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APPEL A LA POPULATION
Français, votre santé est en danger
3 juin 2008
Nous sommes vos médecins, médecins de ville, médecins hospitaliers, médecins du travail et médecins scolaires.
Il n’est pas habituel pour des médecins d’intervenir publiquement. C’est la gravité de la situation qui nous amène
aujourd’hui à sortir de notre réserve. Par delà la diversité de nos opinions nous vous alertons.
En 1998 l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) avait jugé le système de santé français comme le
meilleur du monde. Mais les pouvoirs publics, sous prétexte de devoir faire des économies 1, ont
entrepris de le démanteler.
Médecins, notre métier est de soigner les malades
Nous ne parvenons plus à faire notre travail
Nous, médecins, avons pour métier de soigner tous les malades à égalité, sans distinction d’âge, de maladie ou de fortune. C’est
le Serment d’Hippocrate que nous avons prêté à la fin de nos études. Notre devoir est de tout mettre en œuvre en vue de leur
guérison. Or on nous a retiré les uns après les autres, les moyens dont nous disposions pour soigner : manque de médecins,
d’infirmières, de lits, de maternités, d’hôpitaux… Nous ne parvenons plus à faire notre travail.
Voici un exemple parmi tant d’autres, donné par un confrère:
« Comment faire quand il n’y pas de place pour accepter les malades en urgence dans un service spécialisé lorsque cela est
nécessaire ? Tout récemment dans mon hôpital un médecin hématologue n’a pas pu accepter un patient atteint de leucémie
aiguë, qui était aux urgences d’un hôpital général. « Je suis désolé, mais le tiers de mon unité est fermé par manque de
personnel et ce depuis plusieurs mois, essayez de contacter les autres services d’hématologie, au pire s’il n’y a pas de place
envoyez le aux urgences de notre hôpital on le prendra dans deux ou trois jours dès qu’une place se libérera, entre temps on se
débrouillera comme on le pourra ». Ceci n’arrive que trop souvent et de plus en plus souvent. »
Comment soigner correctement les malades alors que le pays manque terriblement de médecins et de personnels :
médecine générale, pédiatrie, gynécologie, ophtalmologie (…) sont dans un état de pénurie catastrophique. Si rien n’est fait, en
2.025 il y aura 21.000 médecins en moins2. 7.500 postes de médecins ne sont pas pourvus dans les hôpitaux, 2.200 dans les
services de psychiatrie et 7000 postes de personnel soignant ont été supprimés en 3 ans, rien qu’à l’Assistance Publique de
Paris.
Comment soigner à temps les malades alors qu’il y a des listes d’attente de plus en plus longues qui retardent l’accès
des malades à nos consultations et, pire encore, aux hospitalisations et aux interventions qui leur sont nécessaires ?
Comment soigner les malades quand il n’y a plus assez de lits pour hospitaliser tous les patients qui en ont besoin
Quand certains sont renvoyés des urgences à leur domicile alors que leur état nécessite une hospitalisation ? Quand les
hospitalisations sont écourtées au risque de complications ou d’accidents, pour faire de la place à d’autres patients parce qu’il
n’y a plus assez de lits pour tous ? Et que dire des nouveaux modes de tarification à l’hôpital qui font considérer certains
malades comme trop coûteux ?
Chaque jour, à notre corps défendant, nous subissons cette situation dont les malades sont victimes, parce que les
divers gouvernements ont éliminé massivement les étudiants en médecine, supprimé la moitié des maternités, le tiers des lits
d’hôpitaux et la moitié des lits de psychiatrie. 10% des hôpitaux ont même été purement et simplement fermés.
Nous n’acceptons pas que des choix soient faits entre les malades
Cette pénurie signifie concrètement que des choix sont faits entre les malades : quels malades recevoir en consultation,
lesquels refuser, sur quels critères ? Accepter ou non les nouveaux patients, hospitaliser ou non, quel patient opérer en priorité,
à qui proposer un traitement contre la douleur… Cela n’est pas acceptable. Nous ne pouvons l’accepter mais nous le subissons.
Cette pénurie est la résultante de choix politiques dont le seul critère est de faire des économies Mais il s’agit de malades !
Quand un malade se présente, notre métier est de le soigner, pas de lui refuser les soins. On nous impose de choisir et ces
choix nous sont insupportables. Il ne s’agit pas de choix médicaux mais de choix politiques.
Comment accepter que dans un grand service d’urgences s’entassent 20, 30 malades, brancard contre brancards, et que la
direction annonce qu’on va encore diminuer le personnel alors qu’il n’y a déjà pas assez d’infirmières? C’est inacceptable.
Nous sommes très angoissés par cette situation. Or, elle menace de s’aggraver encore dans un avenir
proche avec le vote, prévu au mois d’octobre, de la loi de « réorganisation de la Santé. » Par exemple,
sur les 1076 hôpitaux3 existant encore dans notre pays, 240 d’entre eux, soit un sur quatre, devraient
fermer dans l’immédiat. Des déserts sanitaires, sans hôpitaux, sans médecins…voilà ce qu’on est en
train de mettre en place !
Pour faire accepter ces « réformes », les pouvoirs publics parlent sans cesse d’un soi-disant déficit « abyssal » de l’Assurance Maladie. On cache soigneusement le fait que
depuis 15 ans les entreprises ont bénéficié de 200 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales, dont plus de 31 milliards n’ont jamais été compensés, c’est-à-dire
remboursés par l’Etat ( chiffres officiels de l’Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale )
1
2
3
Rapport du Sénateur Julliard
Chiffres de la Fédération Hospitalière de France, regroupant les directeurs d’hôpitaux et dont le président est C. Evin, rapporteur de la Cour des Comptes !
Choisir entre les malades sur critères financiers…
Comment accepter l’inégalité devant la maladie qui s’installe dans notre pays du fait des charges financières de plus en
plus lourdes qui pèsent sur les malades4 et que beaucoup ne peuvent plus assurer au moment où la population doit faire face à
la forte augmentation des prix pour tous ses besoins essentiels ? Déjà « 14% des patients renoncent à des soins pour
raisons financières5 ». Il n’est pas acceptable que soient retardés des examens, des traitements ou des interventions
indispensables, car c’est prendre avec la vie des patients concernés, les moins fortunés, des risques qui peuvent s’avérer
mortels.
La révision du dispositif des affections de longue durée (ALD) a été annoncée par la Ministre de la Santé qui a indiqué :
« Les ALD regroupent des maladies très graves comme le cancer, le sida, Alzheimer…et des maladies moins graves comme le
diabète et l’hypertension6 ». Qu’adviendrait-il si le diabète, première cause de cécité, d’amputations et d’insuffisance rénale, ou
l’hypertension artérielle, souvent responsable d’accidents vasculaires cérébraux, n’étaient plus pris en charge à 100% ? Remettre
en cause le dispositif des ALD reviendrait à priver des soins nécessaires ceux qui n’ont pas assez d’argent.
Les personnes handicapées et les personnes âgées « dépendantes » ne relèveraient plus de l’Assurance Maladie mais
d’un « 5ème risque », financé par une assurance individuelle qu’il leur faudrait payer de leur poche alors qu’elles sont
actuellement prises en charge à 100% par la Sécurité sociale. Comment feraient celles qui ne pourraient payer ?
La Sécurité sociale a été créée pour que la solidarité de tous les Français permette à tous les malades d’être traités dans les
meilleures conditions, quels que soient leurs revenus. Nous ne pouvons accepter la discrimination entre les malades en
fonction de leurs moyens financiers. Nous nous élevons contre cette évolution vers la privatisation de l’assurance maladie.
Des médecins payés pour faire des économies sur le dos des malades ?
Conformément à notre serment, chacune de nos décisions médicales ne doit avoir qu’un seul objectif, l’intérêt du malade, et ne
doit être influencée par aucune autre considération, en particulier financière. Or le projet de loi prévoit que les agences
régionales de santé (ARS dirigées par les Préfets de régions) pourraient conclure avec les médecins libéraux « des contrats
individuels intéressant les médecins à la réalisation d’objectifs médico-économiques », ce qui les contraindrait à faire des
économies au détriment des malades qu’ils soignent. Les médecins hospitaliers pourraient toucher eux aussi une « part
variable » de rémunération, si les objectifs financiers fixés à leur établissement étaient atteints.
Des médecins payés pour faire des économies sur le dos des malades, ce serait la négation de notre rôle de médecins.
Notre indépendance professionnelle est la garantie fondamentale pour le malade de recevoir les meilleurs soins. Elle doit être
respectée.
La médecine française, le droit à la santé sont en danger grave
On organise la pénurie de médecins, on ferme de plus en plus d’hôpitaux, et l’on ferme en même
temps les centres de Sécurité sociale. Pourquoi remettre en cause ce qui marchait bien ?
Devant la gravité de la situation, nous avons estimé de notre devoir de dire solennellement :
Il est insupportable que des choix soient faits entre les malades, que la qualité des soins se dégrade, que des
malades perdent des chances de guérison et qu’il y ait des morts qui auraient pu et donc dû être évitées.
On nous oppose des critères d’économies, de « maîtrise des dépenses de santé », les nouveaux modes de gestion
attribuent arbitrairement un déficit aux hôpitaux, ce qui constitue un changement dramatique de la conception
de notre hospitalisation publique. Cette logique de rentabilité ne peut être la nôtre à nous médecins, qui traitons
des êtres humains qui souffrent.
Nous refusons ce dramatique retour en arrière dans un pays civilisé comme le nôtre, cinquième puissance
économique mondiale, qui doit se donner les moyens de traiter convenablement et dignement tous ses malades,
quels que soient leur âge, leur maladie et leur situation financière. N’est-ce pas le devoir d’une société civilisée vis
à vis des plus vulnérables de ses citoyens ?
55 Premiers signataires
Dr ALLAINMAT T, psychiatre 35, Dr BATAILLE J pédiatre hôp R Poincaré 92, Dr BELLUCCI S hématologue hôp Lariboisière 75, Pr BIZIEN A gériatre hôpital G Clémenceau 91,
Dr BUGE MT pédiatre libérale 75, Dr BUI ANH TUAN, généraliste acupuncteur 75, Dr BUVRY A pneumologue hôp J Verdier 93, Dr CAMBERLEIN B, généraliste 17, Dr CARD S,
psychiatre 75, Dr CHABERNAUD JL pédiatre néonatalogiste, hôp A Béclère 92, Dr CHAMBOUX C, réa pédiatrique hôp Tours, Dr CHARRON J généraliste 94, Dr CLOUZEAU J,
pédiatre hôp Niort, Pr CŒUR P hématologue Lyon, Dr CONSTANTINI D, gastroentérologue libéral 91, Pr COUSIN MT anesthésiste, Dr de TRUCHIS P, infectiologue hôp R
Poincaré 92, Dr DEBAT M Sécurité sociale 94, Dr DEBAT P hémobiologiste 94, Dr DELON J, médecin du travail 69, Dr DOGUET MH psychiatre 76, Dr FARAHMAND H PH
hémobiologiste, Dr FLECHELLES O, réanimation pédiatrique et néonatale CHU Fort de France, Dr FOUILLARD L hématologue hôp St Antoine 75, Dr GAILLARD JL
anesthésiste hôp J Verdier 93, Dr GALLET S, pédiatre hôp Montluçon, Dr GARDERET L, MCU PH hémato hôp St Antoine 75, Pr GAUDELUS J, pédiatre hôp J Verdier 93, Pr
GUERIN F, président de l’AMDDDM, Dr GUILLUY O, pédiatre CH St-Omer, Dr HASSID G généraliste 75, Dr HERBERT F, psychiatre 35, Dr HIBON D, pédiatre CHU
Fontainebleau, Dr JOLY AC, PH pharmacie hôp St Antoine 75, Dr LACOMBE C radiologue hôp St Antoine 75, Dr LAGIER M, gériatre hôp Chinon 37, Dr LAPORTE JP hémato
hôp St Antoine 75, Pr LE BEAU B pneumologue hôp St Antoine 75, Dr LE BIDEAU M, pédiatre hôp St Nazaire, Pr LE GOFF P rhumatologue, Brest, Pr LEJEUNE C, réanimation
néonatale et néonatalogie hôp L Mourier 92, Dr LEMONNIER MP hémato hôp St Antoine 75, Dr LUMBROSO J généraliste 75, Dr MAGNIER P, médecin salarié 89, Dr
MARECHAL R généraliste 38, Pr MELCHIOR JC, nutrition hôp R Poincaré Garches 92, Dr REYMOND S, gynécologue médicale 17, Dr RIVIERE P pédopsychiatre 75, Dr
RUBINSTAJN R pédiatre hôp R Poincaré 92, Dr SALBREUX R, psychiatre 75, Dr SALVAING P médecin scolaire 93, Dr SARFATY N, pédopsychiatre 75, Dr TOMINEZ G
généraliste 28, Dr VENET C anesthésiste 38, Dr VIEL de BARY C généraliste 94
1€ par consultation et par examen, 18€ pour tout acte médical dont le coût est supérieur à 91€, forfait de 16€ par journée d’hospitalisation, remboursement à 65% au lieu de
100% des actes postopératoires réalisés après la sortie de l’hôpital…charges auxquelles il faut ajouter depuis janvier 2008 l’instauration de franchises de 50 centimes d’euros par
boite de médicaments et acte paramédical et de 2€ pour chaque transport sanitaire.
5 Enquête de l’IRDES « santé protection sociale 2006 »
6 Le 19 février 2008 sur Canal +
4
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