La souffrance psychique de l`enfant

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Poly L2
Cours de Drina Candilis
L 2 cours II
LE NORMAL ET LE PATHOLOGIQUE CHEZ L’ENFANT
De la souffrance psychique à l’évaluation du normal et du pathologique
selon M.Klein et A. Freud
La souffrance psychique de l’enfant
Pas de prise en compte de la souffrance psychique de l'enfant avant le début du XXe
siècle.
Quelques précurseurs s'intéressent au XVIIIe siècle à la pédagogie des enfants
déficients : Pereire, Itard (voir victor de l’aveyron, l’enfant sauvage), l'Abbé de l'Epée
pour les enfants sourds, Seguin pour le traitement moral des idiots.
Au XIXe siècle, le souci d'éducation ou de rééducation domine les préoccupations des
premiers psychiatres d'enfants. Par exemple Moreau de Tours, Bourneville ou Claparède
fondent des instituts spécialisés où le dépistage des débilités est une activité importante.
Finalement la souffrance des enfants se conçoit longtemps sous deux catégories
principales : les débiles et les caractériels.
Certains psychiatres comme Kraepelin s'interrogent pour savoir si les formes
psychopathologiques qu'ils observent chez l'adulte pourraient avoir quelques
antécédents dans l'enfance des patients. Mais pour eux, cela ne concerne pas la majorité
des cas dans la mesure où ils repèrent essentiellement la sémiologie
psychopathologique au moment des crises et que les suivis au long cours n'existent
pratiquement pas.
Certains commencent à identifier chez l'enfant les mêmes troubles mentaux que chez
l'adulte (démence précoce, avec hallucination ou délire décrit en 1910 par Sancte De
Sanctis) mais pas de spécificité des troubles de l'enfant.
Tournant au début du XXe siècle avec les débuts de la psychiatrie infantile et avec la
psychanalyse. Clinique de Georges Heuyer à la Salpetrière où dès 1925, où seront formés
tous ceux que la psychiatrie et la psychanalyse d'enfants comptent d'importants :
Eugénie Sokolnika, S.Morgenstern ou Françoise Dolto, J.Aubry ou S.Lebovici. Tous ont
été sensibles à la révolution apportée par la psychanalyse selon laquelle la névrose de
l’adulte tire sa source de dispositions acquises pendant l’enfance voire la petite enfance
du sujet.
Bouleversement de perspective à partir de trois sources :
 les cures d'adultes,
 l'observation directe
 et les cures d'enfant.
On peut d'emblée préciser que ces trois sources ne sont pas prises en compte de la
même manière par tous les auteurs et par toutes les écoles.
Pour ce qui concerne la découverte proprement freudienne, deux idées force modifient
radicalement l'approche de l'enfant :
a) la théorie du traumatisme. Il faut d'ailleurs parler des théories du traumatisme
b) l'importance reconnue des fantasmes chez l'enfant et de la sexualité infantile (voir
chez Freud l’évolution de sa position sur la réalité des scènes traumatiques décrites par
ses patientes hystériques).
C’est à dire ce qu’il en est de la réalité de l’événement vécu, et ce qu’il en est de sa
construction ou de sa reconstruction par l’enfant lui-même.
L’affaire d’Outreau constitue un exemple dramatique vu sous cet angle. Entre ceux qui disent les enfants
disent toujours la vérité, et ceux qui pensent que si traumatisme il y a eu ce n’est pas seulement dans les
rapports peut-être ambigüs entre certains adultes et des enfants mais plutôt du fait des spérations forcées et
arbitraires que les soupçons de la justice et de la police ont entrainé
Place du symptôme dans l’économie psychique de l’enfant.
L'enfant est un être en développement, d'où la difficulté de situer la valeur d’une
désorganisation symptomatique.
La maladie prend des formes très différentes selon les individus. Tantôt arrêt précoce et
désorganisation massive entraînent rupture des relations et impossibilité des
acquisitions (psychose, autisme) ; tantôt l'arrêt produit une incapacité ou un
ralentissement des acquisitions mais pas de rupture relationnelle (névrose). Bref, on
peut avoir des arrêts fixes ou des progressions retardées sur tous les domaines ou par
secteurs. Par ailleurs, la même cause peut agir différemment selon le moment où elle se
produit : possibilités de compensation ou de dépassement différent selon l'âge ou même
selon la structure de la famille à un moment donné.
Les premières études suivies au long cours du développement de l'enfant ont
montré que les crises et les conflits surgissaient inévitablement dans le processus de
développement, certaines sont à l'origine d'aptitudes nouvelles, d'autres au contraire
entraînent des fragilisations.
Exemple 1: Les séparations transitoires
Elles peuvent entraîner un arrêt de développement ou stimuler au contraire des
mécanismes de restitution qui vont entraîner de meilleures adaptations ultérieures.
Exemple 2 : l’arrivée d’un autre enfant à la maison.
Une phase régressive peut dans certains cas constituer une approche adaptative à cette
situation alors qu’elle prend des allures de retrait dans d’autres cas.
La place du symptôme doit par conséquent être abordé de façon très différente
de celle qu'il occupe dans la pathologie adulte. Il n'a pas forcément de valeur en tant que
telle, mais il doit toujours être interrogé par rapport à la fonction qu'il occupe au cours
du développement avant de pouvoir statuer sur son éventuelle valeur pathologique
(d'où l'ambiguïté des approches entièrement symptomatiques).
Mélanie Klein et Anna Freud : les Controverses
Elles sont les premières à montrer la difficulté de classer certaines conduites dans le
cadre du comportement normal ou pathologique. On va retrouver chez l'une et l'autre
deux démarches néanmoins très différentes.
La première est une pionnière de la psychanalyse de l'enfant et elle défend l'idée que dès
la naissance, la vie psychique d'un enfant est habitée par le monde des conflits et des
fantasmes qui s'y rattachent. Elle fait du jeu la voie royale de l’expression de
l’inconscient de l’enfant. Elle ouvre l’histoire de la psychanlyse à la théorie de la relation
d’objet
L'autre est davantage marquée par sa formation de pédagogue et le souci préventif du
devenir de l'enfant lui tient à cœur. Aussi propose-t-elle d'intégrer la réflexion sur le
normal et le pathologique à l'intérieur d'une démarche de prévention.Elle reste
cependant fidèle à l’héritage freudien en maintenant la tradition d’une théorie des
pulsions, et de la théorie qui ferait évoluer l’individu d’une phase de narcissisme
primaire à une phse d’amour hétérosexuel pour l’objet.
(Voir les Controverses de Steiner et King).
Finalement l’une et l’autre sont fidèles à l’héritage de Freud mais en insistant sur deux
données différentes : pour Mélanie Klein, parler d’une vie psychique dès le départ c’est
affirmer que l’inconscient se confond avec les expériences infantiles du tout début de la
vie, elle ouvre ainsi la voie à une compréhension de modèles psychopathologiques que
Freud n’avait pas exploré : celui de la psychose en particulier. Dans cette optique elle
pense que l’enfant est d’emblée capable de transfert, et donc que le travail
d’interprétation est immédiatement possible.
Quant à Anna Freud, elle pense que la vie psychique de l’enfant ne s’exprime que dans
un deuxième temps, lorsque à la sortie de la phase narcissique primaire l’enfant s’ouvre
petit à petit à la complexité des relations objectales. La mère a dans ce cas de figure une
importance très grande puisque c’est à elle que revient le rôle de pare-excitation que le
moi immature de l’enfant ne peut remplir pour lui-même, c’est en ce sens qu’on peut
comprendre l’importance du rôle maternel à ses yeux et plus encore aux yeux de ses
continuateurs (comme Spitz par exemple). Freud lui-même n’insistait-il pas sur
l’importance des soins maternels pour le développement psychique de l’enfant ? Pour
Anna Freud le travail de l’analyste entre directement en concurrence avec l’amour que
porte l’enfant à ses parents, d’où la nécessité de travailler longuement à la possibilité
d’une cure avant de l’entreprendre.
Les controverses qui les ont opposées tenaient finalement à la difficulté de tenir
ensemble deux positions souvent opposées dans la prise en charge des enfants : ne
s’intéresser qu’à la vie psychique de l’enfant en tant que telle ou tenir compte de sa
place dans une famille.
Le concept de position chez Mélanie Klein
Mélanie Klein, qui s’intéresse à la vie psychique dans ses expressions les plus précoces,
décrit le mouvement qui pousse l’enfant d’un état de dépendance absolue à l’objet (objet
tout d’abord partiel : le sein) à un état de reconnaissance de l’objet comme différent de
soi. Pour cela, elle emprunte à la pathologie des termes destinés à qualifier selon elle des
moments évolutifs du bébé, elle parlera ainsi de position schizo-paranoïde et de
position dépressive. Elle admet que tous les enfants passent par une névrose qui ne
diffère chez les uns ou chez les autres que par son intensité. Mais les enfants les moins
névrosés ne sont pas forcément ceux qui se rapprochent le plus des adultes les moins
névrosés.
Par exemple : l'enfant hyper adapté à la réalité et qui se conforme à toutes les exigences de son éducation ou
qui manifeste peu d'angoisse n'est pas seulement vieillot et dépourvu de charme mais anormal au sens plein
du terme.
L'enfant "normal » n'est pas toujours "facile" mais si son angoisse, son ambivalence et
les obstacles qu'il oppose dans son adaptation à la réalité dépassent une certaine limite,
si les difficultés dont il souffre et fait souffrir son entourage sont trop grandes alors on
doit le considérer comme un enfant incontestablement névrosé. Ce qui distingue l'enfant
névrosé de celui qui ne l'est pas, ce n'est pas seulement une question d'intensité mais
cela dépend aussi de son comportement à l'égard de ses difficultés. Les formes
d'expression de l'angoisse sont très variées et peuvent être passagères ou se
transformer en manifestations psychopathologiques plus ou moins discrètes ou
bruyantes.
Trois exemples montrent la difficulté d'établir un lien entre le symptôme et l'angoisse
sous-jacente :
-Les frayeurs nocturnes, les troubles de l'endormissement, le sommeil agité avec des
réveils fréquents ou les rituels d'endormissement.
-Les difficultés alimentaires, appétit capricieux, manque d'appétit, lenteur de
l'alimentation ou troubles du comportement à table.
-La vitalité excessive, marque d'un "tempérament", signe de désobéissance ou moyen de
surcompensation de l'angoisse qui peut ainsi être évitée (dans une approche plus
symptomatique on soulignera la dimension d'hyperactivité).
Les enfants dissimulent leur intolérance première à la frustration sous une adaptation
générale aux exigences de l'éducation : ils deviennent très tôt des enfants "sages",
"éveillés", l'objectif principal consistant à juguler angoisse et culpabilité en cherchant
dans leur entourage protection et secours d'où l'augmentation de leur dépendance vis-àvis de l'objet. Pour Mélanie Klein, ce qui est important c'est le repérage des moyens
souvent obscurs par lesquels l'enfant a modifié son angoisse tout autant que son attitude
fondamentale
Par exemple, si un enfant n'aime ni le théâtre, ni le cinéma, ni aucune autre sorte de
spectacle, s'il ne prend aucun plaisir à poser des questions et se montre inhibé au jeu,
incapable de faire appel à son imagination, alors on peut admettre que cet enfant souffre
d’une profonde inhibition de ses besoins épistémophiliques et d'un refoulement
considérable de sa vie imaginative, quoiqu'il puisse être par ailleurs adapté et ne
présenter aucun trouble bien défini.
Le désir de savoir, s'il trouve une issue de manière très obsessionnelle, peut aussi
conduire à des formes d'organisation très névrotique.
Pour MK, il est de bon augure que les enfants prennent plaisir au jeu et donnent libre
cours à leur imagination tout en étant bien adaptés à la réalité et qu'ils montrent un
attachement réel mais non excessif à leurs objets (parents). Il est aussi bon signe de voir
leurs tendances épistémophiliques se développer en dehors de trop grandes
perturbations et s'orienter dans diverses voies sans avoir par ailleurs le caractère et
l'intensité propre à la névrose obsessionnelle (Hans). Quelques manifestations
d'émotivité et d'angoisse constituent une condition préalable à un heureux
développement. Le normal n'est donc pas une structure mentale particulière, mais
il se définit par un certain équilibre de fonctionnement.
Le concept de ligne de développement chez Anna Freud
Pour A.F c'est la tâche du clinicien de rassembler les éléments et de les articuler afin
d'établir une évaluation pertinente. Il lui faut alors distinguer :
-Les variantes de la normale
-Les formations pathologiques transitoires
-Les régressions à des points de fixation antérieurs.
Pour cela, les cliniciens doivent pouvoir disposer d'outils d'évaluation des séquences de
développement avec des références chronologiques : c'est ce que vise à donner le
concept de ligne de développement (voir Le normal et le pathologique chez l’enfant).
Avec ce concept, A.F.veut traduire les évènements extérieurs vécus par l'enfant en
événements intérieurs. Les lignes de développement synthétisent les séquences des
phases du développement libidinal et les fonctions du moi.
"Elles éclairent de manière assez satisfaisante les formations de compromis et les solutions
que le patient a su trouver"(N. et P. p.43).
Elles illustrent aussi le type de mécanisme de défense utilisé par l’enfant pour s’adapter
à une situation qui met à mal ses exigences instinctuelles.
Anna Freud pense que la croissance normale d'un individu va dans le sens d'un contrôle
croissant du moi sur les attitudes irrationnelles dues à l'influence du ça, contrôle qui
s'appuie ou qui se modifie grâce à une extension croissante des relations d'objet, grâce à
la prise en compte croissante du principe de réalité, grâce aussi à la possibilité élargie de
passer des fonctionnements dits primaires à des fonctionnements plus « évolués » que
sont les processus secondaires de pensée.
Par exemple, la ligne de développement en lien avec l'oralité va partir de la succion et du
sevrage chez le nourrisson pour aboutir à la manière dont l'adulte se nourrit et où ce
sont les considérations rationnelles qui l'emportent sur les facteurs affectifs.
"Pour chaque enfant, l'accession à un niveau quelconque de l'une de ces lignes de
développement représente le résultat d'une interaction entre le développement des
pulsions, celui du système moi-surmoi et leurs réactions aux influences de l'entourage".
Sans entrer ici dans le détail des lignes de développement qu'elle propose, on peut
ajouter que pour elle un certain déséquilibre entre les lignes de développement n'est pas
pathologique en soi, une dysharmonie modérée ne fait que préparer le terrain aux
innombrables différences qui existent entre les individus dès l'âge tendre, c’est-à-dire
qu'elles produisent les nombreuses variations de la normalité avec laquelle nous
devons compter. Ces lignes de développement concernent notamment l’alimentation,
l’acquisition de la propreté, le sens de la responsabilité en ce qui concerne son propre
corps, le passage de l’égocentrisme à la camaraderie, du jeu au travail, elle dit qu’on
pourrait encore en définir d’autres.
Elle ajoute qu’il faut encore examiner la façon dont l'enfant manifeste sa souffrance et la
conscience qu'il a de son état maladif d'une part, la réaction des parents aux symptômes
de l'enfant, d'autre part.
Au-dessous d'un certain âge, les enfants sont plutôt indifférents à leurs symptômes alors
que les adultes en souffrent beaucoup. Ainsi les terreurs nocturnes provoquent chez les
parents consternation et anxiété alors que les enfants ne s'en soucient pas. Les accès de
colère provoquent le branle-bas dans la famille alors qu'ils constituent une échappatoire
pour l'enfant. Ou encore le besoin de détruire est souvent considéré comme quelque
chose d'alarmant pour la famille, beaucoup moins pour l'enfant.
Pour compléter ces quelques propos introductifs vous pouvez vous reporter à la
bibliographie suivante :
Anna Freud Le normal et le pathologique chez l’enfant,chapitre III, l’évaluation du
développement normal durant l’enfance. Gallimard
Mélanie Klein Le complexe d’oedipe éclairé par les angoisses précoces dans Essais de
psychanalyse . Payot.
Melanie Klein Quelques conclusions théoriques au sujet de la vie émotionnelle des bébés
dans Développements de la psychanalyse .PUF.
Vous pouvez aussi vous reporter au livre de Bernard Golse et Claude Burstjein : Le
développement affectif de l’enfant chez Masson.
Drina Candilis-Huisman
L2 cours 2 (2ème partie)
Le normal et le pathologique II
Sémiologie et structure : le problème des classifications diagnostiques
aujourd’hui.
(Voir article de C.Burstejn dans le Dictionnaire de psychopathologie et surtout deux sites
important le site du CFTEA : psydoc-fr.broca. inserm.fr, et la discussion sur carnetpsy.com de la
classification 0 to 3 mené par Antoine Guedeney et Véronique Lemaître).
Si certains auteurs adoptent une position très descriptive supposée objective des
troubles de l’enfant, d’autres par contre tiennent compte des effets de l’inconscient tant
dans sa dimension subjective qu’intersubjective.
On sait bien qu’aucune classification n’échappe à des préoccupations théoriques et
idéologiques. Danger d’utiliser les termes d’évaluation psychiatrique dans le langage de
tous les jours, ce qui peut engendrer des effets d’exclusion de l’enfant. Comme on l’a vu,
la psychiatrie de l’enfant est une discipline encore récente qui s’inspire de nombreux
modèles théoriques, ce qui explique la présence de plusieurs systèmes de classification.
Age, sexe, et culture ; comment prendre en compte les différences ?
D’un point de vue général, on remarque que la question des débilités se pose de moins
en moins en fonction de l’âge. La raison ne tient sans doute pas à l’accroissement de
l’intelligence avec l’âge mais peut-être plutôt à la contrainte scolaire exercée sur tous les
enfants et le repérage systématisé des enfants en difficulté. Ceci dit si on ne pose plus la
question de la déficience dans les mêmes termes qu’autrefois, on ne peut pas non plus
exclure totalement l’existence de déficience. Toute déficience n’est pas simplement
névrotique. On y reviendra avec le débat actuel sur intégration ou non des handicaps au
sein de la communauté scolaire.
Deuxième remarque : l’incidence psychopathologique est différente en fonction du
sexe, la population consultant en pédopsychiatrie est toujours majoritairement
composée de garçons (70 % contre 30 % de filles), alors que les choses s’inversent à
l’âge adulte. Cela nous incite à réfléchir sur l’absence de continuité entre la
psychopathologie de l’enfant et la psychopathologie à l’âge adulte. Ce n’est
probablement pas la même population. On peut alors imaginer deux types de réponses :
d’une part, que les enfants soignés sont préservés à l’âge adulte, ce qui reste à prouver ;
d’autre part, que les exigences de normalité qui pèsent sur l’enfance sont sans commune
mesure avec leur développement.
Troisième remarque : comment intégrer la dimension culturelle dans l’approche
psychopathologique de l’enfant, ou plutôt comment penser les effets délétères de
l’acculturation des parents sur l’adaptation des enfants, et comment trouver des
systèmes de soins qui répondent sans exclure. La psychopathologie n’est pas universelle,
et il a des situations qui engendrent des pathologies réactionnelles qui disparaissent si
la situation se modifie. Il y a aussi des systèmes de penser la pathologie de l’enfant qui
sont spécifiques à certaines culture.
Exemple : L’enfant Nit Ku bon du Sénégal qui entretient un rapport de trop grande
contiguité avec le monde des ancêtres et qui par conséquent refuse de venir partager le
monde de ses parents et de ses frères et sœurs. Que devient cette pathologie en milieu
occidental ??
Classer, décrire les maladies mentales ou les symptômes de l’enfant
On va exposer ici rapidement les deux principaux systèmes de classification
nosographique (voir tableaux).
Le CFTMEA (classification française des troubles de l’enfant et de l’adolescent).
Publiée en 1988 sous la direction de Roger Misès, elle s’appuie sur une approche
structurale de la psychopathologie et organise le champ clinique autour de quatre
entités principales : psychoses, névroses, pathologies de la personnalité et troubles
réactionnels.
Les classifications internationales des maladies (CIM 10) ont privilégié une approche
plus américaine et se sont basées sur les travaux du DSM IV pour décrire une série de
syndromes sur une base à la fois objectivante et comportementale afin de recueillir le
plus large consensus dans la communauté internationale des professionnels de l’enfance
(certains déplorent une américanisation de l’approche psychopathologique).
Voir ci-dessous un bref extrait de la description du système de classification DSM IV
emprunté à Wikipédia (on trouvera en annexe une description complète ou ou peut la
recherher sur internet)
« « L'approche adoptée par le DSM-IV vise à éliminer l'interprétation dans
l'établissement du diagnostic. Pour y parvenir, des critères diagnostiques précis ont été
définis. Quatre types de critères sont décrits :
• les caractéristiques descriptives du symptôme visé
• sa fréquence ou sa durée
• l'âge auquel il est apparu
• des critères d'exclusion basés sur la présence d'autres diagnostics.
Un nombre minimum de symptômes est nécessaire pour qu'un diagnostic soit porté.
Pour certains diagnostics (e.g. la dépression) la présence de certains symptômes est
obligatoire. Le DSM-IV comporte cinq axes : Ils étudient respectivement :
• Axe I : les troubles mentaux
• Axe II : les troubles de la personnalité et le retard mental
• Axe III : la santé physique,
• Axe IV : les stress psychosociaux et l'environnement,
• Axe V : le fonctionnement global i.e. l'adaptation.
Une section est consacrée aux troubles habituellement diagnostiqués pour la première
fois pendant la petite enfance, l'enfance ou l'adolescence. Les troubles qui peuvent
débuter à tout âge (y compris chez les jeunes) sont décrits dans la section générale.
Le nombre minimum de symptômes par diagnostic et la fréquence et la durée des
symptômes sont des données quantitatives. Dans une certaine mesure, elles intègrent au
DSM-IV la notion dimensionnelle de déviation par rapport à une norme. » »
C’est cette approche qui sert de base aux regroupements statistiques exigés de plus en
plus par les décideurs en matière de santé publique (PMSI).
La réduction des inégalités de ressources entre les établissements de santé figure dans
la réforme de l'hospitalisation (ordonnance du 24/04/96). Afin de mesurer l'activité et
les ressources des établissements, il est nécessaire de disposer d'informations
quantifiées et standardisées. Telle est la vocation du Programme de Médicalisation
des Systèmes d'Information (PMSI).
Après les établissements de Médecine-Chirurgie-Obstétrique (MCO) en 1995, les
établissements de Soins de Suite et de Réadaptation (SSR) en 1998, le PMSI s'appliquera
à la psychiatrie au second semestre 2004. Il est actuellement en expérimentation dans
quelques régions "pilotes" et une centaine d'établissements volontaires.
Tous les établissements ayant une activité de psychiatrie de psychiatrie générale ou
de psychiatrie infanto-juvénile sont concernés
• publics
• privés
• privés participant au service public
soit un total de 613 établissements.
Les principes :
1 Un recueil complet de l'activité :
▪ Prise en charge à temps complet ou partiel ;
▪ Actes externes ;
▪ Interventions dans la communauté.
2 Pour l'hospitalisation, un recueil à la semaine (RIS-Hc - Résumé d'Informations
Standardisé - Hospitalisation complète et RIS-Hp - Résumé d'Informations
Standardisé - Hospitalisation partielle.
3 Un classement de chaque semaine dans des groupes homogènes de journées (GHJ).
4 Un recueil à l'acte :
▪ Actes externes (RIS-E).
▪ Interventions dans la communauté (RIS-C).
5 Un recueil plus large que les seules données PMSI.
A chaque GHJ sera associé un certain nombre de points ISA (Indice synthétique
d'activité). C'est cette valorisation financière qui permettra par la suite de rémunérer
les établissements en fonction de leur activité.
Le PMSI n'est pas un outil d'analyse de charge de travail, ce n'est pas non plus un outil
d'évaluation de la qualité. Il s'agit d’un outil décrivant globalement les soins offerts au
cours d'une prise en charge. Bien qu'étant destinées initialement à l'Etat, les
informations recueillies peuvent aussi être utilisées en interne pour l'élaboration, la
conduite ou l'évaluation de projets. (extrait trouvé sur le site offficiel du ministère
de la santé)
Les catégories principales sont classées de la façon suivante
-Troubles du développement psychologique
-Troubles du comportement et troubles émotionnels
La notion de troubles envahissants du développement se substituant à celle de psychose
précoce. La mise à l’écart questions relatives au retard mental pose néanmoins
problème : comment considérer des pathologies pluridimensionnelles où des éléments
de retard mental coexistent avec des troubles tels que l’autisme par exemple ?
Comme le souligne Burstejn n’est-il pas très problématique de regrouper sous une
même entité l’hyperactivité par exemple, alors que les manifestations sont de nature
très hétérogènes ? Les classifications les plus actuelles préconisent dans certains cas de
compléter le diagnostique par un examen clinique (par exemple dans les cas d’abus
sexuel ou de problèmes relationnels).
On peut cependant voir que la description phénoménologique des difficultés de
l’enfance tend à devenir un langage international avec les nombreux remaniements qui
ont été discutés par l’OMS entre 1987 et aujourd’hui (CIM 10).
Voir le tableau plus bas.
Classification DSM III (1987)
Axe I : troubles des conduites de la 1ère et de
Axe II : trouble spécifique du développement
la 2ème enfance
Retard mental
Acquisition de la lecture
Troubles de l’attention
Acquisition de l’arithmétique
Troubles des conduites
Acquisition du langage
Troubles anxieux
Acquisition de l’articulation
Autres troubles de l’enfant et de l’adolescent. Troubles spécifiques mixtes du
développement
Troubles de l’alimentation
Troubles spécifique atypique du
développement (troubles envahissant du
développement)
Mouvements stéréotypés (tics)
Autres troubles avec manifestations
physiques
( Bégaiement énurésie, encoprésie, troubles
du sommeil)
Troubles globaux du développement
(autisme, développement atypique.. )
Comme on le voit il n’y a plus de névroses et psychoses mais des descriptions cliniques
souvent multidisciplinaires. À cela se sont ajoutés en 1988 quatre autres axes décrits
plus haut.
Depuis quelques années, une classification particulière en cinq axes est utilisée pour les
nourrissons (Classification Zero to three, revue devenir, numero spécial, 1998)
-axe I diagnostic primaire (par exemple stress, trouble de l’affect ou trouble de
l’attachement).
-axe II Classification de la relation (analyse des interactions).
-axe III troubles ou conditions de la santé pshysique, neurologique, développementale et
mentale(c’est ici que l’on peut répertorier les problèmes liés à la prématurité ou au
handicap)
-axe IV facteurs de stress psychosociaux (hospitalisation, disparition d’un parent,
pauvreté, désastre naturel) ;
-axe V niveau fonctionnel du développement émotionnel (évaluation de la qualité du jeu,
des niveaux de représentation atteinet par l’enfant en fonction de l’âge).
La notion de structure en psychopathologie de l’enfant soulève bien des difficultés car
elle ne se laisse jamais voir avec la même netteté que chez l’adulte, du fait des liens
possibles entre les divers conduites et la possibilité toujours ouvertes de remaniements
imprévisibles.
Quant à l’approche purement symptomatique, elle peut à son tour être discutée.
D.Marcelli prend comme exemple la dyslexie dysorthographie qui se caractérise à l’oral
comme à l’écrit par des confusions de sons, de forme ou des inversions de syllabes ou de
sens. (Voir p. 60 Enfance et psychopathologie)
a) Certains auteurs considèrent ce syndrome comme le témoin d’une lésion
neurophysiologique, selon une conception « modernisée » des théories anatomopathologiques du XIXe siècle.
b) D’autres la comprennent comme l’inhibition de la pulsion épistémophilique qui
traduit la persistance d’un conflit œdipien actif et l’impossibilité d’un refoulement
secondaire. En ce sens, elle est un symptôme de la névrose de l’enfant.
c)
Pour d’autres, la dyslexie relève de l’immaturité d’une fonction instrumentale et
n’est que la prolongation excessive d’un palier normal rencontré au début de tout
apprentissage de la lecture et de l’écriture. La dyslexie est dans ce cadre un trouble
transitoire du développement dont seules les conséquences scolaires sont
inquiétantes.
d) Enfin pour d’autres encore la dyslexie n’est que la traduction de l’inadaptation des
exigences scolaires ou de l’incompétence des pédagogues face aux possibilités des
enfants. C’est la maladie de l’école, de ses structures et de ses contenus.
Donc, devant une conduite aisément repérable, on se trouve face à des modèles de
compréhension radicalement différents qui vont du cadre lésionnel, au cadre
environnemental en passant par le cadre structurel et le cadre génétique.
Cela nous donne donc la nécessité d’approfondir l’examen clinique du sujet dans sa
singularité comme dans ses liens familiaux et sociaux, ce que nous tenterons de faire
dans la suite du cours.
Cours de L2. Cours III
Drina Candilis-Huisman
L’ANGOISSE.
lire Le chapitre Angoisse et dépression d'Annie Birraux dans Psychopathologie de l'enfant.
et Problématiques I de Jean Laplanche : L'angoisse.
Introduction
Peut-on vivre sans angoisse ?
A quel moment apparaît-elle et de quels moyens dispose-t-on pour y faire face?
Questions qui débordent largement le cadre de la psychanalyse puisque poètes et
philosophes ont aussi tenté d'élaborer des réponses, réponses dont la variété nous conduit à
penser que l'angoisse est constitutive des représentations humaines.
On peut dire qu'en associant angoisse, phobie et dépression, on fait un pas de plus vers la
compréhension de la place de l'angoisse dans la psychopathologie puisque angoisse et
dépression sont à l'origine de nombreux avatars de la clinique des enfants avec le groupe des
phobies d'une part, le groupe des troubles de la séparation d'autre part.
Pour l'instant arrétons-nous à une première définition qui fait de l'angoisse un affect
pénible soit en relation avec une situation traumatisante, soit avec l'attente d'un danger de
nature indéterminée. Elle s'accompagne de manifestations somatiques. Elle désigne des états
de malaise, de déplaisir, de tension interne associés à la sensation d'insécurité.
La définition de l'angoisse présente des difficultés à bien des titres puisqu'il faudrait distinguer
soigneusement la peur, l'anxiété, l'angoisse, ce qui n'est pas très simple. Les animaux ont
peur, ils peuvent être anxieux mais peuvent-ils être angoissés?
Place de l'angoisse chez Freud (à lire avant le cours)
Comme c'est souvent le cas, on va trouver plusieurs théories de l'angoisse.
Une théorie de l'angoisse comme tension interne et une théorie de l'angoisse comme
signal.
Je me réfère au cours de Laplanche qui montre que les premiers travaux de Freud vont partir
d'une approche phénoménologique des manifestations de l'angoisse chez les patients,
approche qui est encore utilisée dans ses grandes lignes aujourd'hui:
-une asthénie intellectuelle et physique (affection psycho-somatique) qui ressemblerait à la
fatique mais qui s'en distingue par un rythme inversé (le sujet est plus fatigué le matin que le
soir, ou sans avoir fait aucun effort).
-des symptômes douloureux, maux de tête et douleurs de dos vagues
-des troubles fonctionnels (neurovégétatifs, digestifs, cardio-vasculaires)
-un état de dépression, de tristesse ou d'indifférence.
Pour délimiter ce qu'il appelle la névrose d'angoisse (qu'il distinguera plus tard de l'hystérie
d'angoisse dont le modèle est la phobie chez le petit Hans) Freud insiste sur quelques
symptômes qui lui paraissent émerger graduellement chez les patients.
-un fond d'excitabilité générale, accumulation d'excitation que le sujet s'avère incapable de
supporter.
-une attente anxieuse. Un état d'anxiété permanente sans cesse prête à se fixer sur la moindre
occasion et sur le moindre prétexte. Ce qui est premier c'est par conséquent cette anxiété, à la
limite cette anxiété pourrait venir se fixer sur n'importe quoi et se transformer en accès
d'angoisse.
-les accès d'angoisse. Il y en a de deux types, sans contenu représentatif immédiat ou bien liés
à une représentation, une idée ou une sensation somatique. Cette liaison fait que l'angoisse
passe ensuite au second plan c'est la sensation somatique qui domine.
-les équivalents de l'angoisse que sont les sensations somatiques pures où l'angoisse comme
affect est radicalement absente ou évacuée. Par exemple, les vertiges sans support
neurologique déterminé.
En résumé, ce qui est à retenir des premières idées de Freud c'est qu'il y a une quantité
d'angoisse flottante qui va se fixer soit sur une représentation (la phobie) soit sur un
symptome somatique, mais il y a aussi l'idée qu'il y a une inadéquation entre l'excitation
sexuelle au niveau somatique et la possibilité d'élaborer cette angoisse au niveau psychique.
Dans un texte de 1916, ce premier modèle se retrouve sous la plume de Freud pour
parler de l'angoisse infantile dont il dit qu'<< elle n'a presque rien de commun avec
l'angoisse réelle, et qu'elle s'approche au contraire beaucoup de l'angoisse névrotique
des adultes; elle naît comme celle-ci d'une libido inemployée>>.
lire p.66 à 71 l'analyse de Laplanche de l'angoisse infantile dans ses liens aux personnes, aux
situations et aux objets. Pour Laplanche il y aurait lieu de distinguer ces trois situations à la
fois sur un plan de progression génétique et sur un plan logique.
A.L’angoisse devant les personnes. C’est principalement l’absence de la mère qui la
déclenche. Ce n’est pas seulement la peur du visage étranger (Spitz) mais aussi la perte du
visage aimé. Laplanche souligne qu’en termes kleiniens cette angoisse correspond au
démasquage derrière le visage de la bonne mère, du visage de la mauvaise.
B. L’angoisse devant les situations
Phobie de l’obscurité et de la solitude –les deux ayant bien évidemment en commun l’absence
de la personne aimée. Il se réfère à un passage célèbre de Freud où enfant, il dit à sa tante :
<<Parle-moi, j’ai peur dans le noir.
-Pourquoi puisque tu ne vois pas ?
-Il fait plus clair lorsque quelqu’un parle>>.
Et freud écrit dans l’introduction à la psychanlyse
« L’aspiration à une présence que l’on éprouve dans l’obscurité se transforme ainsi en
angoisse devant l’obscurité ».
C. L’angoisse devant les objets.
Problème plus général des phobies que Freud reprend ici. L’objet en lui-même est secondaire,
il vient comme substitut, comme point de fixation et comme élément de liaison d’une
angoisse qui, sans la présence de l’objet se trouverait déliée ( et par conséquent plus
menaçante encore).
Dans ces divers aspects de l’angoisse infantile, l’idée qui est privilégiée c’est que l’angoisse
n’est rien d’autre que de la libido inemeployée. Provoquée au départ par la perte de l’objet
aimé, elle n’est que répétition d’une décharge anarchique de libidio qui ne trouve plus son
objet ni les actes précis en rapport avec cet objet.
Deuxième théorie: Inhibition, Symptome, Angoisse (1924) et dans Au-délà du principe de
plaisir dont les pivots seront la notion de danger et la notion de moi.
Difficile de résumer en quelques lignes ces deux textes qui de l'avis de tous les
commentateurs sont des textes extrèmement complexes, je retiendrai pour ma part un extrait
de Au-delà du principe de plaisir:
<<Effroi, peur, angoisse sont des termes que l'on a tort d'utiliser comme synonymes; leur
rapport au danger permet de bien les différencier. Le terme d'angoisse désigne un état
caractérisé d'attente du danger et la préparation à celui-ci, même s'il est inconnu; le terme de
peur suppose un objet défini dont on a peur; quant au terme d'effroi, il désigne l'état qui
survient quand on tombe dans une situation dangereuse sans y être préparé. Il met l'accent sur
le facteur surprise. Je ne crois pas que l'angoisse puisse engendrer une névrose traumatique; il
y a dans l'angoisse quelque chose qui protège contre l'effroi et donc aussi contre la névrose
d'effroi>>.(cité par Laplanche p.55)
Ce qui est dit ici montre que l'effroi inhibe toute possibilité d'élaboration psychique,
l'effroi est destructuration alors que l'angoisse contient un aspect plus structuré et plus
structurant (yoir la description du jeu de la bobine). L'angoisse est un signal permettant de
se défendre contre quelque chose, un danger qui le plus généralement est d'origine
pulsionnelle, et face auquel le moi, dont la fonction est d'assurer le lien entre le dehors et le
dedans, se sent à la fois menacé et débordé.
Jusqu'à la fin de son œuvre, Freud ne s'est pas estimé satisfait de sa théorie de l'angoisse.
Selon un premier schéma, celle-ci surgit lorsque, de par un processus de refoulement qui a
détaché la libido de ses " objets d'investissement ", une quantité d'énergie libidinale,
désormais libre, et non plus fixée, ne trouve pas à se réinvestir. Dans l'hystérie de conversion,
la libido réinvestit des fonctions ou segments corporels. C'est en s'appuyant sur une telle
hypothèse que Freud, dans son étude sur le petit Hans, peut proposer l'expression d'hystérie
d'angoisse comme désignant la structure névrotique d'élection pour le surgissement et
l'organisation des phobies. Cette organisation est secondaire par rapport à la survenue de
l'angoisse, et le choix d'un objet phobogène est une mesure défensive qui limite le danger, en
raison des mesures d'évitement qu'elle permet. Le recours au cheval comme objet phobogène
permet à l'enfant de savoir de quoi il a peur et de donner une figuration significative à son
angoisse. En bref, cette opération implique un déplacement et une projection. Si, selon le
schéma œdipien, c'est le père castrateur que craint Hans, partagé entre l'amour, l'hostilité et la
jalousie, le cheval devient inconsciemment le substitut chargé de représenter et ce père et les
pulsions agressives du jeune garçon. Il aide ainsi au renforcement du refoulement en
proposant également un compromis : la relation tendre au père réel est, de ce fait, maintenue
et facilitée.
Ultérieurement ce mode d'explication ne satisfera plus Freud. Dans une œuvre tardive
(Inhibition, symptôme et angoisse , 1926), on trouve un renversement partiel de la théorie
initiale : l'angoisse n'est plus le fait du refoulement de la libido ; elle précède celui-ci ; elle est
en fait un signal d'alarme du moi en danger. À la prévalence accordée d'abord au point de vue
quantitatif (énergie libidinale non fixée) succède donc une conception qui remet au premier
plan le rôle inducteur du sens et de la symbolique des situations qui menacent le moi.
C'est la concurrence entre ces deux types d'explication qu'on retrouvera dans les études des
disciples de Freud, avec une option soit pour le point de vue économique soit pour la structure
signifiante, la texture inconsciente des situations phobogènes. Il faut citer ici les travaux de
Melanie Klein sur la vie phantasmatique des jeunes enfants, travaux qui mettent en lumière
l'activité pulsionnelle archaïque prégénitale et la notion d'angoisse de rétorsion à partir des
émergences sadico-orales et sadico-anales.
Comme le souligne Annie Birraux, derrière cette double théorie de l'angoisse se dessine la
notion d'impuissance à s'aider soi-même, la notion d'état de détresse ou de désaide que Freud
place à l'origine de toute vie psychique. C'est ce qui fait dire à Freud que "privé d'une
personne aimée, les enfants se sentent angoissés" (« j'ai moins peur du noir quand tu me
parles », dit Freud-enfant à sa tante dans un passage de l’Interprétation des rêves), mais d'un
autre côté, il pense aussi que les enfants dont la pulsion sexuelle est excessive ou prématurée
(soit naturellement, soit par excès de cajolerie de la part de l'adulte) ont un penchant à
l'anxiété.
L'angoisse devient donc un débordement libidinal soit naturellement (en raison de
l'immaturité de l'appareil psychique, voir Mélanie Klein) soit parce que
l'environnement n'a pas su jouer un rôle de pare-excitation (voir Spitz). Mais ce n'est
d'ailleurs pas pour autant qu'il faut penser que l'environnement est seul responsable de
l'angoisse. L'angoisse est toujours une violence interne, c'est la tyrannie de la pulsion
dans sa dimension agressive qui met en danger la fonction équilibrante du moi.
L'environnement maternel a pour fonction de réguler le flux libidinal, de limiter ses
débordements et de fournir des expériences de satisfaction sur lesquelles l'enfant va construire
ultérieurement des représentations du plaisir.
Angoisse et fantasme, du jeu de la bobine aux développements de Mélanie Klein
Pour Mélanie Klein, l'angoisse et ses modifications constituent un des problèmes essentiels de
la psychanalyse, des enfants comme des adultes.
C'est même la tâche essentielle de l'enfance que de tenter de maitriser l'angoisse dont il subit
la constante pression. À partir de l'observation clé de Freud du jeu de l'enfant avec la bobine
(dans Au-delà du principe de plaisir), M.K. découvre que le jeu de l'enfant peut représenter
symboliquement ses angoisses et ses fantasmes. Avant ses découvertes, on pouvait penser que
le complexe d'œdipe se mettait en place vers trois ou quatre ans, mais elle observe chez des
enfants de deux ans et demi des fantasmes et des angoisses œdipiennes qui remontent déjà
probablement beaucoup plus tôt encore et -deuxième idée- que les angoisses œdipiennes ont
des contenus qui renvoient à la génitalité mais aussi au prégénital. Si pour Freud, le complexe
d'œdipe correspond à la mise en place d'un surmoi qui vient relayer de l'intérieur les interdits
parentaux, M.K. découvre que le surmoi se met en place beaucoup plus tôt et semble posséder
des caractères très cruels d'ordre oral, anal, urétral.
C'est le cas, par exemple, pour Rita (2 ans et 9 mois) qui, au cours de ses frayeurs nocturnes
se sentait menacée d'un père et d'une mère qui voulaient mordre et arracher ses organes
génitaux et détruire ses bébés. La peur de ses imagos parentales effrayantes paralysait ses
jeux et ses activités (lire p. 7 Hanna Segall, Introduction à l'œuvre de M.K.).
Ce que pense MK c'est que si une certaine dose d'angoisse est inévitable voire
nécessaire, trop d'angoisse inhibe tout le processus de la formation du symbole et donc
de la pensée.(Voir l'article de M.K.La formation du symbole dans le développement du moi).
Le concept de position regroupe une constellation faite d'angoisses, de sentiments, de
relations d'objet et de défenses. Plus le bébé est jeune, plus il est à la merci de son monde
fantasmatique et moins il peut exercer de contrôle sur les angoisses qui l'habitent, d'autant
plus que les relations qu'il entretient avec l'objet sont des relations à un objet partiel le sein,
tantôt gratifiant tantôt frustrant. Et que la lutte contre la frustration et les angoisses qu'elle
génère, nécessite de développer un certain nombre de défenses pour préserver le moi
encore trop faible
. L'angoisse la plus précoce est par conséquent une angoisse relative à la préservation du moi
et l'enfant aura recours à des mécanismes de défenses tels que le clivage, la projection,
l'idéalisation, le déni et l'identification projective (voir Hanna Segal pour ce qui concerne les
"aspects les plus précieux" de ces mécanismes de défense pour le développement du moi p.
42, 43 et 44).
Mais comme la vie pousse le nourrisson vers une tendance à l'intégration, la maturation de ses
forces à la fois physiques et psychiques le porte à tolérer davantage le conflit pulsionnel
interne et à atténuer ses craintes paranoïdes, d'où une possibilité plus grande qu'un moi plus
fort aille véritablement à la rencontre d'un objet mieux discriminé. Le nourrisson est prêt pour
aborder la deuxième position (position dépressive) avec un nouveau cortège d'angoisses et par
conséquent de défenses. Le nourrisson reconnaît qu'à la source de ses sensations de frustration
et de gratification, il y a une seule et même personne, la mère, séparée de lui, qui mène une
vie propre et qui entretient des rapports avec d'autres personne. Ce qui lui signifie tout à la
fois sa détresse, sa dépendance, son extrême jalousie vis-à-vis des autres. Il rencontre alors
des conflits touchant sa propre ambivalence vis-à-vis de l'objet et sa culpabilité devant la
force des impulsions destructrices qu'il ressent par rapport à lui. Un déplacement des
angoisses s'est opéré des angoisses relatives à la préservation du moi à des angoisses
relatives à la préservation de l'objet (externe mais aussi interne). Les défenses sont alors
de deux types : défenses paranoïdes et défenses maniaques Je renvoie à tous les textes qui s'y
rapportent.
On pourrait penser, comme le souligne A.B. à la suite de Lebovici, que ces constructions
théoriques sur le fonctionnement psychique du nourrisson laissent trop de côté ce qui se passe
dans la tête des parents pour faire fonctionner celle du bébé. Lebovici s'irrite des
modélisations des contenus de la vie fantasmatique du bébé dans la mesure où pour lui, elles
accordent à l'enfant une volonté, une intention qui éclipse dans l'interrelation le bébé rêvé par
sa mère.
Lire la note au bas de la page 63 dans H.Segal
L'angoisse comme organisateur psychique : Spitz et l’angoisse du 8 ème mois.
C'est exactement à ce confluent entre développement libidinal de l'enfant et théorie de la
relation mère-enfant que se situe le travail de Spitz, qui traite de l'angoisse du huitième mois.
Pour lui, l'angoisse ne peut être éprouvée avant que l'enfant n'ait atteint une représentation de
sa mère comme personne totale différenciée de lui-même, c'est-à-dire autour du huitième
mois. Selon Spitz, avant cette période, le nourrisson peut ressentir du déplaisir de la tension,
éventuellement un état d'alerte devant le ressenti d'un déséquilibre interne, mais il ne pourrait
s'agir que d'un ressenti d'ordre purement somatique, coupé de toute représentation en
quelque sorte. L'angoisse marque la capacité de lier un affect à une représentation, en
l'occurrence celle de l'absence de la mère, que l'enfant éprouve douloureusement
lorsqu'il est confronté à une personne inconnue.
On a pu reprocher à Spitz de mettre entre parenthèse la question de la sexualité infantile et de
sous-estimer le fait qu'elle soumet d'emblée l'être humain à une situation périlleuse.
L'état de détresse évoqué plus haut, se définit en particulier (Laplanche) non seulement
comme une impossibilité à s'aider soi-même, mais peut-être surtout comme le vécu d'une
expérience douloureuse parce que l'objet se dérobe aux forces vives de la libido.
À l’origine il faudrait donc concevoir l'angoisse comme le tumulte interne d'une vie
suspendue aux incertitudes de l'objet. Ce n'est que dans un deuxième temps que se mettra en
place la possibilité d'une représentation qui attribuerait au monde extérieur la cause de
l'angoisse. On trouve chez Winnicott un modèle de l'angoisse qui se rapproche de ce pan de la
théorisation freudienne lorsqu'il décrit l'"angoisse prototypique" du nourrisson comme celle
d'un être immature sans cesse au bord d'une angoisse inimaginable, dont nous ne pouvons
avoir l'idée et qui consiste à se morceler, à ne pas cesser de tomber, ne pas avoir de relation
avec son corps, ne pas avoir d'orientation dans l'espace. Angoisses catastrophiques ou agonies
primitives qu'une mère normalement dévouée peut tenir à distance par son empathie pour
l'enfant.
On s'est beaucoup éloigné chemin faisant des descriptions classiques de l'angoisse au moment
de l'œdipe que l'on va retrouver dans l'abord psychopathologique de l'angoisse.
Psychopathologie de l'angoisse
e) les « troubles anxieux »
Des troubles regroupés sous le nom de troubles anxieux chez l'enfant et l'adolescent (voir
ouvrage du même nom écrit par Mouren-Simeoni, Villa et Vera (ed. Maloine 1993).
Approche très symptomatique du DSM IV qui vise à souligner le rôle de l'anxiété dans la
formation des symptômes mais qui leur ôte en même temps leur valeur de substitut de
fantasme inconscient et de compromis intra-psychique adopté par l'enfant devant un
conflit intra-psychique.
Dans cette même perspective, l'angoisse et l'anxiété deviennent les symptômes-cible des
chimiothérapies et des thérapies comportementales. Les manifestations de l'angoisse se
distinguent alors en fonction de l'âge.
-Période préverbale : importance de l'observation.
Cris (rage, épuisement, tristesse, ennui ou même panique), troubles du tonus (raidissement) de
la motricité (désordonnée, saccadée) de la vigilance (visage figé, expression vide),
comportement d'accrochage ou de rejet par rapport aux approches physiques, pas de détente
dans les bras de l'adulte, troubles du comportement (sommeil, appétit, coliques) ;
-Enfance :l'enfant anxieux vit en permanence avec une sensation vague d'appréhension,
comme si quelque chose de terrible allait survenir (inquiétudes sur l'avenir, craintes de la
survenue d'un accident, d'une maladie). Irritabilité colères, caprices, exigences d'avoir sans
cesse un adulte à proximité.
Crise paroxystique qui peut apparaître autour de 7-8 ans : sensation d'étrangeté, perte de
repère, peur de mourir, de devenir fou.
-Puberté : passage à l'acte, colères, fugues, vols. Irruption d'une forme de destructivité qui
peut être contenue par des adultes bienveillants et tolérants.
On s'aperçoit que les modèles de transformation de l'angoisse peuvent être très variés et
prendre l'allure de symptômes phobiques, hystériques, obsessionnels ou bien de véritables
inhibitions.
b) la phobie
Avec le petit Hans, Freud a démontré le travail de déplacement symbolique et
d'encastrement successif qui aboutit à la surdétermination du symptôme. Il a montré
aussi les bénéfices secondaires liés à la conduite phobique chez l'enfant qui témoignent de la
mise en place des principales instances psychiques: le moi et le surmoi et leur relative
efficacité à lier l'angoisse à des représentations symboliques et à maintenir de cette manière le
cadre de la maturation et de l'évolution (différence entre les phobies œdipiennes et les phobies
plus archaïques dont la résurgence à l'adolescence compromet gravement l'évolution
psychique).
En décrivant donc pour la première fois la spécificité de la phobie, Freud insiste sur l'idée que
l'enfant construit un objet phobogène par projection de ses conflits intrapsychiques, puis qu'il
l'évite en fuyant ou en développant une inhibition motrice, dans un troisième temps il peut
aussi construire un objet contra-phobique.
En tant que symptôme, la phobie peut apparaître dans des tableaux névrotiques divers, mais
elle est aussi le noyau d'une structure que Freud appelle l'hystérie d'angoisse, qui constitue
par excellence le groupe des névroses de l'enfance. Il écrit à propos d’Hans : "dans l'hystérie
d'angoisse, la libido, détachée du matériel pathogène par le refoulement n'est pas convertie,
mais elle est libérée sous forme d'angoisse". La peur de la castration rencontrée par Hans au
moment de son accession à l'œdipe est bien sûr le noyau central de sa phobie.
À partir du Petit Hans, on peut dresser une typologie des phobies de l'enfance, et même
penser comme le dit A.B. que leur totale absence à certaines étapes du développement est
dommageable.
Elle propose de distinguer :
-Les peurs archaïques : peur du noir, de la solitude qui viennent signaler une maîtrise
insuffisante de l'angoisse en raison de la faiblesse du moi et de la précarité des mécanismes de
défense. .
-Les peurs banales et organisées de la névrose infantile liées essentiellement au conflit
œdipien. Peurs qui se focalisent d'ailleurs sur des objets culturels (peur du loup ou des
croquemitaines) ou des menaces réellement prononcées par les parents).
-Les phobies pathologiques.
Pour René Diatkine, la construction d'un objet interne hostile, sa projection sur un tiers
et l'organisation d'un comportement d'évitement devant l'ennemi ainsi constitué
peuvent être considéré à la fois comme le prototype du symptôme phobique et un pas
décisif dans le développement.
Peur du noir et phobie de l’endormissement
pour ce qui concerne l'organisation de la veille et du sommeil, lorsque l'enfant est sensible à
l'absence de la mère, il proteste lorsqu'on le couche, pleure, crie jusqu'à ce qu'on le reprenne
dans les bras. Le sommeil cesse d'être une détente heureuse, il devient séparation et absence
de l'objet aimé. (Cf. Marcel Proust pour cette articulation privilégiée entre angoisse de
séparation et sommeil). On reparlera si possible des divers troubles du sommeil qui
témoignent bien du fait que le travail psychique du sommeil est tout aussi complexe que celui
de la veille. Deux variétés de mauvais rêves jouent un rôle particulier dans l'organisation de
l'anxiété chez l'enfant
-Les rêves à répétition (période de latence) troubles secondaires de l'endormissement.
-Le cauchemar à répétition ou unique qui peut jouer le rôle d'expérience primaire d'angoisse à
partir de quoi les défenses se réorganisent. Exemple classique : le rêve de l'Homme aux
Loups.
Le fantasme est la marque du décalage entre ce que l'enfant perçoit et les reconstructions qu'il
s'en donne.
Ainsi lorsque le bébé expérimente que sa mère n'est pas toujours présente, il peut du même
coup penser qu'il n'est pas son seul objet d'amour. Mais il construit les rapports de sa mère et
des autres en fonction de ses propres expériences érotiques avec elle. Ce fantasme (de scène
primitive) a alors des effets multiples. Il excite la pulsion scopophile et par extension la
tendance epistémophilique . Mais en même temps, il peut concourir à l'effet traumatique de la
perception des rapports sexuels des adultes et joue un rôle essentiel dans l'organisation des
phobies infantiles en remplissant l'invisible de scènes à la fois terrifiantes et particulièrement
excitantes dont l'enfant est à la fois spectateur et acteur.
Phobie des animaux
Appartition à un âge plus tardif : la peur des animaux (le déplacement qui s'est effectué est
plus important). C'est le scénario interne qui sous-tend la phobie qui fait d'eux un objet
phobogène parce les enfants ne déclenchent pas toujours ce type de phobie à partir d'une
expérience vécue, ou si c'est le cas, il y a quand même un effet d'après-coup. On ne mettra
néanmoins pas dans le même sac toutes les phobies d'animaux. La phobie des chiens prend
souvent la forme de la peur d'être mordu, réveillant ou focalisant toute sorte de fantasme
d'atteinte à l'intégrité corporelle alors que les phobies des petits animaux se rattachent à la
peur de la pénétration dans le corps de l'enfant par les voies digestives ou respiratoires,. Hans
a la phobie des chevaux , c’est l’exemple même du scénario phobique avec tous les
déplacements fantasmatiques que freud met en évidence.
Phobie alimentaire
On peut encore distinguer les phobies alimentaires. Inhibition immédiate de l'appétit
accompagnée ou non de dégoût très violent, limitée dans leur ampleur ou dans le temps,
s'arrêtant ou perdurant jusqu'à l'âge adulte.
La phobie de l'école.
Elle s'observe souvent dans les sections de l'école maternelle, lorsque les enfants n'ont jamais
connu de séparation avant leur entrée à l'école, mais elle peut apparaître aussi de façon très
intense chez des enfants qui ont déjà connu de nombreuses séparations. Interaction avec la
famille facteur presque toujours au premier plan. L'enfant peut s'avérer capable de créer un
personnage contra-phobique qui l'aide à passer cette étape.
Cette peur peut aussi persister et réapparaître à la période de latence. Un des effets les plus
manifestes est l'impossibilité d'écouter le maître si celui-ci ne s'adresse pas personnellement à
l'enfant. Une partie des élèves est capable de développer l'illusion d'être l'interlocuteur
privilégié de l'enseignant et cette discrète tendance érotomaniaque fait d'eux de bons élèves.
Mais d'autres ne peuvent pas organiser de tels fantasmes et leur angoisse les pousse à l'action
pour reprendre contact, soit en provoquant directement le maître soit en essayant d'établir un
contact avec leur voisin. Ce qui est généralement sanctionné par l'enseignant.
Certains maîtres ont une présence qui permet à un grand nombre d'élèves de ne pas vivre en
classe l'expérience de la solitude, d'autres souvent eux-mêmes en difficulté, n'ont pas les
mêmes capacités et laissent développer beaucoup d'inhibition intellectuelle transitoire chez
leurs élèves. Certaines formes d'inhibition peuvent être considérées comme phobiques en
fonction du dispositif d'investissement des objets phobogènes et des objets contra-phobiques,
chez les enfants. L'enfant mauvais élève peut s'avérer incapable de restituer sur ordre ce qu'il
sait dans la classe alors que dans une consultation à deux, il se montre vif et intelligent.
D’autres enfants ont un hyperinvestissement de la pensée et ne peuvent travailler qu'à la
condition ne pas être envahis par lui.
Les phobies scolaires sont encore souvent focalisées sur un certain type d'apprentissage. Par
exemple la phobie de la lecture. Le plaisir de lire leur est étranger et les enfants peuvent se
montrer gênés par cette inhibition localisée à la lecture pour suivre en classe ou faire leur
travail à la maison. Mais par ailleurs ils se montrent intéressés par des textes difficiles s'ils
sont lus à haute voix par un adulte. Pour R.D., Une analyse plus poussée peut révéler que
cette inhibition est sous-tendue par la crainte que l'histoire ne finisse mal, et la présence de
l'adulte lecteur les rassure contre une angoisse de mort doublement figurée par la mort ou le
vieillissement du héros et par la fin du texte.
Enfin il existe encore tout un pan très complexe des phobies scolaires du grand enfant ou de
l'adolescent qui ne sont jamais des symptômes bénins et fugaces (états-limites ou psychoses
froides, voir le chapitre sur ce sujet dans le Nouveau Traité de psychopathologie de l'enfant
écrit par R.Diatkine et E.Valentin). C'est l'adolescent qui ne supporte plus la double
frustration qu'impliquent les rapports avec la famille en protestant que les parents ne
s'occupent pas de lui tout en rejetant leurs ingérences. Lorsqu'il cesse de fréquenter un
établissement scolaire, il est amené à vivre en permanence chez lui, mais impose une présence
de plus en plus envahissante soit en harcelant ses parents soit en laissant sa chambre dans une
incurie significative -provocation et exhibition d'une part, défense d'un territoire dont la
violation s'apparente pour lui à une véritable agression corporelle. Messages contradictoires
des parents d'une part, réponses contradictoires de l'enfant de l'autre qui rend le dialogue avec
l'enfant souvent très délicat, d'autant plus que dans ces cas-là l'accès phobique masque un
développement souvent construit sur des bases narcissiques très fragiles avec des impasses
dans la capacité de liaison des représentations, colmatées tant bien que mal au cours de la
croissance.
Dans d'autres situations, la tonalité dépressive l'emporte sur la tonalité chaotique et agressive,
elle aussi lentement mobilisable par la prise en charge psychothérapeutique.
Sans prétendre en avoir fini ici avec le point central de l'abord des phobies infantiles dans la
comprehénsion des processus psychopathologiques de l'enfance, le dernier volet soulevé nous
permet d'aborder l'autre pan de notre étude : la dépression. C'est René Diatkine encore qui
rappelle la distinction opéré par Mélanie Klein entre la phobie de Hans et les mécanismes
projectifs de l'homme aux Loups, Mélanie Klein soutenant que la différence radicale entre
leur deux phobies tient à leur abord différent de la position dépressive, l'homme aux loups
n'ayant pas pu parvenir à l'introjection de l'objet projeté ni à dépasser la désintrication
pulsionnelle sous-tendant sa peur des loups.
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