Les Essentiels 2005, p. 279-294. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Nausées et vomissements postopératoires P. Diemunsch *, F. Zohra Laalou Service d'anesthésie-réanimation, CHU de Hautepierre, 67000 Strasbourg, France * e-mail : [email protected] POINTS ESSENTIELS · Les nausées et vomissements postopératoires (NVPO) restent une complication trop fréquente de la période postopératoire, particulièrement mal vécue en chirurgie ambulatoire. · Les antagonistes du récepteur 5-HT3 sont les médicaments de référence pour la prise en charge des NVPO [1]. Le palonosétron, de demi-vie de l'ordre de 40 heures, pourrait venir compléter ce groupe dans un avenir proche. · Le dropéridol et la dexaméthasone sont deux autres médicaments approuvés pour le traitement des NVPO. · Les antagonistes du récepteur de type 1 de la neurokinine (NK1) ont fait la preuve de leur intérêt pour la prise en charge des NV chimio-induits (NVCI) et sont en cours de validation dans les NVPO. · Les AMM qui restreignent l'emploi des antagonistes du récepteur 5-HT3 au traitement des symptômes constitués et limitent la prévention des NVPO à l'administration de dropéridol au cours de la PCA à la morphine, ne sont plus en phase avec les pratiques observées. · En chirurgie de jour, l'anesthésie au propofol contribue largement à la prévention des NVPO. Dans ce contexte, les formes orales lyophilisées des antiémétiques sont intéressantes mais sous utilisées et ignorées des recommandations. · Les risques cardiaques du dropéridol ont fait l'objet de mentions légales fortes, tant en France qu'aux États-Unis. Cette question est l'objet d'une vive controverse. · En dépit d'initiatives soutenues par l'industrie, il n'y a pas de consensus clair pour la prise en charge des NVPO. Une prophylaxie primaire ou secondaire, fondée sur des scores de risque validés, semble l'orientation la plus satisfaisante. L'association d'un antiémétique et de dexaméthasone, qui a déjà montré sa supériorité en NVCI, pourrait représenter le meilleur choix. · Au-delà des seules prescriptions médicamenteuses, l'approche multimodale des NVPO est une alternative séduisante, mais ne parvient pas toujours à accroître la satisfaction des patients. DÉFINITIONS La nausée est une expérience subjective désagréable, caractérisée par un malaise général souvent accompagné de signes parasympathiques et de l'impression de l'imminence d'un vomissement. Le vomissement est un réflexe coordonné au niveau du tronc cérébral par un centre du vomissement situé à proximité du noyau du tractus solitaire. Son bras efférent implique la musculature abdominale, le diaphragme, l'œsophage et le système respiratoire. Durant la période postopératoire, de nombreux facteurs, notamment pharmacologiques, mécaniques, mnésiques, des signaux d'origine optique et vestibulaire, peuvent contribuer à la survenue de nausées et de vomissements. INCIDENCE ET FACTEURS DE RISQUE Les NVPO surviennent pour moitié après la sixième heure postopératoire et peuvent être ignorés de l'équipe d'anesthésie. On admet qu'un patient sur trois présente des NVPO et que 35 % des patients de chirurgie ambulatoire sont sujets à des NVPO après avoir quitté l'hôpital [2] ; elles sont une des causes principales de réadmission inopinée après chirurgie ambulatoire [3]. Les NVPO peuvent durer plusieurs jours et une évaluation à la 24e heure est insuffisante pour connaître l'incidence du phénomène. De nombreux patients déclarent les NVPO comme l'événement le plus déplaisant de leur intervention et seraient prêts à payer de leurs propres deniers pour les éviter [4]. Indépendamment d'un trouble majeur de la qualité de vie, les NVPO peuvent compromettre le résultat de la chirurgie et prolonger le séjour en SSPI. Des complications graves, comme la déhiscence de sutures, la rupture de l'œsophage et la pneumopathie d'inhalation, ont été rapportées mais restent exceptionnelles. En ce qui concerne le terrain, seraient plus exposés les femmes, les jeunes, les obèses, les sujets ayant des antécédents de NVPO et de mal des transports. L'anxiété préopératoire et la douleur postopératoire sont des facteurs favorisants [5], tandis que l'éthylisme et le tabagisme seraient protecteurs [6], comme pour les nausées et vomissements induits par la chimiothérapie (NVCI) et ceux de la grossesse [7]. Les données concernant la phase du cycle menstruel sont contradictoires. Les interventions particulièrement prédisposantes comprennent la chirurgie gynécologique, les laparoscopies, les lithotripsies, la chirurgie ophtalmologique, la chirurgie orthopédique [8]. L'inexpérience de l'opérateur a également été identifiée en tant que facteur favorisant : en chirurgie ORL, l'incidence rapportée des NVPO a été de 69 % et de 42 % (p < 0,01) selon que l'acte était pratiqué par un interne ou un spécialiste confirmé [9]. Les médicaments généralement incriminés ne se limitent pas aux produits de l'anesthésie (notamment morphiniques, halogénés, et étomidate), mais comprennent aussi un certain nombre de ceux administrés en période périopératoire comme les antibiotiques (notamment les imidazolés et les macrolides tels l'érythromycine qui possède une activité motilinelike [10]), les alcaloïdes de l'ergot de seigle et les analgésiques morphiniques. En chirurgie ambulatoire, l'alfentanil provoque moins de NVPO que le fentanyl et le sufentanil [11]. Lorsque le propofol est associé au rémifentanil, on observe moins de NVPO après chirurgie plastique que lorsque le fentanyl est l'analgésique choisi [12]. Les anesthésies inhalatoires sont plus émétisantes que les anesthésies intraveineuses totales [13] et notamment pour les NVPO précoces [14]. Cependant, l'association systématique d'une prophylaxie antiémétique à l'anesthésie au desflurane permet de ramener l'incidence des NVPO au niveau de celle de l'anesthésie au propofol [15]. Il semble que l'ajustement précis des concentrations de sévoflurane à l'aide du monitorage de l'index bispectral permette de réduire significativement l'incidence des NVPO en chirurgie laparoscopique ambulatoire [16]. En chirurgie pédiatrique (hernie inguinale), la rachianesthésie avec sédation au propofol n'apporte pas plus de satisfaction aux patients que l'anesthésie au sévoflurane, en dépit d'un nombre moins important d'épisodes de NVPO et d'une meilleure analgésie postopératoire [17]. Plusieurs études révèlent une incidence plus élevée de NVPO chez les patients ayant reçu du N2O [18]. En chirurgie ambulatoire gynécologique cependant, l'éviction du N2O n'abaisse pas l'incidence des NVPO et n'apporte aucun bénéfice aux patientes (étude prospective, n = 1 490) [19]. La réversion de la curarisation avait également été incriminée. Plusieurs études contrôlées notamment en chirurgie ambulatoire ont démenti cette impression [20] [21]. Pour ce qui concerne les anesthésies locorégionales, le risque émétique semble moins important qu'au décours des anesthésies générales. Les facteurs prédisposants spécifiques sont mal connus. La prémédication, les adjuvants aux anesthésiques locaux, la sédation associée et la prise en charge de la douleur postopératoire semblent cependant des éléments déterminants. Pour ce qui concerne plus particulièrement la rachianesthésie et la péridurale, l'adjonction d'un opioïde augmente le risque émétique s'il s'agit de péthidine, davantage que s'il s'agit de morphine, tandis que le sur-risque imputable au fentanyl ou au sufentanil apparaît faible. L'adjonction de clonidine n'expose pas en soi aux NVPO à la condition de ne pas entraîner d'hypotension. En revanche, l'administration rachidienne de néostigmine s'accompagne quasi constamment de NVPO, raison parmi d'autres qui a limité cette pratique [22]. Plusieurs scores ont été proposés pour déterminer quels patients étaient particulièrement exposés, dans le but de rationaliser les indications d'un traitement prophylactique. Le plus simple est le score de risque d'Apfel, établi dans le contexte de l'anesthésie inhalatoire. Pour Apfel [23], le type de chirurgie joue un rôle négligeable par rapport aux facteurs individuels, déterminants, que sont le sexe féminin, le jeune âge (pré-adolescence), le statut de nonfumeur, les antécédents de NVPO ou de mal des transports ; et aux deux facteurs liés à l'anesthésie que sont : la durée supérieure à une heure et l'anesthésie inhalatoire. En 1999, paraît le score simplifié qui ne retient plus que quatre facteurs déterminants qui sont : a) le sexe féminin ; b) le statut de non fumeur ; c) les antécédents de NVPO ou de mal des transports ; d) l'administration postopératoire de morphiniques. La présence de 0, 1, 2, 3, ou 4 de ces facteurs est associée à des incidences de NVPO de respectivement : 10 % (0) ; 21 % (1) ; 39 % (2) ; 61 % (3) ; et 79 % (4) (tableau I). Tableau I. Facteurs de risque de NVPO. Une prophylaxie est préconisée si deux ou plus des facteurs sont présents. Le type de chirurgie ne fait pas partie des facteurs retenus. Facteurs de risque de NVPO après anesthésie inhalatoire ; score simplifié d'Apfel Sexe féminin Non-fumeur Antécédents de NVPO ou de mal des transports Morphiniques postopératoires Le score simplifié d'Apfel a le mérite d'exister mais ne prend pas en compte des facteurs qui semblent importants comme le type d'hypnotique (par exemple étomidate vs propofol), les médicaments associés, la mobilisation postopératoire, le terrain éthylique et l'ensemble des données spécifiques à telle ou telle unité de soins (cf. supra). C'est pourquoi il a été très critiqué. En particulier Thomas et al. [24] soulignent la difficulté de classer les tabagiques sevrés et les patients qui n'ont jamais été opérés. Pour ces auteurs, l'hypothèse nulle à tester est : « il n'y a pas de différence d'incidence de NVPO entre une population traitée par des antiémétiques sur la base du score d'Apfel et une population ou la prescription est faite au hasard ». Cette étude reste à réaliser. Par ailleurs, les facteurs de risque de nausées ne sont pas identiques aux facteurs de risque de vomissements. Il a été montré en 2003, sur une série de 671 patients, que les facteurs prédictifs de nausées et de vomissements sont le sexe féminin, le statut de non-fumeur et l'anesthésie générale (versus locorégionale), tandis que les facteurs prédictifs de nausées postopératoires (sans vomissements) sont le terrain migraineux et le type de chirurgie (gynécologique, abdominale, neurologique, ophtalmologique, maxillofaciale) [25]. Une approche séduisante de la prédiction du risque émétique est possible lorsque l'on dispose d'un système de recueil informatisé des données anesthésiologiques. Il devient alors possible d'identifier les facteurs prédisposants locaux, spécifiques de l'hôpital et de l'équipe, de leur attribuer une valeur prédictive et de calculer pour chaque patient la probabilité de survenue de NVPO avec correction Bayesienne constante [26]. Indépendamment de la prophylaxie, la stratégie thérapeutique pourrait être améliorée par l'optimisation du traitement curatif des NVPO au moyen d'associations antiémétiques. La prescription en première intention d'une telle association serait fondée sur la connaissance des facteurs de risque de récurrence des épisodes de NVPO après le premier épisode. Il s'agit d'une véritable prophylaxie secondaire dont les bénéfices humains sont évidents et les avantages pécuniaires certains si le prix des mesures associées est inférieur à celui de la prise en charge d'un nouvel épisode. Indépendamment du premier traitement mis en œuvre, les facteurs prédictifs de la récurrence des NVPO sont le sexe féminin, les antécédents de NVPO, l'analgésie postopératoire à la morphine et la prémédication sans hydroxyzine [27]. En cas de récidive de NVPO, il semble préférable de recourir à une classe pharmacologique différente de celle utilisée initialement. Cette donnée, récemment vérifiée, confirme l'intérêt d'une association de deux classes d'emblée, pour la prophylaxie secondaire en présence de facteurs avérés de risque de récurrence [28]. L'association sétron + dexaméthasone ou dropéridol semble particulièrement intéressante (taux de réponse complète à 24 heures : 94 % pour l'association granisétron 40 mg/kg + dropéridol 20 g/kg en chirurgie ORL et 98 % pour l'association granisétron 40 mg/kg + dexaméthasone 150 mg/kg en chirurgie pédiatrique [29]). PRINCIPAUX TRAITEMENTS Antagonistes du récepteur de type 3 à la sérotonine (5-HT3) L'ondansétron (Zophren®), le dolasétron (Anzemet®) dont l'effet est dû au métabolite principal, l'hydrodolasétron, le granisétron (Kytril®) (dérivé du métoclopramide) et le tropisétron (Navoban®) sont les principaux représentants de cette classe. Plus récemment, le palonosétron a été développé pour agir contre les symptômes émétiques tardifs de la chimiothérapie anticancéreuse. Sa demi-vie est de l'ordre de 40 à 128 heures contre moins de 8 heures pour les autres sétrons [30]. Nous ne disposons pas à ce jour de données sur le palonosétron dans le contexte des PONV. L'ensemble des travaux réunis concernant l'ondansétron, les données comparatives par rapport aux antiémétiques classiques ainsi que l'enregistrement de ce médicament pour l'indication NVPO dans de très nombreux pays en ont fait la référence actuelle. Les études comparant les antagonistes des récepteurs 5-HT3 entre eux pour l'indication NVPO sont peu nombreuses et concluent généralement à l'équivalence des molécules. Du fait de leur absence d'action sur les récepteurs histaminique, dopaminergique et cholinergique, ces médicaments puissants sont dépourvus des effets sédatifs, dysphoriques et cardiovasculaires des butyrophénones (comme le dropéridol), des phénothiazines et des anticholinergiques et n'entraînent pas les manifestations extrapyramidales observées avec les fortes doses de benzamides (comme le métoclopramide). Des manifestations dystoniques ont été rapportées après administration d'ondansétron sans que la relation de cause à effet ne soit certaine [31]. Les antagonistes du récepteur 5HT3 sont également susceptibles de provoquer une ischémie myocardique aiguë mais cet effet secondaire reste très exceptionnel et sa pathogénie est mal expliquée [32]. En ce qui concerne l'ondansétron, de nombreuses études permettent de conclure que la dose appropriée en prévention comme en traitement des NVPO est de 4 mg par voie intraveineuse. La prévention orale demande 4 à 16 mg. En chirurgie infantile, la dose prophylactique est de 50 g/kg [33] et la dose thérapeutique de 100 g/kg, sans dépasser 4 mg [34]. Pour le dolasétron [35], la dose recommandée est de 12,5 mg par voie intraveineuse, tant pour prévenir que pour traiter les NVPO [36] [37]. La prophylaxie des NVPO par le granisétron intraveineux est efficace pour des doses de 1 mg [38], 20 g/kg [39], 40 g/kg chez l'adulte [40] et l'enfant [41]. Trois milligrammes (environ 60 g/kg) sont plus efficaces que 1,25 mg de dropéridol pour prévenir les NVPO après cholécystectomie laparoscopique [42]. La dose optimale pour l'indication NVPO demande à être mieux précisée. Il en va de même pour le tropisétron qui s'est avéré efficace en prévention à la dose de 5 mg par voie intraveineuse [43] [44] tandis que d'autres travaux ont montré que 2 mg pourraient représenter la dose idéale dans cette indication [45]. Il a été montré que des taux de réponse équivalents sont obtenus avec des doses moindres lorsque l'antiémétique est injecté juste avant le réveil anesthésique. Ainsi, 12,5 mg de dolasétron injectés en fin d'anesthésie, procurent un bénéfice comparable à 50 mg du même produit administrés avant l'induction [46] [47]. Dans le même ordre d'idée, en chirurgie ORL ambulatoire, le recours à un médicament de secours était moins souvent nécessaire lorsque 4 mg d'ondansétron sont administrés en fin d'anesthésie plutôt qu'avant l'induction [48]. Ce type d'avantage n'est pas retrouvé constamment [49] [50]. Dropéridol Le dropéridol est antiémétique par le biais de son effet antagoniste sur le récepteur dopaminergique D2. Ses limites proviennent de ses effets secondaires qui sont représentés par la sédation, l'akathisie tandis que les troubles du rythme cardiaque (torsades de pointes) ne seraient finalement pas retenus aux posologies antiémétiques : 0,625 mg à 1,25 mg. Une comparaison entre 4 mg d'ondansétron, 0,625 mg ou 1,25 mg de dropéridol et un placebo administrés en début d'anesthésie conclut à la supériorité des 0,625 mg de dropéridol en termes d'efficacité et de rapport coût/bénéfice pour la prophylaxie des NVPO [51]. Les femmes représentent plus de 87 % du recrutement de cette étude. Or il a été montré que le dropéridol n'est pas efficace dans cette indication chez les hommes (cf. infra). Par ailleurs, une enquête prospective a montré que 0,5 mg de dropéridol ne provoque pas moins d'akathisie que 1 mg [52]. Chez l'enfant la posologie prophylactique est de l'ordre de 75 g/kg [53]. Elle reste moins efficace que 4 mg d'ondansétron et a pu donner, dans certaines évaluations, des résultats non différents du placebo [54]. Pour le traitement des NVPO établis, 1,25 mg de dropéridol ont une activité comparable à celle de 8 mg d'ondansétron mais parmi les patients traités par le dropéridol, seuls 85 % choisiraient à nouveau le même antiémétique contre 93 % de ceux traités par l'ondansétron [55]. Plus récemment, on a montré que 0,625 mg de dropéridol sont aussi actifs que 4 mg d'ondansétron [56]. La suppression annoncée du dropéridol pour fin mars 2001 avait suscité l'opposition d'une partie du corps médical [57] et le médicament a finalement été maintenu pour ses formes injectables et plus particulièrement dans l'indication « traitement des NVPO et prévention des NVPO associés à la PCA à la morphine ». Les mentions légales françaises très strictes et les appels à la vigilance réitérés de la part de la Food and Drug Administration (FDA) américaine (black box) contrastent fortement avec l'impression de sûreté que semblent éprouver de nombreux praticiens [58]. Cette perception est corroborée par une étude récente ayant analysé la banque des données sur laquelle la FDA a fondé sa mise en garde. Aucune relation de cause à effet entre l'administration de dropéridol et la survenue de troubles cardiaques graves n'a pu être mise en évidence de manière certaine par les auteurs [59]. Il faut cependant rappeler que l'utilisation de ce médicament comporte le risque potentiel de survenue d'akathisie, même pour de faibles doses. Dexaméthasone En chirurgie laparoscopique de jour, 5 mg de dexaméthasone permettent de prévenir les NVPO plus efficacement que le placebo ou 10 mg de métoclopramide [60]. La dexaméthasone (8 mg) possède un effet prophylactique du même ordre que l'ondansétron et l'association des deux médicaments est significativement plus puissante que chacun d'entre eux [61]. Il potentialise également l'effet du granisétron (96 % de réponses complètes à 24 heures comparées à 80 % pour le granisétron seul) mais pas celui du dropéridol ni du métoclopramide [62]. Une méta-analyse de 2000 indique que la combinaison d'un sétron et de dexaméthasone (8-10 mg) représente la prophylaxie la plus efficace des NVPO [63]. Il semble préférable d'administrer le médicament en début d'anesthésie [64]. Benzamides Elles sont représentées principalement par le métoclopramide (10 à 20 mg). Une méta-analyse conclut à l'inefficacité de ce médicament dans la prise en charge des NVPO [65]. Une escalade des posologies expose à la survenue des effets secondaires extrapyramidaux de ce médicament. Propofol Les anesthésies intraveineuses au propofol s'accompagnent d'une incidence moins forte de NVPO (méta-analyse portant sur 84 études contrôlées et 6 069 patients). L'avantage est cliniquement significatif pour la prévention des NVPO précoces et lorsque le propofol est utilisé pour l'entretien de l'anesthésie. Dans ces conditions, sur cinq patients indemnes de NVPO, un eut souffert de ces symptômes si l'anesthésie avait été réalisée différemment [66]. Une anesthésie induite et entretenue par le propofol offre la même protection contre les NVPO que l'administration prophylactique d'ondansétron lorsque l'entretien est assuré par de l'isoflurane [67]. La simple induction au propofol permet de réduire de 18 % le taux des NVPO par rapport à une induction au thiopental [68]. Pour réduire de 50 % les scores de nausée, la concentration plasmatique médiane de propofol doit atteindre 343 ng/ml et celle du 90e percentile, 592 ng/ml [69]. Cela correspond à un rythme de perfusion utile de l'ordre de 1,2 à 1,5 mg/kg/h selon le modèle pharmacocinétique du Diprifusor™. Des doses trop faibles ont pu expliquer l'apparente inefficacité du propofol dans certaines études. Le propofol a également été proposé pour le traitement de NVPO établis. Comme pour la prophylaxie, des échecs sont probablement le fait d'un sous-dosage thérapeutique. Gan et al. [70] ont montré que l'administration autocontrôlée (bolus de 20 mg, intervalle inter doses de 5 minutes) permet de traiter efficacement les NVPO. La limite d'un tel traitement est qu'il ne se conçoit pas actuellement en dehors de la SSPI. Il permet cependant de la quitter plus vite (131± 35 min vs 191 ± 92 min). Le mécanisme de l'effet antiémétique du propofol n'est pas établi. Antagonistes du récepteur de type 1 à la neurokinine (NK1) L'intérêt théorique des antagonistes NK1 est de concerner une étape distale commune du mécanisme émétique. L'aprépitan (Emend®) est en cours d'évaluation en anesthésie. Il semble aussi intéressant pour traiter les NVPO que les NV de la chimiothérapie, chez l'adulte comme chez l'enfant [71]. Ce médicament ne s'administre pas isolément mais en association avec un sétron ou de la dexaméthasone et les études en cours concernent la prophylaxie et non le traitement curatif des NVPO. Autres Oxygène Une FIO2 de 80 % durant l'intervention et maintenue deux heures en SSPI permet de réduire l'incidence des NVPO de moitié au décours de colectomies [72]. Ce résultat est attribué à une meilleure oxygénation intestinale associée à une moindre libération de sérotonine. Le fait de donner moins de N2O n'est pas en cause, les patients étant ventilés dans les deux groupes par un mélange O2-N2, sans N2O. Lorsque l'hyperoxygénation est limitée à la durée de l'opération, sans être prolongée en SSPI, l'incidence des NVPO est de l'ordre de celle observée après prophylaxie par 8 mg d'ondansétron [73]. Il semble que l'hyperoxygénation représente une mesure prophylactique aussi efficace, plus sûre, et moins chère que l'administration de médicaments. Vagolytiques, sympathicomimétiques, anti-histaminiques La place actuelle de l'atropine est minime dans la prévention et le traitement des NVPO, à la fois pour son efficacité insuffisante et ses effets secondaires potentiels. La seule exception demeure l'anesthésie pédiatrique au cours de laquelle l'atropine reste fréquemment préconisée. La scopolamine transcutanée est également inefficace pour la prévention des NVPO [74] alors qu'elle est très largement utilisée pour le mal des transports. Elle présente les inconvénients de classe des parasympathicolytiques. Une étude de petit effectif (27 sujets traités) rapporte un bénéfice pour l'hyoscine transcutanée dans la chirurgie de l'oreille moyenne sous anesthésie locale [75]. L'éphédrine (0,5 mg/kg IM) a montré un effet antiémétique prophylactique équivalent à celui du dropéridol (0,04 mg/kg IM) avec l'avantage de ne pas entraîner de sédation [76]. Le potentiel hypertenseur de ce sympathicomimétique indirect, quoique non retrouvé dans l'étude en question, représente un problème important. Par ailleurs, cet effet antiémétique n'est pas retrouvé dans la population pédiatrique, même pour des posologies allant jusqu'à 1 mg/kg IM [77]. La cyclizine 50 mg est aussi efficace que l'ondansétron 4 mg dans la prévention des NVPO après laparoscopie gynécologique ambulatoire [78] [79]. Plusieurs « petits moyens » ont été rapportés mais leur intérêt demeure incertain. Ils partagent cependant l'avantage d'un coût réduit et de l'absence d'effets secondaires majeurs. Suggestion Malgré quelques résultats encourageants [80], la suggestion peropératoire ne semble pas efficace pour diminuer l'incidence des NVPO [81] [82]. L'hypnose a été efficace pour des NVPO tardifs, dans la genèse desquels les facteurs psychologiques sont importants [83], mais sa mise en œuvre reste mal codifiée en dépit de l'intérêt récent pour cette technique en anesthésie. Gingembre Les données publiées sont contradictoires et ne permettent pas de recommandation claire. Stimulation des points P6 et K-K9 La stimulation du point P6 (Nei Guan) par acupuncture, électro-acupuncture stimulation électrique transcutanée, infiltration ou acupressure a pu donner des résultats intéressants pour la prévention des NVPO [84] [85] [86] [87] [88]. Une étude portant sur 221 cholécystectomies ambulatoires montre que l'utilisation de la stimulation de P6 par le ReliefBand® durant neuf heures permet de réduire l'incidence et la sévérité des nausées mais reste sans effet sur les vomissements [89]. Pareillement, l'acupressure serait susceptible de diminuer les NV observés lors de césariennes sous rachianesthésie [90]. Une étude récente bien contrôlée porte sur 187 enfants de 7 à 16 ans subissant une chirurgie de jour, et montre dans ce contexte que l'injection bilatérale de 0,2 ml de dextrose à 50 % au niveau de P6 procure la même efficacité antiémétique prophylactique que 10 g/kg de dropéridol intraveineux [91]. La stimulation de la deuxième phalange du IVe doigt par grain d'acupressure coréenne (30 min avant la chirurgie à 24 h après) a montré son intérêt dans la prévention des NVPO en chirurgie infantile [92] et chez l'adulte [93]. Ces données restent actuellement insuffisantes. Le cannabis et les agonistes du récepteur CB1 ont une activité antiémétique certaine. Leur place établie dans l'emesis de la chimiothérapie reste à préciser dans le contexte des NVPO [94]. CONDUITE PRATIQUE DU TRAITEMENT DES NAUSÉES ET VOMISSEMENTS POSTOPÉRATOIRES Formes galéniques Pour le traitement des NVPO, l'injection intraveineuse est la voie la plus évidente, compte tenu de la nature des symptômes et de la disponibilité d'une voie veineuse. Les formes orales sont plus faciles à mettre en œuvre et en général moins chères. Elles sont particulièrement utiles dans le contexte ambulatoire, pour les prescriptions de secours, une fois le patient hors de l'hôpital. Pour la prophylaxie des NVPO elles sont administrées avec la prémédication. La forme orale lyophilisée de l'ondansétron a comme avantage un délitement oral quasi immédiat. L'efficacité, la cinétique et la tolérance sont identiques à celles de la forme orale. La même présentation existe pour la métopimazine (Vogalène® lyoc 7,5 mg). Aucun travail réalisé dans le contexte postopératoire n'est disponible actuellement mais ce médicament pourrait y trouver une place intéressante, dans le respect des contre indications liées à ses propriétés parasympatholytiques. Il existe encore des suppositoires d'ondansétron et de métopimazine (Vogalène® suppos) validés dans d'autres types de nausées et vomissements. Les formes transdermiques concernent surtout les anticholinergiques (Scopoderm®). Prophylaxie ou traitement des NVPO établis ? Compte tenu de l'imprécision de la définition du groupe à haut risque de présenter des NVPO et du coût des antagonistes du récepteur 5-TH3 au début de leur commercialisation, il a semblé logique à l'Agence du médicament de ne retenir que l'indication « traitement des symptômes établis » et non l'indication « prophylaxie ». Des situations particulières, comme par exemple la cholécystectomie laparoscopique en chirurgie de jour, des antécédents de NVPO majeurs ou encore lorsque les NVPO, peuvent avoir des conséquences dramatiques (chirurgie ophtalmologique sur œil unique), représentent cependant des indications d'une prévention qu'il n'est pas fondé de généraliser. Il existe une préoccupation croissante de qualité et de prophylaxie de la part des patients et de la part des soignants bien informés. Les NVPO sont cités parmi les trois événements les plus désagréables du réveil postanesthésique avec la sensation de froid et les douleurs après intubation [95]. Leslie rapporte que 99 % des infirmières de SSPI demanderaient pour elles-mêmes une prophylaxie par ondansétron [96]. Dans le contexte particulier des États-Unis, la prophylaxie systématique par ondansétron est plus rentable que le traitement curatif, si l'incidence des NVPO dépasse 33 % mais le bénéfice clinique est négligeable par rapport au résultat du traitement curatif en chirurgie ambulatoire. La prophylaxie multimodale a des résultats objectifs supérieurs à ceux de la prophylaxie par un seul antiémétique mais cela ne change rien à la satisfaction des patients. Pour fonder une stratégie antiémétique adaptée, une étape indispensable est l'évaluation locale de l'incidence et de la gravité des NVPO, puisque ces paramètres sont très multifactoriels et que les données publiées ne peuvent simplement être extrapolées à l'ensemble des unités de chirurgie. Associations antiémétiques Les questions qui demeurent dans ce domaine concernent notamment les doses optimales, les moments d'administration (simultanés ou séquentiels), les protocoles de traitement des NVPO établis et les associations fondées sur les antagonistes NK1. En 2004 ont été publiés les résultats d'une étude visant à établir sur 24 heures, les bénéfices de six actions antiémétiques prophylactiques mises en œuvre soit isolément soit selon leurs diverses combinaisons (26 = 64 groupes ; 5 199 patients) [97]. Dans le groupe étudié, en absence de toute intervention, le risque émétique est de 59 % et il passe à 17 % lorsque les six mesures sont toutes associées. Pour chaque mesure prise isolément, le bénéfice, exprimé en réduction du risque relatif de NVPO, est : - ondansétron 4 mg : 26 % ; - dexaméthasone 4 mg : 26 % ; - dropéridol 1,25 mg : 26 % ; - entretien au propofol vs agent halogéné : 19 % ; - éviction du N2O : 12 % ; - rémifentanil vs fentanyl : 0. L'analyse multivariée montre qu'il n'y a pas d'interaction entre les différentes mesures et que le bénéfice d'une association est le produit des réductions du risque relatif de chaque mesure. Une autre donnée issue de l'analyse des résultats de cet important travail est que le dropéridol n'est efficace que chez les femmes et non chez les hommes. Cette information demande à être corroborée par d'autres travaux ; elle serait de nature à remettre l'intérêt de ce médicament en question seulement si elle devait se confirmer (cf. supra). NVPO et analgésie postopératoire Toute forme d'analgésie morphinique, et notamment l'analgésie contrôlée par le patient (PCA) peut provoquer d'importants NVPO. Ces NVPO exacerbés à chaque auto-administration de morphine ont fait désigner parfois la PCA sous le terme d'« émésis contrôlé par le patient » (PCE) [98]. Les patients ne devraient plus avoir à choisir entre douleur et nausées [99]. Le dropéridol est efficace pour la prévention des NVPO associés à la PCA à la morphine. Cependant, la sédation induite par ce médicament impose une administration codifiée, fondée sur les données d'études cliniques. Ainsi, 1,25 mg de dropéridol injectés avant le début de la PCA ou bien 0,16 mg amenés par chaque bolus de 1 mg de morphine permettent une diminution significative des NVPO. L'association de ces deux administrations n'apporte pas de bénéfice mais provoque une sédation importante [100]. La même posologie de dropéridol (0,16 mg par mg de morphine, soit 10 mg de dropéridol dans une poche de 60 mg de morphine) est jugée inadéquate dans une autre étude parce que les patientes sont plus souvent confuses et finalement moins souvent satisfaites qu'avec de la morphine pure [101]. Plusieurs équipes ont suggéré qu'ajouter 0,05 mg de dropéridol par mg de morphine (2,5 mg pour 50 mg de morphine), après une dose de charge de 20 g/kg ou de 1,25 mg pouvait représenter une solution intéressante [102] [103]. Une équipe canadienne a établi que la protection conférée par 1 mg de dropéridol injecté avant l'induction de l'anesthésie est potentialisée par 0,04 mg de dropéridol par mg de morphine en PCA tandis que 0,02 mg par mg de morphine ne sont pas suffisants. La sédation est notable mais pas réellement gênante dans cette population hospitalisée [104]. Il a été montré ensuite que l'association d'ondansétron (4 mg de charge plus 0,13 mg par mg de morphine) et de dropéridol donnait de meilleurs résultats que l'amélioration observée dans les protocoles au dropéridol seul [105]. Les mélanges réalisés dans les poches de PCA ne sont pas toujours compatibles. La combinaison dropéridol-morphine est tout à fait stable mais l'adjonction d'une petite quantité d'héparine (1 000 U) au dropéridol non dilué peut entraîner une précipitation [106]. On ne sait pas encore si, comme en prophylaxie générale, le dropéridol associé aux PCA n'est efficace que chez la femme. Les sétrons semblent supérieurs aux autres anti-émétiques dans la prévention des effets émétisants de la PCA à la morphine, étant à la fois efficaces et dénués d'effets secondaires propres significatifs. L'incidence des NVPO passe respectivement de 59 à 35 % et à 14 % pour la morphine seule, la prophylaxie au dropéridol (1,25 mg + 5 mg dans les 60 ml de la poche), et la prophylaxie à l'ondansétron (4 mg + 8 mg dans la poche). Dans le groupe dropéridol, la sédation est la plus importante [107] [108]. Les sétrons n'ont pas encore l'AMM pour cette indication mais les données réunies sur leur efficacité et leur profil très sécuritaire les placent logiquement au premier plan, quoiqu'ils demeurent parfois ignorés des recommandations et des consensus en matière d'analgésie postopératoire. Le métoclopramide (5 mg en fin d'intervention puis 0,5 mg par mg de morphine) est insuffisant [109] pour régler ce problème. Le patch transdermique d'hyoscine a été étudié dans la prévention des NVPO associés à la PCA. En chirurgie infantile, il permet de diminuer de moitié environ l'incidence des symptômes, au prix d'une sédation et d'une sensation de bouche sèche plus fréquentes. Un épisode d'hallucination réversible au retrait du patch a été observé [110]. Chez l'adulte, les résultats sont décevants [111] et l'hyoscine ne convient pas au sujet âgé. Indépendamment de l'adjonction d'un antiémétique, le recours à une association analgésique représente une voie importante dans la réduction des NVPO associés à la morphinothérapie postopératoire. Les AINS (diclofenac suppo, 1 mg/kg) peuvent parfois se substituer avantageusement à la morphine à la fois en termes d'analgésie et de prévention des NVPO, notamment en chirurgie ambulatoire du strabisme chez l'enfant [112]. L'effet analgésique du tramadol est pour partie dépendant de l'inhibition de la recapture de la noradrénaline et de la sérotonine au niveau médullaire. Les sétrons inhibent l'effet antalgique du tramadol lorsque le taux plasmatique du sétron est élevé (3,5 h après l'injection de 4 mg d'ondansétron) [113]. Réciproquement, les NVPO induits par le tramadol répondent mal à l'ondansétron [114]. Les antiémétiques des autres classes comme le dropéridol, antidopaminergique, ne possèdent pas ces interactions avec le tramadol [115]. CONCLUSION Les taux de réponse thérapeutique complète avoisinent 60 à 70 % tant en prévention qu'en traitement curatif des NVPO par les sétrons. Ce résultat reste insuffisant et pourrait être amélioré par des associations médicamenteuses dans lesquelles les corticoïdes ont fait leurs preuves et les antagonistes du récepteur NK1 semblent prometteurs. On ne peut extrapoler au contexte français, les résultats des données pharmaco-économiques obtenues dans d'autres systèmes de santé car les coûts diffèrent profondément et parce que la chirurgie ambulatoire est beaucoup plus développée en Amérique du Nord. Il semble légitime d'envisager une prophylaxie NVPO en fonction des facteurs de risque identifiés ou lorsque les NVPO constituent un risque particulier pour le patient. La prophylaxie des NVPO en chirurgie ambulatoire semble consacrée par l'usage en France. RÉFÉRENCES (NP = niveau de preuve) 1 Diemunsch P, Schaeffer R. 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