III-Mécanismes d`alloréactivité

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Mécanismes de l’alloréactivité, des rejets de greffe
et de la réaction du greffon contre l’hôte.
Marcelo de Carvalho Bittencourt,
, Christophe Baron, Gilles Blancho, Myriam Labalette, Hélène Moins Tesserenc
Ghislaine Sterkers, Pierre Tiberghien
I-Introduction ____________________________________________________________________ 2
II-Alloantigènes. __________________________________________________________________ 2
II-1.Antigènes majeurs d’histocompatibilité __________________________________________ 2
II-2.Antigènes mineurs d’histocompatibilité __________________________________________ 3
II-3.Antigènes des groupes sanguins ________________________________________________ 3
III-Mécanismes d’alloréactivité ______________________________________________________ 3
III-1.Alloréactivité indirecte _______________________________________________________ 3
III-2.Alloréactivité directe ________________________________________________________ 4
IV-Les réactions de rejet en transplantation d’organes. ___________________________________ 4
IV-1.Rejet hyper-aigu ____________________________________________________________ 4
IV-2.Rejet aigu _________________________________________________________________ 5
IV-3.Rejet chronique. ____________________________________________________________ 7
V-La réaction du greffon contre l’hôte (GvH) dans la transplantation de cellules souches
hématopoïétiques allogéniques ______________________________________________________ 7
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I-Introduction
Les progrès accomplis dans le domaine des traitements immunosuppresseurs ont permis de
développer la transplantation dans la prise en charge des patients atteints d’insuffisance
chronique de différents organes et tissus. L’immunosuppression qui accompagne ces greffes
est nécessaire puisque, au-delà des difficultés techniques chirurgicales, dès les premières
tentatives de transplantation, il est apparu que les greffons devenaient non-fonctionnels dans
un délai relativement court du fait de conflits immunitaires. Ces conflits sont liés à des
différences antigéniques entre les tissus et cellules du donneur et du receveur. Lorsque le
donneur appartient à la même espèce que le receveur, on parle d’alloréactivité, dont l’origine
principale est l’extrême polymorphisme des gènes codant pour les antigènes du complexe
majeur d’histocompatibilité (CMH). Dans les cas très rares où le donneur et le receveur sont
identiques génétiquement (jumeaux monozygotes) il s’agit d’une transplantation syngénique
et aucune réaction immunitaire n’apparaît. On parle enfin de xenoréactivité lorsque le
donneur et le receveur n’appartiennent pas à la même espèce.
Lorsque le receveur est immunodéprimé, comme dans la transplantation de cellules souches
hématopoïétiques, les cellules immunocompétentes contenues dans le greffon sont capables
de reconnaître les alloantigènes de l’hôte et de les rejeter : il s’agit de la maladie du greffon
contre l’hôte ou GVHD (Graft Versus Host Disease). Cette condition particulière est abordée
dans la seconde partie de ce chapitre.
L’alloréactivité reste un obstacle majeur aux transplantations d'organes et de tissus puisque
les rejets immunologiques aboutissent à la perte du greffon de façon pratiquement
inéluctable et relativement rapide sans traitement immunosuppresseur. En effet, chaque
individu possède un taux important de lymphocytes T naïfs capables de reconnaître les
alloantigènes. La fréquence des lymphocytes T naïfs spécifiques d’un antigène donné est
normalement très faible (de l’ordre de 1 pour 100 000, cf. livre L2). Cette fréquence est
beaucoup plus élevée en ce qui concerne les lymphocytes alloréactifs (de l’ordre de 1 à 10
pour 100), ce qui conduit au développement de réponses immunes de forte intensité lorsque
les antigènes d’histocompatibilité de deux individus sont mis en présence.
II-Alloantigènes.
II-1.Antigènes majeurs d’histocompatibilité
Plus de 90% des alloantigènes reconnus sont les produits des différences alléliques entre
les molécules du CMH des individus au sein d’une même espèce. Les différences
génétiques existant entre les nombreux allèles des molécules d’histocompatibilité sont
concentrées au niveau des parties codant la niche à peptide, régions les plus
polymorphiques de ces molécules (cf. livre L2).
2
II-2.Antigènes mineurs d’histocompatibilité
Les antigènes mineurs d’histocompatibilité correspondent à des fragments peptidiques issus
de la dégradation de protéines intracellulaires pour lesquelles il existe un polymorphisme
génétique, mais n’appartenant pas au CMH. La présentation d’un antigène mineur est
cependant restreinte par le CMH (Figure 1) et fait intervenir l'alloréactivité indirecte. Les
gènes codant les protéines présentant un polymorphisme allélique se situent sur divers
chromosomes ce qui explique leur transmission autosomique ou gonosomique. Ainsi,
l’antigène H-Y n’est exprimé que par les hommes puisque le gène qui le code est localisé sur
le chromosome Y. Il existe aussi un polymorphisme des cytokines et de leurs récepteurs,
ainsi que des antigènes du système KIR (Killer Immunoglobulin Receptors) présents sur les
cellules NK. Le polymorphisme extensif du génome humain inclut par ailleurs des délétions
de gènes. Le système immunitaire d’un individu porteur d’une délétion homozygote d’un
gène n’a pas acquis de tolérance vis-à-vis du produit de ce gène. En cas de greffe
allogénique il peut reconnaître ce produit comme un alloantigène.
Les antigènes mineurs d’histocompatibilité ont été découverts en raison de phénomènes de
GVH survenus au décours de greffes entre donneur et receveur présentant le même CMH
(greffe HLA-identique). Les antigènes mineurs d'histocompatibilité ne jouent toutefois pas de
rôle déterminant dans la transplantation d'organes.
II-3.Antigènes des groupes sanguins
Les antigènes des groupes sanguins, ABO, sont importants aussi pour la transplantation
car ils sont présents à la surface de plusieurs types cellulaires, dont les cellules
endothéliales. Dans une situation d'incompatibilité ABO donneur-receveur, ils peuvent être la
cible des anticorps naturels, responsables de rejets hyper-aigus.
III-Mécanismes d’alloréactivité
L'alloréactivité peut être classée en deux types en fonction du mode de reconnaissance des
alloantigènes.
III-1.Alloréactivité indirecte
Dans le cas de l’alloréactivité indirecte, les protéines allogéniques du donneur sont
internalisées et apprêtées par les cellules présentatrices d’antigènes du receveur. Les
lymphocytes T CD4 ou CD8 du receveur dont les TCR reconnaissent ces peptides du
donneur présentés respectivement dans les molécules du CMH de classe II ou de classe I
du receveur sont des lymphocytes T dits alloréactifs. Cette reconnaissance indirecte suit
donc le processus physiologique d’amorçage de l’activation lymphocytaire T (cf. livre L2). La
fréquence de lymphocytes alloréactifs potentiellement activés via l’alloréactivité indirecte se
rapproche de celle mesurée pour un antigène étranger donné.
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III-2.Alloréactivité directe
A l’opposé, l’alloréactivité directe indique la capacité des lymphocytes T alloréactifs à
reconnaître les molécules du CMH du donneur directement sur les cellules présentatrices
d’antigène contenues dans le greffon. Ces molécules du CMH peuvent contenir des peptides
issus du donneur ou du receveur (Figure 2). L’alloréactivité directe peut paraître surprenante.
Elle tire son origine des particularités de l’ontogénie des lymphocytes T qui subissent
plusieurs étapes de sélection dans le thymus afin de ne conserver que des cellules ayant un
TCR fonctionnel mais non-autoréactives (cf. livre L2). La sélection négative thymique ne
prend pas en compte les molécules du CMH allogéniques qui sont absentes du stroma
thymique d’un individu. Après une greffe, des complexes CMH allogénique/peptides, qui
ressemblent du point du vue tridimensionnel à un complexe CMH du soi/peptide étranger,
peuvent être reconnus par les lymphocytes T du receveur qui n'ont pas été éliminés au cours
de l’ontogénie. Cette reconnaissance donne le premier signal d'activation lymphocytaire.
Un troisième mode de reconnaissance allogénique a été décrit, l'alloréactivité semi-directe,
liée à la propriété des cellules dendritiques de capturer des molécules de surface d'une autre
cellule. Les cellules dendritiques du receveur « capteraient » donc des complexes CMH de
classe I/peptide du donneur, tout en présentant de façon concomitante des peptides issus du
donneur sur leurs propres molécules CMH de classe II.
IV-Les réactions de rejet en transplantation d’organes.
IV-1.Rejet hyper-aigu
Dans les rejets hyper-aigus, des anticorps préformés reconnaissent massivement des cibles
cellulaires présentes dans les petits vaisseaux du greffon. Ceci aboutit à l’activation du
complément, à des lésions thrombo-hémorragiques ou ischémiques et à la mort tissulaire.
Les rejets hyper-aigus surviennent très rapidement, dans les minutes ou les heures qui
suivent la revascularisation du greffon. Des anticorps préformés (consécutifs à des
grossesses, des transfusions non déleucocytées, ou une allogreffe antérieure), dirigés contre
les molécules CMH de classe I du donneur, peuvent être la cause de rejets hyper-aigus.
Comme ces rejets sont extrêmement difficiles à contrôler, il est très important de s'assurer
avant la transplantation que le receveur n'est pas immunisé vis-à-vis des molécules CMH du
donneur. La réalisation d'un crossmatch lymphocytaire permet l'identification d’anticorps antiHLA préformés éventuels. Dans ce test on incube des cellules mononucléées du donneur
avec le sérum du receveur en présence de complément et d’un marqueur de viabilité
cellulaire. En cas de présence d'anticorps anti-HLA, la fixation du complément aboutit à la
lyse des cellules du donneur (crossmatch positif). A l'inverse, si les cellules sont viables, il
n’y a pas d’anticorps cytotoxiques anti-donneur chez le receveur (crossmatch négatif).
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IV-2.Rejet aigu
Les rejets aigus surviennent dans les trois premiers mois suivant la transplantation. Quatre
phases peuvent être identifiées dans la physiopathologie du rejet aigu, reconnaissance,
activation, infiltration et destruction du greffon.
Pendant la phase d'alloreconnaissance ou d’allosensibilisation, l'alloréactivité directe conduit
à l’activation des lymphocytes T alloréactifs par les cellules dendritiques du donneur. Comme
tous les organes, le greffon contient des cellules dendritiques immatures qui agissent comme
cellules sentinelles du système immunitaire. Ces cellules sont sensibles à l’environnement
inflammatoire éventuellement présent chez le donneur, par exemple si celui-ci a subi une
réanimation médicale prolongée. De plus, la transplantation est elle-même génératrice de
signaux de danger capables d'induire une maturation des cellules dendritiques contenues
dans le greffon. La procédure chirurgicale (lésions tissulaires) ainsi que la période d'ischémie
froide, pendant la conservation extra-corporelle du greffon, induisent effectivement un
microenvironnement pro-inflammatoire.
Sur les cellules dendritiques chargées de peptides allogéniques, l'expression du récepteur
de chemokine CCR7 et des molécules d'adhésion augmente. Dans la période précoce posttransplantation, les cellules dendritiques du donneur vont ainsi migrer vers les zones
lymphocytaires T des ganglions lymphatiques du receveur drainant le greffon. Elles
deviennent matures, augmentent l’expression des molécules CMH et des molécules de
costimulation, et sont alors capables d’activer les lymphocytes T alloréactifs et de débuter
ainsi la réponse immune allogénique.
Cette reconnaissance directe des alloantigènes est responsable d’environ 90% de la
réponse allogénique et des rejets aigus survenant dans les premiers jours ou les premières
semaines post-transplantation.
De façon concomitante, les cellules présentatrices d’antigène du receveur sont attirées vers
le greffon par l’environnement inflammatoire présent dans celui-ci. Ces cellules capturent
des débris tissulaires et migrent également vers les ganglions drainant le greffon.
De plus, des molécules solubles originaires du donneur sont transportées par voie sanguine
vers les ganglions lymphatiques et peuvent être capturées et apprêtées par les cellules
dendritiques du receveur. Ces alloantigènes peuvent être reconnus par les lymphocytes T
alloréactifs par la voie indirecte, ce qui peut induire un rejet aigu avec une cinétique plus
tardive. Cette voie indirecte est responsable de la majorité des rejets aigus survenant à
distance de la transplantation, car il n’y a qu’un petit nombre de cellules dendritiques dans le
greffon.
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Les cellules endothéliales du greffon peuvent aussi être reconnues par les lymphocytes T
CD8 du receveur par un mécanisme d’alloréactivité directe et être, d’une part une source
potentielle d’allostimulation et, d’autre part, la cible de ces cellules cytotoxiques.
La délivrance des trois signaux d’activation lymphocytaire (liaison TCR-complexe
CMH/peptide, costimulation et signaux de différenciation fonctionnelle) par les cellules
dendritiques allogéniques ou autologues aboutit à l’activation et à la prolifération clonale des
lymphocytes T alloréactifs CD4 et CD8. Les réponses alloréactives sont polarisées vers un
profil de type Th1, avec une signature cytokinique pro-inflammatoire et prédominance de
sécrétion d’IFN-gamma. Cette seconde phase du rejet aigu est caractérisée par une
importante sécrétion de cytokines, une amplification de la réponse alloréactive et l’activation
d’autres cellules effectrices. Les lymphocytes B peuvent alors sécréter des anticorps dirigés
contre les alloantigènes, notamment les anticorps anti-CMH. Les cellules NK et les
macrophages sont également activés. Il s’ensuit une phase d’infiltration du greffon par des
cellules alloréactives. Cette phase est dépendante de la sécrétion de chemokines et d’une
augmentation de l’expression des molécules d’adhésion, qui facilitent la migration des
cellules alloréactives à travers l’endothélium des vaisseaux du greffon. Ces phénomènes
aboutissent à l’agression des cellules parenchymateuses du greffon. Les lymphocytes T CD8
cytotoxiques induisent l’apoptose des cellules cibles allogéniques en libérant des perforines
et granzymes, ou par la voie membranaire (interactions Fas/Fas-ligand). Des cytokines
inflammatoires et cytotoxiques (comme le TNF-) ainsi que le recrutement d’autres cellules
effectrices (lymphocytes B, cellules NK, polynucléaires neutrophiles et éosinophiles,
monocytes/macrophages) contribuent à une inflammation importante des vaisseaux et du
parenchyme du greffon. Les lésions vasculaires et thrombotiques associées induisent une
ischémie tissulaire et à terme la nécrose tissulaire.
Les conséquences cliniques de ce processus sont une altération de l’état général, fièvre et
signes d’insuffisance fonctionnelle du greffon. Le diagnostic est conforté par une biopsie du
greffon et une analyse anatomo-pathologique.
On parle de rejet vasculaire s’il existe une prédominance de lésions vasculaires, avec
œdème et dépôt de fractions du complément sur l’endothélium. Les anticorps, notamment
les anticorps anti-CMH mais également d’autres anticorps dirigés contre des antigènes des
cellules endothéliales sont impliqués dans ces phénomènes.
Le rejet cellulaire est caractérisé par une infiltration inflammatoire interstitielle massive par
des lymphocytes, macrophages et polynucléaires neutrophiles.
Ces deux types de rejets peuvent coexister.
Les rejets aigus peuvent être contrôlés de façon efficace par les traitements
immunosuppresseurs (voir ce chapitre). Cependant, ces traitements ne sont pas sélectifs
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vis-à-vis de l’alloréactivité et inhibent également les réponses immunitaires bénéfiques.
Ainsi, les patients transplantés présentent un risque accru d’infections et de néoplasies
secondaires.
IV-3.Rejet chronique.
Le rejet chronique survient plus tardivement, plusieurs mois ou plusieurs années après la
transplantation. Il est caractérisé par une dégradation progressive et irréversible de la
fonction du greffon. A la biopsie, on retrouve une fibrose interstitielle et périvasculaire ainsi
qu’une vasculopathie chronique avec un épaississement de l’intima. Les mécanismes
physiopathologiques du rejet chronique ne sont pas entièrement compris, mais impliquent
des facteurs non-immunologiques et immunologiques. Ainsi, et de façon non-exhaustive, des
facteurs liés au greffon (lésions induites par le stress oxydatif de l’ischémie/reperfusion), à
l’hôte (âge, hypertension artérielle, infections - notamment par le CMV-, hyperlipidémie) et
aux traitements immunosuppresseurs (toxicité directe sur le greffon) ont été démontrés
comme étant impliqués potentiellement.
Les facteurs immunologiques incluent le nombre de compatibilités CMH entre le donneur et
le receveur, la présence préalable d’anticorps anti-CMH, les épisodes de rejet aigu et un
traitement immunosuppresseur suboptimal. Le rejet chronique ne peut pas être contrôlé par
les traitements immunosuppresseurs disponibles et est actuellement la principale cause
d’échec des transplantations.
L’induction d’une tolérance immunologique (acceptation du greffon sans traitement
immunosuppresseur) pourrait potentiellement être la solution au défi clinique du rejet
chronique.
La mise en évidence de la production tardive d’anticorps dirigés contre les antigènes du
donneur différant de ceux du receveur a été associée à la présence d’une activation du
complément conduisant à des dépôts de fraction C4 dans le greffon. Ceci est
particulièrement caractéristique des greffes rénales présentant un rejet chronique avec des
dépôts de C4 dans les vaisseaux et les glomérules.
V-La réaction du greffon contre l’hôte (GvH) dans la transplantation de cellules
souches hématopoïétiques allogéniques
La greffe de cellules souches hématopoïétiques allogéniques est utilisée dans le traitement
des hémopathies malignes, des déficits immunitaires sévères et de certaines maladies
héréditaires touchant l’hématopoïèse. Les tumeurs solides, les maladies auto-immunes
sévères ou encore la transplantation d’organes sont d’autres situations cliniques dans
lesquelles le potentiel de la transplantation de cellules souches hématopoïétiques est
actuellement exploré.
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Trois types de greffons allogéniques peuvent être utilisés : moelle osseuse, cellules souches
périphériques (CSP) mobilisées après administration de G-CSF (Granulocyte-Colony
Stimulating Factor) ou sang placentaire issu du cordon ombilical.
Le choix du donneur, pour les greffes de moelle osseuse ou de CSP, se fait sur des critères
d’histocompatibilité stricts incluant la recherche d’une identité CMH 10/10 (HLA-A*, B*, C*,
DRB1*, DQB1*) entre le donneur et le receveur.
La greffe de cellules souches hématopoïétiques allogéniques consiste, pour partie, à
remplacer le système hématopoïétique du malade par le système hématopoïétique d’un
donneur volontaire sain en perfusant chez le malade des cellules souches qui viseront à
reconstituer un système hématopoïétique complet.
Afin d’une part de détruire un maximum de cellules malignes et d’autre part de minimiser les
risques de rejet du greffon par les lymphocytes T du receveur (effet HvG, pour Host versus
Graft), le patient reçoit au préalable soit un conditionnement standard (chimiothérapie
myéloablative complétée par une irradiation corporelle totale), soit un conditionnement
atténué.
Cette allogreffe est aussi et surtout une véritable immunothérapie adoptive car elle apporte
des cellules immunocompétentes notamment des lymphocytes T matures et des cellules NK
du donneur. De par leur immunocompétence, celles-ci participent, dès leur perfusion chez le
receveur, à la prise de greffe avec potentialisation de l’hématopoïèse, à la reconstitution de
l’immunité anti-infectieuse (effet GvI, pour Graft versus Infection) et au développement de
l’immunité anti-tumorale (effet GvL, pour Graft versus Leukemia). Cet effet GVL est la plus
puissante modalité d’immunothérapie des cancers disponible aujourd’hui et justifie à lui seul
l’utilisation de la greffe de cellules souches hématopoïétiques allogéniques pour le traitement
de certaines hémopathies malignes.
Cet effet bénéfique anti-tumoral n’est cependant pas sans risque pour le receveur puisque
tout ou partie de ces mêmes cellules responsables de l’effet anti-tumoral sont également
directement impliquées dans la réaction du greffon contre l’hôte (effet GvH) (Figure 3). La
GvH est une complication importante et fréquente, responsable de 15 à 40% de mortalité au
cours du premier trimestre suivant la greffe et d’une importante morbidité pouvant atteindre
50%.
On distingue deux formes cliniques de GvH, la forme aiguë et la forme chronique, ayant
chacune une cinétique et une physiopathologie propre. La GvH aiguë survient précocement
et se caractérise cliniquement par une perte de poids, des atteintes cutanées, digestives,
hépatiques et pulmonaires en plus d’une immunosuppression importante. La GvH chronique
survient plus tardivement. Sa physiopathologie est moins bien connue mais les principaux
organes cibles sont également la peau, les intestins et le foie.
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La GvH aiguë est due majoritairement à l’alloreconnaissance par les lymphocytes T matures
du donneur des antigènes mineurs d'histocompatibilité exprimés par les cellules des tissus
sains du receveur. Comme les antigènes mineurs sont des cibles allogéniques qui peuvent
être exprimées par les cellules saines et malignes du receveur, il existe un recouvrement
plus ou moins important des effets GvL et GvH.
La réaction de GvH aiguë comprend plusieurs étapes. Dans un premier temps, les cellules
présentatrices de l’antigène contenues dans les tissus du receveur sont activées. En effet, le
conditionnement pré-greffe entraîne une tempête cytokinique par le biais de dommages
tissulaires (gastro-intestinaux en particulier) générant des signaux de danger. La
reconnaissance des alloantigènes sur les cellules présentatrices du receveur induit dans un
second temps l’activation des lymphocytes T du donneur.
Les dommages causés par la réaction de GvH aiguë sont imputables aux lymphocytes T
CD8 cytotoxiques, à des cytokines et à des chemokines. Les cytokines inflammatoires,
principalement de type Th1, agissent en synergie avec les lymphocytes cytotoxiques pour
induire les dommages tissulaires. Le TNF- et l’IL-1 sont produits en abondance dans la
GvH aiguë. Le TNF- participe probablement à la cachexie caractéristique de la GvH aiguë.
Il contribue à la maturation des cellules dendritiques et accroît ainsi l’efficacité du processus
de présentation d’antigènes. Il recrute des lymphocytes T effecteurs, des neutrophiles et des
monocytes par le biais de l’induction de chemokines.
La GvH aiguë est gradée de I à IV en fonction du nombre et de l’étendue des organes
impliqués (tableau 1). Les formes les plus sévères sont généralement létales, mais
l’utilisation de traitements immunosuppresseurs permet le plus souvent de juguler la GvH
aiguë.
Les lymphocytes T issus du donneur jouent également un rôle capital à la phase effectrice
de la GvH chronique. Cependant, la production de cytokines de type Th2 prédomine dans la
GvH chronique. La plupart des malades souffrant de GvH chronique expriment des autoanticorps dirigés contre des antigènes de surface des cellules du receveur. Les facteurs de
risque sont les différences génétiques entre donneur et receveur, une GvH aiguë préalable,
en particulier lorsqu’elle s’accompagne de traitement par corticoïdes, l’utilisation de greffons
non déplétés en lymphocytes T, un greffon de sexe féminin administré à un receveur de
sexe masculin et l’âge du receveur.
La GvH chronique se présente comme une maladie auto-immune, avec formation d’autoanticorps. Les lésions histologiques de la GvH chronique sont différentes de celles de la GvH
aiguë. On observe des dépôts de collagène et une importante fibrose du derme, résultant
dans une symptomatologie proche de celle observée par les malades porteurs de
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sclérodermie et de syndrome de Sjögren. Les manifestations cliniques associent
variablement des ulcérations orales (lichen plan), kérato-conjonctives ou de l’œsophage, une
sclérodermie, une maladie veino-occlusive ou une hépatite chronique agressive. Un déficit
immunitaire est constamment associé avec son cortège de maladies infectieuses
opportunistes.
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A retenir

Les complications majeures des greffes d’organes et de cellules souches
hématopoïétiques sont liées à des conflits immunologiques.

Ces conflits sont initiés par les différences existant entre les antigènes cellulaires
du donneur et du receveur. Il s’agit d’alloantigènes en clinique humaine.

On distingue les antigènes majeurs du complexe majeur d’histocompatibilité
(CMH), mais aussi les antigènes mineurs d’histocompatibilité provenant du
polymorphisme génétique de diverses molécules n’appartenant pas au CMH.

Tous les individus possèdent une population importante de lymphocytes T
susceptibles de reconnaître les complexes CMH/peptide d’un autre individu ayant
échappé à la sélection négative thymique.

Les conflits immunologiques liés aux greffes concernent la reconnaissance
d’antigènes du donneur par des cellules du receveur (rejet) ou d’antigènes du
receveur par des cellules du donneur (GvH).

Les mécanismes des conflits immunologiques impliqués en transplantation sont
ceux d’une réponse immunitaire classique, avec des phases de reconnaissance,
activation, prolifération, production d’effecteurs et régulation.

En transplantation d’organes, le conflit majeur est le rejet de greffe qui implique
une alloreconnaissance directe ou indirecte et peut être aigu ou chronique. Il peut
conduire à la perte fonctionnelle puis anatomique du greffon.

En greffe de cellules souches hématopoïétiques, le conflit majeur est la maladie
du greffon contre l’hôte (GvH) qui peut être aiguë ou chronique. Il peut conduire à
la destruction des tissus du receveur et à sa mort.

Les phénomènes délétères associés à l’alloréactivité doivent être contrôlés par
des traitements immunosuppresseurs.
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Tableau 1 : Grades de sévérité de la GVH aiguë
Atteinte
Atteinte
Atteinte
Altération de
Cutanée
hépatique
digestive
l’état général
I
+ à ++
0
0
0
II
+ à +++
+ foie ou tube digestif
Discrète
III
++ à +++
 ++ foie ou tube digestif
Marquée
Grade
IV
12
Toute atteinte  ++ avec retentissement
sévère sur l’état général
Sévère
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