Le jeu de l`amour et du hasard est une comédie de Marivaux créée

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Envoyé par Sophie.
Commentaire sur un texte du Jeu de lAmour et du Hasard de Marivaux.
Le jeu de l’amour et du hasard est une comédie de Marivaux créée par les comédiens
Italiens le 23 janvier 1730. Lors de sa représentation, cette pièce rencontra un franc succès
auprès du public ; elle fut jouée de nombreuses fois. Elle est aujourd’hui considérée comme
l’un des chefs-d’œuvre de Marivaux. Cette comédie en prose se divise en trois actes. L’objet
de cette pièce est la reconnaissance de deux amours propres et l’avènement de l’amour entre
eux. Pour cela Marivaux utilise les ressorts du travestissement et la mise en scène d’acteurs
spectateurs. M.Orgon, père de Silvia et le père de Dorante se sont entendus pour unir leurs
deux enfants à condition qu’ils se plaisent tous deux nous dit-il I, 2
« Dans le dernier voyage que je fis en province, j’arrêtai ce mariage-là avec son père,
qui est mon intime et ancien ami ; mais ce fut à condition que vous vous plairiez à tous deux,
et que vous auriez entière liberté de vous expliquer là-dessus »
La pièce commence à l’annonce de la visite de Dorante à sa future belle-famille.
Silvia demande à son père une faveur : celle de prendre l’habit de Lisette, sa soubrette, pour
observer son prétendant ; ce qu’elle ne sait pas et que nous apprend son père informé par une
lettre du père de Dorante, c’est que Dorante a demandé la même chose au sien. Les deux
jeunes gens vont donc se rencontrer sous l’habit d’un valet et d’une soubrette, à leur insu,
sous le regard attentif de Mario, frère de Silvia mis dans le secret et de M. Orgon, son père.
De ce fait tout au long de la pièce, va se dérouler une comédie à plusieurs niveaux avec
d’une part un couple d’acteurs spectateurs : Mario et M.Orgon
et d’autres part deux couples : Lisette et Arlequin miroir de Dorante et Silvia.
La scène 9 de II que nous allons étudier est un dialogue entre Silvia en soubrette et
Dorante en valet. Dans la scène qui précède, Silvia et Lisette se sont disputées à propos de
Dorante et d’Arlequin. Silvia est hors d’elle car Lisette lui fait prendre conscience de ses
sentiments pour Bourguignon / Dorante.
Lecture.
Le passage se situe donc au moment où après un bref échange de banalités par
lesquelles Silvia espère maintenir Dorante à distance, celle-ci s’emporte devant l’entêtement
de celui-ci. Cet extrait est donc un dialogue qui se déroule en 4 mouvements :
0 à 25 . Silvia exaspérée s’emporte dans deux tirades qu’elle assène à Dorante
26 à 44. On assiste à un nouvel échange de propos d’une apparente banalité à la
suite desquels Dorante annonce son départ.
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45 à 59. Dorante tente de se justifier auprès de Silvia.
60 à la fin. Dorante se fait pressant et demande à Silvia des preuves de son non
amour.
Nous allons donc voir comment dans cet extrait on observe une progression de
l’intrigue avec une Silvia qui ne maîtrise plus que très difficilement ses émotions et qui tente
d’éviter une confrontation avec Dorante en lui assenant des paroles terribles. Puis elle s’apaise
et tente de revenir à une conversation réglée en reprenant le dialogue sur des bagatelles. Mais
l’adieu prononcé par Dorante et repris par Silvia les plonge tous deux dans les pires
souffrances. Une souffrance à laquelle Dorante ne peut résister et qui se traduit par un
« hélas » qui marque le début de la montée d’un désespoir qui le fera se jeter aux genoux de
Silvia.
Dans ce 1er mouvement qui commence par le « tiens, Bourguignon » (l.1) de Silvia et
se termine par le « ah !ma chère Lisette que je souffre ! » (l.25) de Dorante, on observe un
affrontement entre deux sensibilités qui s’expriment dans deux discours très différents.
Silvia nous montre l’exaspération et la confusion qui règnent dans son esprit. Elle pose
un ultimatum à Dorante en utilisant une proposition adverbiale « une bonne fois pour toutes »
(l.1) qui n’admet pas l’alternative. Cet ultimatum semble renforcé par l’utilisation de verbe à
l’impératif d’autant qu’ils sont dits dans une gradation qui va de l’état présent « demeure »
(l.2) , à l’instant du souhait exprimé « va-t-en »(l.2), pour aller vers l’inexprimé et
l’inexprimable par le fait des conventions sociales « reviens » (l.2) qui est un reste déguisé.
« Ce doit m’être indifférent » (l.1) insiste encore sur la différence entre le cœur et la raison.
La raison l’emporte en apparence à la fin de la phrase dans le « et me l’est en effet » .(l.3) La
phrase suivante est un aveu déguisé : l’utilisation hyperbolique des gations montre une
oscillation deux qui fait la différence entre « je ne te veux ni bien ni mal » (l.3) qui laisse un
espoir par l’indicible qu’il renferme et tu m’es indifférent. Ce balancement se retrouve dans la
gradation en rythme ternaire des trois verbes suivants introduits par la négation : le premier
« je ne te hais », (l.4) litote pour dire je t’aime ; tout de suite annulé par le « ni ne t’aime »
(l.4) et renforcé par le « ni ne t’aimerai » (l.4) verbe au futur, donc inscrit dans le réel. Un réel
détruit avant même d’avoir existé, par la double négation. Mais la fin de la phrase, typique de
l’écriture de Marivaux et que Deloffre a appelé phrase à retouche, se termine par une
proposition rajoutée à la fin introduite par la conjonction « à moins que » (l.4) qui apporte un
espoir. Mais cet espoir n’est lui-même pas positif puisque la condition de sa alisation est
que « l’esprit » (l.5) ne lui « tourne »(l.5) . Ceci entraîne qu’elle perde la raison et donc se
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perde elle-même. Elle termine son propos par le présentatif « voilà » (l.5). Un « voilà » (l.5)
conclusif et récapitulatif qui se veut faire acte. Mais dans sa conclusion, il y a une légère
distorsion entre « mes dispositions » (l.5) qui par le pronom possessif « mes » (l.5) semble
englober tout son être et « ma raison » (l.5) . L’emploi synecdochique de « ma raison » (l.5)
tend à montrer que c’est ce qui domine chez elle. Mais en même temps la coordination avec
« mes dispositions » montre qu’elle n’est pas la seule. Ceci est accentué par le reste de la
phrase « ne m’en permet point d’autres » (l.6) qui semble vouloir dire que si elle le lui
permettait il en serait autrement.
Ces paroles assassines pour Dorante l’abattent. Cet abattement se retrouve dans les
mots qu’il emploie : tout d’abord le verbe être qui est un auxiliaire sans grande valeur si ce
n’est celle de mettre en relief « malheur » (l.8) et « inconcevable » (l.8) . L’inconcevable par
définition est ce qui ne peut être conçu et qui échappe à la raison. Il est donc au-dessus des
modes qui régissent Silvia et Dorante, du moins en théorie. Le second verbe de sa réplique est
bien un verbe performatif mais il n’en est pas le sujet : « tu m’ôtes » (l.8) . Ceci montre la
dépendance de Dorante face à Silvia. C’est un aveu pathétique d’impuissance. Le « peut-
être » (l.8) arrive à peine à minimiser le poids du verbe et de son C.O.D. « tout le repos de ma
vie » (l.9) . Par ce groupe nominal, Dorante nous dit tout son tourment.
Mais Silvia refuse de se laisser entraîner Dorante s’engage. Pour cela elle utilise
le pronom personnel « il » (l.10) pour s’adresser à lui afin de pouvoir reprendre ses esprits et
mettre une distance entre eux. Elle feint de ne pas comprendre les mots de Dorante en mettant
cela sur le compte de la fantaisie. Ce mot même de fantaisie se rattache à la perte de la raison,
à la folie. D’ailleurs, « fantaisie » (l.10) et « esprit » (l.10) s’oppose par leur position dans la
phrase de Silvia.
« Quelle fantaisie il s’est allé mettre dans l’esprit ! » (l.10)
Puis elle revient au mode traditionnel du tutoiement par un impératif « reviens à toi »
(l.11) que l’on dit à quelqu’un quand on pense qu’il divague. A partir de là, elle essaye
d’expliquer son propre comportement mais en continuant à le mettre en cause : « Tu me
parles, je te réponds. » (l.11) auquel elle rajoute « C’est beaucoup ; c’est trop même » (l.12)
qui sont comme pour un aveu qui lui brûle les lèvres. Cette assertion est renforcée par la
phrase « tu peux m’en croire » (l.12) suivi d’une phrase conditionnelle qui vient appuyer son
discours. Il faut la croire car elle, elle connaît des éléments qui lui échappent, que lui ne
connaît pas et qu’elle exprime dans le « si tu étais instruit » (l.13) . Et pour mieux se
persuader de ce qu’elle dit tout autant que pour persuader Dorante, elle continue sa phrase sur
un rythme ternaire dans une gradation qui va crescendo. Dans un premier temps, il « serai(t)
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content » (l.13) d’elle, puis il la trouverait « d’une bonté sans exemple » (l.14) et enfin
« qu’elle blâmerait dans une autre » (l.15) . Cette gradation hyperbolique montre l’implication
de Silvia et l’ampleur du sacrifice qu’elle consent au nom de la raison. En même temps, elle
se donne bonne conscience mais c’est difficile. Le « pourtant » (l.16) émet un doute quant à la
validité de ses intentions réelles. Après avoir justifié ce que sa raison lui conseillait, elle met
en cause son cœur ou plus exactement « le fond de son cœur » (l.16) . Le terme de « louable »
(l.17) montre bien le changement de registre. Silvia éprouve le besoin de se justifier « c’est
par générosité que je te parle » (l.17) . La bonté s’est transformée en générosité. « Louable,
générosité » sont des mots que l’on attribue au héros magnanime ou au chevalier. Silvia se
place donc en position de Dame qui accorde ou reprend : « ces générosités-là ne sont bonnes
qu’en passant » (l.18) . Ce discours trahit Silvia sous le déguisement de Lisette et ne peut
qu’inciter Dorante à l’aimer un peu plus. Elle continue en lui disant : « et je ne suis pas faite
pour me rassurer toujours sur l’innocence de mes intentions » (l.19, 20) . Une fois de plus une
affirmation se retrouve niée par la suite de la phrase. Ceci montre que malgré un discours
apparemment bien construit, Silvia est agitée, divisée entre le cœur et la raison. La phrase
suivante ressemble à un monologue intérieur, comme si Silvia parlait pour elle-même « à la
fin, cela ne ressemblerait plus à rien » (l.21) . En effet, si le cœur triomphait sur la raison elle
serait perdue puisqu’il est inconcevable qu’une maîtresse puisse aimer et encore moins
épouser un valet. Elle se reprend donc et le « finissons » (l.21,22) utilisé par deux fois
ressemble au « une bonne fois pour toute » (l.1) du début. Mais le ton n’est plus le même, les
impératifs des premières lignes se sont transformés en une prière : « je t’en prie » (l.21) .
Cette prière est une nouvelle faille dans le masque de la raison. Silvia a de plus en plus de mal
à résister et demande à Dorante de l’aider . Ceci se note dans le passage d’une formule
adverbiale relativement neutre à un impératif de 2ème personne du pluriel « finissons » qui unit
Dorante et Silvia dans un même dilemme. Ce « nous » est révélateur du trouble de Silvia. Un
trouble qui se poursuit dans l’interrogation délibérative qu’elle utilise à la fin et qui n’attend
pas d’autre réponse que celle qu’elle donne elle-même. Cette interrogation s’adresse à la fois
à Dorante à qui elle signifie de ne plus l’importuner mais elle s’adresse aussi à elle-même
comme si elle rêvait éveillée et se sommait de revenir à la réalité.
Dorante n’entend pas son discours car chez lui le cœur a supplanté la raison. Les
« générosités » de Silvia ne sont pour lui que souffrance, une souffrance que lui assène sa
« chère Lisette » (l.25) . Le décalage entre « chère » et « que je souffre » (l.25) donne plus de
poids aux tourments endurés par Dorante.
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Le premier mouvement du texte est donc un dialogue disproportionné entre Silvia et
Dorante. Mais on peut remarquer que si les répliques de Silvia sont très longues, elles
témoignent en même temps d’une grande confusion de son esprit alors que celles de Dorante
qui se résument à peu de mots sont au contraire très claires. Il ne se cache pas derrière un flot
de paroles, il affirme la souffrance que lui procure ses sentiments pour Silvia.
Dans le 2ème mouvement, Silvia refuse de s’arrêter au message que Dorante tente de
lui transmettre. Elle essaye de clore le plan des états d’âme par « venons à ce que tu voulais
me dire » (l.26) . En changeant de sujet , elle s’éloigne du danger que représente son combat
intérieur. Elle s'efforce d’effacer ce qui vient de se passer en ramenant le dialogue à la 1ère
réplique de la scène en formant une boucle, pour revenir à 0. On voit aussi le manque de
cohérence de Silvia car elle demande à Dorante de lui parler de quelque chose qu’elle avait
tenté d’éluder par des digressions dans la 1ère partie de la scène ; mais surtout elle avait
exprimer le souhait qu’il ne lui parle plus dans sa dernière tirade.
Dorante ne répond pas à ses attentes, il ne veut pas revenir à la raison et il continue à
se déclarer sans vraiment le faire. « un rien, une bagatelle » (l.28) à l’initiale de la réplique
suivi « d’un prétexte » (l.29) à la fin mettent en relief « l’envie » (l.28) . Cette envie est plus
forte que tout, incontrôlable puisqu’elle utilise des subterfuges pour parvenir à ses fins. En
même temps, Dorante met en parallèle ce « rien , cette bagatelle » avec « l’envie de te voir »
(l.28) comme pour minimiser ce besoin. Et il continue dans cette voie en se mettant à parler
de leurs maîtres respectifs comme pour mieux relativiser la portée de ses sentiments.
Pendant ce temps, en aparté, Silvia fait un aveu de son impuissance en s’avouant pour
elle-même et malgré elle ses sentiments pour Dorante. En effet, « quand je m’en fâcherais, il
n’en serait ni plus ni moins » (l.30) nous dit-elle. Elle est consciente que quoiqu’elle dise ou
fasse, elle n’est pas maîtresse de ses sentiments et encore moins de ceux de Dorante.
En insistant sur le « ta maîtresse » (l.32) à l’initiale de sa réplique celui-ci met, ou
croit mettre une certaine distance entre eux.
Silvia profite du prétexte qu’ il lui fournit en parlant de leurs pseudo maîtres
respectifs pour répliquer.
Dans ces deux répliques on note que leur discours est équilibré ; ceci est du au fait
qu’il est moins empreint de subjectivité.
Dorante se moque bien de leurs pseudo maîtres respectifs. Il le dit à la fois dans sa
réplique : « ce n’est pas cela qui m’occupe » (l.36) mais le terme même « occupe » interpelle
car le travail d’un valet n’est-il pas de s’occuper de son maître ?
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