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Préambule :
Qu’est-ce que l’économie ?
Il y a deux conceptions de l’économie.
Pour certains, l’économie est la « science
économique », « science des choix », - c’est la
définition de Stigler, qui reprend l’ancienne
formation de Lionel Robbins pour qui
« L'Économie est la science qui étudie le
comportement humain en tant que relation
entre les fins et les moyens rares à usages
alternatifs ». Cf. Essai sur La nature et la
signification de la science économique, Paris
Librairie Médicis 1947.
Source :http://lemennicier.bwm-
mediasoft.com/article.php?ID=104&limba=fr.
Karl Polanyi qualifie de « formelle » cette
définition. Dans ce sens, il s’agit d’étudier
l’usage optimal des moyens qu’on se donne ou
qui sont disponibles pour réaliser une finalité,
supposée donnée. L’acte est donc
« économique » s’il y est « rationnel ». Pour
d’autres, les économistes classiques du siècle et
les économistes « hétérodoxe » contemporains,
l’économie doit être comprise comme
« économie politique », science de la
production, de la circulation et de la répartition
des richesses sociales. À la différence des
néoclassiques, l’économie n’est une science que
d’un domaine de la vie sociale et de son
interaction avec l’environnement matériel. Karl
Polanyi qualifie de « substantive » cette
définition, qu’il a en commun avec Karl Marx
ou Alfred Marshall.
Ainsi, au chapitre 2 d’Avez-vous lu
Polanyi (par J. Maucourant, La dispute, 2005),
cette double signification de l’économie est
ainsi présentée : « Polanyi qualifie de
substantif ”, l’économie [qui] tire son origine de
la dépendance de l’homme par rapport à la nature
et à ses semblables pour assurer sa survie. [Ceci]
renvoie à l’échange entre l’homme et son
environnement naturel et social [et] permet
d’appréhender les phénomènes économiques pour
toutes les sociétés afin de réaliser des études
comparées. En revanche, la conception de
l’économie propre à la société de marché est très
différente. Polanyi la qualifie de formelle : le
sens formel dérive du caractère logique de la
relation entre fins et moyens, comme le montrent les
expressions “processus économique” ou “processus
qui économise les moyens”. Ce sens renvoie à une
situation bien déterminée de choix, c’est-à-dire entre
les usages alternatifs des différents moyens par suite
de la rareté des moyens […] Ainsi, l’économie
d’échange économique généralisé confond ces deux
sens de l’économique […] “Comme l’expliquait
Menger, l’économie comportait deux “directions
élémentaires” l’une était la “direction
économisante”, provenant de l’insuffisance des
moyens, tandis que l’autre, celle qu’il appelait
“direction technico-économique”, provenait des
exigences physiques de la production sans égard à
l’abondance ou l’insuffisance des moyens ”. L’acte
économique en général […] se distingue de sa
conception formelle […] Il faut ici distinguer la
finitude, le fait que le monde est fini, de la rareté,
état social les choix émergent à cause de
l’insuffisance de moyen : Le sens substantif
implique ni choix ni insuffisance. La subsistance de
l’homme peut entraîner ou non le besoin de choisir.
La coutume et la tradition, en général, éliminent le
choix et, si choix il y a, il n’a pas besoin d’être
causé par les effets limitants d’une quelconque
“rareté” des moyens ». Ainsi, pour des économies
qui ne sont pas dominées par le Marché, la
situation de rareté n’est pas la règle qui
détermine globalement le fonctionnement de
l’économie ; il existe d’autres contraintes que nous
qualifions pour ces sociétés, de politique ”,
religieuse ou éthique qui structurent
l’économie. Ces contraintes ne peuvent pas être
analysées en fonction de la logique coût-bénéfice,
sauf à supposer que les acteurs sociaux terminent
les normes socioéconomiques en fonction de ce type
de considération ».
Cf. : http://www.scienceshumaines.com/avez-vous-lu-
polanyi_fr_5570.html
Dans le cadre « substantif », ce sont les
moyens institutionnalisés de la « subsistance de
l’homme », et, plus généralement, le cadre
même de la vie humaine qui est l’objet de la
science. Or, nombre de peuples ne conçoivent
pas l’économie selon le critère de la
maximisation. Il ne s’agit pas de faire
systématiquement « au mieux » mais d’utiliser
les moyens, compte-tenu de contraintes
sociales : les hommes n’ont pas toujours été des
entrepreneurs capitalistes. Il faut se débarrasser
de l’idée d’économie comme activité
systématiquement basée sur la maximisation.
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Introduction :
Méthodologies de l’économie
§1. L’individualisme méthodologique (IM)
L’ IM est un principe d’explication qui
consiste à analyser un phénomène économique
ou social comme étant le résultat des
comportements individuels. La microéconomie
se fonde ainsi sur cet individualisme
méthodologique. Il existe également une
sociologie qui se veut aussi individualiste dans
sa méthode que la microéconomie : la
« sociologie compréhensive » de Max Weber.
En pratiquant la compréhension du sujet social,
« en se mettant à sa place », on tente d’en
arriver à une explication des comportements
collectifs. Cette méthode serait propre aux
sciences sociales car si on ne peut pas faire
d’expérience sur les hommes, en général, nous
sommes des hommes. On explique donc les
comportements humains au niveau collectif en
se fondant sur une logique des comportements
individuels : il suffit d’attribuer aux individus
certaines finalités, comme maximiser le profit
monétaire, selon un mode de conduite : celui du
comportement rationnel. On en examine, alors,
les conséquences du fait que les individus
poursuivent leurs objectifs. Il s’agit de rendre
compte de la naissance des phénomènes
collectifs (« supra individuels ») qu’on explique
par des interactions des comportements
individuels. On se méfie de certains concepts si
l’on est partisan de l’IM. La « société » est ainsi
une notion floue. Tout doit s’expliquer par des
comportements individuels (Hayek parle donc
de « supra individuel » au lieu de société).
Comprendre l’action humaine
présuppose la rationalité de celle-ci, bien
évidemment ! Certes, l’homme n’est pas
toujours rationnel. Mais, dans le cadre d’une
économie de marché en situation de
concurrence, les individus irrationnels peuvent
être évacués de l’analyse : ainsi un entrepreneur
fondamentalement irrationnel fait faillite La
concurrence comme fait collectif est l’aiguillon
de la rationalité individuelle. Toutefois, les
êtres humains ont des déterminations
culturelles, extrêmement fortes : on a du mal à
se mettre « à leur place » sans dommage ! Sauf
à projeter violemment certains types de
rationalité et d’image du monde social sur les
acteurs du système étudié.
§2. Le holisme méthodologique (HM)
Le holisme est un principe selon lequel
les comportements individuels s’expliquent par
référence aux structures sociales et au milieu
dans lequel se situent les individus. Nous avons
ainsi besoin de recourir aux « concepts
« sociaux » (Wesley Mitchell) pour comprendre
une réalité humaine qui est sociale. La
microéconomie peut, certes, être utile sur
quelques sujets : mais, à elle seule, c’est une
fausse piste qui éloigne la science de son seul
objet sérieux : la réalité. En effet, dans la
réalité, les consommateurs et producteurs
s’inscrivent dans des cadres sociaux,
historiquement construits, qui modèlent les
comportements des acteurs. Si l’on ne retient
que l’épure rationnellement reconstruite de
l’homo œconomicus, sans passé, sans influences
sociales ni objectifs sociaux généraux, on risque
de fabriquer une économie à faible contenu
empirique. Le HM veut donc prendre au sérieux
la richesse des contextes sociaux contre le
« rationalisme » propre la méthode très abstraite
de l’IM.
Ainsi, on ne veut pas partir, dans le
cadre de l’HM, de seules caractéristiques
prétendues des individus ; certaines règles
expriment des logiques du Tout sur les Parties
de la société. Ainsi, Marx estime qu’il importe
de découper la société en classes sociales pour
expliquer les comportements, car le
comportement individuel ne peut se comprendre
sans la logique de classe, sans les conflits entre
groupes humains liés au processus économique.
La contradiction entre classes permet de
comprendre la dynamique historique
d’ensemble (le tout) qui anime une société
divisée entre propriétaires des moyens de
production et les non propriétaires (les parties).
Néanmoins, Marx reste lucide : sans sentiment
d’appartenir à une classe, sans conscience de
classe, il n’y a pas de classe sociale, même si
les fondements matériels de la classe existent
économiquement. Pour Marx, sans le sentiment
subjectif d’être membre d’une classe,
l’objectivité de l’économie n’est pas un moteur
décisif de l’histoire.
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§3. Les institutions entre individualisme et
holisme
Évoquons maintenant les
« institutionnalistes américains », comme
Commons ou Mitchell, très célèbres dans
l’entre-deux Guerres, dont l’ambition était
d’améliorer le capitalisme et non de le
remplacer. Ils ont suggéré de fonder la science
économique sur l’étude des comportements
collectifs appelés « institutions », car les faits
collectifs déterminent largement les conduites
individuelles. Il peut s’agir de la propriété
privée, de l’État, de la monnaie etc. Plus
précisément, le concept d’institution renvoie à
l’ensemble de normes explicites, aux habitudes
et aux représentations partagées structurant la
vie sociale, assignant ce qui est légitime pour la
société et sanctionnant les déviances. Dans le
sens général, que nous prenons ici, outre la
propriété privée déjà citée, le langage, le don
l’échange de réciprocité sont des institutions.
Du point de vue analytique, l’institution désigne
en fait une notion très générale qui permet de
faire le lien entre le tout et les parties.
D’ailleurs, dans certaines sociétés, la
circulation de richesses et la motivation à les
produire se fait surtout par l’institution du don.
Le sociologue français Marcel Mauss a même
estimé que cette institution qui renvoie à
obligation de donner, de recevoir et de rendre
est le fondement même de l’interaction sociale.
A cet égard, dans certaines sociétés, quand on
accepte un cadeau, on doit le rendre, voire plus,
pour montrer qu’on est un homme de valeur,
généreux et digne. C’est la naissance d’un
cercle ouvert car il faut rendre à nouveau.
Celui qui ne peut plus redonner est dévalorisé
socialement. La circulation économique des
biens et services est donc le résultat de jeux
sociaux ; les transactions sont sociales et
économiques. La question du don renvoie à
l’alchimie de la société, l’alliance qui fait de
l’ennemi un ami. Le « symbole (symbolon) »,
qui est à l’origine, en grec ancien, un objet que
l’on casse pour sceller l’alliance de deux
groupes, va même désigner, sous la plume de
Platon, l’argent qui circule. L’économie est
encastrée dans la société et l’homme produit
des liens sociaux pour vivre. Il ne fait pas que
produire des biens pour vivre : l’homme,
animal social, est immergé dans un univers
symbolique.
Pour ce qui intéresse les économistes,
les institutions que l’humanité a créées pour
régler la société, c’est-à-dire les institutions
économiques, sont le don, la redistribution par
l’État, les marchés libres ou non, la propriété
privée, étatique ou sociale, la monnaie, la
finance, etc. Ces règles sociales, qui sont les
institutions mêmes, rendent les comportements
humains prévisibles, selon Commons (1874-
1950), l’inspirateur du New Deal. C’est cette
prévisibilité des comportements sociaux qui
rend possible l’économie comme « science du
comportement humain » (Mitchell). Sans
institutions, pas de science possible donc !
C’est ainsi parce que c’est un « esprit
institutionnalisé » qui habite l’homme que
l’économie est possible.
La question essentielle est la suivante :
il n’est donc pas possible de faire comme si les
institutions n’existaient pas : un individualisme
méthodologique de type « psychologique » est
irréaliste. C’est le très libéral Hayek qui a
tellement tenu compte de l’évolution sociale, de
la sélection des groupes sociaux, qu’on l’a
qualifié d’« individualiste institutionnel ».
Certains en ont déduit que l’IM est en fait une
contradiction dans les termes …
On peut considérer les holistes comme
des « institutionnalistes radicaux ». L’œuvre de
Veblen illustre ce cas : cet auteur, qui en
appelait à une révolution des techniciens et des
ingénieurs contre le capitalisme, a voulu
construire une théorie évolutionniste de la
production et de répartition des richesses. L
« industrie » et la « finance » était pour lui des
institutions antagoniques topos très actuel -
dont la contradiction même était
révolutionnaire, la quête du profit monétaire
étant l’effet d’un moment singulier de
l’évolution de l’humanité.
Alors, quelle méthode pour quelle
science ? L’Individualisme méthodologique, de
Smith à Hayek ? Ou un holisme
méthodologique de Veblen à Marx ?
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Chapitre 1
Aux fondements de la politique
néolibérale
Les principes de l’analyse de
Hayek
§1. Sur la Biographie de Hayek (1899-1992),
le libéral radical, et son œuvre originale
Hayek publie Prix et production en
1931 et s’oppose à Keynes, qui a écrit en 1930
La théorie de la monnaie. Mais, si la bataille est
perdue contre Keynes durant les années 1930-
1946, sa théorie monétaire de la « structure de
production » est redécouverte à la fin des
années 1970. Durant cette éclipse, il se lance
dans l’examen des fondements philosophiques
de l’économie et théorise une alliance de l’IM
avec l’approche compréhensive. Il approfondit
l’héritage de l’économie « autrichienne » de son
maître, Carl Menger. Sa philosophie
économique est dite « subjectiviste » contre
l’« objectivisme » de Durkheim ou de Marx.
Le subjectivisme hayekien, qui
s’affirme à partir des années 1940, insiste sur la
spécificité de la science sociale : on ne peut
faire d’expérience sur la société. Mais, ce n’est
pas une difficulté ! Le physicien qui ne peut se
mettre à la place des atomes n’a pas la chance
de l’économiste qui peut se mettre à la place
d’un individu D’ailleurs, on ne peut
assimiler la société à une machine. Il n’y a pas
de dessein immanent à la société qui, d’une
certaine, façon, n’existe pas : si l’homme veut,
la société ne « veut » pas : les structures
sociales ne sont que des émergences issues des
interactions humaines. Le holisme ne serait
donc pas possible car il n’est pas possible à
partir de la seule perception subjective de
connaître directement la totalité (la société) qui,
, peut être considérée comme un leurre
anthropomorphique. L’hypothèse de rationalité
des comportements humains est notons-le - la
pierre angulaire du subjectivisme à la Hayek,
même si la rationalité considérée est limitée.
Il s’éloigne ainsi de plus en plus de
l’approche économique traditionnelle des
néoclassiques, dont il était proche, et critique la
mathématisation à outrance de l’économie. On
peut dire qu’il rejette l’approche néoclassique
de l’équilibre général, le concept de « tendance
vers l’équilibre ». Il devient finalement le
prophète de la contre-révolution libérale qui
commence en 1979-1980 dans le monde anglo-
saxon, ce néo-libéralisme ne triomphant
vraiment, en France, que peu de temps avant sa
mort, en1992. Mais, à la fin des années 90, c’est
le retour des critiques contre son libéralisme.
Hayek, bien que partisan de l’IM, veut
que les théories économiques soient vérifiées et
inspirées par l’histoire : à la différence de
Mises, il est plus empiriste et tente de marier la
logique et l’histoire. Il est, d’une certaine façon,
« individualiste institutionnel », voulant rendre
compte de l’émergence du cadre institutionnel
et des mécanismes de l’interaction
interindividuelle dans le cadre d’institutions
données.
§2. Le marché comme institution
La théorie de l’émergence institutionnelle
La question est de savoir d’où
proviennent les institutions. C’est la question de
l’émergence : « Aux yeux de Hayek elles ne sont
jamais que le fruit d’un processus
évolutionniste d’essais et d’erreurs par lequel
les groupes humains sélectionnent peu à peu les
règles collectives de comportement les plus
aptes à promouvoir la coopération sociale de
leurs membres, comme c’est le cas pour le
langage » (Lepage [1980]).
Cette référence à l’évolutionnisme
signifie que les institutions comme la monnaie,
le droit, la propriété privée n’ont pas été
inventées par un individu : les hommes les ont
utilisées car ils se sont rendu compte qu’ils
s’enrichissaient plus qu’avec une autre
méthode. Plus encore, les groupes qui suivaient
ces règles plus efficaces ont triomphé des autres
par leur richesse et leur nombre dans le
processus de lutte pour la survie. Hayek
combine donc une théorie de la sélection des
individus à une théorie de la sélection de
groupes : son IM est donc « institutionnel ».
C’est Adam Ferguson (mort en 1823),
qui a inspiré Menger puis Hayek, par son
hypothèse que « les institutions sont le produit
de l’action des hommes et non de leurs
desseins ». Les travaux d’Hayek tentent alors
d’expliquer l’émergence du marché au cours
des âges. Son individualisme méthodologique
est complexe, car il est conscient qu’il est
difficile d’expliquer les mouvements sociaux
par la seule logique des comportements
individuels. Il essaye d’incorporer une
explication prenant en compte partiellement les
institutions. Les hommes produisent l’évolution
sociale mais ils sont obligés d’obéir à des règles
qui leur semblent injustes. Pour Hayek, les
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règles abstraites, qui favorisent le bien de tous,
n’ont pas pour objet de protéger un seul
individu mais expriment quelque chose
d’indifférent aux individus. Les règles de la
Grande Société ne donne aucun dessein, aucun
projet, mais édicte ce que l’on ne peut pas faire.
Il y a alors contradiction entre mérites
individuels et règles sociales.
L’institution spontanée du marché
Son objectif est expliquer le marché
comme ordre spontané. Le marché est un
acquis de l’évolution humaine : Hayek
transpose le modèle de l’évolution biologique
sur la société. Rappelons les deux facteurs de
l’évolution de l’espèce selon Darwin :
adaptation au milieu et fécondité différentielle.
Dans le processus d’évolution, les hommes se
trompent, des groupes disparaissent, d’autres
s’adaptent deviennent dominants. Les « gènes »
de la théorie évolutionniste en biologie ici sont
les règles sociales. Qu’est ce que la perspective
évolutionniste permet d’expliquer ? Comment
les hommes sont organisés ? la croissance
démographique ? la prolifération de l’espèce
humaine ? On peut dire que si les biologistes
sont spécialistes du vivant les économistes sont
eux les scientifiques du marché.
Certes, soutient Hayek, les hommes sont
moyennement intelligents car leur rationalité est
limitée : le cerveau limité de l’homme borne
considérablement sa raison. Sa principale
qualité est l’imitation ! L’homme n’est pas
assez intelligent pour trouver sans gêne ou sans
coût les informations pertinentes, qui sont, par
nature, dispersées. N’oublions pas que les
informations ou « connaissances » - dont
nous disposons sont rares : elles ont donc un
prix. Finalement, le point de vue de Hayek se
fonde sur le caractère limité et coûteux de la
connaissance et, enfin, sur le constat que les
informations sont dispersées. C’est le
problème crucial de l’action humaine.
Pour Hayek, le marché est un fruit
supérieur d’une évolution économique
multiséculaire. Cet « ordre étendu de la
coopération humaine » qui permet de dépasser
les limitations primitives de l’ère tribale.
Simonnot peut ainsi dire de Hayek que, selon
lui : « Les mystères du marché nous
dépassent. ». Rien ne peut remplacer la
discipline du profit, la propriété privée, la
concurrence, et les prix.
§3. Le marché comme procédure de
découverte
Le marché est une construction
humaine, fruit de l’évolution, qui permet aux
individus d’avoir des informations. La
définition classique du marché comme « lieu
abstrait se rencontre une offre et une
demande de biens ou services », c’est-à-dire
comme mécanisme de répartition de la pénurie,
ne prend suffisamment pas en compte cet aspect
décisif. Dans la finition de Lepage, qui
reprend Hayek, le marché est « un instrument
dynamique de mobilisation, de production, et
de diffusions des informations et connaissances
qui sont nécessaires à la vie des sociétés
complexes ». Selon Hayek, le marché est ainsi
un « processus » c'est-à-dire « une procédure de
découverte des informations » Pour que le
marché fonctionne, il faut dès lors des
procédures essais/erreurs. Les faillites ou le
chômage sont des choses régulatrices, qui
permettent d’éviter un gaspillage durable des
ressources rares. Pour que ce processus soit
opératoire, il faut que l’institution du marché
fonctionne avec l’institution de la propriété
privée. La loi du profit fait survivre les
entreprises qui s’adaptent aux nécessités de
l’économie
L’inspirateur de Hayek est ici Adam Smith,
qui écrit en 1776 : « quel capital peut-on
financer dont le produit sera susceptible de la
plus grande valeur ? […] chaque individu,
c’est évident, peut ou il se trouve, en juger
bien mieux que tout homme d’État ou
législateur ». Ce sont les gens qui doivent
assumer les conséquences de leurs actes, si on
les laisse libres d’accéder aux informations
nécessaires. Pour Mises, dès 1920 : Le
« commerçant identifie son intérêt avec l’intérêt
de l’entreprise, d’où l’efficacité de la propriété
privée ». Si le marché est efficace, c’est bien
qu’il nous permet de transférer, via le système
des prix, les informations que les entrepreneurs
ont trouvées. Et ceux-ci les ont obtenues parce
qu’il était leur intérêt de trouver ces
informations pertinentes.
L’idée du marché comme processus
s’oppose à l’idée d’équilibre. Pour Hayek, les
processus des marchés produisent une tendance
vers l’équilibre, la science économique tentant
de comprendre comment l’économie tend vers
cet équilibre (supposé). La référence à un
quelconque point d’équilibre des marchés est
une abstraction, qui peut induire en erreur, car
la rationalité des individus est limitée. Parfois
même, les institutions sont mauvaises et
contrecarrent cette tendance vers l’équilibre,
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