Ni l`EEG ni le scanner n`ont d`intérêt en l`absence de signes

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SYNDROMES DEPRESSIFS
I DEFINITIONS :
Je reprendrai ici les termes de la CIM X, proche du DSM IV.
Le patient présente, tous les jours ou toute la journée, de manière durable,
c’est à dire plus de quinze jours :
 Une humeur dépressive, pratiquement toute la journée, ou, chez l’enfant
une irritabilité.
 Diminution marquée de l’intérêt ou du plaisir durable.
 Une baisse de l’énergie avec fatigabilité importante.
D’autres symptômes sont souvent associés :
1. Diminution de l’aptitude à penser ou à se concentrer.
2. Perte de l’estime de soi et de la confiance en soi.
3. Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive, inappropriée (jusqu’au
délire).
4. Attitude morose et pessimiste face à l’avenir.
5. Pensées de mort récurrentes, idées suicidaires récurrentes.
6. Perte ou gain de poids significatif en l’absence de régime, par exemple +/- 5% en
un mois. Perte de l’appétit.
7. Insomnie ou hypersomnie.
On parle de dépression majeure si 4 au moins des symptômes parmi les sept
dessus pour la CIM X (ou 5 symptômes parmi les 9 nécessaires au diagnostic de
dépression pour le DSM IV TR sont présents pendant deux semaines).
Il faut remarquer que la dépression est un syndrome, c’est à dire une
association de symptômes mais qu’elle ne constitue pas une structure. On peut
parler de structure (ou de personnalité) névrotique ou psychotique, traduisant le
fonctionnement inconscient (ou préconscient) du sujet. Sur ces structures de base
peut se développer une dépression, mais aussi d’autres troubles psychiatriques ou…
rien du tout !
II EPIDEMIOLOGIE :
Pour D. ROUILLON, dans une méta analyse :
La prévalence des états dépressifs dans une consultation de médecine
générale serait de 15 à 25 % (GATSPAR 1979).
En psychiatrie libérale, elle atteindrait 50 à 75 % des individus consultants,
INSERM 1982.
Elle représenterait 15 % des hommes et 6 % des femmes hospitalisées en
psychiatrie (idem).
1
Très grossièrement, si l’on compare des choses incomparables car
susceptibles de se superposer ou de s’associer, il s’agit du troisième plus fréquent
des troubles mentaux, derrière les troubles névrotiques et apparentés, les addictions,
mais devant la schizophrénie.
Sur le plan qualitatif il existerait une prédominance féminine marquée
(BROWN et HARRIS, 1978). On note plutôt une atteinte précoce chez la femme, plus
tardive chez l’homme (après 40 ans).
Par ailleurs le diagnostic même de dépression ne garantit pas un traitement
adapté ! Dans une étude de Myers-Thomas en 1981 auprès de populations de
médecine générale, 17,2 % à peine des patients dépressifs prennent des
antidépresseurs, 19 % des anxiolytiques, ce dernier traitement n’étant pas plus
adapté que l’abstention thérapeutique.
III NOSOGRAPHIE :
31 Classification française :
C’est la classification classique des vieux livres, elle paraît peu valide à ce
jour.
 Dépressions endogènes, sans facteur déclenchant évident, auxquelles
se rattachent les dépressions dans le cadre de troubles uni- ou
bipolaires, ainsi que la dépression d’involution du sujet âgé.
 Dépressions névrotiques et/ou réactionnelles : elles sont en continuité
avec une fragilité suppose de la personne, inscrite dans sa personnalité
en quelque sorte. Elles sont secondaires à des modifications de
l’environnement qui ont débordé les défenses névrotiques du sujet.
 Dépressions secondaires, dans certaines addictions ou troubles
somatiques, surtout endocriniens.
32 CIM X :
Pour ce qui est de la CIM X, elle apparaît dans la rubrique « troubles de
l’humeur (affectifs) », de F30 à 39, qui comprennent :
 Les épisodes maniaques (F30), étudiés en deuxième année.
 Les troubles bipolaires (F31), étudiés en deuxième année.
 Les épisodes dépressifs (F32) : légers (32.0), moyens (32.1) sévères
(32.2 et 32.3, selon qu’il existe ou non des symptômes psychotiques associés),
les autres épisodes dépressifs (32.8) et les troubles dépressifs non spécifiés
(32.9).
 Les troubles dépressifs récurrents (F33), légers (F33.0), moyens
(F33.1), sévères, (F33.2 et 33.3), en rémission (33.4), les autres épisodes
dépressifs récurrents (33.8) et les troubles dépressifs récurrents non spécifiés
(33.9).
 Troubles de l’humeur persistants (F34), à savoir principalement les
cyclothymies (F34.0), étudiés l’an prochain, et les dysthymies (F34.1).
 Les troubles de l’humeur dus à une affection médicale générale
(F06.32) ou à une substance (F1-.—selon les substances et le mode d’action,
intoxication aiguë, sevrage, trouble résiduel…).
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On peut remarquer que le DSM IV est, plus facile d’utilisation dans ce cas, en
particulier pour les dépressions « secondaires ». En tant que syndrome la dépression
trouve sa place légitime sur l’axe 1 du DSMIV-TR, sous le chapitre général troubles
de l’humeur .
IV DIAGNOSTIC :
41 Clinique :
Facile ! Il suffit de connaître la définition, strictement clinique, et le tour est
joué !
42 Echelles D’évaluation :
Elles visualisent un moment de la vie du déprimé mais leur intérêt diagnostic
reste limité, elles n’ont d’intérêt réel que pharmacologique ou épidémiologique.
Citons par exemple les échelles globales d’HAMILTON (1969), de MONTGOMERY
(1979), la MADRS ou la HARD (1983).
La seule échelle spécifique validée est l’échelle de ralentissement de
WILDLOCHER.
Les échelles de BECK (1978) sont des échelles utilisées dans les thérapies
cognitives afin d’apprécier la profondeur subjective de la dépression.
43 Paraclinique :
 Biologie :
Plusieurs tests sont classiques, par exemple de freination à la
déxamethasone, on dose le cortisol après administration de cette substance (cf. test
à la TRH). Celui-ci reste élevé. Le test est en fait peu sensible et ne permet pas en
fait de distinguer les troubles bipolaires des dépressions majeures non liées à des
troubles bipolaires.
La sérotonine dans les plaquettes est élevée, on note par ailleurs une baisse
de la dopamine et de la noradrénaline.
En fait, il n’existe pas de marqueurs fiables, tous sont inconstants pendant la
dépression et n’ont pas de valeur prédictive chez le sujet sain, à l’exception peut-être
du dosage du 5HTIA dans le LCR, qui pourrait prédisposer pour certains passages à
l’acte, auto ou hétéro agressifs, plus que des troubles de l’humeur.
Enfin, tous ces dosages n’ont pas de valeur prédictive quant à l’efficacité
thérapeutique.
 Imagerie :
Ni l’EEG ni le scanner n’ont d’intérêt en l’absence de signes neurologiques
associés. Le PET-scanner est utilisé à visée de connaissance de la maladie ou de
l’impact des traitements mais il n’est pas de pratique courante.
EN DEFINITIVE LE DIAGNOSTIC DE LA DEPRESSION EST CLINIQUE.
V FORMES CLINIQUES :
51 La Mélancolie :
511 Historique :
D’HIPPOCRATE à ESQUIROL la mélancolie recouvre un ensemble disparate
d’entités intégré depuis KRAEPPELIN dans les maladies maniaco-dépressives. Au
3
cours du vingtième siècle elle a pris une importance particulière en tant que
paradigme des dépressions majeures mais a disparu dans le même temps des DSM
successifs.
512 Clinique :
Elle touche des individus de tout âge, souvent en l’absence de facteurs
déclenchant, parfois au décours d’un accès maniaque (inversion de l’humeur) et
débute très progressivement sur plusieurs semaines ou mois par une asthénie, des
céphalées, une diminution du rendement à prédominance matinale.
En phase d’état le patient est figé, immobile.
Il présente une inhibition et une aboulie chez un sujet qui s’abandonne à
l’inertie. L’idéation est lente, tout effort mental est difficile sinon impossible.
La perception du monde extérieur est perturbée, le contact avec autrui est
paralysé par un mutisme d’intensité variable.
Sa tristesse est monotone, résistante aux sollicitations externes. Il se déprécie
fortement dans tous les domaines (physique, psychique ou moral). L’asthénie est
massive avec un pessimisme diffus, des idées de ruine ou d’indignité, des
thématiques hypochondriaques et d’incurabilité. Tous ces derniers éléments peuvent
devenir franchement délirants.
Le risque suicidaire est constant la mort est vécu comme la seule issue
possible, un juste châtiment pour le patient, voire pour ses proches (suicides
altruistes, que l’on retrouve aussi dans la paranoïa).
Le suicide peut survenir dès la phase prodromique jusqu’à la convalescence,
sous une forme réfléchie ou un raptus anxieux. Il a souvent lieu au petit matin. La
mortalité étant élevée chez le sujet âgé surtout de sexe masculin (33 % des TS se
terminent par la mort) elle serait responsable du décès dans 1,6 % des mélancolies.
Il existe des troubles du sommeil avec des réveils nocturnes, en particulier en
deuxième partie de nuit, plus rarement sont décrites des hypersomnies refuge. Dans
tous les cas, le sommeil n’est pas réparateur. De manière conjointe on note une
anorexie, une baisse de libido ou des aménorrhées. Les plaintes somatiques sont
multiples, sans substratum organique patent.
En l’absence de traitement les troubles régressent en quelques mois, avec en
premier lieu le retour du sommeil et de l’appétit, enfin on assiste à un retour du poids.
Certaines évoluent vers la chronicité, surtout chez le sujet âgé, avec des éléments
délirants et une aggravation du déclin cognitif (dépression dite « d’involution »). Des
études récentes montreraient que 50 % des dépressions majeures rechutent à cinq
ans et que 30 % de ces individus sont susceptibles de devenir des déprimés
chroniques (Pakriev, 2001 et Mueller, 1999).
Pour certains auteurs allemands, en particulier issus de la tradition
philosophique phénoménologique du XIXème (BINSWANGER ou TELLENBACH), il
existerait entre ces épisodes dépressifs des troubles de la personnalité, le typus
mélancolicus.
4
513 Variantes sémiologiques :
La mélancolie stuporeuse avec une inhibition massive, le sujet est figé avec
une mimique imprégnée de tristesse intense, l’ mélancolique.
La mélancolie anxieuse, avec une agitation stérile, voire un état de panique
intense, le risque consiste ici en une TS non préméditée, brutale et … définitive ! On
la retrouve en particulier chez le sujet âgé avec une participation confuse.
La mélancolie délirante : le délire est au premier plan, avec des thèmes
monotones à tonalité affective pénible, pauvres en constructions intellectuelles, le
sujet est pris dans une fatalité accablante, centrifuge (dans un premier temps le sujet
est « foutu », puis ses proches voire le monde entier va disparaître dans une
apocalypse). Le sujet se sent coupable et attend son châtiment, il est ruiné et est
certain de mourir, les éléments hypochondriaques vont jusqu’à la négation d’organe.
Des thèmes d’influence, de possession peuvent compléter le tableau. Il s’agit d’une
expérience délirante de l’angoisse mélancolique, avec pour mécanismes des
interprétations, des intuitions, plus rarement des hallucinations. Le délire est
constamment congruent à l’humeur. Pour information l’association damnation-délire
d’immortalité-négation d’organes forme le syndrome de COTARD.
On parle d’épisode dépressif majeur récurrent s’il existe au moins deux
épisodes séparés d’un intervalle d’au moins deux mois sans que ce diagnostic ne
puisse être porté. Il est dit saisonnier s’il existe une relation temporelle régulière entre
la survenue des épisodes dépressifs et une période particulière de l’année. Les
périodes de rémission sont alors aussi saisonnières.
On parle d’épisode dépressif du post-partum s’il survient dans les quatre
semaines qui suivent l’accouchement, il s’agit le plus souvent d’une aggravation du
post-partum blues du troisième jour.
Les états mixtes, associant dépression et manie, c’est à dire un état
d’excitation psychomotrice avec exaltation de l’humeur.
52 les dépressions névrotiques et réactionnelles (dysthymies ?) :
521 Clinique :
En règle générale elles surviennent à la suite d’une perte d’objet.
L’anxiété est intense, teintée par les éléments névrotiques sous-jacents. Le
discours dépressif paraît cohérent et rapporté à une cause apparente.
L’autoaccusation existe mais paraît sensible au réconfort d’autrui, avec une quête
affective intense. L’asthénie psychique et physique serait plutôt à prédominance
vespérale, aggravée par le moindre effort avec un sentiment d’impuissance parfois
déplacé sur l’équipe médicale. L’avidité affective peut devenir tyrannique, voire
agressive.
Le risque suicidaire existe, mais les TS sont plus nombreuses que les
suicides.
Les somatisations sont marquées.
La pathologie évolue de manière fluctuante, réfractaire souvent aux
psychotropes et classiquement plus sensible aux psychothérapies. Les améliorations
sont aussi rapides que fragiles. Après deux d’évolution continue, on parle de
dépression chronique, elle toucherait selon AKISKAL 12 à 15 % des sujets. Ces
pathologies rentrent alors dans ce que le DSM IV appelle les « dysthymies ».
5
Seraient de bon pronostic : une névrose peu structurée, la solidité de
l’entourage, une bonne insertion socioprofessionnelle prémorbide, la faiblesse des
bénéfices secondaires et la qualité de la prise en charge.
Pour information on parle de dépression masquée lorsque les éléments
dépressifs sont présents mais peu marqués et d’équivalent dépressif lorsque ceux-ci
sont absents et « remplacés » par un équivalent type addictions ou somatisations.
Ce dernier concept paraît discutable. Ces pathologies sont classées dans les
rubriques troubles à expression somatique du DSM IV TR et les somatisations de la
CIM X.
522 Variantes sémiologiques :
Hystérique, la plus fréquente, avec un théâtralisme et une riche activité
fantasmatique. Les TS sont nombreuses, mais on aurait tort de ne pas les prendre
aux sérieux, au risque d’assister à une escalade fatale.
Obsessionnelle, précédée d’un épuisement des mécanismes de défense.
L’intellectualisation est omniprésente.
53 Dépressions dues a :
531 Une maladie organique :
Les troubles dépressifs peuvent se rencontrer on l’a vu au cours des
névroses, des troubles bipolaires, mais aussi des psychoses (schizophrénie et
paranoïa).
Certaines pathologies neurologiques comme la maladie de Parkinson, la
sclérose en plaques, les démences peuvent se déprimer.
Idem pour les Cushing, Addison, Hypothyroïdie… Durant la grossesse
l’humeur est variable, le post-partum blues toucherait 60 % des femmes, une
dépression avérée selon les échelles d’Hamilton serait présente dans 10 % des cas.
A noter pour que certains auteurs l’existence de syndromes dysphoriques
prémenstruels serait un facteur de risque important vis à vis des dépressions.
Les infections chroniques comme la tuberculose, la grippe, l’hépatite, la
brucellose peuvent s’accompagner de dépressions.
Plus rarement la dépression peut constituer un syndrome paranéoplasique
dans certains cancers ou lymphomes. Elle est cependant plus souvent dans ces cas
liée aux conséquences psychologiques de la maladie organique.
Les connectivites, LED, PR peuvent être en cause.
Dans ces conditions un bilan organique doit être pratiqué au moindre doute.
532 un toxique :
La dépression peut survenir soit au décours d’un traitement (neuroleptiques,
Tagamet, Aldomet,  bloquants, contraceptifs), soit lors du sevrage (corticoïde,
cocaïne, opiacés, OH, barbituriques).
Cas particulier de l’alcool : 25 % des alcooliques présenteraient des épisodes
dépressifs. Elles souvent très anaclitiques, l’alcool étant utilisé comme un
antidépresseur. Elle peut précéder l’alcoolisation ou en accompagner la déchéance.
Il faut bien en distinguer les symptômes dépressifs survenant au cours du sevrage,
liés à la perte de l’objet de substitution, fugaces, et qui ne justifient pas
6
systématiquement d’un traitement spécifique. Ils seraient présents chez 67 % des
patients au début du sevrage, mais chez à peine 13 % de ceux-ci après 7 à 10 jours !
La conférence de consensus sur les modalités de l’accompagnement du sujet
alcoolodépendant après un sevrage recommande de ne pas introduire
d’antidépresseur avant deux à quatre semaines.
54 Dépressions survenant au cours d’une pathologie psychiatrique :
541 Dépression et psychoses :
Certaines psychoses peuvent évoluer vers d’authentiques syndromes
dépressifs, même s’il convient d’être prudent à ce sujet. Certains symptômes de la
schizophrénie (apragmatisme, ralentissement ou troubles cognitifs divers peuvent en
imposer pour un syndrome dépressif. Et les antidépresseurs qui seront utilisés dans
ce cas peuvent aggraver le délire !
Néanmoins quatre points méritent que l’on évoque ce diagnostic de
dépression chez un sujet psychotique :
 Les anti-psychotiques, surtout les anciens, favorisent les troubles dépressifs.
 La disparition du délire s’accompagne souvent de réels thèmes dépressifs, liés
soit à la critique, soit au sentiment de vide qu’il laisse.
 Pour WILKINSON (1982), 2 à 8 % des schizophrènes se suicident dans les dix
ans. Au cours de leur existence 12% des schizophrènes se suicideraient
(MELTZER 2003). Le risque serait 10 à 12 fois plus élevé que dans la population
normale (ALLEBECK et WISTEDT, 1986).
 Certaines psychoses associent dans leur essence même troubles de l’humeur et
délire, au point de former une entité à part, les psychoses dysthymiques (ou
troubles schizo-affectifs).
542 Dépression et Psychopathie :
Il existe chez ces personnalités des moments féconds, parfois de réelles
crises maturantes, avant que le patient ne reprenne sa route solitaire. Ceci dit elles
permettent parfois un hypothétique accrochage thérapeutique qui fait tant défaut à
ces personnalités.
543 Dépression et états limites :
Elles sont dominées par une angoisse flottante, une dépersonnalisation, elles
souvent brutales, parfois délirantes.
VI TRAITEMENTS :
61 Médicamenteux :
621 Règles générales :
Seuls les antidépresseurs ont un intérêt ici. Certaines règles générales doivent
être respectées, conformément aux recommandations de l’Agence Française de
Sécurité Sanitaire d’octobre 1986 :
 Le délai d’action doit être respecté, il est de quinze jours à six semaines,
interrompre le traitement auparavant n’a aucun sens.
 Les doses doivent être efficaces, diminuées par deux en général après 70 ans.
Une des premières causes de non réponse au traitement est l’insuffisance de la
dose proposée. Pour de nombreux produits ces doses doivent être adaptées en
cas d’insuffisance rénale ou hépatique.
7
 A l’inverse, les anti-dépresseurs ne sont pas indiqués dans des troubles légers ou
durant moins de quinze jours. Il ne s’agit pas de produits abnodins.
 Le traitement doit être prescrit suffisamment longtemps pour juger de son
efficacité mais aussi poursuivi pendant plusieurs mois de manière à entraîner une
rémission durable (16 à 20 semaines après rémission en cas de dépression
majeure). Trop de patients l’interrompent alors qu’ils se sentent mieux et
rechutent dans les semaines qui suivent. Ceci est particulièrement vrai lorsqu’il
existe plus de trois antécédents de même type.
 Il n’existe pas de dépendances à ces produits aussi massives que pour les
benzodiazépines. Ceci dit il est préférable de diminuer progressivement les doses
lors de l’interruption du traitement.
 Les RMO sont claires : il n’est pas licite d’associer plusieurs antidépresseurs chez
un même patient. Les guidelines disponibles internationalement réservent les
associations aux secondes voire troisième intention dans le cas de dépressions
majeures résistantes.
 Il existe un risque suicidaire accru en début de traitement du fait de la levée de
l’inhibition.
 Le choix peut se faire en fonction de l’effet plus ou moins psycho stimulant du
produit. Ainsi le Prozac et l’Ixel sont plus adaptés aux ralentissements majeurs,
l’Athymil, le Norset et le Laroxyl aux dépressions anxieuses avec troubles de
l’endormissement. la plupart des autres produits se situent sur une ligne
intermédiaire.
 Seul le Zoloft dispose de l’AMM, fort discutable, pour la dépression chez l’enfant.
Certains tricycliques sont utilisés pour l’énurésie de l’enfant et ont été ainsi
détournés.
 Quant aux autres produits, ils ne doivent être utilisés que de manière ponctuelle
et raisonnée, en l’attente par exemple de l’efficacité des antidépresseurs. Il s’agit
des anxiolytiques et des hypnotiques. Le risque de dépendance est majeure dès
la quatrième semaine, avec une accoutumance. Les antipsychotiques sont
réservés aux épisodes majeurs avec caractéristiques psychotiques et (sous la
forme de produits sédatifs type Tercian) pour les troubles associés à une anxiété
invalidante.
622 Les produits :
Les IMAO n’étant plus utilisées, le STABLON plutôt considéré comme un
placebo, il nous reste :
 Les tricycliques : ce sont les premiers antidépresseurs apparus sur le marché,
à partir d’un antituberculeux. Citons pour information le LAROXYL,
L’ANAFRANIL, le TOFRANIL et un tétracyclique très dopaminergique, le
LUDIOMIL. Ces produits sont actifs car noradrénergiques, dopaminergiques et
sérotoninergiques. Cette dernière action est responsable d’une action
antidouleur. L’action atropinique de ces produits constitue l’obstacle
thérapeutique principal. Le seuil épileptogène est abaissé, il existe un risque
confusiogène important, surtout chez le sujet âgé, ajoutons une constipation,
une sécheresse de bouche, des troubles cardiaques (le risque vital est
nettement engagé en cas de TDS).
La plupart des antidépresseurs aggravent les diabètes sucrés.
Leurs effets cardiovasculaires adrénolytiques (hTA, impuissance et troubles
du rythme) incitent à la prudence, un ECG est le bienvenu avant le traitement.
8
Ils peuvent entraîner enfin des tremblements une prise de poids, des
hépatites, des atteintes cutanées…
Certains surdosages ou associations médicamenteuses intempestives
peuvent être à l’origine de syndromes sérotinergiques, dominés par une
confusion, des myoclonies, une rigidité, tachycardie, hyperthermie, sueurs,
diarrhée…Les produits à proscrire sont donc les IMAO non sélectifs (ne sont
plus utilisés actuellement), le lithium, le millepertuis, le Sumatriptan…
Rappelons l’existence des contre-indications formelles en cas de glaucome
par fermeture de l’angle, d’infarctus récent ou d’adénome prostatique.
Ils ne seront donc prescrits qu’en deuxième intention. L’infirmier se doit de
contrôler les exonérations et la TA, assis et debout.

Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine : le premier d’entre
eux fut le FLOXYFRAL, suivi du PROZAC, DEROXAT, ZOLOFT, DIVARIUS,
SEROPRAM, SEROPLEX et ZOLOFT.
Les effets indésirables les plus fréquents sont les nausées, les céphalées, des
vertiges, des diarrhées ou des constipations, une hypersudation, parfois des
tremblements, plus rarement de réels syndromes extrapyramidaux. De
manière exceptionnelle on note des hyponatrémies ou des hémorragies. Les
syndromes sérotoninergiques ont d’abord été décrit avec cette classe !
Mais ces problèmes restent rares, la surveillance en est donc simplifiée.
Il existe de manière constante mais variable entre les produits une baisse de
la libido et des interactions hépatiques susceptibles de modifier l’action
d’autres produits, à visée psychique (lithium) ou somatique (pilule). Je
conseille vivement l’étude systématique du Vidal avant prescription.
Ceci dit ils sont mieux tolérés que les précédents et volontiers prescrits en
première intention.

Les Produits noradrénergiques et sérotoninergiques (NASA) :
La dernière classe arrivée sur le marché : l’EFFEXOR (proche des tricycliques
mais avec moins d’effets indésirables aux doses usuelles), le NORSET (en fait
un peu à part du fait d’un mode d’action original, proche de l’ATHYMIL, un peu
moins sédatif, avec quelques prises de poids comme pour la plupart des antidépresseurs, une somnolence, plus rarement des troubles hépatiques,
hématologiques, une sécheresse buccale, des œdèmes, une bradycardie)
l’Ixel (très stimulant, on l’a vu, aux effets indésirables rares, vertiges, dysurie,
bouffées de chaleur, anxiété ou plus rarement encore un syndrome
sérotoninergique, nausées, constipation, tremblements, palpitations,
céphalées, prurit) et le futur CYMBALTA, encore dans les cartons.
Ces produits sont un compromis entre les ISRS classiques et les tricycliques,
ils sont en passe d’emporter le marché.
62 Sismothérapies :
Les indications se limitent aux dépressions majeures résistantes au traitement
ou en cas d’impossibilité de proposer un traitement (cf. femmes enceintes,
personnes âgées, etc…).
Il s’agit des classiques électrochocs, un courant d’intensité variable passe
durant quelques ms entre deux électrodes céphaliques. Les chocs unilatéraux
semblent moins intéressants. Les séances ont lieu sous curare (ce qui entraîne une
9
décontraction musculaire et évite les classiques luxations articulaires lors des
contorsions épileptiques) et sous anesthésie générale, à raison en général de trois
fois par semaine. Une dizaine de séances est nécessaire, l’effet se fait sentir au bout
de trois ou quatre chocs.
Le choc électrique entraîne une crise comitiale, la qualité électrique de celle-ci
conditionne les résultats. Les seuls traitements à proscrire en cas de chocs sont
donc les antiépileptiques, benzodiazépines en particulier. On peut donc poursuivre
les antidépresseurs, y compris (et surtout ?) ceux qui abaissent le seuil épileptogène.
Quant aux contre-indications classiques, en dehors de celles qui sont dictées par
l’anesthésie générale, il s’agit des malformations vasculaires intracérébrales et des
antécédents d’état de mal.
63 Psychothérapies :
Toutes les études tentant de rendre compte de l’efficacité des traitements et
comparant celles-ci entre elles objectivent une supériorité nette à l’association
psychothérapie et traitements médicamenteux.
Le choix est le plus souvent affaire de possibilité locale, des moyens du patient
(aussi bien sur le plan cognitif que financier !) ou du désir de tiers (la famille, l’équipe,
…). Nombre de ces thérapies, en particulier comportementales insistent sur la
compliance aux traitements et l’entraînement aux habiletés sociales.
Nous évoquerons ces traitements dans le chapitre psychopathologie.
64 Rôle propre des infirmiers :
Ceux-ci peuvent intervenir soit au moment d’une hospitalisation complète,
d’un hôpital de jour ou d’un centre médico-psychologique.
L’hospitalisation est justifiée en règle par le retrait social ou le risque
suicidaire. Ce dernier est, rappelons-le, plus lié aux antécédents familiaux de TS ou à
l’impulsivité qu’à l’intensité réelle de la dépression.
L’hospitalisation de jour peut permettre des prises en charges spécifiques (lux
thérapie, un peu obsolète, ou perfusions, dont l’intérêt est discutable sinon pour le
porte feuille de celui qui la pratique) ou des activités individuelles (relaxation,
ergothérapie, art thérapie) et de groupe (groupes affirmation de soi, psychodrame,
etc…).
Enfin le CMP offre un accompagnement au domicile ou pour des démarches
rendues difficile par l’asthénie.
Dans tous les cas la surveillance du traitement est importante. Surveillance de
la compliance, même si les patients se plaignent volontiers de l’absence d’effet
« relaxant » en urgence, ou des effets indésirables (TA, constipation, dysurie,
tremblements, hyposialorrhée, troubles digestifs et sexuels).
Les entretiens infirmiers revêtent un caractère souvent très personnalisés,
surtout s’il existe une névrose sous-jacente (en particulier chez… le soignant !). Il
faut savoir se déprendre de la relation et ne pas y projeter sa propre problématique.
Si les familles et les proches donnent de bons conseils, on peut exiger plus d’un
soignant !
A la suite de cet entretien, la gravité de la symptomatologie peut être évaluée,
elle devra constamment être réévaluée. Certains s’aident d’échelles spécifiques. La
clinique psychiatrique doit être intuitive : les paroles du patient doivent entendues,
mais aussi ses mouvements ou la restriction de ceux-ci, ses odeurs, sont
10
comportement doit être observé… Les repas en particulier, mais aussi les visites, les
contacts avec les autres patients sont des signes.
VII PSYCHOPATHOLOGIE :
Il existe différents courants traversant la psychiatrie. Ils ne s’excluent pas en
principe et peuvent fort bien se rencontrer, se compléter. Je resterai néanmoins très
schématique ;
71 Phénoménologie :
Binswanger, puis à sa suite Schneider et Tellenbach font de la mélancolie le
résultat d’un expérience originelle, « l’angoisse vitale » de Schneider, avec formation
d’un « noyau endogène », prédisposant aux décompensations postérieures.
Il existe donc une personnalité précritique, le « typus melancolicus »
caractérisée par la méticulosité, la dépendance, le goût de l’ordre et de la propreté,
le surinvestissement dans le travail et les convenances. Le sujet ne se sent bien que
dans l’ordre et l’immuabilité, lutte titanesque contre l’écoulement du temps. Toute
modification de ces derniers éléments précipite le sujet dans l’angoisse, un état pré
dépressif de durée variable puis la dépression proprement dite. Il peut s’agir d’une
perte d’objet, d’une promotion ou d’une demande de rendement supérieur.
Le temps vécu s’immobilise, l’action n’est plus possible (le monde rassurant
s’est écroulé, plus rien ne paraît stable), seul le passé est sûr et le patient s’englue
dans celui-ci. Il apparaît alors de forts sentiments de culpabilité et d’indignité. L’avenir
est effroyable, lointain, seule la mort apparaît comme une solution stable.
Les études phénoménologiques plus actuelles (avec Tatossian en France en
particulier) cherchent à comprendre le fonctionnement de l’homme dépressif, au-delà
de la mélancolie classique. Elles cherchent à définir ce qui en soi pourrait
transformer son vécu, jusqu’à l’utiliser éventuellement dans une dimension
« positive » (ce qu’un analyste appellerait peut-être la « sublimation »), comme la
création artistique ou la vie en société.
72 Théories cognitives et comportementales :
Pour Beck par exemple, certains patients seraient porteurs d’une structure
cognitive rigide, responsable d’une interprétation à priori plutôt négative des
événements vécus. L’attribution interne de la perte est aggravée par le sentiment de
globalité (il n’y a pas d’exception au malheur, les attributions d’échec l’emportent sur
toutes les autres, Seligman) puis, après une phase d’évolution, elle devient
irrémédiable. Tout se passe comme si le sujet se conditionnait lui-même à des
pensées systématiquement négatives (stabilité). Pour cet auteur la tristesse est donc
postérieure à la dépression.
Il n’existe pas ici de caractéristique propre à la mélancolie, le concept n’existe
plus pour ces auteurs.
Les psychothérapies cognitives ou comportementales visent à :
 Mettre en évidence les schèmes de pensée pathologique chez un sujet
donné.
 Lui en faire prendre conscience.
 Les modifier par des techniques le plus souvent comportementales.
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73 Théories psychanalytiques :
Freud en 1916 compare deuil et mélancolie. Dans le deuil normal l’épreuve de
réalité a montré que l’objet aimé n’existe plus et exige le retrait de toute a libido es
lieux qui la retiennent à cet objet.
Dans la mélancolie (à l’époque et dans la classification allemande classique,
toute dépression majeure est une mélancolie, qu’elle soit ou non liée à des troubles
bipolaires) le deuil est impossible. L’objet imaginaire pèse un poids tel que la perte
d’objet devient une perte du moi qui le contenait. Une partie du moi s’est identifié au
moi perdu, occasionnant une régression de la libido sur le moi. Cette anomalie serait
liée à l’importance de l’ambivalence initiale pour l’objet d’amour.
Abraham en 1912 puis surtout en 1924, relie le fonctionnement du deuil
pathologique avec des stades précoces du développement. Ces stades sont dits
prégénitaux car ils précèdent le stade génital et le complexe d’oedipe. Le
psychanalyste allemand évoque la possibilité d’une déception intolérable provoquée
par l’objet d’amour ou l’un de ses substituts au stade sadique oral. Lors de deuils
ultérieurs le patient régresse au stade oral cannibalique (=sadique) réveillant ainsi les
angoisses de dévoration.
Ces éléments sont repris et affinés dans une perspective ontogénétique par
Mélanie Klein. La compréhension de la façon dont une perte d’objet (dont le deuil est
le paradigme) pourra s’élaborer fait appel au concept de « position dépressive »
élaboré en 1934 puis en 1940.
Dès trois à six mois pour cet auteur le nourrisson prend conscience que la
mère qui le nourrit, le soigne et le cajole est la même que celle qui n’est pas là quand
il a faim et qui ne semble pas répondre à ses besoins. Les agressions dirigées contre
la seconde, la méchante (fantasmatiques ou sous la forme de pleurs, cris, urine ou
morsures…) sont vécues avec culpabilité parce qu’elles endommagent aussi dans le
même temps la bonne mère. Cette dernière n’est plus seulement un appendice
supposé toujours satisfaire ses besoins, elle devient un être distinct, susceptible
parfois d’être frustrant. M. KLEIN parle donc de « position dépressive » du nourrisson
dans la mesure où, contrairement à ce qui se passait avec les stades d’Abraham, il
s’agit d’un processus dynamique. Le nourrisson alterne entre des phénomènes
régressifs lui permettant de revenir en arrière, des rites obsessionnels et des
éléments maniaques, associant la toute puissance et le mépris pour l’objet perdu. La
fin de cette position est dominée par les phénomènes de « réparation » : le
nourrisson tente de réparer la mère endommagée, en général par l’intermédiaire de
jeux voire d’activités diverses et variées. La symbolisation apparaît.
Nous retrouvons les mêmes phénomènes à l’adolescence, les parents
idéalisés durant l’enfance et devenus méprisables durant l’adolescence reprennent
enfin une forme plus proche de la réalité. Les identifications antérieures n’ont pas été
perdues mais remaniées.
A chaque perte d’objet ultérieure, réelle ou fantasmatique nous devons non
seulement faire le deuil actuel, mais réinstaller tous les objets d’amour
précédemment perdus. A chaque deuil, une nouvelle fois la position dépressive
devra être surmontée.
L’échec de ce processus de transformation peut provenir soit d’une défaillance
des premières introjections qui formeront les premières imagos parentales, soit d’une
anomalie du processus de maturation lui-même. De nombreux analystes, y compris
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d’obédiences différentes, comme Balint, supposent l’existence de failles précoces
survenues lors des premiers mois de la vie et susceptibles de laisser des lacunes,
des « cryptes », qui s’exprimeront lors de perte d’objet ultérieures sous forme de
syndromes dépressifs.
Les traitements psychanalytiques ne visent pas à retrouver l’hypothétique
« cause » de la dépression. Ils cherchent à augmenter l’insight du sujet, le regard
qu’il a sur lui-même et la distance par rapport à ses émotions. Il ne peut réparer ce
qui a été brisé, ne serait-ce parce que les auteurs kleiniens en particulier admettent
la part endogène, organique de certains processus psychiques.
Ils permettent au mieux d’échapper à l’automatisme des processus mentaux
et de sortir des « mauvais cercles » :
ENKYSTEMENT
ATTAQUES
SADIQUES
CS
CS
EXPULSION
CS
GEISSMANN Nicolas, 23/04/07
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