C.Vernet ECE2
ESH 2016-2017 N.Danglade
Document 10 ; les externalités négatives des fermetures d’usines
La première décennie du XXIième siècle a été marquée en France par une nouvelle vague de
désindustrialisation. Les chiffres sont écrits noir sur blanc dans le rapport intermédiaire des états généraux de
l'industrie remis au ministre chargé de l'Industrie, le 5 janvier 2010. L'industrie française a perdu plus de cinq
cent mille emplois industriels en dix ans, et même sept cent mille si l'on en croit le chiffrage de certains experts,
tandis que la part de l'industrie dans le PIB fondait de 24% à 14%. La France n'a pas connu de phénomène
comparable depuis les années 1978-1985, période tristement illustrée par les grandes catastrophes industrielles
de Creusot-Loire ou de Manufrance. (…) Dès lors que l'on compare l'évolution française avec celle de nos
voisins européens, qui ont connu et connaissent les mêmes mutations, le constat relève de l'évidence :
l'industrie française décroche, quel que soit le critère retenu, notamment face à la prestigieuse industrie
allemande ou à celle d'Europe du Nord. De quoi légitimement s'inquiéter, n'en déplaise à ceux qui pensent que
la désindustrialisation n'est qu'un fantasme d'archéo-industrialistes en délicatesse avec la postmodernité ! La
disparition de telle ou telle usine est une souffrance à la fois quotidienne et prolongée dans certains bassins
d'emploi et dans certaines familles. Il suffit pour s'en convaincre d'aller à la rencontre de tous les « ex » des
grands bassins industriels - les « Conti » de Clairoix, les « Renault » de Sandouville, les « Molex » de
Villemur-sur-Tarn - pour constater que la destruction d'un tissu industriel local ne trouve pas facilement de
substitut en matière d'emploi et que ses effets délétères affectent le tissu social. (…) Le diagnostic révèle une
pathologie grave. L'industrie manufacturière française a commencé à détruire des emplois dès le premier choc
pétrolier de 1973 et perdu depuis plus de 40 % de ses effectifs pour glisser, pour la première fois dans l'histoire
contemporaine du pays, sous la barre des 3 millions en 2008. Dans le même temps, la part de la production
intérieure brute, autrement dit de la richesse créée dans notre pays par l'industrie, passait d'un quart à un
sixième (16%). C'est ainsi que la société dite postindustrielle s'est installée subrepticement dans nos vies. Sans
crier gare. Source : Patrick Artus, Marie-Paule Virard, « La France sans ses usines », Fayard, 2011.
Document 11
La désindustrialisation résulte de l’interaction de ces trois causes : tertiarisation-productivité-globalisation, dont
il faut rappeler qu’elles participent a priori à une dynamique positive pour la croissance économique. Toutefois
les changements induits ne sont pas neutres sur la nature des emplois et les qualifications « employables ». Les
emplois de fabrication disparaissent au profit d’emplois de gestion de la fabrication – de la conception à la
distribution. En théorie, cela s’accompagne d’une diminution de la pénibilité des tâches productives et d’une
libération de ressources en emplois susceptibles de générer des richesses par ailleurs. Mais le redéploiement de
ces ressources se heurte à des barrières à la mobilité du travail, principalement en raison de la spécificité des
compétences et des qualifications. Source : Sarah Guillou et Lionel Nesta, Blog de l’OFCE, 20 juillet 2012
Document 12 : le déversement
Quelle que soit la lorgnette économique choisie pour regarder les choses, le salut par la réindustrialisation est
une idée bien difficile à justifier. La comparaison des pays développés ne donne à observer aucune corrélation
entre le poids de l'industrie et le niveau de richesse. En 2009, les pays « industriels » comme l'Irlande,
l'Allemagne, le Japon, l'Espagne ou l'Autriche avaient un PIB moyen par habitant de 35 000 dollars par an
contre 38 000 dollars pour les pays « de services » , comme la France, le Royaume-Uni, la Hollande ou la
Suède. Il n’y a pas non plus de lien entre désindustrialisation et faible croissance : depuis 1990, ce sont au
contraire les pays dont l'industrie a le plus décliné - relativement aux services - qui ont crû le Plus vite.
Les services sont le moteur de la croissance
Peut-on croître durablement sans industrie ? C'est précisément ce que la France fait depuis fort longtemps. La
part de l'industrie française dans le PIB est passée de 35 à 20% au cours des quarante dernières années. Ce
déclin est toutefois relatif : ce n'est pas l'industrie qui régresse mais les services qui progressent. Sur la période
2000-2010, les services ont crû de 11%, alors que l’industrie stagnait.
C’est une vérité diamétralement opposée aux poncifs, mais les services sont, et depuis longtemps, le véritable
moteur de notre croissance : 98% de la croissance des années 2000 a été réalisée par les services, mais déjà 85
% dans les années 1980 et 1990. En réalité, même dans la phase de reconstruction rapide d'après-guerre, les
services représentaient en France entre 65 et 70 % de la croissance : les Trente Glorieuses, c'est donc avant tout
une économie de services. Sur la période 1950-1970, le commerce à lui seul représente 10 % de la croissance
totale du pays, soit deux fois plus que la métallurgie, pourtant le secteur industriel alors le plus dynamique ! La
finance et l'immobilier : 15 %, soit l'équivalent des trois quarts de l'industrie. Le transport et l’hôtellerie : 6 %,