2005-2006 Transparents Psychologie Sociale Sciences de l’éducation (L3) (Cours P. Pansu) -1- PLAN Le Rôle de l’environnement social dans le développement cognitif : présentation des principaux points de vue théoriques et de travaux expérimentaux INTRODUCTION - Environnement social et développement de l’intelligence : - Un consensus - Environnement social et phylogenèse. - Environnement social et ontogenèse. L’APPROCHE DE LA PSYCHOLOGIE MODERNE - L’approche Genevoise - La conception Piagétienne du rôle des interactions sociales dans le développement de l’intelligence. - La psychologie sociale génétique - Le conflit sociocognitif . Les pré-requis . La phase d’entraînement et le conflit sociocognitif - Marquage social et signification sociale - Point sur Piaget et le conflit sociocognitif. - L’approche de Lev Vygotsky - La thèse Vygotskyenne du rôle des interactions sociales dans le développement de l’intelligence -2- Point - Récapitulatif sur les modèles de Vygotsky et de Piaget - Récapitulatif sur l’école Genevoise : Interaction, confrontation sociocognitive et marquage social - Insertions sociales, comparaison, attribution de valeur et performances cognitives Les travaux de l’école de Clermont Ferrand : - Régulation sociale et marquage social - “Bons” et “Mauvais” élèves: Le rôle du contexte social et de l’image de soi. L’APPROCHE BEHAVIORISTE ET NEO-BEHAVIORISTE Du paradigme béhavioriste à l'approche néo-béhavioriste: le rôle d'autrui dans l'apprentissage des comportements - Le rôle des renforcements dans l'apprentissage des comportements et/ou de croyances - La théorie de l'apprentissage social (Bandura) - Le statut de l’observation dans le modèle de Bandura - Originalité du modèle de Bandura : - Les effets des renforcements vicariants : voir c’est devenir - Exemple de l’agression CONCLUSION GENERALE - Le prima au cognitif - Le prima au social -3- En guise de définition L’intelligence est souvent définie comme la capacité d’adaptation à un environnement (physique et social). On peut dire que l’intelligence est bien à la fois une organisation de l’activité individuelle et une caractéristique sociale institutionnalisée. Au début du siècle un psychologue comme Terman (1916) considérait à partir de sa classification des niveaux d’intelligence, que les sujets à quotient intellectuel médiocre ne devraient pas être autorisés à se reproduire ; trop prolifiques ils feraient baisser le niveau intellectuel de la population. Lemaine & Matalon (1984, p.39) “ Le quotient intellectuel des psychologues remplaçait les stigmates ou les marques de dégénérescence du XIX siècle auxquels plus personne ne croit plus alors ”. -4- Les uns: les héréditaristes considèrent l’intelligence comme déterminée par les gènes et envisagent peu sa possible modification ou évolution => sont sceptiques à l’égard de tout effort pédagogique pour réduire les inégalités. Les autres: environnementalistes, se réfèrent aux mécanismes d’apprentissage, à l’interaction avec le milieu => pour eux, il suffit de créer des conditions d’environnement favorable. On retiendra seulement que l'enfant ne naît pas intelligent. Il naît potentiellement intelligent. A la naissance l'enfant ne sait pas parler, ne "pense" pas, tout au moins au sens où on l'entend habituellement, et si ses organes sensoriels sont en état de marche, il est fort peu probable que toutes les informations que reçoivent ses organes aient une quelconque signification pour lui. Les compétences cognitives apparaîtront plus tard, au fur et à mesure que l'enfant grandit. -5- Henry Wallon disait : "De tous les êtres vivants l'Homme est à sa naissance le plus incapable, condition de ses progrès ultérieurs". On retiendra que, l'environnement social provoque l'apparition de compétences cognitives qui permettent à leur tour la mise en place d'un environnement social plus complexe, qui va à son tour provoquer l'apparition de nouvelles compétences cognitives, etc. Evolution conjointe et spiralée de la structure sociale et de la structure cognitive. De nombreuses observations, L’enfant semble très rapidement davantage sensible à un stimulus provenant d'un autrui social que d'un autre stimulus. Ce type de fait corrobore donc le postulat selon lequel l'environnement social est très important dans le développement de l'enfant. Mais il est encore plus simple de s'en convaincre en constatant les effets souvent dramatiques que peut avoir la carence d'un environnement social chez l'enfant. -6- Avec les enfants sauvages Au-delà des récits, les questions posées sont celles de la nature de l’homme et de ses capacités de développement. Qui sont ces enfants sauvages ? Les enfants animalisés (élevés par des animaux tels des loups mais aussi des ours, truies, léopards...). Le cas le plus célèbre est celui de 2 indiennes Kamala et Amala. (Le mythe de Tarzan). Les enfants solitaires (abandonnés à un stade plus avancé de leur développement) ex: Victor de l'Aveyron en est le prototype. Les enfants reclus (ceux qui sont séquestrés par des parents cruels ou psychotiques, ils sont isolés volontairement) Le plus célèbre est Gaspard Hauser mais le plus intéressant sur le plan scientifique est un cas contemporain : celui de Genie (dans les années 1970) En étudiant ces enfants (animalisées, reclus, solitaires), on cherche à déterminer quelles conséquences ont eu les carences de leur environnement et dans quelle mesure celles-ci sont réversibles. -7- Quant aux carences, les constats sont proches : Anomalies motrices : les enfants animalisés se déplacent à 4 pattes et les autres marchent plus ou moins bien (Genie). Anomalies de perceptions sensorielles : on croit d’abord Victor sourd (Ex des noix), Gaspard et Kamala voient très bien la nuit, tous les enfants animalisés, ainsi que Victor et Genie, sont insensibles aux différences thermiques ( chaleur et froid). Mais surtout absence quasi totale de langage. Quant à l’intelligence elle est d’après Skuse toujours affectée mais l’intelligence verbale bien plus que l’intelligence spatiale. Ainsi, privés de contact humain, ces enfants régressent jusqu'à paraître atteints d’idiotie, voire à se comporter comme des animaux. Mais cette plasticité joue-t-elle dans les 2 sens ? Oui Mais... Oui, car très rare sont les enfants qui, une fois recueillis, n’ont guère progressé… Mais dans la majorité des cas => récupération partielle avec un schéma constant : des progrès rapides, puis un plafonnement, notamment dans l’acquisition du langage. Ces exemples montrent par défaut l'importance primordiale de la présence d'autrui pour le développement de l'enfant (un enfant sauvage ressemble de très loin à ce qu'on attend d'un enfant). -8- Pour Lévi-Strauss "L'Homme élevé sans la société des Hommes ne peut être qu'un monstre parce qu'il n'est pas d'état pré-culturel qui puisse réapparaître alors par régression". Idée, => La culture n’est pas quelque chose qui se surajoute à la nature humaine, la culture est en quelque sorte la nature humaine. Au-delà des observations à partir des enfants sauvages, d'autres faits permettent aussi de penser avec certitude que l'environnement social est indispensable au développement de l'enfant. En 1945, René Spitz faisait déjà référence à ce qu'il nommait le syndrome d'hospitalisme. -9- Si ces observations sont intéressantes, elles ne nous apprennent que peu de choses sur les causes sous-jacentes à ces déficits, si ce n’est qu'elles sont de toutes évidences à situer dans l'environnement social de l'enfant. Davantage que la présence d'une mère, d'un père etc., c'est la présence d'un environnement social qui stimule, et qui est stimulé par l'enfant, qui est nécessaire. Ce qui semble indispensable c’est la possibilité pour l'enfant d'exercer un contrôle (tout à fait non-stratégique bien sûr) sur son environnement : avoir un partenaire avec qui "inter-agir" et ne pas seulement subir. - 10 - L’histoire de Harlow et de ses singes Sans assimiler le développement de l'enfant à celui de l'animal, on va s’intéresser quelques instants à des expérimentations sur la privation d'environnement social chez l'animal. Cette intrusion de la psychologie animale va nous permettre tout au moins de poser quelques jalons à propos de facteurs qui ne peuvent pas être étudiés tel quel chez l'Homme. C'est à Harlow que l'on doit des expériences sur ce sujet dans les années 50 et 70. Elles portaient toutes sur des singes de l'espèce rhésus. Harlow constate que des singes placés pendant 1 an dans des conditions d’isolement sont réduits à l'état de "végétaux semi-animés". Plusieurs questions se posent … - Est-ce l'absence de mère qui provoque ces déficits chez le singe? - Ces déficits sont-ils réversibles? - 11 - - Est-ce l'absence de mère qui provoque ces déficits ? Non. Harlow isole également des bébés singe par groupes de 4. ces derniers deviennent parfaitement adaptés, et même davantage que des singes élevés uniquement en présence de leur mère. Les singes les mieux adaptés sont ceux ayant profité de la présence d'adultes ainsi que de bébés singes de leur âge. - Est-ce que “ Ces déficits sont irréversibles?” Pas totalement, Lorsque des singes attardés sont placés parmi des singes normaux de leur âge, ils ne font aucun progrès. En revanche, lorsque Harlow, les place parmi des congénères de même niveau d'adaptation (des singes plus jeunes), ils font des progrès. On constate ainsi que les interactions ne sont favorables qu'à certaines conditions, i.e. lorsque le groupe est homogène. Nous verrons dans les travaux sur le conflit sociocognitif, que cette conclusion est également vraie pour les interactions entre enfants. - 12 - Exemple d’une expérience de Harlow, Il isole partiellement des bébés singes rhésus : Enfermés dans une cage grillagée, ils peuvent voir et entendre leurs congénères sans pouvoir les toucher… Il place dans la cage deux poupées ressemblant à une mère singe. L'une d'elle est faite de fil de fer, et l'autre est recouverte d'un tissu doux et confortable. Dans la moitié des observations, la mère-fer est pourvue d'une tétine sur le sein permettant au bébé de se nourrir à volonté. Dans l'autre moitié, c'est la mère-laine qui porte cet appareillage. Dès l’instant où le bébé singe est autonome dans ses déplacements (i.e. peut marcher seul) Harlow calcule le temps qu'il passe par jour dans les bras de la mère-laine ou de la mère-fer. Harlow constate que le bébé singe passe à peu près 10 fois plus de temps avec la mère laine, même lorsqu'elle n'est pas nourricière. Ce qui montre que l'attachement à un autrui n'est pas seulement du à la satisfaction d'un besoin fondamental de nourriture. Les réactions de peurs des bébés singes sont aussi intéressantes. L’introduction d’automates bruyants dans la cage : Le bébé de la mère "fer" a peur et se jette partout en tapant sur les cloisons et le plancher. Le bébé de la mère-laine se jette dans ses bras et y reste. Plus tard il se servira même de sa mère comme base de retrait pour s'approcher prudemment de l'automate. - 13 - Ceci démontre un besoin de contact physique précoce : besoin d’attachement du nourrisson et non uniquement d’un besoin primaire du bébé de s’alimenter (Besoin d’attachement qui ne concerne pas uniquement la mère, mais également d’autres personnes, des pairs…) - 14 - Pourquoi et comment le développement de l'intelligence nécessite-t-il la présence d'interactions sociales ? Les points de vues de la psychologie moderne Bref rappel sur Piaget Quelques mots sur la conception Piagetienne du rôle des interactions sociales dans le développement de l'intelligence. La conception de l’intelligence pour Piaget est une conception évolutive, il ne traite pas de l’intelligence comme d’un problème social. Notons toutefois que la conception Piagétienne du développement cognitif attribue une fonction importante aux coordinations et régulations sociales, l’intelligence humaine écrit Piaget en 1967 “ se développe, chez l’individu, en fonction d’interactions sociales que l’on néglige en général beaucoup trop ”. Mais pour Piaget les 2 domaines seraient régis par des opérations identiques et l’évolution de ces opérations se répercuterait en même temps dans le cognitif et le social. => ce faisant, il n’envisage pas de lien de causalité entre cognitif et social. i.e à la limite selon Piaget il suffirait d’étudier le développement des structures cognitives pour connaître le développement des régulations de l’interaction sociale. - 15 - "La vie sociale est nécessaire pour permettre à l'individu de prendre conscience du fonctionnement de l'esprit et pour transformer en norme proprement dite les simples équilibres fonctionnels immanent à toute activité mentale ou vitale" (Piaget, 1932). Est-ce le développement des outils cognitifs adéquats (pensée représentative, langage, réversibilité opératoire etc.) qui permet à l'enfant de mieux profiter des interactions sociales ou bien est-ce les interactions sociales qui permettent le progrès des outils cognitifs ? - Par exemple, la coopération est rendue possible par la décentration du point de vue de l'enfant et la perte d'une pensée égocentrée… Mais on pourrait tout aussi bien soutenir, comme le fait Piaget à une époque, que la coopération en proposant à l'enfant des points de vues contradictoires est source de décentration. - 16 - "Si le progrès logique va ainsi de pair avec celui de la socialisation, faut-il dire que l'enfant devient capable d'opérations rationnelles parce que son développement social le rend apte à la coopération ou faut-il admettre au contraire que ce sont ses acquisitions logiques individuelles qui lui permettent de comprendre les autres et qui le conduisent à la coopération ? Puisque les deux sortes de progrès vont exactement de pair, ma question semble sans solution, sauf à dire qu'ils constituent les deux aspects indissociables d'une seule et même réalité, à la fois sociale et individuelle" (Piaget, 1965). é - 17 - La psychologie sociale génétique L’idée centrale de la conception génétique est qu’à “ tout moment de son développement, des compétences spécifiques permettent à l’individu de participer à des interactions sociales relativement complexes qui peuvent donner lieu à de nouvelles compétences individuelles qui pourront s’enrichir de nouveau lors de participations à d’autres interactions sociales. ” (Doise, 1993, P126). Attention, cela ne veut pas dire pour autant que toute interaction soit source de développement individuel. Certaines interactions le sont mais d’autres ne le sont pas et peuvent même entraver le développement. - 18 - La thèse que soutient Doise est Durkheimienne (i.e l’origine des catégories fondamentales de la pensée est à rechercher dans la structure des relations sociales). Dans cette perspective Doise et Mugny (1981) => vont étudier le rôle des interactions sociales dans l'acquisition de la conservation des longueurs chez l'enfant. La méthode utilisée par Doise et Mugny implique un pré test, une phase expérimentale, un premier post test (identique au pré test et qui est passé juste à la fin de la phase expérimentale) et un second post test de rappel une dizaine de jours après la phase expérimentale. Pour Résumer, 1 - Le pré test permet de vérifier la situation cognitive des sujets face à la conservation des longueurs. 2 – La phase expérimentale est en fait la phase où l’on opérationnalise l’interaction sociale et le conflit sociocognitif i.e on choisit des situations qui rendent possible un conflit de centrations opposées mais qui relèvent d’un même raisonnement pré-opératoire. Par ex des sujets non conservatoires à l’égalité des longueurs sont placés devant la configuration suivante. Barre x x’ --------------------------------------y’ Barre y 3 – un post test identique au pré test 4 – Un post test de rappel une dizaine de jours après afin de vérifier la stabilité des progrès constatés juste après l’expérience. - 19 - Figure représentant les configurations successives à l’épreuve de conservation de longueurs égales. item1: item2: --------- --------- --------- --------- item3: item4: --------- --------- --------- -------- - 20 - On peut classer les enfants en trois stades de niveau Niveau non-conservatoire (les enfants non conservatoires): A ce stade les enfants reconnaissent l'égalité des longueurs pour les items 1 et 3. Comme argument, ils avancent que les "bouts" concordent. En revanche, pour les items 2 et 4, l'égalité n'est pas donnée. Les enfants se centrent sur un des 2 cotés. Niveau intermédiaire (le doute): A ce stade l'enfant donne parfois la bonne réponse d'égalité aux items 2 et 4 mais il ne peut pas l'expliquer. La configuration perceptive l'amène souvent à retenir l'inégalité. Niveau conservatoire: A ce stade l'enfant donne toujours la réponse d'égalité et en plus il fournit un bon argument opératoire pour justifier sa réponse : - identité => "les barres sont toujours les mêmes, on ne les a pas changées". - réversibilité => "si on les remet comme tout à l'heure elles sont pareilles". - compensation => "ça dépasse ici mais de l'autre coté c'est plus court, donc à la fin c'est pareil". - 21 - schématisation de la situation expérimentale Expérimentateur Enfant Compère adulte Réglettes - 22 - Tableau des résultats : Nombre d’enfants non conservatoires (NC), intermédiaires (I) et conservatoires lors des post-tests immédiat et différé. Nombre d’enfants “ NC ”, “ I ” et “ C ” lors des post-tests immédiat et différé Non-Cons. Interm. Cons. Condition 13 0 0 témoin 100% 0% 0% Post-test Modèle 11 1 8 immédiat similaire 55% 5% 40% Modèle 1 2 16 correct 5% 10% 84% Condition 12 1 0 témoin 92% 8% 0% Post-test Modèle 11 2 7 différé similaire 55% 10% 35% Modèle 2 4 13 correct 10% 21% 68% - 23 - La notion de conflit sociocognitif désigne donc un certain état de conflit entre les éléments cognitifs présents chez un individu. Ce conflit conduit l’individu à réorganiser ses raisonnements ou tout au moins à réaliser un effort d’ordre cognitif visant une nouvelle coordination des approches antérieures. i.e Il y a conflit sociocognitif lorsque 2 partenaires de travail présentent des divergences cognitives, des différences de point de vue. Ces désaccords sont à l’origine de restructurations cognitives personnelles. - 24 - Rappel de la procédure utilisée par Doise et Mugny: 1) On mesure le niveau initial du sujet à l'aide d'un pré-test individuel 2) Les sujets sont soumis à une (plus rarement plusieurs) phase(s) d'entraînement(s) => c'est à ce niveau que sont introduites les variables indépendantes. 3) On mesure le niveau terminal du sujet au cours de post-tests individuels (pouvant être immédiat ou différé). Le post-test différé sert à vérifier si les effets constatés lors du post-test immédiat perdurent. La psychologie sociale génétique ne cherche pas à comparer performances collectives et individuelles, comme certains champs d'étude de la psychologie sociale; elle cherche à découvrir la genèse des fonctionnements individuels dans les interactions sociales; à ce titre on pourrait dire que la psychologie sociale génétique défend une thèse encore plus "sociale" que la psychologie sociale traditionnelle : le social n'est pas une situation particulière dans laquelle s'insère le fonctionnement individuel; le social est le moteur du développement, donc du fonctionnement individuel. - 25 - Exemple de mise en place d'un conflit sociocognitif à partir de l'épreuve du village (Doise et Mugny, 1978). Schématisation du dispositif expérimental - 26 - trois stades de niveau Niveau 1 non-conservatoire (niveau CN) : Caractérise les enfants qui ne tiennent pas compte de l’orientation différente du village. Ils font une rotation à 90° sans tenir compte du fait que la marque a fait une rotation de 180°. On les qualifie de sujets présentant des compensations nulles (CN ) Niveau intermédiaire (niveau CP) : Caractérise les sujets qui présentent des compensations partielles (niveau CP). Les sujets ont conscience de la marque mais ils ne tiennent compte dans leur transformation que d’une seule dimension. Niveau conservatoire (Niveau 3 CT) A ce niveau la réponse est absolument correcte les compensations sont totales (niveau CT). - 27 - Schéma de la situation expérimentale (Ici 2 enfants placent les maisons de leur propre point de vue en effectuant une rotation de 90° comme le font les enfants de niveau 1 (CN) - 28 - Classification des réponses : Niveau 1 (CN=compensation nulle): les enfants ne tiennent pas compte de L’orientation différente du village B C D A Niveau 2 (CP= compensation partielle) : les sujets se montrent capables de réaliser une des inversions exigées 2-1: gauche/droite uniquement 2-2: avant/arrière uniquement A B C D C A D B Niveau 3: réponse correcte, les compensations sont totales (CT) D B A C - 29 - Quatre conditions expérimentales : - Travail individuel : sujets CN - Travail Individuel : sujets CP - Travail de groupe : sujets CN ayant participé à un travail de groupe. - Travail de groupe : sujets CP ayant participé à un travail de groupe. Résultats: fréquence des progrès au post-test progrès sans progrès individus CN 6 (31%) 13 (69%) groupes CN 13 (62%) 8 (38%) individus CP 12 (60%) 8 (40%) groupes CP 10 (83%) 2 (17%) Note : Rappelons que pour les sujets CN un progrès est compté lorsque le sujet devient CP ou CT. - 30 - Est-ce que les effets de l'interaction sociale sont indépendants du niveau initial de l'enfant ou l'enfant doit-il posséder des pré-requis sociaux et cognitifs pour en profiter ? C'est la seconde alternative qui est vraie : quelle que soit l'interaction sociale utilisée, un enfant de trois ans, par exemple, ne pourra pas acquérir la conservation des longueurs par le conflit sociocognitif Donc pour qu'un enfant devienne conservatoire grâce au conflit sociocognitif, il faut qu'il ait déjà atteint le stade pré-conservatoire. Carugati & Mugny (1985, p.68) relèvent trois phases dans l'acquisition d'une notion. 1 - Phase d'élaboration des pré-requis sociocognitifs : Au cours de cette phase les interactions sociales aussi bien que le travail individuel ne profitent nullement au progrès de l'enfant. 2 - Phase d'interdépendance: le sujet a élaboré les pré-requis qui lui permettent de profiter pleinement de l'interaction. 3 - Phase d'autonomisation => l'enfant maîtrise suffisamment la notion pour profiter autant d'un travail individuel que d'un travail collectif. - 31 - Pour résumer le conflit social a une double fonction, 1- créer ou rendre très saillant le conflit cognitif 2- inciter l'enfant à progresser pour résoudre le conflit social. A la question, le conflit sociocognitif est-il plus efficace qu’un conflit cognitif simple? Il semblerait bien que oui, mais seulement en phase d’interdépendance Retenir aussi que, Le dépassement du conflit social peut prendre plusieurs formes sans que toutes soient forcément très efficaces. Si l'enfant adopte la réponse de l'autre par pure complaisance, juste pour rétablir un état de relation plus confortable. Ce mode de dépassement du conflit est inefficace dans la mesure où il n'induit pas de travail cognitif sur la tâche elle-même. Il faut donc que le mode de dépassement du conflit se fasse sur une base de réciprocité pour qu'une co-élaboration de nouveaux outils cognitifs ait une chance d'apparaître. - 32 - Le progrès est-il fonction de l'intensité du conflit ? Une étude de Mugny Giroud et Doise - conflit faible : le compère propose des réponses de même niveau cognitif mais avec une centration opposée. - conflit fort : l'expérimentateur souligne à chaque fois les contradictions entre les réponses des deux partenaires. Résultats : Condition contrôle : 7% Conflit faible : 20% Conflit fort : 41% Mais => Une telle procédure a-t-elle induit une différence dans l'intensité du conflit ou bien une différence dans la saillance du conflit ? Selon Doise (1993) les travaux sur le conflit sociocognitif illustrent bien le fait “ que des coordinations cognitives chez l’individu se mettent en place à partir de coordinations entre individus ”. 1 – L’apport du conflit sociocognitif est bien d'inciter à une résolution immédiate du conflit à travers son dépassement par un éventuel progrès cognitif. 2 – L'interaction sociale la plus profitable est celle qui arrive au moment où l'enfant est tout juste prêt à acquérir une notion. - 33 - Parmi les propositions les plus importantes (cf. Doise, 1993) : 1 – C’est en coordonnant ses actions avec celles d’autrui que l’enfant est amené à construire des coordinations dont il n’est pas encore capable individuellement. 2 – Les enfants qui ont participé à certaines coordinations sociales deviennent ensuite capables d’effectuer seuls ces coordinations. 3 – Des opérations cognitives qui s’actualisent sur un matériel donné et dans une situation sociale particulière sont transposables, dans une certaine mesure, à d’autres situations et d’autres matériels (cf. l’utilisation des différentes épreuves de conservation). 4 – L’interaction sociale devient source de progrès cognitif par les conflits sociocognitifs qu’elle suscite. 5 – Pour qu’un conflit sociocognitif puisse avoir lieu, les enfants à une interaction doivent déjà disposer de certains bagages cognitifs. N’importe quelle interaction n’est pas profitable à n’importe quel enfant. 6 – Des régulations de nature sociale (normes, représentations), qui régissent une interaction donnée, peuvent aussi constituer un facteur important dans l’établissement de nouvelles coordinations cognitives dans cette situation. - 34 - La notion de marquage social a été proposée par Doise & Mugny (1981, p42) « pour analyser l’intervention causale de régulations sociales dans le développement cognitif. Il y a marquage social quand il y a homologie entre, d’une part, les relations sociales qui caractérisent l’interaction des protagonistes d’une situation spécifique et, d’autre part, les relations cognitives portant sur certaines propriétés des objets qui médiatisent les relations sociales ». i.e l’interaction avec autrui se passe (notamment dans leur expérience) à l’aide d’objets et que l’interaction avec des objets actualise aussi des significations et représentations de nature sociale. C’est à ce niveau entre les 2 qu’il faut introduire la notion de marquage social La notion de marquage social doit permettre selon Doise & Mugny d’étudier les liens entre d’une part les régulations sociales qui se produisent dans une situation et d’autres part, les opérations cognitives qui se déroulent chez les individus participant à cette situation. L'idée c'est que le marquage social induit dans certains cas la solution des conflits sociocognitifs. En fait ces auteurs (Doise, Mugny) soutiennent l’hypothèse d’une fonction structurante du marquage social. - 35 - Expérience - Sélection d’enfants (Pré test) qui ne maîtrisent pas une opération cognitive sur un matériel n’ayant pas de signification sociale. - Phase expérimentale : certains de ces enfants sont amenés à travailler avec un matériel faisant directement intervenir des régulations sociales (marquage social), d’autres enfants travaillent avec un matériel ne véhiculant pas de telles significations sociales (conditions sans marquage social). - Un post-test, utilise comme le pré-test un matériel sans marquage social et permet de voir d’éventuelles différences de progrès entre enfants condition marquage vs. non marquage social. - 36 - Selon Doise & Mugny on devrait s’attendre à ce qu’un tel marquage social facilite l’apparition de conflits sociocognitifs Expérience : Marquage social (Doise & Mugny, 1981) Pour résumer 4 conditions : 1-Groupes, avec marquage social (8 groupes : 16 enfants) 2 - Groupes sans marquage (5 groupes : 10 enfants) 3 - Individus, avec marquage social (9 enfants) 4 - Individus sans marquage (7enfants) ----------------- VI 1 : Condition de travail (collective vs. Individuelle) VI 2 : Marquage du matériel (marqué socialement vs. non marqué socialement). Mesure (VD) : Evaluation du niveau cognitif atteint par les sujets (post test). - 37 - Résultats Classification des sujets lors du post-test Groupes avec marquage social Groupes sans marquage Individus avec marquage social Individus sans marquage - 38 - CN CP CT 3 3 10 (19%) (19%) (62%) 5 3 2 (50%) (30%) (20%) 2 4 3 (22%) (45%) (33%) 3 3 1 (43%) (43%) (14%) Donc, si le marquage social a un effet en soi, il est particulièrement propice au développement cognitif lorsqu’il est associé à un travail collectif. Pour conclure : On dira qu’il y a conflit sociocognitif lorsque des différences de point de vue apparaissent => et ces désaccords sont à l’origine de restructurations cognitives personnelles. La notion de conflit sociocognitif désigne donc un certain état de conflit entre les éléments cognitifs présents chez un individu. Ce conflit conduit l’individu à réorganiser ses raisonnements ou tout au moins à réaliser un effort d’ordre cognitif visant une nouvelle coordination des approches antérieures. - 39 - La thèse Vygotskyenne du rôle des interactions sociales dans le développement de l'intelligence Selon Vygotsky, chaque fonction psychique supérieure apparaît toujours deux fois au cours du développement de l’enfant. 1 - Elle se manifeste tout d’abord dans une activité collective soutenue par l’adulte et le groupe social : donc à un niveau inter-psychique (i.e interindividuel) 2 - puis elle apparaît ensuite lors d’une activité individuelle i.e à un niveau intra-psychique et devient une propriété intériorisée de la pensée de l’enfant. L'exemple le plus souvent cité est celui du langage. Le langage apparaît d’abord comme moyen de communication i.e il a donc en tout premier lieu une fonction communicative avec l'entourage social. Puis progressivement l’enfant va utiliser le langage pour se parler à lui-même (langage intérieur): c’est le langage égocentrique (qui va devenir le régulateur principal de l’activité cognitive du sujet). Selon Vygostsky, en se transformant en langage intérieur le langage devient le véritable régulateur des comportements du sujet. - 40 - Représentation schématique de la “ Zone proximale de développement ” niveau atteint par l'enfant en autonomie niveau atteint par le même enfant, mais guidé par un adulte niveau de complexité d'une activité cognitive ZONE PROXIMALE DE DÉVELOPPEMENT Cette Zone caractérise "la distance existant entre le niveau de développement actuel de l'enfant, jugé par ses capacités de résolution d'épreuves standardisées en situation de travail autonome, et son niveau de développement potentiel évalué par ses capacités de résolution lorsqu'il bénéficie d'un guidage de l'adulte" (Blaye, p.13-14). - 41 - Selon Vygotsky, le développement cognitif se fait en "tirant" continuellement l'enfant vers le haut, c'est à dire en le faisant travailler, avec l'adulte, dans la zone proximale de développement. La médiation sociale ne permet un véritable apprentissage que si elle se situe dans cette zone. Comparaison des points de vue de Piaget et Vygotsky. PIAGET Rôle des interactions sociales dans le Facilitateur développement cognitif Fonction du partenaire Susciter de la décentration, des conflits cognitifs, inciter à les résoudre Interactions sociales Enfant-enfant privilégiées Mécanisme Processus intraresponsable du individuel de rédéveloppement cognitif équilibration majorante - 42 - VYGOSTKY Causal Prendre en charge le contrôle de l'activité, guidage Adulte-enfant Processus d'internalisation du contrôle de l'activité (langage intérieur) Des développements empiriques de la conception Vygotskyenne Wertsch (les années 80), par exemple identifie grâce à ses observations, 4 niveaux dans le passage d'une régulation par autrui à une autorégulation. 1- Communication difficile: le fossé est trop grand entre les définitions respectives de la tâche par l'enfant et la mère. 2 - l'enfant commence à prendre conscience de ces liens mais de façon non systématique. 3 - les deux définitions coïncident largement: C’est le moment où l'enfant profite le mieux du guidage de l'adulte, et arrive ainsi à réaliser la tâche. 4 - c'est la phase d'autorégulation: l'enfant peut réussir la tâche de façon autonome. Pour Vygotsky, le langage, les théories scientifiques, la mémorisation etc. et les autres fonctions psychiques supérieures ne sont accessibles à l’enfant que dans le cadre de la communication avec l’adulte et de la collaboration avec des camarades (plus capables) - 43 - Récapitulatif : le modèle théorique de l’apprentissage sur lequel Lev Vygotsky a construit ses conceptions s’oppose sur divers points à celui de Jean Piaget. Jean PIAGET Modèle théorique Tient à un modèle plutôt constructiviste reposant sur une conception biologique de l’apprentissage. Rôle du Consiste à construire des situations partenaire favorables à l’émergence de conflits (l’adulte) cognitifs. Apprentissage et La capacité d’apprentissage dépend du développement développement de l’enfant. L’apprentissage se fait par décentration progressive à partir de l’égocentrisme enfantin. Processus intra-individuel équilibration majorante - 44 - de Lev VYG S’appuie sur un modèle soc sur une conception sociale de Consiste à permettre à collaboration ce qu’il sera demain. L’apprentissage favorise le d qui se fait par intériorisation grâce au langage intérieur. Chaque fonction psychique au cours du développemen niveau individuel. ré- Processus d'internalisation (langage intérieur) le point de vue psychosocial implique de ne pas considérer l’univers cognitif comme gouverné par des lois binaires (sujet-objet) mais au contraire d’adopter un principe ternaire, dans lequel le social est constitutif des modèles qui en découlent. Cette conception psychosociale indique une approche cognitive impliquant l’objet et les conditions sociales du rapport à l’objet. Cette considération de l’objet (par ex la tâche scolaire) et des conditions sociales du rapport à l’objet permet de prendre en compte des aspects souvent négligés par une psychologie souvent très intra-individuelle (comme le rôle des pairs, les positions sociales, les statuts...). - 45 - Les études de Monteil et de son équipe de Clermont Ferrand. L’effet des positions scolaires. (Monteil, Eduquer et Former, 1989, Soi et le Contexte, 1993). Ces travaux s’inscrivent dans le droit fil de cette conception psycho-sociale Garder à l’esprit => des régulations sociales comme l’ont montré de nombreux travaux (relatifs par ex au conflit sociocognitif et ceux inspirés de Vygotsky) interviennent fortement dans la mise en place de nouvelles formes de raisonnement. Avec les travaux de Monteil et al. => On va voir notamment comment les élèves sont en quelque sorte tenus à rester à la place qui leur a été assignée par leur histoire scolaire personnelle. Il s’agit là d’effets de marquage social, dans un sens encore plus général, que celui que nous avons vu jusqu’ici. - 46 - Figure 1 (d’après Monteil, 1993): Comparaison sociale, visibilité sociale, niveau scolaire et performance cognitive. Note (sur 20) Sans comparaison sociale Avec comparaison sociale Bons élèves Elèves faibles 12 8 6 Anonymat Individualisation Anonymat Individualisation Note 1 : - Individualisation (Visibilité) : situation dans laquelle les élèves sont informés qu’ils vont suivre un cours et qu’ils seront interrogés individuellement durant le cours. - Anonymat : situation dans laquelle les élèves sont informés qu’ils vont suivre un cours mais qu’aucun d’entre eux ne sera interrogé durant le cours. Note 2 : Comparaison sociale : situation dans laquelle il est dit aux élèves qu’il y a parmi eux 4 sujets de niveau scolaire élevé et 4 de niveau faible. Non comparaison : situation dans laquelle il est dit aux élèves qu’ils sont tous de même niveau. - 47 - On voit clairement ici que 1) la situation sociale dans laquelle on place les bons ou les mauvais élèves peut fortement influencer leur performance 2) ce qui semble important c’est de se percevoir comme “ meilleur ” ou “ moins bon ” et d’être “ visible ” ou “ anonyme ”. Ces situations dans lesquelles les élèves sont mis en comparaison ne sontelles pas très courantes dans nos écoles ? Sont-elles bénéfiques pour tous les enfants ? - 48 - Pour mieux comprendre le phénomène, une deuxième expérience a cette fois été réalisée seulement avec de bons élèves. Figure 2 (d’après Monteil, 1993) : Feed-back de succès ou échec, visibilité sociale et performance cognitive (“ bons ” élèves uniquement). Note (sur 20) 16 14 Succès 12 Echec 10 8 6 0 Individualisation Anonymat Notons, au passage, que des résultats semblables (avec de bons élèves) ont été répliqués dans différentes disciplines scolaires. Une série d’expérience a même montré que ces effets se manifestent davantage dans les disciplines les plus valorisées comme les maths, la biologie, et moins dans les disciplines comme l’éducation manuelle et la technologie. - 49 - Les processus psychologiques mis en jeux ne sont, cependant, pas si simples. En effet, la réplication de cette expérience avec, cette fois, de “ mauvais élèves ” donne des résultats bien différents: Figure 3 (d’après Monteil, 1991, 1993) : Feed-back de succès ou d’échec, visibilité sociale et performance cognitive (“ mauvais ” élèves uniquement) Note (sur 20) 16 14 Feed -back Succès 12 Echec 10 8 6 0 Individualisation Anonymat Ce résultat est l’inverse de celui qu’on a pu observer chez de bons élèves. Chez les “ mauvais ” élèves, le fait de s’attendre à être évalué ne produit aucun effet positif sur leurs performances, bien au contraire. C’est en situation d’anonymat que les “ mauvais élèves ”, à qui on a attribué de la réussite (sanction +), obtiennent les meilleurs résultats. - 50 - Une recherche de Monteil et Huguet a même montré que dans le cadre d’un cours de dessin, bons et mauvais élèves ne se distinguent pas quant à la mémorisation d’une figure géométrique, alors que dans le cadre d’un cours de géométrie, les “ bons ” élèves ont des résultats nettement supérieurs aux “ mauvais ” élèves! 24 Note de l'élève Mauvais 21,7 22 20,6 20,9 Bon 20 18 16,3 16 14 12 Géométrie Dessin Figure 1 : Effet du simple habillage de la tâche ("géométrie" versus "dessin") sur le niveau de performance à une même tâche d'élèves de 6ème et de 5ème connus pour leur niveau scolaire en mathématiques ("bon" versus "mauvais") (Huguet et al., 2001). Les notes pouvaient varier de 0 à 44. - 51 - A partir de là on peut se demander bien entendu ce qui se passe dans la tête des élèves ? Pourquoi les choses se passent-elles ainsi ? D’après Monteil, la réponse est simple, elle se trouve probablement dans l’histoire scolaire des sujets. Les élèves qui réussissent ont en général un itinéraire scolaire balisé de renforcements positifs, alors que celui des élèves en échec scolaire est plutôt jalonné de renforcements négatifs. Les bons élèves qu’on peut dire rompus aux pratiques d’interrogations publiques (visibilité) sont familiarisés avec le succès, tandis que les autres, habitué à l’échec, se comportent comme s’ils n’étaient pas en mesure d’endosser publiquement une attribution de succès alors que lorsqu’on garantit à ces derniers l’anonymat, l’attribution de succès provoque des effets considérables sur leurs performances. On peut donc se demander si l’attention, de ces élèves en échec, ne serait pas consacrée à gérer cette situation sociale inhabituelle au détriment de l’investissement dans la tâche scolaire à effectuer ! L’enfant préoccupé par ce qui lui arrive, ne parvient pas à se concentrer sur ce qu’il doit faire. Idée qu’il existerait des schémas de soi scolaires d’échec ou de réussite. - 52 - A ce stade, il est utile de tester l’hypothèse selon laquelle “ les conditions expérimentales ramènent à la mémoire certains éléments liés à l’histoire scolaire des élèves. ” Expérience de Huguet, Monteil et Brunot Contexte de l’étude : dans cette étude les sujets sont des “ bons ” et des “ mauvais ” élèves qui assistent comme d’habitude à un cours de math. Lorsqu’ils entrent dans la salle, sur la table se trouve une petite fiche sur laquelle sont dessinées des figures géométriques (élément supplémentaire). On ne leur dit rien à ce sujet, etc. - 53 - Figure 4 (d’après Monteil, 1993): Notes moyennes obtenues par les sujets à l’épreuve de mathématiques. Note (sur 20) BONS ELEVES ELEVES FAIBLES 12 8 succès 6 Anonymat Individualisation Anonymat Individualisation Figure 5 (d’après Monteil, 1993): Scores moyens de rappel obtenus par les sujets concernant les figures géométriques Score de rappel Maxi = 19 BONS ELEVES ELEVES FAIBLES succès 8 4 2 Anonymat Individualisation - 54 - Anonymat Individualisation Les Résultats de cette étude montrent que : Les mauvais élèves auxquels on a dit qu’ils ont réussi l’exercice antérieur et placés en situation de visibilité (situation inhabituelle pour eux, cas d’incongruence), réalisent leur performance la plus faible à la tâche principale, le cours mais aussi à la tâche de rappel. Selon Monteil le coût cognitif était dans ce cas trop important (voire maximal, puisque situation inhabituelle) et de fait non seulement ils n’ont pas traité le problème demandé, mais ils n’ont pas non plus prêté attention à leur environnement, d’où mauvais score et mauvais rappel... En revanche, les mauvais élèves auxquels on a attribué de l’échec (donc situation familière, congruente pour eux) ont des performances très élevées à la tâche de rappel. En fait, tout se passe comme si les “ mauvais élèves ” se disaient : “ Ce que le professeur dit ne m’intéresse pas vraiment, je vais regarder ce qui se passe ailleurs ”. Et de fait ils prêtent attention à ce qu’il y a autour d’eux et notamment à la fiche qui se trouve sur la table et => se souviennent bien des figures qu’elle contient. Les résultats pour les bons élèves sont strictement inversés. - 55 - Ils obtiennent le meilleur score lorsqu’on leur dit qu’ils ont réussi à l’exercice antérieur et qu’ils seront interrogés oralement (situation parfaitement conforme à leur histoire scolaire) et leur plus mauvais résultat lorsqu’on leur dit qu’ils viennent d’échouer à l’exercice antérieur. Il semble donc que certaines situations d’apprentissage peuvent activer la mémoire autobiographique du sujet, lequel va devoir alors traiter simultanément les propriétés d’une tâche et un contexte cognitif interne qui est le résultat d’une histoire personnelle. - 56 - Très globalement, ces résultats montrent clairement que la réussite (vs. l’échec) à une tâche scolaire ne dépend pas uniquement des compétences et habilités cognitives propres à chaque individu, mais dépend aussi du contexte social dans lequel est placé l’élève. Caractériser publiquement des élèves comme bons ou mauvais agit fortement sur leurs performances dans des tâches scolaires. Dans un cas, l’anonymat peut rassurer les élèves les plus en difficultés et dans l’autre cas il peut faire plutôt obstacle aux meilleurs qui s’investissent plus quand la réussite est visible. Mais surtout les comportements humains quelles que soient leurs caractéristiques, cognitives, affectives, biologiques ou sociales ne sauraient s’expliquer par une causalité unique rapportée exclusivement dans la personnalité et aptitudes des sujets et cela en dépit de la situation dans laquelle est produit le comportement. Sur le plan de la psychologie des apprentissages, ces résultats suggèrent que les élèves, “ bons ” ou “ mauvais ”, aient développé au cours de leur histoire scolaire certaines croyances relatives à leurs capacités, une certaine image d’eux même, et que leurs expériences passées de réussite ou d’échec et les conséquences affectives qui y sont associées, peuvent être réactivées dans une situation d’apprentissage pour favoriser ou détériorer la performance. Ainsi si l’interrogation publique, le regard d’autrui, peut être un stimulant pour l’élève qui espère réussir, c’est visiblement un élément perturbateur pour l’élève qui craint l’échec. C’est dans les conditions d’anonymat, l’angoisse de l’évaluation disparue, que ceux-ci semblent apprendre le mieux. - 57 - Pour parfaire ces travaux notons également que Monteil et son équipe ont émis l’hypothèse qu’il existe des schémas de soi scolaires d’échec ou de réussite et qu’ils ont analysé la façon dont les élèves se décrivent euxmêmes. Bons et mauvais élèves se décrivent avec des critères de réussite lorsque les contenus d’auto description portent sur des thèmes de réussite. Ce qui est particulièrement rassurant au sujet des mauvais élèves. En revanche, ils mettent beaucoup plus de temps que les bons élèves à reconnaître un item “ réussite ” comme étant auto descriptif. Enfin lorsqu’on demande aux uns et aux autres de présenter des exemples de comportements de réussite qu’ils ont déjà eu l’occasion d’adopter, les mauvais élèves ont nettement moins de souvenirs de cet ordre que les bons élèves. La situation est inversée lorsqu’on demande aux sujets de se souvenir de comportements d’échec. Retenons, L’image qu’un individu a de lui-même et de ses compétences est donc étroitement liée à son histoire personnelle, et dans le cas présent, à l’expérience scolaire. L’ensemble des expériences réalisées par Monteil et son équipe démontre que lorsqu’un individu dispose de certaines compétences, la façon dont celles-ci s’expriment dépend pour une part non négligeable des conditions dans lesquelles il se trouve. Echec et réussite sont fortement liés à un contexte social et non pas seulement aux capacités personnelles des individus. - 58 - Si au terme de ces travaux la plus grande prudence s’impose quant à leur valeur pragmatique directe, on peut retenir l’idée d’une pédagogie de l’insertion sociale puisque placés en position de comparaison sociale les sujets gèrent différemment les sanctions (réussite vs. échec) selon les positions sociales qu’on leur donne (anonymat vs. visibilité). Retenons de ces travaux que les activités évaluatives ou distributives de sanctions semblent devoir s’effectuer avec la plus grande précaution. Compte tenu de l’impact cognitif des sanctions négatives, surtout quand elles ont un caractère public, il importe de les attribuer aux productions de l’élève et non à l’élève lui-même. Attention Dire que les performances et constructions cognitives individuelles sont étroitement dépendantes des interactions et significations sociales, ne conduit pas à rejeter le fait qu’il puisse exister des limitations cognitives liées au sujet lui-même. - 59 - Très globalement, retenons que c’est notamment au travers du regard d’autrui et des comparaisons entre soi et autrui que se construit et se négocie l’image de soi… En fait que se soit au niveau affectif, cognitif ou comportemental les conséquences des représentations de soi sont nombreuses… Et de ce fait il me semble certainement utile d’en tenir compte lorsqu’on analyse les comportements i.e il peut être utile d’analyser les comportements des élèves en tant que stratégies permettant d’atteindre et de préserver une image de soi acceptable, une identité positive. - 60 - Cependant ces quelques recherches expérimentales, par delà leur intérêt spécifique, soulèvent des questions plus fondamentales. Elles sont, en effet, au cœur de ce qui constitue le regard de la psychologie sociale. montrent que le comportement scolaire résulte tout à la fois des caractéristiques propres aux élèves et des caractéristiques propres aux situations scolaires dans lesquelles ils sont placés. Rappel de la fameuse équation de K. Lewin (1951), l’un des pères fondateurs de la psychologie sociale : C=f (PxS) [ le comportement (C) la personne (P) et la situation (S) ] Fig. Adaptation schématique de la fonction C=f (PxS). COMPORTEMENT PERSONNE X SITUATION ensemble des caractéristiques propres à une personne ensemble des caractéristiques propres à une situation - 61 - L’approche béhavioriste & néo-béhavioriste. Sans réduire le psychique à ce qui est observable, rappelons que les béhavioristes se donnent comme ligne de conduite de ne pas faire d'inférence sur ce qu'ils ne peuvent pas observer directement. Ils s'intéressent essentiellement aux réponses observables fournies pas la personne ; et leur perspective développementale repose sur l'étude de l'apprentissage de ces réponses. La démarche Béhavioriste vise donc à identifier les stimuli présents ou passés (relatifs à l’histoire de l’individu) dont les réponses ou comportements sont des fonctions au sens mathématique. si on connaît les premiers (ie. les stimuli) il est possible de prédire les seconds et inversement. Le psychologue d’inspiration béhavioriste ne peut se contenter d’une description des comportements. Un comportement est toujours une réponse à un stimulus, et le comportement a toujours pour fonction d'atteindre un but. D'une manière plus générale, le paradigme béhavioriste a pour but de poser un problème de façon à pouvoir éventuellement le résoudre. On peut éventuellement modifier un comportement, un contexte. Comment modifier "la tendance à la violence" puisque ça n'est pas un objet spécifique que l'on peut traiter de la sorte ! Au contraire, pour les béhavioristes on le traitera toujours à travers ses manifestations. - 62 - Une étude de Brown et Elliott, 1965 Objectif : Afin de réduire les chamailleries et les échauffourées entre les jeunes élèves les chercheurs ont demandé aux enseignantes et éducatrices de - 1) récompenser tous les comportements sociaux positifs ou coopératifs des enfants… - 2) de faire peu de cas de tous les comportements agressifs en disant par ex « ça ne m’intéresse »… Tableau : Effet des renforcements positifs sur l’agressivité des enfants Nombre moyen d’actions agressives Moment de l’observation physique Verbale Totale Avant le traitement 41,2 22.8 64 Après 2 semaines de traitement 26 17.4 43.4 Quelques semaines après le traitement 37.8 13.8 51.6 Après le deuxième traitement 21 4.6 25.6 Adapté de Brown & Elliott, 1965 Globalement, il ressort de cette étude qu’ignorer l’agression et récompenser les bonnes actions => des effets puissants sur de jeunes enfants. - 63 - La notion d'apprentissage des comportements par renforcements (directs) a été developpée par des chercheurs comme Watson, Pavlov, Thorndike, Skinner, Bijou & Baer, Patterson etc, dans le cadre des théories de l'apprentissage. L'idée est que le répertoire comportemental d'un sujet (enfant ou adulte) a été modelé par les interactions du sujet avec son environnement en suivant les propriétés de la loi de l'effet. Loi de l’effet (law of effect) (Thorndike, au début du siècle) Définition (d’après le Dictionnaire de Psychologie) : « Principe explicatif de la psychologie de l’apprentissage, selon lequel l’apprentissage s’effectue par modification de la force de la connexion qui existe entre un stimulus et une réponse, cette modification trouvant son origine dans les conséquences ou l’effet de la réponse elle-même. » C’est à dire que : i.e la modification est «l’effet du résultat » (ou inversement) Si l’effet est satisfaisant pour l’organisme, la force de connexion est alors augmentée, Si l’effet est nocif, la force de connexion est supposée diminuer (par la suite, cette deuxième partie de la loi de l’effet a été souvent critiquée et on lui a substitué la notion « d’extinction ») - 64 - Ainsi, on peut penser avec Skinner par exemple, que ce qui fait notre "personnalité" est en fait un répertoire comportemental façonné par les différents renforcements reçus tout au long de notre existence. Une personne "calme" est, dans cette optique, une personne dont les comportements calmes ont été et sont encore davantage renforcés que les comportements agités. Les fortes différences entre personnes, s’expliqueraient alors par les différences de renforcements qu'ils ont reçus. En fait l’approche béhavioriste en psychologie est connue pour les nombreuses applications qu’elle a suscitées à partir des principes théoriques et des analyses expérimentales du comportement que ce soit au niveau de psychothérapie (thérapies comportementales) ou de l’intervention psychopédagogique, les applications des principes du conditionnement à la modification du comportement sont nombreuses. - 65 - La théorie la plus connue en matière d'apprentissage social : la théorie de l'apprentissage social, Bandura. Ex de l’étude de Bandura 1965 dans laquelle Bandura et coll. confrontent des groupes d'enfants à des films au cours desquels une personne manifeste des comportements agressifs gestuels et verbaux sur des poupées. 3 conditions 1) le personnage agressif est récompensé 2) il est puni 3) Il n’est ni récompensé ni puni. nbre moyen de comportements 3,5 3 2,5 Performance 2 1,5 Rappel 1 0,5 0 Personnage récompensé Personnage puni - 66 - Personnage ni récompensé, ni puni La méthode générale inventée par Bandura : la méthode des comportements anecdotiques. Selon Bandura et les tenants de la théorie de l’apprentissage social l’agression est un comportement essentiellement acquis et une bonne part des comportements agressifs sont appris par imitation de modèles tels que les parents, les pairs ou par le biais des médias (télé etc.). - 67 - L’étude Bandura, Ross & Ross, 1961 révéla que le fait d’être placé devant un modèle agressif a 2 effets importants sur les enfants : 1er ils manifestent plus de comportements agressifs que les enfants placés devant un modèle non agressif ou ceux du groupe contrôle et ce aussi bien pour les comportements imités que non imités (regarder sur résultats) 2ème certains enfants faisant face au modèle non agressif (particulièrement ceux faisant face au modèle masculin) manifestèrent moins de comportements agressifs que ceux du groupe contrôle. Donc, l’agression est apprise non seulement à partir de récompenses et punitions mais aussi à partir de modèles : i.e Voir c’est devenir. Selon la théorie de l’apprentissage social le modelage détermine l’apprentissage grâce à sa fonction d’information. Selon Bandura l’apprentissage par observation comporte 4 processus élémentaires. Plus précisément il distingue 2 phases dans l’imitation (l’acquisition et la reproduction). chacune de ces deux phases étant influencée par 2 sous processus : - 68 - Selon Bandura, 1976 1 - Les processus attentionnels : « déterminent sélectivement ce qui est observé parmi le nombre des modèles auxquels un sujet est exposé, et ce qui est extrait à partir de l’observation ». i.e les individus ne peuvent pas apprendre grand chose par observation sans porter attention et percevoir correctement les traits spécifiques des comportements modèles. 2 - Les processus de rétention : En fait la rétention est la représentation en mémoire sous une forme symbolique des comportements du modèle. De manière à ce que les observateurs profitent du comportement des modèles observés lorsque ces modèles ont cessé d’être présents. 3 - Les processus de reproduction motrice : Cette composante du modelage concerne la traduction des représentations symboliques en actions. 4 - Les processus motivationnels : Rappel : Bien distinguer acquisition et performance => les gens ne traduisent pas en actions tout ce qu’ils ont appris. Il y a plus de chances que les gens adoptent un comportement modèle si les résultats du comportement ont de la valeur que s’il aboutit à des effets punitifs ou non renforçants. Les conséquences observées influencent donc aussi la conduite modelée. - 69 - E ACQUISITION v é n e m e n t s m Attention Rétention o d REPRODUCTION Reproduction motrice P e r f o r m a n c e Motivation s Attention: régit l'enregistrement des comportements du modèle. Rétention: conduit à une représentation mnésique des comportements du modèle Reproduction motrice: aide à intégrer les comportements du modèle Motivation: influence la reproduction des comportements du modèle - 70 - ACQUISITION Attention Rétention REPRODUCTION Reproduction motrice Motivation En résumé, selon Bandura les effets du modèle dépendent du degré d’attention de l’observateur, de sa capacité de bien percevoir et mémoriser la situation, de la pratique mentale et de la reproduction motrice des actions du modèle (de même que de la relation entre celui-ci et le modèle) et de sa motivation. - 71 - Un point important donc dans le modèle Bandura : Le statut de l'observation Dans les théories traditionnelles de l'apprentissage c'est le comportement du sujet qui est directement renforcé par la punition ou la récompense. L'originalité de Bandura est donc d'accorder à l'observation un statut fonctionnel : le fait d'observer un modèle renforcé aura chez l'enfant le même effet que s'il avait lui-même été renforcé. Dans le paradigme des comportements anecdotiques, l'enfant observe un modèle (Séquence comportementale très spécifique : « Poum sur le nez » etc.). Ce modèle émet des comportements qui sont renforcés positivement ou négativement. Selon Bandura (et ses résultats le montrent) l'observation du modèle a les mêmes conséquences que si l'enfant avait été lui-même renforcé. Par renforcement vicariant on désigne un renforcement qui n'est pas attribué à la personne qui est en situation d'apprentissage mais par un modèle. i.e le modèle reçoit le renforcement "à la place" du sujet. - 72 - - Les effets des renforcements vicariants: Le comportement peut être augmenté (voire diminué) via l’observation - acquisition : par ex, le fait d'observer un nouveau comportement renforcé positivement peut permettre l'acquisition de ce nouveau comportement. - désinhibition Le fait d'observer un modèle s'engager dans une action peut amener le sujet à réaliser lui-même cette action alors qu'il ne la réalisait pas avant. Ex de Bandura et al. : Des enfants d’âge préscolaire terrorisés « à la vue » des chiens ont été invités à regarder simplement 20 mn par jour un petit garçon visiblement heureux de jouer avec des chiens. Au bout de 4 jours 67% d’entre eux acceptaient de se mettre dans un parc avec un chien et restaient à le caresser alors que les gens quittaient la pièce petit à petit. Une mesure réalisée un mois plus tard a montré la persistance des comportements dans le temps et les enfants étaient plus que jamais disposés à jouer avec les chiens. Idem pour O’Connors (1972) avec des enfants d’âge préscolaire non intégrés au groupe. - 73 - Grâce au modèle de Bandura on voit que l'observation peut également modeler de nombreux comportements, y compris les comportements agressifs. Bandura montre que les enfants imitent spécialement les modèles agressifs lorsque (Leyens, 1979, p144): - les actes agressifs sont renforcés positivement - les actes agressifs ne sont pas punis (ce qui est assimilable à un renforcement positif). i.e lorsque le héros impose sa force. - les adultes ne désapprouvent pas les actes montrés à l'écran - des compagnons de même sexes, fonctionnant comme des renforcements positifs, sont présents lors de la phase d'imitation - l'agression du modèle s'adresse à des personnages inanimés plutôt que vivants. - 74 - Une question importante au regard des travaux de Bandura : celle de l'impact de la violence télévisuelle sur l'agressivité de l'enfant. Mais est-ce la télé qui les rend agressifs ou est-ce parce qu’ils sont agressifs qu’ils regardent plus la télé et plus particulièrement les programmes violents ? De nombreuses enquêtes corroborent des résultats plus convaincants observés en laboratoire sous des conditions bien contrôlées. L’étude de Leyens et al. (1975) démontre la pertinence du modèle de Bandura dans une situation plus réelle que celle du laboratoire (une institution composée d'adolescents ayant eu des problèmes avec la justice, leurs parents, l'école...) Procédure: - Durant une semaine on observe les comportements agressifs des jeunes en soirée (pour un pavillon = nbre de cpt agressif/durée d'observation). Cette observation sert de mesure étalon. - Durant la deuxième semaine on projette un film tous les soirs. • 2 pavillons visionnent des films violents: « Iwo-Jima, Bonnie & Clyde, les 12 salopards, zorro et le gaucher ». • 2 pavillons visionnent des films non-violents: « Lily, Alexandre le Bienheureux, La fiancée de papa, Sébastien parmi les Hommes, La belle américaine ». - 75 - Résultats de Leyens et al. 1975 (Agressivité physique) Note : un score de .100 correspond à 1 comportement agressif toutes les 6 minutes. Pavillon 1 (films violents) Première semaine: .020 Deuxième semaine: .060 Pavillon 2 (films violents) Première semaine: .030 Deuxième semaine: .130 Pavillon 3 (films non-violents) Première semaine: .030 Deuxième semaine: .005 Pavillon 4 (films non-violents) Première semaine: .005 Deuxième semaine: .005 - 76 - La convergence de ces résultats avec ceux d’autres études menées sur le terrain (Parke et al.) et en laboratoire ne laisse guère de doute quant à l’impact de l’effet des films violents sur l’accroissement de l’agressivité des spectateurs. L'exposition à des modèles agressifs télévisuels peut favoriser l'apparition de comportements agressifs. Note : L'association américaine des psychologues (APA) a pris clairement et publiquement position en déclarant que la violence télévisuelle engendre l'agressivité chez les enfants. - 77 - Conclusion Générale PIAGET Rôle des interactions Facilitateur sociales dans le développement cognitif Fonction du partenaire Susciter de la décentration, des conflits cognitifs, inciter à les résoudre Interactions sociales Enfant-enfant privilégiées Mécanisme Processus intraresponsable du individuel de rédéveloppement cognitif équilibration majorante - 78 - VYGOSTKY Béhavioristes Causal béhavioristes Causal Prendre en charge le Procurer contrôle de l'activité, renforcements guidage Modelage observation Adulte-enfant Enfant-enfant Adulte-enfant Processus Loi de l'effet d'internalisation du Renforcement v contrôle de l'activité (langage intérieur) 2 façons de concevoir la façon dont l'individu développe ses aptitudes à percevoir le monde social qui l'entoure Le prima au cognitif : - L'enfant développe des structures cognitives de plus en plus élaborées. Par ex: d'abord l'enfant est incapable de conservation, puis il acquiert cette compétence cognitive. - c'est le développement des aptitudes qui conduit l’enfant à percevoir différemment le monde (à modifier les inférences qu'il fait) Typique: Piaget le prima au contexte - Le contexte dans lequel est placé l'enfant évolue. Par ex : D'abord l'enfant est placé dans un contexte centré sur la famille (les parents) qui sert de référence pour son fonctionnement. En grandissant l'enfant est inséré dans de multiples contextes (la famille, l'école, les cercles d'amis). Ces multiples contextes, en imposant plusieurs points de vue à l'enfant, le forcent à développer des outils cognitifs qui lui permettront de coordonner ces points de vue. - C'est la modification du contexte social dans lequel est inséré l'enfant qui le pousse à développer des structures cognitives qui lui permettront de l'interpréter correctement. Typique: Bandura. - 79 - D'une manière générale, le développement de l'enfant doit être abordé sous l'angle cognitif aussi bien que sous l'angle social : Chaque personne développe des compétences cognitives spécifiques, mais pourtant largement commune aux membres d'une même société. La compréhension des compétences cognitives peut aider à comprendre la façon dont l'enfant perçoit le monde. Elle a des retombées concrètes en matière d'éducation, notamment dans le diagnostique de l'échec. Mais Le monde social, dans lequel évolue l'enfant, participe pour une part importante à son développement cognitif : part essentielle pour les uns, facilitatrice pour les autres, => peu importe : il y participe. Source de décentration, source de modèle, source de névrose ou source de renforcement, l'environnement social détermine la façon dont fonctionne l'individu. La bonne connaissance du développement de l'enfant doit prendre en compte tous ces facteurs et ne pas perdre de vue cette conception interactionniste entre le social et le cognitif. - 80 - Références minimales. Bandura (1976). L’apprentissage social. Bruxelles, Pierre Mardaga Editeur. Bressoux, P. et Pansu, P. (2003). Quand les enseignants jugent leurs élèves. Paris : PUF. Blaye, A. (1988). Confrontation socio-cognitive et résolution de problèmes à propos du produit de deux ensembles. Thèse de Doctorat, Université de Provence. Doise, W. (1993). Logiques sociales dans le raisonnement. Paris, Delachaux & Niestlé. Doise, W & Mugny, G. (1981). Le développement social de l’intelligence. Paris interEdition. Doise, W & Mugny, G. & Perret-Clermont, A.N (1975). Social interaction and the developpement of cognitive operations. European Journal of Social Psychology, 5, 367383. Doise, W, Deschamps, J.C. & Mugny, G. (1991). Psychologie Sociale expérimentale. Paris, Armand Colin Editeur. Leyens, J.P. (1974). Psychologie Sociale. Bruxelles, Pierre Mardaga Editeur. Leyens, J.P. & Yzerbyt, V. (1997). Psychologie sociale. Bruxelles, Pierre Mardaga Editeur. Monteil, J.M. (1989). Eduquer et Former. PUG. Monteil, J.M. (1993). Soi et le contexte. Paris, Armand Colin. Piaget, J. (1932, 1973). Le jugement Moral chez l’enfant. PUF. Vygotsky, L. (Trad. Fr Sève, F. , 1985). Pensée et langage. Messidor-Editions Sociales - 81 - - 82 -