FICHE "TENSION FONDATRICE"
DOMAINE : ENTREPRISE ET MARCHES
TENSION REACTIVITE / PROACTIVITE
De quoi s'agit-il ?
Le numérique est historiquement associé à un mouvement d'accélération des rythmes
économiques et sociaux, ainsi que d'augmentation des volumes et des flux d'information
et d'échanges. Cette tendance concerne les technologies numériques elles-mêmes (la "loi
de Moore", par exemple relie directement vitesse, volumes d'information et efficience
économique), comme les systèmes économiques et sociaux auxquels elles s'appliquent.
Ces mouvements répondent à des besoins et des aspirations qui ne datent pas du
numérique. La rapidité, l'agilité, la réactivité, sont (du moins dans les cultures
occidentales) connotés positivement. L'abondance d'information est associée à la
connaissance, à la transparence, à l'avancement des connaissances, au choix, à la
démocratie. Dans le domaine du service, l'attente est une des principales causes de
mécontentement. Dans le domaine économique, la vitesse et la circulation de
l'information accélèrent l'innovation, permettent de réduire les stocks tout en
personnalisant la production ("juste à temps"). En politique, une opinion publique de plus
en plus mondiale du fait de la synchronicité de l'information, attend de ses dirigeants des
réponses rapides aux crises qui, elles aussi, se propagent plus rapidement – voire,
d'intervenir avant les crises, de les prévoir et d'en prévenir les effets. Dans ce contexte,
l'information, son abondance, sa circulation, constitue de ce point de vue à la fois l'outil
de la prévision et de la décision, et celui du contrôle citoyen.
Mais l'accélération et l'afflux d'informations se heurtent à des limites qui invitent
à la recherche, tâtonnante mais active, de nouvelles voies :
Limites systémiques : dans un contexte de mondialisation, impossibilité de piloter
les grands systèmes, entrainement et enchaînement des catastrophes (cf. Paul Virilio)
– les marchés financiers, numérisés depuis longtemps, ne faisant peut-être que
préfigurer d'autres enchaînements encore plus dommageables ;
Limites quotidiennes, à l'échelle des individus et des organisations : stress,
désordre des temps, "dictature de l'urgence", "infobésité", pollution informationnelle,
voire perte de certaines habilités intellectuelles… Une autre série d'aspirations se
refait jour, à la réflexivité, au "travail bien fait", à l'attention à soi et aux autres, à la
plénitude des expériences, au regard à long terme, au calme, à la séparation des
sphères publique et privée… Ce mouvement concerne aussi bien les individus
(recherche d'un équilibre de vie, d'un sens à leur travail…) que les entreprises
(inquiétudes croissantes vis-à-vis de l'infobésité, du stress des salariés, du court-
termisme…) et les sociétés (mouvement "slow", passant de l'individuel – "slow food"
– au collectif – "slow city").
La recherche de nouveaux équilibres, forcément dynamiques, entre ces deux pôles,
commence à peine et tâtonne encore entre les niveaux individuel, organisationnel et
sociétal : outils de filtrage ou ruses pour les individus, programmes "life-work balance"
ou "journées sans mail" dans les entreprises, bureaux des temps ou effacement des
consommations électriques au niveau d'une collectivité, les initiatives se multiplient sans
avoir encore trouvé de référentiel.
Quelques exemples emblématiques
Les aspirations déçues pour un télétravail au service d'un meilleur équilibre de vie.
Les programmes "Life-Work Balance" des pays anglo-saxons (et leurs critiques).
Les "20% de Google" : chaque salarié peut consacrer un jour par semaine à un
projet auquel il tient mais qui ne fait pas partie de sa fiche de poste.