Enseignement de la « pensée algébrique » ou de l’algèbre au collège IREM IUFM UCBN INSPECTION de Mathématiques Académie de Caen Basse-Normandie Auteur : Dr. Ruben Rodriguez Herrera PRAG de Mathématiques L’enseignement de la pensée algébrique ou de l’algèbre a donné lieu à des nombreux travaux riches en idées. Nous souhaitons contribuer avec deux idées que nous avons développés , expérimentées, analysées dans nos cours, nos formations, nos recherches , par exemple lors de la thèse en sciences de l’éducation , didactique des mathématiques. (Voir 1*) Mots clés : Algèbre, nombres carrés, nombres triangulaires, indéterminée, écritures littérales, formules, conjectures, calculs, programme de calcul, psychomorphismes. (Voir 2*) Introduction Dans cet article nous allons présenter deux de nos travaux en enseignement de l’algèbre au collège. Un au niveau de la sixième et le deuxième au niveau de la fin de la quatrième au plutôt en troisième. Ainsi on aura le début et la fin de l’apprentissage de la « pensée algébrique » au collège. Nous préférons dire la « pensée algébrique » car comme l’ont très bien dit des chercheurs comme Yves Chévallard l’élève qui fait du calcul réfléchi, même en école primaire, développe des compétences algébriques qui vont plus tard se consolider au collège. Nous sommes bien en accord avec cette analyse et ceci depuis bien longtemps. Dans nos recherches dans notre thèse de doctorat nous avons introduit le principe de l’apprentissage suivant : Pour que l’être humain apprenne il faut toujours partir de ce que nous appelons univers expérimentable pour apprendre des univers plus formalisées. Un univers pour nous est un ensemble ou domaine particulier, suffisamment structuré, par des relations et opérations. On le dit expérimentable quand on peux anticiper de manière presque automatique des résultats des relations ou des opérations Par exemple l’ensemble des nombres entiers naturels inférieurs à 100, avec ces relations d’ordre et ses opérations est un univers directement expérimentable pour les élèves de la fin du CM2 ou le début du collège. En effet pour savoir si 12+18 est plus petit que 62+18 l’élève du CM2 ,peut anticiper, (sans calcul), sa réponse qui est aussi obtenue presque automatiquement par le calcul. C’est dans ce sens que nous disons « univers expérimentable » La « pensée algébrique » se forme dans ce type d’anticipation. C’est dans les « univers numériques directement expérimentables » que les propriétés algébriques se forment chez nos élèves. Plus tard au collège on travaillera sur un « univers formalisé » où on aura écrit par exemple « si a<b alors a+c<b+c » qui est la formalisation des calculs ayant la même structure algébrique que 12+18<62+18. Dans ce sens nous avons crée le mot « psychomorphismes » dans notre recherche de thèse. Il y a des morphismes mathématiques entre l’univers numérique des entiers avec ses relations et ses opérations et l’univers littéral algébrique avec ses relations et ses opérations. On peut le schématiser ainsi : 12< 62 alors 12+18<62+18 a < b alors a+c < b+c Nous avons ajoute le préfixe « psycho » car c’est de cette manière que l’être humain donne du sens à l’apprentissage des formalisations successives. Chaque univers formalisé est plus puissant, (au sens de la puissance d’information), que les précédents. C’est pour cela que nous partageons pleinement le point de vue de Yves Chevallard : c’est par le travail sur des calculs réfléchis que l’élève prépare l’apprentissage du calcul littéral et de la pensée algébrique. De même il y a des psychomorphismes qui favorisent l’apprentissage de « la pensée algébrique » entre des univers géométriques constitués de figures comme le carré,le triangle, le rectangle et l’univers algébrique des formules classiques de sommes des entiers consécutifs. I) En sixième. Un type d’activité expérimentée dans notre enseignement est la suivante : On sollicite les élèves de écrire avec de lettres des propriétés numériques simples de l’univers des nombres entiers naturels ou des nombres décimaux Par exemple : On constate que quand on calcule une suite du type 12+5-12 5+42-5 10+51-10 Que le même nombre que l’on ajoute et que plus tard on soustrait peut se simplifier Pour obtenir le résultat sans calculer les deux opérations. Les élèves écrivent que : a + b - a donne directement b et que ceci est vraie quelque soit les nombres a , b On les sollicite pour qu’ils trouvent des propriétés et qu’ils les écrivent en utilisant des lettres Les élèves aiment découvrir des propriétés universelles des nombres et opérations. Par exemple : a+b+c –(a+b) = c a-b+d-c + (c-a +b)= d Il ne s’agit pas ici que les élèves trouvent des propriétés classiques, au contraire le but est qu’ils utilisent les lettres pour écrire des propriétés algébriques simples. Encore une autre propriétés plus complexe trouvée par nos élèves de la sixième : a+(b -c -b) = (a+b) +(a -c) – (a+b) Remarque : l’activité de nos élèves consiste à trouver dans l’univers algébrique littéral l’écriture codée symboliquement qui correspondent à des propriétés trouvées dans leur univers expérimental des nombres. Il ne s’agit pas de « démontrer », ceci sera fait plus tard dans le cursus au collège. II) En troisième Il s’agit de s’inspirer de la façon dont Pythagore et les grecs de l’antiquité traitaient des identités ou des formules pour de sommes des suites de nombres Par exemple la somme : 1+2+3+4+5+…+n On part de la disposition géométrique pythagoricienne : 1 1+2= 3 1+2+3=6 1+2+3+4= 10 1+2+3+4+5=15 Puis on fait à chaque fois une « symétrie », par exemple pour le dernier triangle On constate que la somme s’obtient par la multiplication 5 x 6 = 30 puis comme on a deux parties identiques on divise par deux Le résultat est (5x6)/2 = 15 Ils le font aussi pour les autres cas de figure et puis on arrive à la formule : 1+2+3+4+5+…+n = n(n+1)/2 En regardant la dernière figure autrement, comme un carré plus un segment On obtient que 1+2+3+4+5+…+n = (n²+n)/2 Puis que n(n+1)/2 = ( n² + n)/2 Les élèves de troisième peuvent vérifier par le calcul algébrique littéral que la dernière égalité est vérifiée en accord avec la propriété distributive. Ici nous utilisons la correspondance psychomorphique entre l’univers des nombres carrés, triangulaires, rectangulaires comme un univers expérimentable pour les élèves de la troisième et celui de l’algèbre classique comme l’univers formalisée respectif. Nos élèves ont par rapport aux propriétés géométriques du carré, du rectangle par rapport aux aires des capacités d’anticiper les résultats. Ceci est « traduit » dans le langage de l’algèbre classique . C’est ainsi que le psychomorphisme de ces deux univers,est à la base du travail des élèves dans cette activité didactique que nous vous proposons. Conclusion : Ces deux exemple d’activité nous montrent que nos élèves peuvent créer des formules algébriques par des activités plus motivantes que tout simplement « apprendre » quelques formules vues déjà écrites sur les manuels. Dans cette façon d’aborder l’algèbre dans quelques manuels utilisés dans le collège, on ne fait que travailler de façon fermée dans l’univers purement symbolique de l’algèbre, donc il n’ y a pas de psychomorphisme possible pour les élèves qui subissent ce type « d’enseignement ». Le fait de travailler dans une même activité dans deux univers, l’un directement expérimentable et l’autre à formaliser permet aux élèves de donner du sens à la formalisation et aussi de valider les opérations et relations dans cet univers formalisé, par le psychomorphisme réciproque qui le renvois vers l’univers expérimentable. A Caen Janvier 2011 Ruben Rodriguez Herrera 1* Ruben Rodriguez Herrera, « La pédagogie des mathématiques est-elle moderne ? », Thèse en Sciences de l’Education, Caen 1978, 692 pages 2* Ruben Rodriguez Herrera, « L’ENSEIGNEMENT DES FRACTIONS BASE SUR LA LOI DE LA CORRESPONDANCE MORPHIQUE DE DEUX SYSTEMES DANS LA FORMATION DES CONNAISSANCES » Site :IREM de Basse-Normandie dans Relations Internationales Articles disponibles. 3* Rodriguez Herrera R. , Salles Le-Gac D., 2005, Du dessin perçu à la figure construite, Ellipses , 254 pages