Analyse dimensionnelle L`analyse dimensionnelle est un outil

Analyse dimensionnelle
L'analyse dimensionnelle est un outil théorique servant à interpréter les problèmes à partir des dimensions des grandeurs
physiques mises en jeu, c'est-à-dire en gros de leur nature intrinsèque : longueur, durée, masse, intensité électrique, etc.
L'analyse dimensionnelle repose sur le fait que ne peuvent être comparées que des grandeurs ayant la même dimension ; en
effet, il est possible de comparer deux longueurs entre elles, mais pas une longueur et une masse par exemple.
Mathématiquement, cette assertion est fondée sur le théorème de Vaschy-Buckingham. L'analyse dimensionnelle est ainsi à la
base des systèmes d'unités naturelles.
L'analyse dimensionnelle est utilisée particulièrement en physique, en chimie et en ingénierie, elle permet notamment de
vérifier a priori la viabilité d'une équation ou du résultat d'un calcul et elle est utile pour formuler des hypothèses simples sur les
grandeurs qui gouvernent l'état d'un système physique avant qu'une théorie plus complète ne vienne valider ces hypothèses.
Étalons, unités et équation aux dimensions
L’équation aux dimensions est la formule qui permet de déterminer la dimension dans laquelle doit être exprimé le résultat d'une
formule. C'est une équation de grandeurs, c'est-à-dire dans laquelle on représente les phénomènes mesurés par un symbole ;
par exemple, une longueur est représentée par la lettre « L ».
Une grandeur est un paramètre mesurable qui sert à définir un état, un objet. Par exemple, la longueur, la température,
l'énergie, la vitesse, la pression, une force (par exemple le poids), l'inertie (masse), la quantité de matière (nombre de moles)…
sont des grandeurs.
Grandeur de base
D'une manière générale il est possible d'exprimer la dimension de toutes les grandeurs physiques en fonction de sept
dimensions de base. Les notations suivantes sont largement répandues1 :
Grandeurs de base et dimensions utilisées avec le SI
Grandeur de base
Symbole de la dimension
Longueur
L
Masse
M
Temps ou durée
T
Intensité électrique
I
Température thermodynamique
Θ
Quantité de matière
N
Intensité lumineuse
J
On aurait pu choisir sept autres grandeurs de référence, par exemple définir la vitesse comme grandeur de base et définir
l'étalon-longueur en fonction de l'étalon-vitesse et de l'étalon-temps (c'est ce qui est d'ailleurs fait implicitement, l'étalon-vitesse
étant la vitesse de la lumière dans le vide) ; le choix de ces sept grandeurs est une construction historique, les grandeurs ont
été choisies depuis le XVIIIe siècle en fonction des besoins et des étalons que l'on pouvait fabriquer de manière simple et
précise. Elles sont a priori les plus basiques et celles que l'on pourra difficilement exprimer en fonction d'autres grandeurs de
manière simple
Grandeur dérivée
Une grandeur dérivée est une grandeur dont la dimension est liée à au moins une des sept grandeurs de base.
La dimension d'une grandeur dérivée est dite simple lorsqu'elle n'est liée qu'à une des sept grandeurs de base.
Par exemple, la dimension de la superficie est simple : elle n'est liée qu'à la longueur et correspond au carré d'une longueur.
La dimension d'une grandeur dérivée est dite composée lorsqu'elle est liée à au moins deux des sept grandeurs de base.
Par exemple, la vitesse est le rapport d'une longueur par une durée.
Équation aux dimensions
L'équation aux dimensions est l'équation qui relie la dimension d'une grandeur dérivée à celles des sept grandeurs de base.
Dans une équation aux dimensions, la dimension de la grandeur dérivée X est couramment notée [X].
La forme générale d'une équation aux dimensions est :
[X]=LαMβTγIδΘϵNζJη,
:
L,M,T,I,Θ,N et J sont les dimensions respectives des sept grandeurs de base ;
α,β,γ,δ,ϵ,ζ et η sont les exposants respectifs des sept grandeurs de base.
Ces derniers sont appelés exposants dimensionnels.
Exposant dimensionnel
Un exposant dimensionnel est un nombre entier relatif.
Il peut être (strictement) positif, nul ou (strictement) négatif.
Grandeur sans dimension ou de dimension 1
Une grandeur sans dimension, ou grandeur de dimension 1, est une grandeur pour lesquels tous les exposants
dimensionnels sont nuls.
Ainsi, la dimension d'une grandeur est la manière dont elle se compose à partir des sept dimensions de base. Par
exemple, on dit que « la dimension d'une vitesse est une longueur divisée par une durée » (on dit aussi « la vitesse
est homogène à une longueur divisée par une durée). On note ceci de manière abrégée par une équation aux
dimensions :
[V]=LT (ou encore VLT).
La composition peut devenir plus complexe. Ainsi, la force a la dimension d'une masse multipliée par une longueur et divisée
par une durée au carré :
[F]=MLT2=MLT−2 que l'on peut aussi noter [F]=M[V]T.
Signification des exposants
Les exposants indiquent le degré d'influence d'un paramètre composant le phénomène sur l'intensité finale du paramètre. Ce
sont précisément ces exposants qu'on appelle « dimensions » dans l'expression « équation aux dimensions ».
Par exemple, dans le cas de l'étalon-force, considérons la forme intermédiaire de l'équation aux dimensions :
[F]=M[V]T.
Si l'on double la force :
on peut accélérer une masse double sur une même durée et atteindre une même vitesse, le [M] a donc un exposant 1 (stricte
proportionnalité) ;
on peut accélérer la même masse sur une même durée pour atteindre une vitesse double, le [V] a donc un exposant 1 ;
on peut accélérer la même masse durant la moitié du temps pour atteindre la même vitesse, le deuxième [T] a donc un
exposant -1 (1/[T]).
Prédictions
L'analyse dimensionnelle permet de trouver la solution de certains problèmes sans avoir à résoudre d'équations grâce
au théorème de Buckingham (parfois appelé « théorèmePi »).
Deux exemples célèbres sont le calcul de la puissance de la première bombe atomique et le modèle de Kolmogorov de
la turbulence homogène isotrope, qui a influencé grandement toute la mécanique des fluides.
Ce type de calcul n'est valable que si un petit nombre de paramètres contrôlent la solution d'un problème (2 ou 3).
Illustration de la méthode
Considérons un point matériel de masse m et de charge électrique q soumis à un champ magnétique uniforme B . Le point
matériel animé d'une vitesse v est soumis à la force de Lorentz :
F =qv B
Lorsque v B , le point matériel décrit un cercle dans le plan perpendiculaire au champ magnétique à vitesse
angulaire ω constante. Cette vitesse angulaire doit dépendre des paramètres m, q et B du problème. On peut chercher s'il
existe une relation simple, comme un produit, entre ces paramètres :ω=kmαqβBγ
k, α, β et γ sont des constantes inconnues, et des nombres sans dimension. Les équations aux dimensions permettent de
déterminer ces nombres. En effet, on a :
[F]=MLT−2=[qvB]=QLT−1[B] d'où l'équation aux dimensions d'un champ magnétique : [B]=MT−1Q−1
On en déduit l'équation aux dimensions de ω : [ω]=[kmαqβBγ]=MαQβ[B ]γ=Mα+γQβγTγ
Par ailleurs, la vitesse angulaire ω est le rapport d'un angle divisé par un temps T0 (la période de rotation) : ω=2πT0
Un angle étant sans dimensions, il vient : [ω]=T−1=Mα+γQβγTγ
On en déduit que γ = 1,0 ; α+γ=0 α=−1 ;
βγ=0 β=+1.
D'où la forme de ω :
ω=kqBm
On appelle « pulsation cyclotron » la grandeur : ωc=qBm
La constante numérique k ne peut pas être déterminée par cette méthode ; il faut faire un calcul explicite complet de ω pour la
trouver (ou une mesure expérimentale pour la déterminer). L'expérience montre cependant que, dans un système d'unité
adapté au problème étudié, la constante k est toujours de l'ordre de grandeur de 1 (au sens où π ~ e~ 1), d'où la pertinence de
l'analyse dimensionnelle pour prévoir la forme du résultat d'un calcul, ainsi que son ordre de grandeur2.
« Principe zéro » de la physique théorique
La puissance du pouvoir prédictif de l'analyse dimensionnelle en regard de sa simplicité a conduit Wheeler à proposer le
principe général suivant : « Ne jamais faire de calculs avant d'en connaître le résultat. »
Cet énoncé, qui peut sembler a priori paradoxal, signifie concrètement : ne pas se lancer dans un calcul compliqué sans avoir
trouvé au préalable la forme qualitative du résultat avec l'analyse dimensionnelle.
Exemple : un calcul de G.Taylor
La légende voudrait que l'analyse dimensionnelle ait permis à Geoffrey Ingram Taylor d'estimer en 1950 l'énergie dégagée par
l'explosion d'une bombe atomique, alors que cette information était classée top secret. Il lui a suffi pour cela d'observer sur un
film d'explosion, imprudemment rendu public par les militaires américains, que la dilatation du champignon atomique suivait la
loi expérimentale de proportionnalité.
Note 1
En réalité, la solution qui suit a été trouvée indépendamment par Geoffrey Ingram Taylor3 et John von Neumann4 durant la
seconde guerre mondiale. Après la guerre, cette solution a été publiée par trois autres auteurs L. I. Sedov5, R. Latter6, et J.
Lockwood-Taylor7,8. En 1949, suite à la déclassification des images d'une explosion nucléaire au Nouveau Mexique, Taylor
analyse les photographies à la lumière de ses travaux passés et en déduit la puissance de la bombe9.
La légende est la suivante[réf. nécessaire] : Le physicien Taylor suppose a priori que le processus d'expansion de la sphère de gaz
dépend au minimum des paramètres suivants :
le temps t ;
l'énergie E dégagée par l'explosion ;
la masse volumique de l'air ρ.
L'analyse dimensionnelle le conduit alors pour le rayon de la sphère de gaz à l'instant t à l'équation :
r=kE1/5ρ−1/5t2/5
k est une constante sans dimensions. Taylor retrouve donc bien la loi expérimentale de dilatation du champignon
r(t)t2/5,
ce qui semble valider son choix de paramètres. Il détermine alors r et t à partir du film, et, k étant supposée de l'ordre de l'unité
et ρ étant connue, il obtient finalement :
Eρr5t2
Note 2
En réalité, G. I. Taylor n'a pas utilisé ce raisonnement simpliste. Dans sa première publication, longue de 15 pages, G. I. Taylor
utilise l'analyse dimensionnelle pour simplifier les équations différentielles qui décrivent l'écoulement. Après de longs et difficiles
calculs, il obtient finalement la formule très simple suivante :
r=k(γ)E1/5ρ−1/5t2/5
où intervient la grandeur numérique k(γ) qui dépend de la constante γ qui vaut 1,4 à température ambiante, mais qui diminue à
haute température. Taylor s'étonne ainsi dans son second article du très bon accord entre la formule et les valeurs mesurées
sur les photos et précise qu'il s'attendait à un moins bon accord. Ce n'est donc qu'a posteriori, grâce aux lourds calculs de
Taylor et à la constatation expérimentale que la température n'intervient pas, que l'on peut retrouver très élégamment
l'expression du rayon du champignon nucléaire en fonction du temps et de l'énergie de la bombe.
Note 3
L'expression de l'énergie dans l'exemple ci-dessus (bombe nucléaire) peut être obtenue de manière plus générale sans faire
référence à l'expansion d'une sphère de gaz. Puisqu'il s'agit de retrouver rapidement le monôme qui intervient dans la
relation E=f(ρ,r,t), n'importe quelle méthode convient :
Par exemple, E=mc2[E]=ML2T−2 et ρ=mV[ρ]=ML−3 donc [E][ρ]=L5T−2, d'où Eρr5t2
Fiabilisation des calculs de physique
On peut renforcer la fiabilité des longs calculs de physique en vérifiant leur homogénéité dimensionnelle par évaluation
symbolique. Pour cela, on remarque que :
les dimensions des grandeurs forment un groupe multiplicatif ayant pour générateurs les dimensions de base ;
l'addition, la soustraction, les combinaisons min/max, l'affectation de grandeurs supposent opérandes et résultats de même
dimension ;
la dimension du résultat du produit (resp. quotient) de deux grandeurs est le produit (resp. quotient) de leurs dimensions.
Le procédé est automatisable.
Exemples de dimensions de grandeurs dérivées
Symbole
Unité SI
Dimensions
Superficie
A
L2
Volume
V
L3
Vitesse
v
LT−1
Accélération
a
LT−2
Nombre d'ondes
L−1
Masse volumique
ML−3
Nom
ML−2
Volume massique
L3M−1
Densité de courant
IL−2
Champ magnétique
IL−1
Concentration molaire (de
quantité de matière)
NL−3
Concentration massique
ML−3
Luminance lumineuse
ΘL−2
Fréquence
T−1
Force
MLT−2
Énergie ou travail
ML2T−2
Puissance
ML2T−3
Moment d'une force
ML2T−2
Pression
ML−1T−2
Viscosité dynamique
ML−1T−1
Viscosité cinématique
L2T1
Tension superficielle
MT−2
Débit massique
MT−1
Débit volumique
L3T−1
Chaleur ou enthalpie
ML2T−2
Entropie
ML2T−2Θ−1
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