LES TRAUMATISMES DE LA FACE
ETIOLOGIE
Il s'agit le plus souvent d'hommes jeunes (70 %) victimes d'un accident de circulation (60
%), de rixes (18 %) ou d'accidents de sport (6 %).
EXAMEN D'UN TRAUMATISE DE LA FACE
Le traumatisme facial est soit isolé, soit associé dans le cadre d'un polytraumatisme et
s'intégre alors dans le cadre de la prise en charge du polytraumatisé.
Les deux urgences vitales que sont l'hémorragie grave (par fracture de l'étage moyen et
plaie de l'artère maxillaire) et l'asphyxie (par obstruction des voies aériennes supérieures)
doivent être immédiatement dépistées et traitées.
En dehors de ce contexte, l'examen du traumatisé repose sur un examen clinique endo- et
exo-buccal soigneux et sur quelques examens complémentaires simples.
1°) Examen clinique
- données de l'interrogatoire : circonstance étiologique, état antérieur maxillo-facial
(déviation nasale ancienne, trouble occlusal...)
- examen extra-oral :
· plaie de face (cf.infra)
· déformation, oedème, ecchymose
· palpation comparative des "pares-chocs naturels de la face" (pommettes et arcade
zygomatique, rebord orbitaire, arête du nez, symphyse mandibulaire)
· palpation des A.T.M lors des mouvements d'ouverture buccale
· examen ophtalmologique sommaire : acuité visuelle, champ visuel, oculo-motricité
· examen de la sensibilité faciale (V1, V2, V3) et de la motricité faciale (VII)
- examen endo-oral :
· plaie muqueuse
· troubles de l'occlusion
· état dentaire
· recherche d'une mobilité de l'étage moyen ou de l'étage inférieur
2°) Examen radiologique
Il faut éviter de multiplier les incidences en urgence, les radios de face et de profil étant inutiles.
Les clichés de débrouillage comprennent une radiographie panoramique et une incidence
visualisant l'étage moyen (LOUISETTE, WATERS).
Au terme de ce bilan, on peut déterminer :
- le degré d'urgence : plaie à suturer, fracture à grand déplacement, problème hémorragique...
- le diagnostic de localisation (fracture simple d'un pare-choc naturel, fracture complexe de la
face...)
- la nécessité d'un examen complémentaire qui sera réalisé secondairement chez un patient
déchoqué :
· tomodensitométrie de l'étage moyen et ou de la base du crâne
· examen ophtalmologique complet avec LANCASTER
· examen O.R.L complet (en cas d'otorragie)
· avis neurochirurgical
LES URGENCES VITALES
1) L'asphyxie
La liberté des voies aériennes supérieures est une priorité chez tout traumatisé crânio-
facial. Elle est souvent facilement réalisée par l'ablation des caillots, des éventuelles
prothèses mobiles et par une aspiration simple de la cavité orale. Si la ventilation n'est
pas rapidement assurée, il faudra pratiquer une intubation trachéale voire une
trachéotomie dans certains cas exceptionnels.
Une fracture mandibulaire à grand déplacement peut entraîner un trouble respiratoire.
Dans ces cas la réduction en urgence est indispensable.
2) L'hémorragie
Il s'agit soit d'une hémorragie extériorisée par la bouche, soit le plus souvent d'une
épistaxis. L'origine habituelle est une fracture de la région postérieure de l'étage moyen
entraînant des plaies de l'artère maxillaire interne ou de ses branches. Une épistaxis
modérée sera traitée par tamponnement antérieur éventuellement complété par un
tamponnement postérieur.
Une hémorragie grave nécessite une intubation en urgence et un contrôle de la volémie.
Le tamponnement antérieur et postérieur permet le plus souvent de juguler
temporairement l'hémorragie (utilisation de sondes à double ballonet). Une embolisation
secondaire sera plus souvent indiquée. Ce n'est qu'en cas d'échec qu'un abord direct pour
ligature de l'artère maxillaire ou des artères ethmoïdales sera proposé.
LES PLAIES DE FACE
1) Trois éléments sont à déterminer : le type de plaie, sa topographie et son
éventuelle septicité particulière.
- Le type de plaie : linéaire, contuse, avec perte de substance, dermabrasion...
- Topographie : il faut diagnostiquer les plaies du globe oculaire et les plaies palpébrales
et lacrymales qui nécessitent une réparation urgente. Les plaies de la région médio-jugale
peuvent entraîner des sections plus ou moins distales du nerf facial et une éventuelle
section du canal de Sténon qui nécessiteront leurs identifications correctes et une suture
adaptée. Les plaies crânio-cérébrales avec issue de matière cérébrale doivent également
être identifiées et justifient une prise en charge spécialisée.
- La septicité particulière peut se rencontrer en cas de plaie souillée et en cas de morsure
de chien qui siège fréquemment au niveau de la face
2) Conduite à tenir
Dans tous les cas, un lavage soigneux sera indispensable. Après identification du type de
la plaie, les plaies simples pourront être suturées sous anesthésie locale, les plaies
complexes et les lésions de l'enfant devront être suturées sous anesthésie générale.
La suture soigneuse est réalisée plan par plan et doit prendre en compte les éléments
nobles sus-cités (voies lacrymales, canal de Sténon, nerf facial...).
La prévention anti-tétanique sera systématique.
TRAUMATISME DENTAIRE
Le bloc incisif supérieur (12, 11, 21, 22) est le siège de prédilection des traumatismes,
particulièrement chez l'enfant.
1) Les lésions dentaires : elles peuvent intéresser la couronne avec une fêlure de l'émail
ou des fractures avec ou sans ouverture pulpaire. Les fractures radiculaires peuvent sièger
au collet, au tiers-moyen ou au tiers-distal. Leur diagnostic est clinique (mobilité
dentaire, douleurs) et radiologique (cliché rétro-alvéolaire). Le traitement peut être réalisé
après un délai de quelques jours en milieu spécialisé.
2) Les lésions du tissu de soutien (parodonte, os alvéolaire). Ces lésions se traduisent par
la mobilité d'une ou plusieurs dents soit par :
- simple contusion d'évolution rapidement favorable
- luxation partielle en egression ou ingression
- luxation totale ou avulsion traumatique qui pourra dans les cas favorables (premières
heures après le traumatisme) faire l'objet d'une réimplantation
- fracture alvéolo-dentaire mobilisant un segment d'arcade
En dehors de la simple contusion, toutes les autres lésions justifient une réduction des
dents traumatisées suivie d'une contension par arcs métalliques collés ou ligaturés. Cette
contension devra être poursuivie pendant environ deux mois. Une surveillance prolongée
reste indispensable car le pronostic reste aléatoire avec un risque de rhyzalyse secondaire
aboutissant en quelques mois ou années à la perte des dents (incidence médico-légale).
3) Formes étiologiques : traumatisme iatrogène lors de l'intubation, traumatisme occlusif
par fermeture brutale des mâchoires, traumatisme lors de soins dentaires...
LES FRACTURES DE LA MANDIBULE
Les fractures mandibulaires peuvent sièger soit sur tout le corps de la mandibule dans la
région dentée (environ 40 %), soit sur la région angulaire (20 %), soit dans la région
condylienne (environ 35 %).
Les fractures sont le plus souvent isolées mais peuvent être associées de manière variable.
La particularité sémiologique et thérapeutique des fractures condyliennes justifie leur
étude dans un chapitre distinct.
1) Fracture du corps de la mandibule ou de l'angle
a) Clinique :
- notion de traumatisme par choc direct
- douleurs et impotence fonctionnelle (bouche semi-ouverte, gêne à la déglutition)
- oedème et ecchymose labiale
- point douloureux électif et éventuel trouble de la sensibilité dans le territoire alvéolaire
inférieur
- à l'examen endo-buccal, mobilité perceptible du foyer fracturaire ou perte complète de l'articulé
en cas de fracture déplacée
L'état dentaire et les lésions muqueuses associés seront soigneusement notés.
- en cas de trouble occlusal important, il faudra essayer de faire préciser par le patient l'état
occlusal antérieur
b) Bilan radiologique :
- radiographie panoramique (à défaut maxillaire défilé)
- symphyse étalée
- éventuel cliché occlusal pour préciser une fracture de la région symphysaire
2) Formes cliniques
a) fracture de l'angle : favorisée par la présence d'une dent de sagesse incluse (la fracture peut
se produire lors de l'extraction de celle-ci). Selon l'orientation du trait de fracture, le déplacement
peut être important, entraînant alors une lésion du nerf alvéolaire inférieur.
b) fractures associées : dans 35 % des cas, il existe des fractures bifocales (bi-angulaire,
symphyse + condyle, symphyse + angle) et dans 8 % des cas trifocales (le plus souvent
symphyse + deux condyles)
c) Formes selon l'âge : si les fractures du petit enfant intéressent le plus souvent la région
condylienne, il ne faut pas méconnaître une éventuelle fracture symphysaire associée qui sera
difficile à voir sur le cliché panoramique compte tenu de la présence de nombreux germes
dentaires et qui sera bien visualisée par un cliché occlusal.
Chez le sujet âgé édenté, la mandibule est souvent réduite au seul os basilaire et les fractures
posent alors des problèmes particuliers compte tenu de l'absence d'occlusion.
d) Formes cliniques particulières : nous éliminerons de notre propos les fractures par
traumatisme balistique entraînant des lésions associées des parties molles et réalisant
habituellement une perte de substance interruptrice de la mandibule. De même, les fractures
pathologiques sur tumeur ou ostéoradionécrose posent des problèmes très spécifiques.
3) Traitement
a) - le traitement médical comporte des soins de bouche systématiques, une antibiothérapie de
principe en cas de brèche muqueuse, des antalgiques à la demande avec port d'une vessie de
glace. L'alimentation sera liquide.
b) - le traitement chirurgical a pour objectif la réduction anatomique parfaite du ou des foyers
de fracture.
En cas de fracture sans déplacement et si la coopération du patient est bonne, un blocage
maxillo-mandibulaire sur arcs est indiqué pendant environ un mois, relayé pendant 15 jours par
un blocage intermittent par élastiques.
En cas de fracture déplacée ou lorsque le blocage risque d'être mal accepté, la réduction
chirurgicale est réalisée par voie endo-buccale et la contention est assurée par une plaque
d'ostéosynthèse (plaque miniaturisée avec vis unicorticale). Dans ce cas, une contention
complémentaire par un arc mandibulaire est habituelle. Le blocage maxillo-mandibulaire n'est
maintenu que pendant les 48 heures post-opératoires à visée antalgique.
4) Evolution
L'évolution est habituellement favorable en dehors d'exceptionnelles infections du foyer de
fracture nécessitant alors l'ablation du matériel et un blocage secondaire. La pseudarthrose est
également exceptionnelle.
Si la réduction occlusale n'a pas été parfaite, il peut persister un cal vicieux mandibulaire pouvant
justifier une ostéotomie mandibulaire secondaire.
Les troubles sensitifs par atteinte du nerf alvéolaire peuvent persister de façon durable sans
traitement réellement efficace, avec risque d'évolution vers une névralgie secondaire.
5) Fractures du condyle
Elle se caractérisent par leur fréquence (35 %), leur survenue habituelle chez l'enfant, leur
incidence fonctionnelle mettant en jeu l'ouverture buccale.
Elles surviennent habituellement par chute sur la régions symphysaire (chute de vélo).
a) Clinique
- douleurs dans la région de l'A.T.M simulant une otalgie. Cette douleur est réveillée à la
palpation
- la mobilisation active et passive de la mandibule est douloureuse
- une éventuelle otoragie peut être constatée
- l'examen endo-buccal montre un trouble d'articulé caractéristique :
® en cas de fracture unilatérale, il existe un contact molaire prématuré du côté fracturé avec
béance contro-latérale
® en cas de fracture bilatérale, il existe un recul global de la mandibule avec béance sub-totale
® la propulsion mandibulaire est difficile ou impossible du côté fracturé
- une association lésionnelle sera systématiquement recherchée (condyle + symphyse, condyle +
angle contro-latéral)
b) Radiologie :
- la radiographie panoramique
- incidence de face : BONNEAU (face basse)
- incidence spécifique de profil (PARMA) : sans intérêt en cas de cliché panoramique de bonne
qualité
- éventuel scanner
Ce bilan radiologique permet de visualiser la lésion condylienne :
- fracture intra-articulaire capitale ou sous-condylienne haute
- fracture extra-articulaire sous-condylienne basse
- déplacement des fragments condyliens en avant et en dedans sous l'effet de la traction
musculaire du muscle ptérygoïdien latéral
c) Risques évolutifs
Les fractures de la région condylienne peuvent évoluer vers l'ankylose temporo-mandibulaire. Il
s'agit d'une ossification pathologique de l'ensemble de la région articulaire qui se constitue
progressivement après un temps initial de fibrose et qui aboutit à l'impossibilité totale de
l'ouverture buccale (cf. chapitre limitation d'ouverture buccale).
Chez le petit enfant, cette ankylose peut s'accompagner d'un trouble de croissance de l'hémi-
mandibule (voire de toute la mandibule en cas d'atteinte bilatérale) qui aboutira à l'âge adulte à
une atrophie mandibulaire venant compliquer le traitement de l'ankylose.
d) Traitement
La clé du traitement des fractures de la région condylienne est la mobilisation rapide de ces
fractures par gymnastique mandibulaire.
Ce traitement fonctionnel peut être complété par un traitement chirurgical par ostéosynthèse qui
ne sera indiqué qu'en cas de fracture sous-condylienne basse déplacée.
La gymnastique mandibulaire consiste après une éventuelle courte période de blocage initial à
immobiliser la mandibule de façon essentiellement active et éventuellement passive (traction par
élastiques) en avant et en latéralités droite et gauche. Ce traitement est répété plusieurs fois par
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