Jean-Paul Sartre 2005 : Le centenaire Philosophe, romancier, dramaturge, biographe, polémiste, journaliste et théoricien de l'esthétique, Sartre, dont on célèbre les cent ans cette année, a participé à tous les événements importants de son époque et a été de tous les combats pour la défense de l'individu ou des nations. Bibliothèque Nationale de France Photo H. Cartier-Bresson© Jean Daniel, directeur du Nouvel Observateur évoque Sartre et Camus : " J'ai vécu ma jeunesse sous les influences croisées et flamboyantes de l'un et de l'autre, de leur complicité comme de leurs conflits… D'abord dans le cas d'une génération comme la mienne imprégnée de Gide et de Malraux, il était évident que c'était chez Camus et Sartre, et chez eux seuls que l'on pouvait trouver des héritiers directs dans cette conjonction d'esthétisme et d'engagement qui ne se rencontrera plus sous cette forme à cette époque. Adolescents, nous retrouvions le Gide des Nourritures terrestres dans les Noces de Camus et le Malraux de la Condition Humaine dans le Mur de Sartre." Et je crois qu'il en est ainsi pour plusieurs générations d'adolescents. Sartre et Camus, pendant les années lycée, ont été pour moi une sorte de révélation littéraire. Et si ce que nous lisons peut nous changer profondément, ou plutôt nous "affirmer" dans nos personnalités en construction, ces deux-là resteront des figures incontournables dans le long parcours "initiatique" de la lecture... Sartre et Camus... Leur amitié, leurs divergences, leurs conflits... Puis ces quelques mots dans l'oraison écrite par Sartre à la mort de Camus : « Nous étions brouillés, lui et moi : une brouille n'est rien [] tout juste une autre manière de vivre ensemble et sans se perdre de vue dans le monde étroit qui nous est donné. Cela ne m'empêchait pas de penser à lui, de sentir son regard sur la page du livre, sur le journal qu'il lisait et de me dire : 'Qu'en dit-il ? Qu'en dit-il en ce moment ? » *** Cette page consacrée au centenaire de Sartre, je l'ai réalisée en recherchant des articles et des citations, de manière très subjective, simplement en retenant ce qui me plaisait le plus. Il n'y a rien là d'exhaustif, loin s'en faut, Sartre était un homme aux multiples facettes, présent sur la scène littéraire, philosophique, politique... mais aussi dans les cabarets de St Germain... Sartre emblématique, Sartre polémique. Aussi cette page ne fournira que quelques pistes qui pourront être explorées davantage grâce à la section liens... 840909310 - 1 - une doctrine philosophique : Ce n'est pas une science, c'est-à-dire un ensemble de connaissances vérifiables expérimentalement. C'est un ensemble d'opinions que l'on présente comme vraies. qui a pour objet l'existence de l'homme : L'existentialisme est un humanisme : cette doctrine s'intéresse principalement à l'homme, son existence et sa raison d'être dans le monde. A sa façon, a exprimé, d'une manière assez radicale, le leitmotiv de cette philosophie : "Il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux: c'est le suicide. Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d'être vécue, c'est répondre à la question fondamentale de la Philosophie" (Le mythe de Sisyphe). prise dans sa réalité concrète et au niveau de l'individu : Le souci de nous-mêmes et de l'orientation de notre destinée. Selon les exigences de notre coeur, de nos sentiments et de nos émotions, prime celui de l'explication rationnelle du monde. engagé dans la société : L'existentialisme n'enseigne ni la fuite ni le repli sur soi. Il encourage l'agir et l'ouverture. L'être humain est LIBERTÉ. Mais pour la vivre le plus pleinement possible, il doit s' engager dans son milieu en réalisant des projets à l'intérieur d'une communauté humaine. La philosophie existentielle selon Didier Julia (dans le Dictionnaire de la philosophie) http://www.cvm.qc.ca/ccollin/conception/existentielle/notice.htm Le Nouvel Obs' : Extrait de l'édito de Jean Daniel : Restent essentiellement deux choses, du moins à mes yeux. La première est une qualité, que ses amis les plus intimes et ses héritiers et disciples les plus fidèles n’ont peutêtre pas suffisamment soulignée. C’est la générosité. Trois beaux textes frémissants en témoignent. Ce sont trois oraisons, après la mort de Paul Nizan, après celle d’Albert Camus et après celle de Maurice Merleau-Ponty. Devant le vide que ces brusques absences ouvrent devant lui, il en arrive – fait exceptionnel – à se mettre en question. Seule la mort des autres lui aura permis de corriger ce qu’il appelait sa «philosophie de la radicalité».La seconde chose qui reste à mes yeux impressionnante, c’est l’acharnement avec lequel Sartre s’est voulu le dernier philosophe de la liberté en dépit de ses tentations marxistes et de toutes les modes programmatiques de l’époque. L’homme était mort écrasé sous la pesanteur de tous les déterminismes. Pour le philosophe amateur que je suis à mes heures, parmi les grands moments de philosophie engagée du XXe siècle figurent le débat de Sartre avec Camus et la publication de la «Critique de la raison dialectique» comme de la réfutation de cette critique par Raymond Aron dans «Histoire et dialectique de la violence». L'humanité : Il faudrait comprendre la fascination exercée par ce petit bonhomme au costume rayé, à l’oeil de travers et aux grosses lunettes. Au point que nous l’aimions, presque charnellement. Jean-Paul Sartre, comment dire, c’était un peu Quasimodo qui aurait réussi. Le crapaud transformé en prince de la pensée, lequel avait épousé une fée ou son Esmeralda, Simone de Beauvoir, belle et grande femme qui ne le lui cédait en rien par le rayonnement intellectuel. La « Grande Sartreuse », disait Boris Vian. Aragon et Elsa, alors, semblaient un peu trop statufiés. Camus avait la prestance, l’allure, il se tuerait en voiture de sport, mais Sartre était beau et pour cause. Il avait, pensions-nous, inventé la liberté. On se répétait des formules, quand on avait seize ans dans les années soixante. Chez l’homme, l’existence précède l’essence. Ainsi, ce que nous étions, serait ce que nous ferions, ce que nous avions le choix de faire et non ce qui était en nous, façonné à jamais. Une nature humaine définie par un dieu auquel on ne croyait plus. Il nous en délivrait. Était-ce si nouveau ? Non, sans doute pas puisqu’il le disait lui-même, cela venait de Heidegger, mais Sartre, dans ce halo de fumée des cafés de SaintGermain on [en] rêvait alors comme du centre du monde et de l’esprit... 840909310 - 2 - L'Express livres : Ils auraient eu 100 ans cette année. Il ont fait leurs études en même temps, ont polémiqué toute leur vie et ont, tous deux, marqué le xxe siècle de leur intelligence. Valait-il mieux avoir tort avec JeanPaul Sartre que raison avec Raymond Aron? L'Express rouvre le débat Rue d'Ulm, au milieu des années 1920, ils s'étaient engagés à ce que celui qui survivrait à l'autre écrirait sa notice nécrologique que publierait le bulletin des anciens élèves de l'Ecole normale. Le 19 avril 1980, dans L'Express, Raymond Aron explique pourquoi il n'honorera pas la promesse faite plus de cinquante ans plus tôt: «L'engagement ne tient plus - trop de temps s'est écoulé entre l'intimité des étudiants et la poignée de main à l'occasion de la conférence de presse du "Bateau pour le Vietnam" - mais il en reste quelque chose. Je laisse à d'autres la charge, ingrate mais nécessaire, de célébrer une œuvre dont la richesse, la diversité, l'ampleur confondent les contemporains, de payer un juste tribut à un homme dont nul ne suspecta jamais la générosité et le désintéressement, même s'il s'engagea plus d'une fois dans des combats douteux.» La Libre Belgique : Vingt-cinq ans après sa mort, Sartre bouge encore. La commémoration du centième anniversaire de sa naissance suscite d'innombrables dossiers, livres et expos. Et les ennemis d'hier reprennent les armes: Sartrolâtres, Sartrophiles, Sartrophobes et Sartrophages répètent souvent, trente ans plus tard, les arguments qu'ils déployaient déjà sous la France gaullienne et pompidolienne. Le «petit homme» comme ses amis aimaient l'appeler tendrement, doit sourire dans sa tombe de parvenir à susciter encore tant de débats passionnants. Il est significatif qu'on célèbre à ce point Sartre alors qu'on ne fait rien de semblable, loin de là, pour le centième anniversaire de la naissance, cette année aussi, de Raymond Aron, Paul Nizan ou Emmanuel Mounier. La France pleure en réalité, toujours, son dernier grand intellectuel polymorphe, militant, «boussole éthique». Il y eut 20000 personnes à son enterrement en 1980. Un article d'époque exposé à la grande expo organisée par la Bibliothèque nationale de France, raconte l'hystérie qui régna lors de sa conférence sur «L'existentialisme est-il un humanisme?». « Une jeune fille aux yeux bleus boit ses paroles. Un autre se précipite brusquement à ses pieds. Ce n'est pas une manifestation d'adoration, elle vient simplement de s'évanouir». Site EVENE : Sartre traîne la réputation de s'être beaucoup trompé : son absence d'engagement durant la seconde guerre mondiale, son compagnonnage un peu trop durable avec le parti communiste… Le monde littéraire et intellectuel n'a jamais fini de lui reprocher ces choix. En outre, il a sans doute trop aimé la foule, trop parlé en son nom. Lassé par la philosophie spectacle, le public assimile Sartre à ses successeurs, ceux que l'on a appelé les "nouveaux philosophes", comme André Glucksman ou Bernard-Henri Lévy. L'exhibition de l'intelligence ne fait plus recette. Il est vrai que Sartre, toute sa vie ou presque, a occupé le devant de la scène. Incarnation de l'intellectuel français aux yeux du monde, il a été desservi par les philosophes post-sartriens qui sont tombés dans la caricature du verbiage stérile. Et on a parfois poussé le bouchon très loin dans le domaine de la "sartrophobie" en transformant l'écrivain en collaborateur, stalinien ou terroriste. Malgré cela, l'aspiration à la liberté et le dynamisme qui émanait de lui continuent à exercer une certaine séduction : Sartre arrive en 96ème position du classement des personnalités préférées des Français…96 sur 100, ce n'est pas terrible, mais ça n'est déjà pas si mal ! Il serait intéressant de demander aux Français "représentatifs" qui ont été interrogés pour cette enquête ce qu'ils retiennent de Sartre, et pourquoi il a été choisi. A coup sûr, ils évoqueront Sartre l'écrivain. Il est sans doute aussi ressenti comme le représentant d'une jeunesse disparue, intelligente et inspirée, qui aimait le jazz et les polars autant que la contestation. Les grincheux diront que son oeuvre est un peu datée… Mais comme le souligne encore Daniel Mesguich dans les colonnes du 'Monde', "Marivaux aussi, c'est un peu daté"…ce qui n'empêche pas que ce dernier soit un dramaturge parmi les plus joués. 840909310 - 3 - Quand les riches se font la guerre, ce sont les pauvres qui meurent. Le diable et le bon dieu Je ne connais qu'une Église: c'est la société des hommes. Le diable et le bon dieu il suffit qu'un seul homme en haïsse un autre pour que la haine gagne de proche en proche l'humanité entière. Le diable et le bon dieu Quand Dieu se tait, on peut lui faire dire ce que l'on veut. Le diable et le bon dieu Le jardinier peut décider de ce qui convient aux carottes, mais nul ne peut choisir le bien des autres à leur place. Le diable et le bon dieu Moi, je sens mon corps à peine, je ne sais pas où ma vie commence ni où elle finit et je ne réponds pas toujours quand on m'appelle, tant ça m'étonne, parfois, d'avoir un nom. Le diable et le bon dieu Voulez-vous que je vous dise pourquoi vous n'avez pas peur de la mort? Chacun de vous pense qu'elle tombera sur le voisin. Le diable et le bon dieu Je ne peux pas supporter qu'on attende quelque chose de moi. Ça me donne tout de suite envie de faire le contraire. Huis Clos Moi, je suis méchante : ça veut dire que j'ai besoin de la souffrance des autres pour exister. Huis Clos On meurt toujours trop tôt - ou trop tard. Et cependant la vie est là, terminée ; le trait est tiré, il faut faire la somme. Tu n'es rien d'autre que ta vie. Huis Clos Ce que je hais en toi, Électre, c'est moi-même. Ce n'est pas ta jeunesse - oh non ! - c'est la mienne. Les mouches Il faut avoir peur, mon chéri. Grand-peur. C'est comme cela qu'on devient un honnête homme. Les mouches Je me sentais moins seule quand je ne te connaissais pas encore : j'attendais l'autre. Je ne pensais qu'à sa force et jamais à ma faiblesse. Les mouches Pour aimer, pour haïr, il faut se donner. [...] Qui suis-je et qu'ai-je à donner, moi ? J'existe à peine, de tous les fantômes qui rôdent aujourd'hui dans la ville, aucun n'est plus fantôme que moi. Les mouches Ce sont les enfants sages, Madame, qui font les révolutionnaires les plus terribles. Ils ne disent rien, ils ne se cachent pas sous la table, ils ne mangent qu'un bonbon à la fois, mais plus tard ils le font payer cher à la Société. Méfiez-vous des enfants sages ! Les mains sales Demain, tu descendras vers la ville ; tu emporteras dans tes yeux mon dernier visage vivant, tu seras le seul au monde à le connaître. Il ne faudra pas l'oublier. Moi, c'est toi. Si tu vis, je vivrai. Morts sans sépulture chaque homme doit inventer son chemin. Les mouches Ce n'est pas grand-chose, la confiance, quand ça ne résiste pas à huit jours d'attente. Les mains sales Jessica : C'est beau, un homme qui est seul. Hoederer : Si beau qu'on a tout de suite envie de lui tenir compagnie. Et du coup il cesse d'être seul : le monde est mal fait. Les mains sales il n'y a pas de ciel. Il y du travail à faire, c'est tout. Et il faut faire celui pour lequel on est doué : tant mieux s'il est facile. Le meilleur travail n'est pas celui qui te coûtera le plus ; c'est celui que tu réussiras le mieux. Les mains sales Il y a bien des façons de séquestrer un homme. La meilleure est de s'arranger pour qu'il se séquestre luimême. Les séquestrés d'Altona Mais si vraiment l'existence précède l'essence, l'homme est responsable de ce qu'il est. L'existentialisme est un humanisme 840909310 - 4 - Est-ce qu'au fond, ce qui fait peur, dans [la philosophie existentialiste], ce n'est pas le fait qu'elle laisse une possibilité de choix à l'homme ? L'existentialisme est un humanisme En effet, il n'est pas un de nos actes qui, en créant l'homme que nous voulons être, ne crée en même temps une image de l'homme tel que nous estimons qu'il doit être. L'existentialisme est un humanisme L'homme n'est rien d'autre que son projet, il n'existe que dans la mesure où il se réalise, il n'est donc rien d'autre que l'ensemble de ses actes, rien d'autre que sa vie. L'existentialisme est un humanisme Il faut que l'homme se retrouve lui-même et se persuade que rien ne peut le sauver de lui-même, fût-ce une preuve valable de l'existence de Dieu. En ce sens, l'existentialisme est un optimisme, une doctrine d'action, et c'est seulement par mauvaise foi que, confondant leur propre désespoir avec le nôtre, les chrétiens peuvent nous appeler désespérés. L'existentialisme est un humanisme La Liberté, ce n'est pas de pouvoir ce que l'on veut, mais de vouloir ce que l'on peut. Il est beaucoup plus facile pour un philosophe d'expliquer un nouveau concept à un autre philosophe qu'à un enfant. Pourquoi ? Parce que l'enfant pose les vraies questions. Ne pas choisir, c'est encore choisir C'est là le fond de la joie d'amour, lorsqu'elle existe : nous sentir justifiés d'exister. Un droit n'est jamais que l'autre aspect d'un devoir. Nous appellerons émotion une chute brusque de la conscience dans le magique. On ne met pas son passé dans sa poche ; il faut avoir une maison pour l'y ranger. La nausée S'il veut vous demander conseil, c'est qu'il a déjà choisi la réponse. Serions-nous muets et cois comme des cailloux, notre passivité même serait une action. L'instant qui vient peut être celui de votre mort, vous le savez et vous pouvez sourire : n'est-ce pas admirable ? Dans la plus insignifiante de vos actions, il y a une immensité d'héroïsme. Les mots boivent notre pensée avant que nous ayons eu le temps de la reconnaître. Pas besoin de gril : l'enfer, c'est les Autres. Huis clos Sources : Au fil de mes lectures - EVENE Des extraits sur le site du magazine Lire : Petite anthologie sartrienne La Nausée (1938) Le Mur (1939) Les Mouches (1943) L'Etre et le Néant (1943) Huis-clos (1944) Les Chemins de la liberté - deux premiers volumes- (1945) Morts sans sépulture (1946) Réflexions sur la question juive (1946) La putain respectueuse (1946) L'existentialisme est un humanisme (1946) Baudelaire (1947) Les Mains sales (1948) La mort dans l'âme (1949) Les Chemins de la Liberté (1945-1949) Le Diable et le Bon Dieu (1951) 840909310 - 5 - Saint-Genet, comédien et martyr (1952) Nekrassov (1956) Question de méthode (1957) la Critique de la raison dialectique (1960) les Séquestrés d'Altona (1960) Les Mots (1963) L'Idiot de la famille (1972) Situations I à X (1947-1976) Parutions posthumes : Cinq des Carnets de la drôle de guerre (1983) Cahiers pour une morale (1983) Lettre au Castor et à plusieurs autres (1983) Carnets de la drôle de guerre (1983), Vérité et Existence (1989). Sources : http://www.alalettre.com/sartre-biblio.htm http://perso.wanadoo.fr/mondalire/sartre_centenaire.htm 840909310 - 6 -