Documents complémentaires : Théâtre, politique et société.
TEXTE 1
La théorie du drame romantique,
Victor Hugo, Préface de Cromwell (1827)
Le texte de Victor Hugo, extrait de la Préface de Cromwell, est un texte incontournable pour définir de façon précise l’esthétique
de l’œuvre romantique. Dans cet extrait, Hugo n’énonce pas seulement les traits de l’œuvre romantique, il en distingue également les
origines : dans la nature de l’homme comme créature de dieu.
L’origine du drame, selon Victor Hugo, provient de la nature de l’homme d’après le dogme chrétien. Celui-ci est en effet divisé
selon «le christianisme» en une part périssable, charnelle et une autre part immortelle, éthérée. Le drame provient donc de l’association
de ces deux parts contraires, que Victor Hugo définit comme « ce contraste de tous les jours »
Le drame est, selon Hugo, de nature antithétique puisqu’il oppose deux dimensions a priori irréconciliables de l’homme sous
forme d’une « lutte [...] entre deux principes opposés qui sont toujours en présence dans la vie et qui se disputent l’homme depuis le
berceau jusqu’à la tombe ».
Le drame correspond à la nature humaine : il la traduit dans le domaine esthétique. À la part corporelle et périssable répond en
effet le goût du grotesque, tandis qu’à la part immortelle et spirituelle répond le goût du sublime.
La source principale de l’œuvre d’art est, selon l’auteur, la nature : « tout ce qui est dans la nature est dans l’art . C’est d’ailleurs
la nature humaine qui donne au drame son principe antithétique.
TEXTE 2
Le théâtre et la critique de la guerre
Jean Giraudoux, La guerre de Troie n’aura pas lieu (1935)
Dans La guerre de Troie n’aura pas lieu, Giraudoux propose en 1935 une lecture actualisée du mythe antique. Peu de temps
avant le déclenchement du conflit européen mondial, la pièce comporte, notamment dans son dénouement, une forme de mise en garde
du théâtre adressée au monde. La relecture du mythe se conjugue donc ici avec un propos d’actualité immédiate.
En 1935, Giraudoux, comme de nombreux intellectuels, semble s’apercevoir que la guerre approche. La guerre de Troie n’aura
pas lieu est une pièce qui entend donc offrir une vision théâtrale de l’actualité. or, pour cela, Giraudoux a choisi de représenter sur scène
un mythe guerrier : la guerre de Troie. Le choix de héros de l’Antiquité s’explique ainsi par celui d’avoir représenté un symbole de la
guerre, plutôt que la guerre elle-même. Cet extrait final de la pièce de Giraudoux est caractérisé, jusqu’au bout, par une issue incertaine.
Cinq retournements de situation ont successivement lieu, orchestrés par Oiax, par le javelot d’Hector, et surtout par Démokos.
Un dénouement tragique
Cet extrait final de la pièce de Giraudoux est caractérisé, jusqu’au bout, par une issue incertaine. En effet, l’issue semble plutôt
pacifique, jusqu’au comportement scandaleux d’Oiax , qui menace de se faire tuer par le javelot d’Hector, ce qui aurait pour conséquence
immédiate la guerre. Pourtant, Oiax se résigne et quitte la scène, laissant ouverte la possibilité d’une paix (« Hector, baisse
imperceptiblement son javelot »). Mais Démokos survient, dans le camp troyen et entonne le chant de guerre... qu’il n’a pas le temps de
prononcer puisqu’il est tué par le javelot d’Hector, qui se pose, à nouveau, en protecteur de la paix. C’est finalement la dénonciation
calomnieuse d’Oiax par un Démokos mourant qui fait basculer la scène dans la guerre : « Elle aura lieu », dit Hector, . Cinq
retournements de situation se succèdent donc avec une grande rapidité, ce que montrent les didascalies et notamment les locutions
adverbiales indiquant la simultanéité : « pendant que » , « À ce moment » ou encore l’importance des verbes conjugués au présent (par
exemple, « quelle est cette lâcheté ? Tu rends Hélène ? Troyens, aux armes ! on nous trahit... »).
Les jeux de scène semblent illustrer la dimension tragique de l’extrait. Le javelot d’Hector tout comme le rideau de scène sont
successivement baissés, puis se relèvent et finissent par commettre et accompagner l’irréparable. L’impression donnée est donc celle
d’une mécanique fatale, qui ne peut pas ignorer la provocation d’Oiax, puis celle de Démokos. Enfin, dans une dernière vision, le
spectateur voit Hélène embrassant Troïlus, ce qui montre l’absurdité de la guerre, mais également son caractère inévitable.
Cette scène oppose les analyses de ceux qui considèrent que la guerre va éclater et ceux qui pensent que la paix peut s’imposer.
Parmi les premiers, Cassandre , Démokos et Oiax considèrent que les rivalités sont trop exacerbées entre Grecs et Troyens. Cassandre est
ce personnage doué du don de divination, qui peut donc prédire les événements, Oiax manque de faire éclater la guerre par sa rudesse et
Démokos la déclenche. Hector, et Andromaque tentent au contraire de préserver la paix, considérant qu’il vaut mieux endurer les insultes
d’Oiax.
Une critique de la guerre
Andromaque et Hector, symbolisent ici le pacifisme, qui fait d’eux des personnages qui endurent les affronts (comme celui
d’Oiax). Le personnage d’Oiax leur est contraire en cela qu’il est intempérant (il est ivre et désire Andromaque).
Hector, veut s’empêcher de tuer Oiax car il sait que le meurtre d’un de ses ennemis entraînera immédiatement la guerre. il tue en
revanche Démokos, le poète troyen, par conséquent l’un des siens. Le dénouement est donc ici ironique puisque c’est en tuant le
belliciste qu’Hector, déclenche la guerre, alors qu’il pensait que sa mort permettrait de préserver la paix.
Le responsable de la guerre est le poète Démokos. il invoque la « lâcheté » d’Hector, et prône au contraire le combat, en
s’adressant aux Troyens sur un mode impératif : « on nous trahit... rassemblez-vous... Et votre chant de guerre est prêt ! Écoutez votre
chant de guerre ! ». À travers l’allusion à ce « chant de guerre », Giraudoux accuse les idéologues guerriers qui veulent déclencher les
hostilités entre peuples.