Syndrome de la queue cheval révélant une métastase du cône médullaire Auteurs: Hatim Belfquih (1) Mouhsine abdelilah (2) Ali Akhaddar (1) Mandour cherkaoui (1) Miloudi gazzaz(1) Brahim el mostarchid (1) Mohamed Boucetta (1) (1) Service de Neurochirurgie. Hôpital Militaire d’Instruction Mohammed V. Rabat. Maroc. (2) Service de radiologie. Hôpital Militaire d’Instruction Mohammed V. Rabat. Correspondance: Hatim belfquih Adresse : Service de Neurochirurgie. Hôpital Militaire d’Instruction Mohammed V. Rabat. Maroc. Email : [email protected] 1 Résumé: La majorité des lésions médullaires d’origine métastatique sont liées à des compressions extradurales. Les métastases intra-durales (extra ou intra-médullaire) sont très rares. Cliniquement, l’installation des déficits neurologiques est rapide d’où la nécessité d’une prise en charge thérapeutique précoce. Le cas rapporté est celui d’un patient de 59 ans ayant présenté 20 jours avant son admission des lombosciatalgies gauches compliquées par un syndrome de la queue de cheval sur une métastase du cône médullaire dont le profil immunohistochimique évoque une origine pulmonaire. Cette observation clinique est inhabituelle caractérisée d’une part par une symptomatologie radiculaire initiant le tableau clinique et d’autre part par une métastase intra médullaire de localisation particulière au niveau du cône révélant un adénocarcinome pulmonaire jusque là occulte. Nous verrons, à l’aide des données de la littérature, les difficultés diagnostiques et thérapeutiques. Mots-clés: Métastase intramédullaire, tumeurs du cône médullaire, syndrome de la queue de cheval, adénocarcinome pulmonaire, IRM médullaire. Abstract: The majority of spinal cord due to metastases is related to extradural compression. The intradural metastases (extra or intra-medullary) are very rare. Clinically, the installation is quick neurological deficits resulting in the need for early 2 therapeutic care. The reported case is a patient of 59 years who presented 20 days before admission of left lombosciatalgies complicated by a syndrome of cauda equina metastasis of a medullary cone immunohistochemical profile suggests a pulmonary origin. This clinical observation is an unusual one hand characterized by symptoms root initiating the clinical picture and the other by an intra medullary metastasis particular location in the cone revealing a hitherto occult lung adenocarcinoma. We see, using data from the literature, diagnostic and therapeutic difficulties. Keywords: intramedullary metastasis;conus tumor; Cauda equine syndrome ;lung adenocarcinoma ; medullary MRI . Introduction: Les métastases intramédullaires (MIMs) sont inhabituelles, représentant moins de 8 % de l’ensemble des métastases du système nerveux central [1, 2,3]. Leurs manifestations cliniques précèdent exceptionnellement celles de la tumeur primitive [4]. Les localisations cervicothoraciques sont prédominantes [1]. Nous rapportons le cas d’une métastase d’un adénocarcinome bronchique au niveau du cône médullaire révélé par une sciatalgie. Seront discutés les particularités diagnostiques et thérapeutiques de ces tumeurs à la lumière des données de la littérature. Cas clinique: Ce patient de 59 ans, tabagique chronique (40 p.a), a présenté suite à un effort physique des lombosciatalgies gauches mal systématisées compliquées 20 jours plus tard d’une lourdeur 3 des deux membres inférieurs. Devant l’aggravation des troubles de la marche et l’apparition de troubles sphinctériens à type d’incontinence urinaire, le malade a été adressé en neurochirurgie. L’examen clinique initial retrouvait un patient en assez bon état général, eupneïque, avec un syndrome de la queue de cheval complet fait d’une paraplégie flasque, reflexes osteo-tendineux abolies, anesthésie des deux membres inferieurs avec un niveau sensitif en sus ombilical, sonde urinaire en place et l’examen cutané avait trouvé une escarre sacrée très importante. Le reste de l’examen somatique est sans particularité. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) médullaire réalisée en urgence avait mis en évidence un processus intraparenchymateux du cône médullaire en regard de D12-L1 isointense en séquences pondérées T1 (Sp T1) (Fig. 1a) rehaussée de façon annulaire après injection du Gadolinium (Fig. 1b, c et d). En Sp T2 la lésion apparaissait en iso-signal entourée d’une large plage hyperintense étendue à la moelle cervico-dorsale en rapport avec l’œdème (Fig. 2 a et b). Un abord chirurgical a été préconisé ainsi une exérèse subtotale a été effectuée via une laminectomie D12-L1. L’examen anatomopathologique était en faveur d’une métastase intramédullaire d’un adénocarcinome d’origine pulmonaire à la lumière du profil immunohistochimique. Le dosage des marqueurs tumoraux avait montré une augmentation du taux de (NSE) dans le sang et le LCR à 68,39 ng/ml (0-16,3) et à 22,08 ng/ml respectivement. Les autres marqueurs étaient normaux (PSA, AFP, ACE, CA19-9, ..). Dans le cadre du bilan d’extension, la tomodensitométrie (TDM) thoraco-abdominale avait visualisée un nodule du champ pulmonaire droit. La TDM cérébrale avait objectivé deux lésions infracentimétriques l’une hémisphérique cérébelleuse à droite et l’autre pariétale postérieure parasagittale droite (asymptomatiques). L’état neurologique est demeuré inchangé. 4 Une chimiothérapie complémentaire a été envisagée mais différée vu l’altération de l’état général du patient, les infections urinaires à répétition et les soins d’escarres. Nous déplorons son décès, 3 mois après l’acte chirurgical. Discussion: La première description d’une MIM est attribuée à Buchholz en 1897 depuis lors une centaine de cas ont été répertoriée. Les MIMs représentent 1 à 8% des métastases du système nerveux central et 1 à 3% de l’ensemble des tumeurs intra médullaires [1, 2,3]. Les MIMs peuvent se développer à partir d’une dissémination hématogène artérielle ou rétrograde via le système veineux. L’extension directe à travers les nerfs rachidiens ou leurs gaines a été rapportée comme mécanisme de transportation à partir du site primitif. Weissman et Grossman ont avancé la participation du canal central a cet essaimage et le rôle du LCR dans l’extension léptoméningée avec invasion secondaire de la moelle épinière [5, 6], cependant la dissémination hématogène reste la voie la plus probable des MIMs des carcinomes pulmonaires [5, 7]. Les MIMs peuvent survenir dans n’importe quel endroit de la moelle épinière mais la localisation cervicale et thoracique sont les plus fréquentes (40% et 30 % respectivement) [8, 9], le cône médullaire est le site le moins fréquemment atteint comme le cas de notre patient. La fréquence des origines néoplasiques des MIMs est variable, le cancer bronchique est le plus fréquemment rencontré (40% à 60% des cas), il s’agit le plus souvent d’un cancer à petites cellules [10, 11]. D’autres cancers primitifs sont plus rarement responsables, principalement le cancer du sein (14%) et les lymphomes (7.5%). Les cancers colorectaux, les cancers rénaux, les cancers de la sphère ORL et de la peau sont rares. Exceptionnellement, le 5 cancer ovarien et le cancer de la thyroïde. Dans certains cas; la localisation du cancer primitif est inconnue ou seulement suspectée. Les MIMs représentent rarement les premières manifestations cliniques de la tumeur primitive [4], elles surviennent le plus souvent au cours du stade avancé de la maladie. Il est extrêmement rare qu’une métastase intramedullaire révèle un carcinome pulmonaire [26]. Notre patient n’a aucune histoire clinique faisant suspecter une lésion pulmonaire et les premières manifestations sont d’ordre neurologique (Radiculaire) d’origine médullaire. La présentation clinique peut prendre n’importe quel aspect d’une compression médullaire (douleur et déficit) [4]. Le déficit est asymétrique dans la plupart des cas [5,6]. D’autres manifestations cliniques ont été rapportées comme les anomalies sensitives, les reflexes pathologiques et le syndrome de Brown-Séquard [5,6]. Plusieurs recherches ont affirmé que les douleurs radiculaires sont caractéristiques des tumeurs extra médullaires et non intra médullaires [12]. Il faut noter la rapidité d’installation des déficits en moins d’un mois par rapport aux autres tumeurs intra médullaires [13,4], comme c’est le cas pour notre patient. Le diagnostic différentiel se pose avec les myélopathies post-radiques, les myélopathies nécrotiques, la méningite carcinomateuse et les autres tumeurs intramédullaires à savoir les astrocytomes, les épendymomes et les hémangioblastomes [7,14]. Il existe des facteurs utiles dans l’orientation du diagnostic ; la progression rapide du déficit neurologique et les anomalies du LCR. Or dans les MIM les résultats du LCR sont le plus souvent négatifs en dehors d’une élévation de la proteinorrachie et une une hypercellularité lymphocytaire [14], chez notre patient l’analyse du LCR avait objectivé une augmentation de la proteinorrachie à 1 ,41g /l (0,15-0,45), la recherche des marqueurs tumoraux dans le LCR avait montré une élévation de la NSE à 22,08 ng/ml (0 à 16, 3). Tous ces facteurs sont importants, mais l’IRM médullaire reste la plus performante dans l’approche diagnostic. L’IRM est le moyen diagnostique de choix [15]. Sur les clichés en 6 séquence pondérée T1, l’image est arrondie ou ovalaire iso-intense ou légèrement hyper intense par rapport au cordon médullaire. Après injection de gadolinium, la prise de contraste est franche, nodulaire ou annulaire, parfois entourée d’une hypo intensité en rapport avec un œdème pouvant être à l’origine d’un aspect fusiforme du cordon médullaire. En séquence pondérée T2, l’œdème apparaît sous la forme d’une hyper intensité franche avec en son sein la métastase pouvant apparaître iso ou hypo intense [16, 17]. D’après Kamholtz et Sze [18] le diagnostic des MIMs peut être exclu si l’aspect de l’IRM médullaire en sp T2 n’est pas modifié par rapport aux autres séquences. L’analyse des images après injection du gadolinium est primordiale dans la distinction entre la métastase et l’œdème, ainsi elle permet de définir le siège tumoral nécessaire pour la planification chirurgicale [18]. L’IRM est utile aussi dans la détection des lésions métastatiques multiples du névraxe et l’évaluation de la réponse thérapeutique [6]. Trois modalités thérapeutiques sont proposées pour les MIMs : la radiothérapie, la chimiothérapie et la chirurgie [5, 19, 20]. L’efficacité de la radiothérapie est notée en cas de diagnostic précoce et dans le cadre des tumeurs radiosensibles tels les carcinomes à petites cellules et les lymphomes [5, 19, 20]. Certains patients ont eu une amélioration de leur symptomatologie neurologique sans prolongation de leur survie. 80% des patients avec une paraplégie sont décédés dans les 6 mois après une radiothérapie [5, 7]. Les études basée sur l’efficacité de la chimiothérapie sont limitées et n’ont pas montré un intérêt sur la survie des patients [19]. Holoye, et al ont décrit une ablation tumorale avec le cyclophosphamide, le méthotrexate et le lomustine mais le déficit neurologique et la survie restent inchangés. 7 Weissman et Grossman [21] ont recommandé un traitement associant une chimiothérapie intrathécale et une radiothérapie chez les patients avec des MIMs issues d’un carcinome à petites cellules. L’exérèse chirurgicale partielle ou totale quand elle est possible peut parfois entraîner une stabilisation des troubles neurologiques, une atténuation des douleurs mais surtout affirme le diagnostic histologique. Dernièrement la chirurgie est devenue de plus en plus choisie vu la précocité diagnostic en rapport avec les avancés de l’imagerie et les progrès des techniques microchirurgicales [22, 23 , 27]. Les caractéristiques de la métastase doivent être prises en considération, les tumeurs connues radio-résistantes doivent bénéficier d’un traitement chirurgical. La plupart des MIMs sont bien encapsulées et certains sont kystiques dont l’aspiration chirurgicale peut être facile sans effet néfaste sur les structures médullaires normales. L’hormonothérapie est proposée pour les cancers hormonodépendants (sein, prostate) [24]. Dans tous les cas, le choix de la modalité thérapeutique reste toujours à discuter d’où l’intérêt des études comparant le bénéfice de la radiothérapie et la chirurgie et l’impact de la radiothérapie postopératoire. [25]. Le pronostic des MIMs reste péjoratif avec une médiane de survie de 3 mois après le début des manifestations neurologiques [5]. La plupart des malades décèdent rapidement par des complications en rapport avec leur déficit neurologique ou de dissémination de leur cancer. Conclusion : Les MIM sont considérés comme des urgences neurologiques qui demeurent rares et en constituant une manifestation initiale des cancers primitifs reste encore exceptionnelle. La rapidité de la dégradation neurologique oriente le diagnostic. Même si l’IRM accélère la démarche diagnostique, le traitement approprié reste mal défini, ainsi il devient nécessaire 8 d’effectué des études comparant le bénéfice des différentes modalités thérapeutiques et voir l’intérêt du traitement combiné. Légendes des Figures : Figures 1 : IRM médullaire en spT1 coupe sagittale (a) : processus du cône médullaire (D12L1) iso-intense surmonté par une plage hypo intense correspondant à l’œdème. Après l’injection du gadolinium en coupe sagittale, coronale et axiale (b,c et d) : on note un rehaussement annulaire du processus Figures 2 : IRM médullairre en sp T2 coupe sagittale, la lésion apparait iso-intense (a) au dessus de la quelle on note une plage hyper-intense étendue en dorso-cervical correspondant à l’oedeme (a et b). Références Bibliographiques : 1- Phong Dam-Hieu et al . Retrospective study of 19 patients with intramedullary spinal cord metastasis. Clinical Neurology and Neurosurgery 111 (2009) 10–17. 2- Hashizume Y, Hirano A. Intramedullary spinal cord metastasis. Pathologic findings in five autopsy cases. Acta Neuro-pathol (Berl) 1983;61:214–8. 3- Moffie D, Stefanko SZ. Intramedullary metastasis. Clin Neurol Neurosurg 1980;82:199– 202. 4- Marcus J.B., MD : Magnetic resonance imaging of intramedullary spinal cord metastases. Clinical Imaging, 1996 ; 20 : 238-242. 9 5- Grem J.L et al: Clinical features and natural history of intramedullary spinal cord metastasis. 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