Économie, sociologie et histoire du monde contemporain, 2e édition
© Armand Colin, 2016.
Fiche concours : Les pays développés sont-ils condamnés
à la désindustrialisation? (Chapitre 5-I)
Introduction
La désindustrialisation, associée au thème du « déclin de l’économie française » est au centre d’une vive polémique dans le
débat public. Au-delà des controverses politiques, l’analyse économique apporte des arguments robustes quant à la question
de savoir si le recul de l’emploi industriel dans l’emploi total est d’une part réellement à l’œuvre et, d’autre part, préjudiciable
aux performances macroéconomiques de ces pays (en terme de croissance économique notamment). Le recul de l’emploi
industriel est-il inexorable et ce mouvement s’accompagne-t-il nécessairement d’une perte de compétitivi des firmes
industrielles?
I. Les PDEM : montée des services et perte de compétitivité
Sur le plan empirique, un processus de transformation du système productif du point de vue de l’affectation sectorielle des
emplois est à l’œuvre sur la longue période pour les pays développés : tandis que l’emploi agricole connaît une baisse régulière
et soutenue depuis le milieu du XIXe siècle, l’emploi dans les services ne cesse de croître pour atteindre 70% des emplois à la
fin des années 2000. L’emploi industriel pour sa part, après avoir connu une hausse durant les Trente Glorieuses (près de 40%
des emplois en France en 1974), décroît depuis trois décennies.
Depuis les travaux de C. Clark et A. B. Fisher, cette évolution sectorielle de l’emploi a été perçue comme un facteur
d’affaiblissement de la croissance économique du fait de l’inégale répartition des gains de productivité entre l’agriculture et
l’industrie d’une part et les services d’autre part (travaux de W. Baumol notamment).
Depuis les années 2000, dans certains pays dont la France, le recul de l’emploi industriel s’accompagne d’un processus
d’affaiblissement de la compétitivité (pertes de part de marché des grandes firmes industrielles, accélération des
délocalisations, dégradation de la balance courante, destructions d’emplois dans l’industrie).
II. Les limites de la désindustrialisation et les enjeux de la compétitivité
La désindustrialisation à l’œuvre depuis plusieurs décennies est, au moins pour partie, le résultat d’une perte de pertinence de
la classification du système productif en secteurs : les frontières entre les secteurs sont formelles et perméables (processus
d’industrialisation des services par exemple) et la montée des services découle notamment d’une stratégie de recentrage des
firmes sur leur cœur de métier (politiques d’externalisation).
La désindustrialisation ne s’accompagne pas nécessairement d’un affaiblissement de la productivi (forts gains de
productivité dans certaines activités de services) comme le montrent les travaux de D. Cohen (Trois leçons sur la société
post-industrielle).
Si le déclin de l’emploi industriel est manifeste pour de nombreux pays en Europe, il accompagne davantage la perte de
compétitivité qu’il ne l’explique. Les déterminants de celle-ci sont à rechercher dans la distance à la frontière technologique et
dans la spécialisation sectorielle (insuffisance de firmes innovantes de taille intermédiaires en France par exemple).
Conclusion
Dans le débat public, la désindustrialisation est source d’inquiétudes dans la mesure où elle apparaît comme le symptôme d’un
déclin économique. Même si la tertiarisation est un processus à relativiser, il est manifeste que les PDEM connaissent un recul
de l’emploi industriel sur la longue période. Cependant, les difficultés rencontrées par plusieurs pays dont la France en matière
de compétitivité ne sont pas directement liées à la désindustrialisation mais davantage au manque d’efficacité des politiques
structurelles (RetD, éducatives, industrielles), ainsi qu’à une spécialisation mal orientée des firmes au sein du système
productif.
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