abord que le jeune soldat dort. On relève le champ lexical du sommeil
(« dormeur », « dort », « est étendu », « lit », « il dort », « il fait un somme », « il dort »,
« tranquille »). Mais au dernier vers on comprend que le soldat est mort : « deux trous rouges au
côté droit ». L'insistance sur le verbe dormir est en fait un euphémisme (figure de style qui consiste
à atténuer le sens d'un mot en employant à sa place un autre mot, moins violent ou choquant) : il
désigne le sommeil de la mort. Le retournement du dernier vers est conforme à la structure du
sonnet, qui veut que le poème s'achève sur une chute, ou pointe.
Or la relecture du poème nous invite à considérer que des indices préparant cette chute sont
disposés dans le texte. Dès le début du poème certains indices pouvaient en effet inquiéter le
lecteur : le soldat est « pâle », il est comparé à un enfant « malade », « il a froid » alors que le soleil
brille, il ne sent plus les « parfums ». On peut penser également à la position du dormeur, au vers
13, qui rappelle celle des gisants (statues qui ornent les tombes). De plus, la fleur retenue est le
« glaïeul », dont le nom vient du latin gladiolus, de gladius, « glaive ».
b. Le contexte : un poème autobiographique ?
Le poème a été rédigé en 1870 pendant la guerre qui oppose la France à la Prusse. Cette guerre
commence le 19 juillet. Or les glaïeuls fleurissent de juillet à septembre, ce qui permet de dater
assez précisément le souvenir qui a pu être à l'origine de ce poème. On sait que c'est pour Rimbaud
le temps de fugues, et qu'il grandit dans les Ardennes, théâtre de cette guerre. De plus, le
personnage central, « jeune », comparé à un « enfant », pourrait être une sorte de double du poète
adolescent, une figure dans laquelle il pourrait s'identifier. Pourtant, conformément à l'esthétique
parnassienne, on ne relève aucune marque personnelle ou subjective dans ce poème. Le poète est
totalement absent de son oeuvre, il ne livre pas ses sentiments. De plus, aucune information