
 
Université de Lausanne 
Faculté des Lettres – Section de philosophie 
Chaire de philosophie générale et systématique 
Cours de philosophie générale automne 2012 
Professeur : R. Célis, Assistante : S. Burri 
 
 « Introduction aux philosophies de l’existence » 
 
 Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra : « De la vision et de l’énigme » 
 
La matrice du récit du texte « De la vision et de l’énigme » est une allégorie. Ce passage nous 
raconte en effet quelque chose qui peut être lui au premier degré mais qui, de fait, renvoie à autre 
chose. C’est une idée que l’on raconte et développe par une image. Cette allégorie renvoie à une 
idée clé de la pensée de Nietzsche : celle de l’éternel retour. 
Zarathoustra remonte ici une pente pénible et difficile et il est surmonté par un nain qui anticipe 
sur ce qu’il pense. Zarathoustra arrive devant un portique, un porche qui n’ouvre sur rien, sur une 
immensité  vide.  Et  sur  cette  arcade,  Zarathoustra  peut  lire  un  mot  qui  a  trait  au  temps,  à  la 
temporalité.  Ce  mot  c’est  simplement  « instant ».  En  regard  de  l’existence,  ce  terme  « instant » 
renvoie à l’idée que le pas peut être très vite franchi bien que celui-ci implique beaucoup de choses. 
C’est  que  tout  décision dans  l’existence  implique  toujours  un  risque,  au  sens  où  celle-ci a pour 
conséquence nombre de choses tout à fait imprévisibles. Le risque est à entendre ici à la fois dans 
son sens négatif et dans son sens positif. La vie est un risque permanent et l’instant est le moment 
où l’on franchit le pas, où l’on décide de prendre le risque.  
Dans son périple, Zarathoustra voit alors un jeune berger qui étouffe parce qu’un serpent s’est 
engouffré dans sa bouche et essaie d’entrer dans sa trachée. Le berger est sur le point d’agoniser et 
Zarathoustra ne fait que lui dire « mords ! » Qu’est ce que cela peut signifier ? Pourquoi Nietzsche 
fait-il intervenir cet épisode ? Et pourquoi il y a-t-il un nain qui accompagne Zarathoustra ? Tout 
d’abord, pour répondre à la question de savoir quelle est la fonction de la présence du nain, il faut 
dire que Nietzsche était le premier à savoir que la pensée qu’il développait (ainsi que son écriture 
imagée) était telle, qu’on pouvait très bien la parodier. Autrement dit, Nietzsche pressentait qu’il y 
avait un risque de récupération pervertie de ses idées. La figure du nain (ou celle du bouffon) est là 
pour  montrer  cela  de  manière  explicite.  Le  nain  ne  fait  que  de  dénigrer,  et  de  rapetisser  les 
événements  et  les  gens.  Il  est  dans  le  ressentiment.  C’est  l’entier  de  son  comportement  qui  est 
méprisable. L’on sait que Zarathoustra n’entre pas en matière avec ceux qui nient sans jamais ne 
rien pouvoir affirmer. Il faut certes prendre une distance critique. Toutefois, ce n’est pas toujours le 
système en son entier qu’il faut attaquer, mais bien plutôt ce qui, au seins du système, le pervertit et 
le gangrène.  
Ce qui importe ici, c’est la façon de se poser des buts et des normes. On peut critiquer alors le 
système dans la mesure où, bien souvent, il prive l’homme de véritables finalités. Nietzsche lutte 
contre  une  déculturation,  contre  une  culture  qui  toujours  plus  se  dégrade  car  elle  ne  sait  plus 
distinguer les choses les  unes  des  autres  (c’est  le propre de la barbarie).  Il  ne  faut  toutefois  pas 
confondre la critique de Nietzsche et l’idée qu’il faudrait revenir à un état antérieur, plus sauvage ou 
primitif. 
Devant le portique, alors que le nain anticipe sur ce que Zarathoustra va dire, l’on voit que la 
question de l’avenir est une question fondamentale pour Nietzsche. Qu’est-ce qui fait sens et qu’est-
ce  qui  n’en  fait  pas ?  L’intensité,  chez  Nietzsche,  tient  à  la  force  d’attraction  d’un  but.  La 
désirabilité de la vie est liée à ça, à une force d’attraction vers un avenir, un but à accomplir. Selon 
le nain, le passé et le futur sont infinis, comme une ligne sans fin et doivent donc se rejoindre tous 
les deux. Si c’est infini, cela veut dire alors qu’il n’y a pas de terme. Cela veut dire que tout ce qui 
s’est passé, tout ce qui a été joué va revenir, strictement sous la même forme. 
Le  problème  est  qu’une  telle  idée  de  répétition  provoque  la  nausée.  Mais  que  répond 
Zarathoustra au nain ? Il lui  répond  « tu ne  connais  pas mon abyssale  pensée ». Est-ce que  les