Les Justes de Camus Explication du texte Acte I p 22 à 24 de « J

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Les Justes de Camus
Explication du texte Acte I p 22 à 24 de « J’obéirai, Boria » à Annenkov « Rien »
Reprendre la présentation de Camus et de la pièce.
Au milieu de l’acte I, ce texte appartient à l’exposition. Il continue la présentation des personnages et de l’action. La
tension est extrême ds l’appartement où un groupe de révolutionnaires se prépare à lancer une bombe sur le duc Serge
(événement historique) mais Camus se défend d’avoir écrit une pièce historique. Il participe au débat sur la fin et les
moyens qui intéresse le public de 1948 à peine sorti de la guerre.
Ce texte = 1ere rencontre de Kaliayev et Stepan.
→ Quel est l’intérêt dramatique de cet affrontement ?
I. Kaliayev : « le meurtrier délicat »
1. Le révolutionnaire idéaliste
Il a changé le code de reconnaissance « tu changes les signaux », il est poète « tu dis des vers ». Il est souriant et rit. Il
vient de demander à Annenkov, le chef du groupe de lancer la 1ere bombe. Il exprime son enthousiasme sans retenue.
Répétition de « Quel honneur! », interjection « oh ! ».Le terme « honneur »є vocabulaire du combattant. Il trouve le
« bonheur » ds l’action, envisage la révolution totale, il faut abattre tous les tyrans pas seulement le grand
duc « frapper plus haut ».
2. Le principe de l’équivalence des vies
Profession de foi : occurrences du verbe « aimer » ds « j’aime la vie »x2 « il faut nous aimer ». Il ne supporte pas de
tuer sans raison « tu ne le tueras pas seul et au nom de rien ».Il veut purifier son geste en offrant sa propre vie. Son
humanisme le pousse à un sacrifice expiatoire. Il a déjà proposé de se jeter sous les pieds des chevaux et envisage le
suicide en prenant pour modèle les nobles japonais et leur célèbre Harakiri(voir la note de l’édition Folioplus) « il
faudrait imiter les Japonais ». Annenkov ne comprend pas spontanément la référence « Que veux-tu dire ? » et ne
partage pas cette opinion. Stepan pense qu’avec de tellles idées « on s’admire ».
3. Un personnage sensible
Il passe de l’enthousiasme à l’exaltation puis à la colère qu’il maîtrise (didascalie : « se dominant », « avec un effort
visible ») avant d’éclater (« violemment). Il est ensuite blessé par le jugement de Stepan (« très pâle ») « il m’a
offensé ». Mais il ne veut pas avouer d’emblée à Dora qu’ils se sont disputés. Elle doit répéter sa question « Qu’y a-til ? ». Elle connait bien Yanek et lit sur son visage qu’il est troublé. Il ne cache pas ses émotions ce qui annonce son
cas de conscience plus tard au moment de lancer la bombe.
II. Stepan : le nihiliste
1. Tous les moyens sont bons
Il est entré ds l’action révolutionnaire pour échapper au désespoir. Nihil = rien en latin. Ses idées sont celles de
Bakounine. Il assume totalement le meurtre « je suis venu pour tuer un homme », rejette le suicide comme un acte
individualiste « il faut bp s’aimer » en contradiction avec la cause que défendent les révolutionnaires « un vrai
révolutionnaire ne peut pas s’aimer ». Au nom de la justice, il est prêt à toutes les violences. « Je n’aime pas la vie
mais la justice qui est au-dessus de la vie ».
2. Un homme traumatisé et agressif
Il a été 3 ans au bagne et a connu la torture (les coups de fouet). Cette expérience explique son attitude « J’ai été
justifié en une nuit et pour toujours » caractère radical de l’affirmation qui exclue toute évolution. Cette douleur en lui
est reconnue par Annenkov comme excuse à sa radicalité « Stepan a souffert »
Il assume aussi son attitude « Oui, je suis brutal ». Il attaque d’emblée Kaliayev qui ne comprend pas son agressivité
« Pourquoi m’offenses-tu ? ».
3. L’antithèse de Kaliayev
Il est froid et distant par rapport aux autres .Il ne partage pas son humanisme. « je n’aime pas la vie »≠ « j’aime la
vie » de K. Il se tient loin de tt sentiment. Insensible au charme de Dora, il se concentre sur la haine « la haine n’est
pas un jeu », « non pour l’aimer ». Il use de sentences « un vrai révolutionnaire… » « La justice qui est au dessus de la
vie » comme s’il récitait des slogans.
III. Un affrontement violent : élément dramatique majeur
1. Le duel verbal
Camus « J’ai essayé d’obtenir une tension dramatique par les moyens classiques, c'est-à-dire l’affrontement de
personnages égaux en force et en raison ».
Stepan = l’attaquant « un vrai révolutionnaire » dit implicitement que Kaliayev est un faux révolutionnaire, ce qui
constitue une insulte. Il est en concurrence avec K car il a demandé lui aussi à lancer la bombe et Annenkov le lui a
refusé. « Je n’aime pas ceux qui entrent ds la révolution parce qu’ils s’ennuient ». L’affirmation est très insultante
aussi et fait référence aux origines de Kaliayev, qui appartient à l’intelligentsia d’origine noble. La révolution serait
pour lui un passe temps amusant.
Kaliayev se défend fermement face à la violence verbale de Stepan « Qui t’a dit que je m’ennuyais ? » »Que fais tu
donc parmi nous ? »Il rappelle la règle qui différencie le meurtre de l’assassinat politique avec une répétition du verbe
« tuer » au futur comme une évidence « Tu ne le tueras pas seul ni au nom de rien, tu le tueras avec nous et au nom du
peuple russe »
2. Des sentiments forts et contrastés
Stepan est méprisant. Il ne s’approche pas au début « parlant au fond » puis lorsqu’il s’approche et regarde Kaliayev,
c’est pour dévoiler sans détours sa méfiance « Je n’ai pas confiance en toi ».Il refuse d’accepter que K soit différent et
détourne la réflexion de ce dernier sur la différence « il faut accepter que nous soyons tous différents » en l’appliquant
au grand duc, ce qui est particulièrement insultant adressé à un camarade révolutionnaire.
Kaliayev saisit bien la portée des attaques mais essaie d’être conciliant « tu ne me connais pas frère ». Pour lui
l’appellation « frère » prend tout son sens, il croit à la fraternité humaine une fois les tyrans écartés. « Il faut nous
aimer, si nous le pouvons »Il conçoit mal que Stepan puisse le détester « il m’a offensé ». De toute façon, il ne peut
pas accepter le nihilisme de Stepan et leur conceptions de l’action révolutionnaire sont inconciliables
3. Annenkov , chef et arbitre
Comme décideur, il a donné les ordres avec une série de verbes au futur « tu seras » « guetteront » « tu passeras »
« nous conviendrons » « attendrons » et il donne le résultat de l’action. « le grand duc » est sujet de la dernière phrase,
c’est le tyran qu’il faut abattre. Mais cette distribution des rôles enclenche la dispute entre Kaliayev et Stepan.
L’affrontement est sans issue, Annenkov doit le faire cesser. Il fait appel à la raison et les renvoie dos à dos « Etesvous devenus fous ? ». Il dénonce les dangers de la discorde, rappelle le but commun à tout le groupe « exécution des
tyrans » « libération du pays ». Il refuse d’entrer dans le débat idéologique « rien ne peut nous séparer » mais excuse
Stepan au nom de son expérience de la souffrance. Il sépare les deux hommes en revenant à l’aspect matériel de
l’action « nous devons convenir des signaux ». En tant que chef, il préfère dialoguer en particulier « je lui parlerai »
comme il le fera pour Voinov, lors de sa défaillance.
Conclusion : Ce texte présente le 1er véritable échange de la pièce. L’affrontement oppose 2 caractères, 2 conceptions
de la révolution, 2 philosophies de la vie. Le thème du débat est au cœur de la pièce et explique le titre Les Justes. Il
prépare d’autres scènes de désaccord à l’Acte II où Stepan persifle devant les hésitations de Yanek « Cela faisait trop
de monde je pense pour notre poète » et ne comprend pas le problème moral de la mort des enfants. A partir de l’Acte
III, l’intransigeance de Stepan s’atténue. A la fin, il est touché par le courage de Yanek devant la mort.
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