Histoire de la sociologie et théorie sociologique

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Histoire de la sociologie et théorie sociologique
Markus Zürcher
Le cours « Histoire de la sociologie et théorie sociologique » vise à une introduction
aux grands courants de la pensée sociologique à la fois systématique et en les
situant dans leurs contextes socio-historiques respectifs. La matière se repartit sur
quatre parties, à savoir I « Les philosophies de l’histoire et le marxisme », II
« Individualisme méthodologique », III « Structures et systèmes (Holisme
méthodologique) », IV « Les sociologies de la vie quotidienne » et se déroule sur
quatre semestres.
Les quatre parties reflètent le développement des quatre paradigmes que connaît la
sociologie actuelle à savoir : Le déterminisme historique, les théories d’actions, le
fonctionnalisme et les théories du système et de la sociologie interprétative.
Partie I
Les philosophies de l’histoire et le marxisme
Partant de l’impulsion initiale de la double révolution industrielle et politique que
l’Occident a connu entre 1780 et 1860 approximativement, nous examinons dans la
première partie « Les philosophies de l’histoire et le marxisme » l’émergence lente et
dispersée de la discipline tout au long du XIXe siècle. Face à une série de
révolutions et réactions, face à une modernisation accélérée de la société, la
question de la constitution de l’ordre et du lien social domine le raisonnement et la
réflexion sur la société. L’idée se développe que – derrière les mouvements
contradictoires de l’histoire et ses conséquences ambivalentes – se laisse découvrir
le code qui organise l’ordre et le développement de l’humanité et de la société.
Prenant en compte les grandes synthèses de philosophies de l’histoire que livrent les
Lumières, nous discutons l’idée socialiste développée par Saint-Simon, la
philosophie positive d’Auguste Comte, la sociologie de Karl Marx et l’évolutionnisme
d’Herbert Spencer. Nous terminons cette partie avec la ré-interprétation et
actualisation de la philosophie marxiste de l’histoire par l’Ecole de Francfort au siècle
passé.
Partie II :
L’individualisme méthodologique
Partant de la théorie de Thomas Hobbes qui vise à une mathématique de la vie
sociale et politique, nous discutons dans la deuxième partie l’individualisme
méthodologique sous ses différentes formes. Avec Thomas Hobbes, l’antagonisme
entre l’ordre social et la liberté individuelle est exposé d’une manière radicale et
paradigmatique. La réconciliation de ces deux principes proposés par Adam Smith se
voit contredite par les réalités socio-économiques du 19ème siècle. La pauvreté de
masse trouve une justification quasi naturaliste dans les théories de David Riccardo,
Jeremy Bentham et Thomas Malthus. Nous observons une radicalisation de
l’héritage d’Adam Smith: la perspective sociologique présente chez Smith disparaît et
la rationalité économique sous la forme de l’utilitarisme va dominer la pensée anglosaxonne jusqu’à la fin du 19ème siècle. Confronté avec le succès de l’économie néoclassique, Max Weber développe de manière systématique les principes de
l’individualisme méthodologique et démontre que la rationalité économique est
seulement une forme spécifique de la rationalité parmi d’autres. Nous étudions
ensuite l’application rigoureuse de l’individualisme méthodologique par Max Weber
dans le cadre de sa sociologie compréhensive. En comparaison avec l’approche de
Max Weber une version réductrice de l’individualisme méthodologique est introduite
avec grand succès par George Caspar Homas dans la deuxième moitié du 20 ème
siècle. Sa théorie du comportement élémentaire livre le fondement pour les théories
du choix rationnel qui domine la pensée sociologique actuelle. En nous référant à
Max Weber, Herbert A. Simon et Raymond Boudon nous nous rendons compte du
pouvoir explicatif limité du modèle d’action universel de l’homo oeconomicus.
Partie III :
Fonctions, structures et systèmes
– Holisme méthodologique –
Ce sont les philosophes de l’histoire et le marxisme (voir Partie I) qui introduisent les
notions-clé du holisme méthodologique et de la pensée systémique dans le discours
sur le social. Nous débutons la partie III «Fonctions, structures et systèmes » par
le sujet sur la valorisation du collectif d’Emile Durkheim. Dans ses «Règles de la
méthode sociologique » dont l’impact se ressent jusqu’à nos jours, Durkheim expose
les principes du holisme méthodologique qui sont à la base de la définition même de
la sociologie. Forgé par la pensée économiste et déterminé à compléter la théorie sur
l’action économique par une théorie sur toutes les actions non-économiques, Vilfredo
Pareto formule à Lausanne un modèle systémique de l’action et de la société ;
démarche majeure mais isolée. Ayant pour but de concevoir une théorie générale de
l’action qui puisse servir comme fondement pour l’ensemble des sciences sociales,
Talcott Parsons reprend les arguments principaux de Durkheim et de Pareto et
essaie de les réconcilier avec la position marquée par l’individualisme
méthodologique de Max Weber (voir Partie III). Sous l’étiquette du ‘fonctionnalisme’
ou ‘structuro-fonctionnalisme’, la théorie de Parsons, et au travers d’elle la sociologie
américaine, gagnent entre 1945 et 1960 une prédominance incontestée dans le
domaine de la sociologie. L’ironie veut que Robert K. Merton qui se distancie de la
conception abstraite de Talcott Parsons contribue largement au succès du ‘structurofonctionnalisme’ par sa recherche empirique très riche. En France, Pierre Bourdieu
dépasse l’héritage d’Emile Durkheim et celui du structuralisme par une conception
originale qui vise à comprendre la reproduction des structures sociales par les
pratiques quotidiennes des acteurs. Il arrive à combiner une réflexion théorique de
haut niveau avec une recherche empirique fructueuse. Grâce à un engagement
personnel considérable et une prise de position claire, il a influencé le discours
politique contemporain en France.
Partie IV
Sociologies de la vie quotidienne
Sous le titre « Sociologies de la vie quotidienne » nous regroupons trois courants de
la pensée sociologique qui dépassent les oppositions classiques en sciences
sociales : idéalisme et matérialisme, sujet et objet et individu et société. Les théories
qui se dégagent de ces dichotomies sont la sociologie phénoménologique d’Alfred
Schütz et de ses disciples Peter Berger et Thomas Luckmann, l’interactionnisme
symbolique proposé et systématisé sous différentes formes par Charles Horton
Cooly, Georg Herbert Mead, Herbert Blumer, Howar S. Becker et Erving Goffmann et
l’ethnométhodologie d’Harold Garfinkel. Le point commun entre ces théories est
l’analyse de la vie quotidienne au moyen de méthodes descriptives et
compréhensives, qui démontre le « social » dans son processus de construction et
reconstruction. Face au problème de l’ordre ni l’appel à un arrière-fond structurel
présent dans le holisme méthodologique, ni l’appel à un sens préexistant présent
dans l’individualisme méthodologique ne s’imposent.
Littérature recommandée: Lallement Michel, Histoire des idées sociologiques,
Volumes I et II, 2ème édition, Nathan, Paris, 1993
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