COELHO Christophe CIPIERRE Thomas CITRINI Dorian La France est-elle en voie de désindustrialisation ? SOMMAIRE I) Une économie mondiale en mutation permanente A) La tertiarisation de l’industrie B) Division internationale du travail C) La Chine et l’Inde II] La désindustrialisation du territoire : mythe ou réalité ? A) La désindustrialisation : entre mythe national et réalité locale. B) Attractivité du territoire, entre idéologie et idées reçues C) La réponse publique aux mutations industrielles INTRODUCTION L’industrie forme 20% de la richesse nationale voire 40% si on inclut les services qui y sont liés. On comprend donc bien les dangers d’une désindustrialisation massive pour la France. On assiste à de nombreuses transformations: alors que des usines ferment, des investisseurs en ouvrent de nouvelles. Cependant ces implantations sont peu médiatisées à l’exception de l’arrivée de Toyota à Onnaing. Les causes de cette mutation de l’industrie sont multiples: montée en puissance de la Chine, élargissement de l’UE, montant de la dette, affaiblissement du potentiel de recherche. Ceci a une répercussion sur le tissu économique et social de la France et peut à terme, amoindrir sa puissance. Face à ces risques, le problème est de savoir si le modèle économique et social de la France est encore valable dans le monde actuel. I/ UNE ECONOMIE MONDIALE EN MUTATION PERMANENTE Dans les années 70, la sidérurgie a connue une grave crise due à l’utilisation de vieux outils technique et a une concurrence rude. La France procédait alors à des restructurations qui n’intervenaient qu’après une perte financière importante ce qui montre un problème de réactivité de l’état français face aux évolutions des techniques et de l’économie mondiale. Actuellement, les dirigeants imposent des restructurations non plus seulement dans les entreprises en difficulté mais aussi dans celles qui sont en bonne santé financière et même souvent rentables. Ce choix s’effectue soit par anticipation de la concurrence soit par pression des actionnaires. Les délocalisations s’opèrent pour plusieurs raisons: permettre une localisation d’activité en vue de conquérir des marchés émergents, suivre les entreprises donneuses d’ordres (pour les sous-traitants) et évidemment, rechercher un moindre cout de production. La délocalisation d’une multitude d’entreprises provoque une instabilité économique en France d’autant plus qu’elle n’est pas préparée et qu’elle ne dispose pas de moyens d’anticiper ou de s’adapter rapidement à ce nouveau contexte. Cependant, les mutations contribuent à la modernisation de notre société et pour l’instant, les secteurs qui délocalisent le plus sont aussi ceux qui créent le plus d’emplois. A) La tertiarisation de l’industrie Le modèle actuel de la division de l’activité suivant les trois secteurs n’est plus valable. En effet, l’agriculture s’industrialise de plus en plus et peut même posséder une activité tertiaire avec des projets touristiques. L’industrie se modifie également puisque les services qui autrefois étaient à charge de l’entreprise sont aujourd’hui extérieurs (entretien des locaux, restauration, comptabilité,…). Ainsi, une part du secteur industriel est devenue tertiaire. Enfin, on compte les intérimaire dans le secteur du tertiaire alors qu’ils sont plus de 300000 à travailler dans l’industrie. En conséquence, le nombre de personnes concernées par les activités de services aux entreprises est passé en 20 ans de 1.5 million à 3.4 millions et l’industrie française a perdue 1,5 million d’emplois alors qu’elle a maintenue sa part dans la création de richesse. B) Division internationale du travail Dans le monde industriel actuel, il y a de moins en moins de place pour les stratégies conçue à l’échelle d’un seul pays. Désormais, il est possible de concevoir, de fabriquer et de commercialiser des produits en différents points du globe. Il y a donc mise en concurrence de chaque facteur de production à l’échelle mondiale. Ceci est la principale cause des délocalisations liées aux écarts de salaires, aux charges sociales mais aussi au temps de travail ou encore aux normes environnementales. Ainsi, les salariés européens entrent directement en concurrence avec ceux d’Asie ou d’Amérique latine, avec le handicap de travailler moins longtemps et d’être payés à un niveau plus élevé. Or, selon la théorie de Heckscher-Ohlin, « les pays se spécialiseront dans la production des biens échangés en utilisant le plus intensivement le facteur non échangeable dont ils disposent le plus». Autrement dit, les pays connaissant une abondance de capitaux exporteront des produits intensifs en capital tandis que ceux relativement riches en main d’œuvre exporteront des produits intensifs en travail. Cette théorie implique que la mondialisation entrainera une détérioration de la situation des travailleurs des pays développés mais une amélioration dans le tiers monde. La vocation de la France a toujours été d’être un carrefour d’échange et une plate forme logistique. Ainsi, comme le montre déjà certains départements, la France entame sa reconversion. Le Nord-Pas-de-Calais abandonne ainsi graduellement ses activités textiles après avoir fermé ses mines pour se reconvertir vers l’industrie logistique grâce à sa position géographique intéressante. L’Ile-deFrance, nœud ferroviaire, routier et aéroportuaire, figure parmi les premières régions européennes dans ce secteur. Ainsi, on remarque une forte diminution du nombre de travailleurs non-qualifiés. C) La Chine et l’Inde La montée en puissance de la Chine et de l’Inde n’est pas l’origine principale des difficultés de l’industrie française sauf pour quelques secteurs comme le textile où les salariés français sont payés 40 fois plus cher que les chinois. Ces pays rassemblent le tiers de l’humanité. Or 75% de leurs population est encore rurale et constitue un réservoir de main-d’œuvre utilisable par l’industrie, les 25% restant représentent déjà un marché équivalent a celui de l’Europe occidental. Cette démographie induit une pression a la baisse des salaires. Ce facteur fait que la Chine sera inéluctablement le premier producteur industriel de la planète sachant qu’elle est déjà le premier partenaire commercial de l’UE, des USA et du Japon. De plus, elle possède encore une main-d’œuvre peu formée, peu efficace avec des pratiques industrielles et managériales loin d’être optimisées. Quant à l’Inde, elle a la capacité de former des informaticiens auxquels les entreprises occidentales ont de plus en plus recours. Aujourd’hui, l’Europe est plus encline à invoquer et à critiquer la concurrence déloyale, l’absence de lois sociales, les durées hebdomadaires de travail s’établissant à 60 heures, la contrefaçon, en oubliant que les craintes qu’elle exprime à l’égard de la Chine sont analogues à celles qui étaient émises à l’encontre du Japon dans les années 80. Le véritable défi réside donc dans la capacité de l’ensemble des industries européennes à prendre le plus de parts de marché chinois. II] LA DESINDUSTRIALISATION DU TERRITOIRE/ MYTHE OU REALITE ? Les régions industrielles se situent au nord d’une ligne Nantes-Grenoble. Sur 22 millions de salariés en 2002, 18,4% travaillent dans le secteur industriel : c’est le cas de la région Nord Pas-deCalais ou encore l’Ile de France. A l’opposé de cette ligne, l’industrie emploie moins de 13% de l’effectif total, en particulier la Corse avec ses 0,03% de salariés dans l’industrie. Les inégalités d’occupation du secteur industriel suivant les régions démontrent-elles une réelle désindustrialisation du territoire ? A) La désindustrialisation : entre mythe national et réalité locale. L’industrie perd des emplois. En effet, la part de l’emploi industriel n’a cessé de diminuer passant de 24% en 1980 à 15,9% en 2002. Cela s’explique par la forte augmentation des gains de productivité des salariés français à raison de 4,1% par an depuis 1990 (tandis que les coûts salariaux ont, quant à eux, baissé de 1%). La désindustrialisation est en réalité un effet d’optique résultant d’un dynamisme industriel dû à l’augmentation de la productivité. Il y a donc un véritable paradoxe concernant ces gains, qui reposent essentiellement sur les efforts des ouvriers. En effet, la France a mis en œuvre une réduction de la durée du travail et donc la performance française se fonde sur la productivité horaire du travail. Ceci constitue le seul moyen pour les employeurs de soutenir la concurrence internationale. Cette recherche de productivité crée des handicaps qui sont en grande majorité le résultat du manque d’investissement de l’Etat français en capital comme le manque de recours aux nouvelles technologies. De plus, plutôt que d’orienter ses efforts sur la formation professionnelle des jeunes et des adultes ou encore de favoriser la diffusion du progrès technologique, notre pays s’attache particulièrement à partager le travail existant se basant sur la logique malthusienne. Désormais, de plus en plus d’entreprises se recentrent sur le cœur de leur activité, sous la pression de la concurrence, afin d’accroître leur efficacité dans leur métier d’origine. Pour ce faire, elles externalisent des fonctions et services. Egalement afin de répondre à l’évolution de la demande des clients, les entreprises associent de plus en plus de services à leurs produits industriels. Concernant la loi sur les 35 heures, elle n’est pas un facteur de perte d’emplois industriels. Mais elle n’a pas réussi à répondre à son objectif principal : la création d’emplois. A première vue, cette loi semble être neutre sur l’emploi et sur l’activité de l’industrie. Or elle a induit une série d’effets pervers qui expliquent en partie l’absence de créations d’emplois. Elle donne par exemple à l’investisseur étranger l’impression que notre pays est une société de loisirs et non une société de travail, ce qui constitue un véritable handicap quand on sait que les facteurs de production sont en concurrence à l’échelle du monde. De plus, cette loi s’étant basée sur une logique malthusienne, elle oblige les salariés à être de plus en plus productifs et l’Etat français à financer l’allégement des charges sociales liées à la réduction du temps de travail. Par conséquent, il semble paradoxal que le budget de l’Etat accentue son déficit pour financer l’inactivité alors que son objectif premier est de stimuler l’économie. Comme nous l’avons vu précédemment, la désindustrialisation n’est pas synonyme de perte d’emplois. D’ailleurs, l’implantation de nouvelles entreprises industrielles résulte de la démographie du territoire. C’est pourquoi il faut s’adapter à un monde en constante évolution : il est nécessaire qu’un territoire se construise en permanence. Cela suppose des facultés d’anticipation que notre pays est pour l’heure loin de mettre en œuvre. Cependant, un des problèmes majeurs résulte du fait que la France soit trop dépendante à l’égard du capital étranger. En effet, au 1er janvier 2001, plus d’une entreprise sur 7 était sous contrôle étranger. Les entreprises étrangères emploient plus de la moitié des effectifs des entreprises de 1000 à 2000 personnes et 28% des salariés des très grandes entreprises travaillent pour le compte d’un groupe étranger ce qui est très inquiétant si l’entreprise décide de délocaliser. Si le maintien de l’industrie sur nos territoires dépend de leur attractivité, la mise en œuvre des réformes de structure engagées par le Gouvernement doit se poursuivre, notamment concernant : . - Le développement des infrastructures de transport : l’un des facteurs d’attractivité de notre pays réside dans sa localisation géographique. - La couverture du territoire par l’Internet à haut débit qui est une nécessité pour les entreprises, comme pour l’attractivité des territoires. - La réforme du droit du travail français qui apparaît comme un handicap de plus en plus lourd pour les investisseurs étrangers (impossibilité d’encadrer des procédures de licenciement dans des délais précis, attitude des tribunaux de commerce qui se soucient plus de liquider les entreprises que de les redresser...) - La taxe professionnelle est à l’évidence pénalisante car d’une part son principe est de taxer l’investissement, un facteur de production, et d’autre part cet impôt augmente le prix sortie d’usine et affaiblit la capacité concurrentielle de nos entreprises. - La recherche et l’innovation : on peut constater que les USA et le Japon ont pris la voie d’une montée en gamme de leur économie. En effet, le manque d’investissement des entreprises françaises dans la recherche et le développement accroît l’écart technologique avec ces autres puissances. De plus, le fait que les entreprises de recherche européennes soient plus présentes dans des secteurs traditionnels (mécanique,…) que dans des secteurs d’avenir (nanotechnologie) démontre bien que l’Europe n’est pas complètement engagée sur la voie de la modernisation de son économie. - La formation professionnelle : dans un monde en mutation, les salariés doivent pouvoir être formés tout au long de leur vie professionnelle. Il s’agit d’un impératif politique qui n’est rien d’autre que la contrepartie de l’exigence de qualification à laquelle ils sont soumis. Pour être utile, cette formation doit être préventive : elle doit intervenir avant que le salarié ne perde son emploi : c’est un moyen d’organiser dans notre société un mécanisme d’anticipation des évolutions économiques B) Attractivité du territoire, entre idéologie et idées reçues L'attractivité obéit à des critères complexes. Les investisseurs étrangers s'implantent en France en raison du savoir-faire des salariés, du haut niveau de qualification et de la qualité des infrastructures de transport. Les implantations sont essentiellement liées à l'existence de marchés et aux conditions de production, plus qu'à la recherche d'économies fiscales contrairement aux idées reçues. On mesure l'attractivité de la France pour les investisseurs étrangers à travers 2 sources statistiques: l'IDE (Investissements Directs Etrangers), l'AFII (Engagements Financiers Associés aux Investissements). Le montant des IDE qui reste relativement élevé indique que la France est une économie ouverte, orientée vers les échanges internationaux. Il confirme que notre pays conserve une attractivité certaine aux yeux des investisseurs. Il est à noter malgré tout que la part des investissements green-fields (créations, implantations, extensions) au sein des IDE est en constante diminution. Cela démontre que la France n'est cependant plus un choix prioritaire pour de nouvelles implantations contrairement à la Grande-Bretagne et évidemment la Chine, phénomène qui s'amplifiera sans doute vers les pays d'Europe Centrale. Provenant en majorité des pays européens (64%) l'industrie est le premier secteur récipiendaire des IDE. Bien qu'importants pour l'économie française ils contribuent peu à un aménagement équilibré du territoire, dans la mesure où ils privilégient les 3 principales régions industrielles, où se concentrent déjà la majorité des emplois du secteur secondaire (Ile de France, Rhône-Alpes, Nord-Pas-de-Calais). La perception que les investisseurs ont de la France est un élément primordial du débat sur l'attractivité. L'image de notre pays se résume souvent à des grèves à répétition, à des charges sociales trop élevées,… soit à un contexte défavorable aux affaires. C'est sur cette image qu'il est nécessaire de travailler pour attirer de nouveaux investissements. C) La réponse publique aux mutations industrielles La montée en puissance de la globalisation de l'économie a induit une accélération considérable des mutations faisant perdre leurs repères à bon nombre d'acteurs du monde du travail. Dans ce contexte le droit de la concurrence est devenu progressivement le seul facteur de la politique économique de l'Union européenne. La France a fait sienne cette politique, alors que les autres grandes zones économiques que sont les Etats-Unis, le Japon et la Chine maintiennent toujours un interventionnisme d'Etat très actif. Reconstruire un Etat stratège est un impératif. Même s'il ne dispose plus du crédit comme instrument d'intervention travaillant sous l'œil des marchés financiers il lui reste la fiscalité, le budget et la législation ce qui n'est pas négligeable. Cependant on connaît les difficultés à réformer l'Etat. Il est important de prendre en compte la permanence des mutations et leur rapidité en renforçant notre anticipation des faits. La centralisation puis la diffusion de l'information économique sont les conditions de la capacité d'anticipation dont la formation professionnelle permanente constitue l'une des clés. Le rôle des collectivités territoriales va évoluer de manière croissante notamment en raison de la décentralisation et des problèmes sociaux qu'elles prennent en charge. Alors que les ressources budgétaires de l'Etat sont limitées, il lui faut déterminer les politiques qui stimuleront l'activité économique des collectivités locales. Cependant la réponse publique aux mutations ne peut-être purement nationale car l'espace économique intérieur des entreprises européennes est l'Union Européenne. Celle-ci traverse depuis quelques années une phase de stagnation, la croissance de son PIB atteignant à peine 2%. Il y a une volonté politique de répondre à ce problème mais il n'est pas sûr que le volontarisme dépasse le stade de la déclaration d'intention car l'UE ne dispose d'aucun instrument influençant les décisions microéconomiques, à l'exception de la politique structurelle. De plus les intérêts nationaux ne coïncident pas toujours et le fait de produire en zone euro, face à un dollar faible, devient un handicap dans nombre d'industries. Autre problème rencontré par l'Europe: sa démographie qui stagne ou diminue ce qui induit un nombre constant de consommateurs. Or la localisation des entreprises obéit à la proximité de la demande finale. L'atonie démographique emporte en outre l'alourdissement des coûts sociaux d'une population vieillissante. Enfin les liens entre la recherche et l'industrie restent faibles ce à quoi il faut ajouter la structure du budget communautaire, centrée sur la politique agricole commune et les fonds structurels. L'élargissement quant à lui est le plus souvent perçu comme facteur de délocalisation, en raison des différences de coûts horaires dans l'industrie. Ceci doit être relativisé: l'Europe centrale et orientale constitue simplement un nouveau marché, dont l'ouverture est largement antérieure au 1er mai 2004. CONCLUSION La France ne subit pas une véritable désindustrialisation mais elle doit s’adapter aux mutations du monde actuel si elle ne veut pas que son économie soit dépassée. Les réformes doivent notamment venir de l’Etat qui se doit d’anticiper et non seulement de réagir. L’Union Européenne aura aussi un rôle important à jouer dans le futur. A priori aucun secteur n’est condamné dans notre pays car nous disposons de nombreux atouts (réseau de transports…)