normes. Ce qui ne veut naturellement pas dire qu’ils n’aient pas d’effets collectifs. » (R.
Boudon, op. cit., p. 91)).
Par ailleurs, à côté des systèmes fonctionnels, existent des systèmes d’interdépendance
(« Nous appellerons systèmes d’interdépendance, les systèmes d’interaction où les actions
individuelles peuvent être analysées sans référence à la catégorie des rôles » (La logique du
social, p. 96)) dans lesquels les comportements individuels conduisent à des effets collectifs,
sans que les individus aient l’intention de produire ce résultat et sans que leur comportement
résulte d’un quelconque rôle. Par exemple, les automobilistes qui partent en week end le
vendredi soir provoquent des embouteillages.
L’objet de la sociologie est donc l’étude de ces « effets émergents » ou « effets
d’agrégation » qui résultent des comportements individuels. Ces effets émergents se
produisent dans les systèmes fonctionnels comme dans les systèmes d’interdépendance, mais
ces derniers sont plus propices aux effets émergents.
Expliquer un phénomène social quelconque, c’est donc en rendre compte à partir de la
logique des actions individuelles. Ce la suppose une dimension interprétative de la sociologie,
le recours à l’introspection. A propos des choix scolaires, R. Boudon écrit par exemple :
« Ainsi, on comprend qu’une famille de niveau modeste soit plus
hésitante à prendre des risques. Je comprends cette relation au sens où je
n’ai aucune peine à concevoir que, dans une situation analogue,
j’éprouverais sans doute les mêmes hésitations. » (R. Boudon, op. cit., (p.
221)
Ainsi, contre une conception de « l’homo sociologicus éponge » (J.G. Padioleau), simple
support de structure, l’individualisme méthodologique se fonde sur un modèle de l’acteur
individuel conduisant une action intentionnelle et cherchant à atteindre les buts qu’il se fixe (y
compris des buts altruistes) en utilisant les moyens qui lui semblent les mieux adaptés.
Pour R. Boudon, la démarche individualiste a le mérite de la simplicité, elle ne fait pas
appel à des réalité inobservables (la société, la conscience collective etc.) mais fonde ses
analyses sur des comportements individuels et observables. Par exemple, pour expliquer
l’inégalité des chances scolaires, il n’est pas nécessaire selon Boudon de faire appel à une
logique de reproduction que le système social imposerait à l’école. Il suffit de considérer que
les différents acteurs (élèves, parents) font les choix qui leur semblent les meilleurs, compte
tenu des contraintes qui pèsent sur eux. Par exemple, les familles modestes choisiront plus
souvent des études courtes. On peut donc expliquer le résultat (l’inégalité des résultats
scolaires en fonction de l’origine sociale) par une hypothèse minimale sur le comportement
individuel. L’individualisme méthodologique obéit donc à la règle du rasoir d’Occam.
Enfin, comme le souligne P. Demeulenaere, l’approche individualiste permet de ne pas
considérer qu’une collectivité est un sujet, alors qu’elle n’est rien d’autre qu’un regroupement
d’individus qui seuls prennent des décisions.
« Quel est alors l’intérêt d’une méthodologie individualiste ? Elle permet
tout simplement d’éviter de considérer que, par exemple, la France a dit oui
ou non à une élection : il y a des Français qui ont dit oui, et des Français
qui ont dit non. Il n’existe pas, comme l’indiquait Weber, d’unité, en action,
des totalités, sauf dans les cas, bien sûr, où des groupements d’individus
agissent de conserve, ou bien sont représentés plus ou moins directement,
par d’autres individus... » (P. Demeulenaere : Histoire de la théorie
sociologique, Coll. Les fondamentaux, Hachette, 1997 (p. 151))
II. Holisme/individualisme : une opposition en voie de dépassement