THEATRE 6 – LE XXe SIECLE

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THEATRE 6 – Le Théâtre du XXème siècle
LA CANTATRICE CHAUVE
L'histoire
Résumer la pièce est une chose
presque impossible tellement
l'absurde
est
omniprésent.
Toutefois, on peut dégager un
semblant d'histoire :
Les Smith, famille traditionnelle
londonienne,
reçoivent
les
Martin. Le capitaine des
pompiers leur rend visite. Celuici reconnaît en Mary, leur bonne,
une vieille amie.
Ce résumé ne retrace pas du tout
l'ambiance de la pièce dans
laquelle aucune intrigue n'est
présente.
Cette œuvre est une autopsie de
la société contemporaine par le
truchement de propos ridicules,
par leur banalité, que tiennent
deux couples au coin du feu.
Les caractéristiques de la pièce
Pièce absurde par excellence, il
est tout de même intéressant de
s'arrêter sur plusieurs points :
Les
relations
entre
les
personnages
peuvent
être
interprétées par la mise en scène,
et tour à tour, ce sera les femmes
qui seront complices ou encore
les Smith contre les Martin... À
aucun moment, il n'est possible
de dégager une relation stable
entre deux personnages. Même
la relation entre le pompier et la
bonne est ponctuée par un «
Lâchez-moi ».
Les phrases de la dernière scène
malgré
leur
apparente
déconnexion sont tout de même
reliées par certains traits sans
pour autant rendre cohérent le
passage.
L'humour qui, a priori, n'était
pas le but initial de l'auteur est
bien présent.
QUESTIONS
1. Quel est la première chose que
vous remarquez dans ce texte de
Ionesco ?
2. Observez le texte de Ionesco.
Sur quoi l’auteur invite-t-il le
spectateur à réfléchir ? Est-il
possible de retrouver une
cohérence dans le dialogue ?
3. En quoi la première de cou
-verture s’accorde-t-elle avec le
texte ?
PARLER POUR NE RIEN DIRE ou LA COMMUNICATION EN
QUESTION
1. La Cantatrice chauve
La Cantatrice chauve est la première pièce
de théâtre écrite par Eugène Ionesco. Mise
en scène par Nicolas Bataille, la première
eut lieu le 16 mai 1950 au Théâtre des
Noctambules, elle fut publiée pour la
première fois le 4 septembre 1952.
Depuis 1957, cette pièce est jouée en
permanence au théâtre de la Huchette. Avec
un nombre record de représentations, c'est
devenu l'une des pièces les plus jouées en
France. Par ailleurs, elle a reçu un Molière
d'honneur.
L'idée de la pièce est venue à Ionesco en
essayant d'apprendre l'anglais avec la
Méthode Assimil. Frappé par la teneur des
dialogues, à la fois très sobres et étranges, il
décide d'écrire une pièce absurde intitulée L'anglais sans peine. Ce n'est
qu'après un lapsus lors d'une répétition que le titre de la pièce est fixé.
Mme SMITH, M. SMITH
Mme SMITH – C’est triste pour elle d’être demeurée veuve si jeune.
M. SMITH – Heureusement qu’ils n’ont pas eu d’enfants.
Mme SMITH – Il ne leur manquait plus que cela ! Des enfants ! Pauvre
femme, qu’est-ce qu’elle en aurait fait !
M. SMITH – Elle est encore jeune. Elle peut très bien se remarier. Le
deuil lui va si bien.
Mme SMITH – mais qui prendra soin des enfants ? Tu sais bien qu’ils ont
un garçon et une fille. Comment s’appellent-ils ?
M. SMITH – Bobby et Bobby comme leurs parents. L’oncle de Bobby
Watson, le vieux Bobby Watson est riche et il aime le garçon. Il pourrait
très bien se charger de l’éducation de Bobby.
Mme SMITH – Ce serait naturel. Et la tante de Bobby Watson, la vieille
Bobby Watson, pourrait très bien, à son tour, se charger de l’éducation de
Bobby Watson, la fille de Bobby Watson. Comme ça, la maman de Bobby
Watson, Bobby, pourrait se remarier. Elle a quelqu’un en vue ?
M. SMITH – Oui, un cousin de Bobby Watson.
Mme SMITH – Qui ? Bobby Watson ?
M. SMITH – De quel Bobby Watson parles-tu ?
Mme SMITH – De Bobby Watson, le fils du vieux Bobby Watson, l’autre
oncle de Bobby Watson, le mort.
Eugène IONESCO, La Cantatrice chauve, 1948, scène I.
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THEATRE 6 – Le Théâtre du XXème siècle
SOUS LE MYTHE, LES RESSORTS DU TRAGIQUE
2. La Machine infernale
D’une activité débordante, extrêmement brillant, Jean Cocteau (1889 – 1963) a
touché à tous les domaines : poésie, théâtre, roman, critique, dessin, décoration,
cinéma. Il collabora avec Picasso.
Le mythe d’Œdipe, une des légendes les plus célèbres de la mythologie grecque,
a inspiré à Sophocle, auteur grec du Vème siècle avant Jésus Christ, la tragédie
d’Œdipe Roi où la pitié se mêle à la terreur. Comment ne pas être bouleversé par
la destinée d’un homme qui sans le savoir commet les plus grands crimes, le
parricide et l’inceste ?
LA VOIX
QUESTIONS
« Il tuera son père et épousera sa mère. »
1. Repérez quel est le temps de
ce récit. Quelle valeur lui
attribuez-vous ?
2. Observez la longueur des
phrases. Qu’apporte ce rythme
au sens du texte ?
3. Quelle est, face au malheur de
l’homme, l’attitude des dieux
évoquée par Cocteau dans les
deux derniers paragraphes ?
Pour déjouer cet oracle d’Apollon, Jocaste, reine de Thèbes, abandonne son fils,
les pieds troués et liés, sur la montagne. Un berger de Corinthe trouve le
nourrisson et le porte à Polybe. Polybe et Mérope, roi et reine de Corinthe, se
lamentaient d’une couche stérile. L’enfant, respecté des ours et des loups, Œdipe
ou Pieds Percés, leur tombe du ciel. Ils l’adoptent.
Jeune homme, Œdipe interroge l’oracle de Delphes.
Le dieu parle : Tu assassineras ton père et tu épouseras ta mère.
Donc il faut fuir Polybe et Mérope. La crainte du parricide et de l’inceste le jette
vers son destin.
Un soir de voyage, au carrefour où les chemins de Delphes et de Daulie se
croisent, il rencontre une escorte. Un cheval le bouscule ; une dispute éclate ; un
domestique le menace ; il riposte par un coup de bâton. Le coup se trompe
d’adresse et assomme le maitre. Ce vieillard mort est Laïus, roi de Thèbes. Et
voici le parricide.
L’escorte craignant une embuscade a pris le large. Œdipe ne se doute de rien ; il
passe. Au reste, il est jeune, enthousiaste ; il a vite oublié cet accident.
Pendant une de ses haltes, on lui raconte le fléau du Sphinx. Le Sphinx, « la jeune
fille ailée », « la chienne qui chante », décime la jeunesse de Thèbes. Ce monstre
pose une devinette et tue ceux quine la devine pas. La reine Jocaste, veuve de
Laïus, offre sa main et sa couronne au vainqueur du Sphinx.
Comme s’élancera le jeune Siegfried, Œdipe se hâte. La curiosité, l’ambition le
dévorent. La rencontre a lieu. De quelle nature cette rencontre ? Mystère.
Toujours est-il que le jeune Œdipe entre à Thèbes en vainqueur et qu’il épouse la
reine.
Et voilà l’inceste.
Et pour que les dieux s’amusent beaucoup, il importe que leur victime tombe de
haut. Des années s’écoulent, prospères. Deux filles, deux fils compliquent les
noces monstrueuses. Le peuple aime son roi. Mais la peste éclate. Les dieux
accusent un criminel anonyme d’infecter le pays et ils exigent qu’on le chasse. De
recherche en recherche et comme enivré de malheur, Œdipe arrive au pied du
mur. Le piège se ferme. Lumière est faite. Avec son écharpe rouge, Jocaste se
pend. Avec la broche d’or de la femme pendue, Œdipe se crève les yeux.
Regarde, spectateur, remontée à bloc, de telle sorte que le ressort se déroule avec
lenteur tout au long d’une vie humaine, une des plus parfaites machines
construites par les dieux infernaux pour l’anéantissement mathématique d’un
mortel.
Jean COCTEAU, La Machine infernale, 1933
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THEATRE 6 – Le Théâtre du XXème siècle
LE DEBAT D’IDEES EN SCENE
3. Les Justes
Albert Camus (1913 – 1960), auteur d’essais philosophiques, de romans et de pièces de théâtre, a marque la pensée de
la seconde moitié du XXe siècle. Penseur athée, Camus est hanté par la question de la mort et par celle du sens que
l’homme peut donner à sa vie dans un monde sans Dieu.
En février 1905 à Moscou, un groupe de terroristes organisait un attentat à la bombe contre le grand-duc Serge, oncle
du Tsar. Cet attentat fait le sujet des Justes. Tous les personnages ont réellement existé affirme Camus dans la préface
de sa pièce.
KALIAYEV, DORA, ANNENKOV, STEPAN
QUESTIONS
Entre Kaliayev, le visage couvert de larmes.
1. Comment Kaliayev expliquet-il ce qui s’est passé ?
2. Etudiez le ton de la dernière
réplique de Stepan. Pensez-vous
que s’il avait été à la place de
Kaliayev, il aurait lancé la
bombe ?
3. Quel est le problème que pose
Camus avec Les Justes ?
KALIAYEV, dans l’égarement. – Frères, pardonnez-moi. Je n’ai pas pu.
Dora va vers lui et lui prend la main.
DORA – Ce n’est rien.
ANNENKOV – Que s’est-il passé ?
DORA, à Kaliayev – Ce n’est rien. Quelquefois, au dernier moment, tout
s’écroule.
ANNENKOV – Mais ce n’est pas possible.
DORA – Laisse-le. Tu n’es pas le seul, Yanek. Schweitzer, non plus, la première
fois, n’a pas pu.
ANNENKOV – Yanek, tu as eu peur ?
KALIAYEV, sursautant. – Peur, non. Tu n’as pas le droit !
On frappe le signal convenu. […] Entre Stepan.
ANNENKOV – Alors ?
STEPAN – Il y avait des enfants dans la calèche du grand-duc.
ANNENKOV – Des enfants ?
STEPAN – Oui. Le neveu et la nièce du grand-duc.
ANNENKOV – Le grand-duc devait être seul, selon Orlov ;
STEPAN – Il y avait aussi la grande-duchesse. Cela faisait trop de monde, je
suppose, pour notre poète. Par bonheur, les mouchards 1 n’ont rien vu.
Annenkov parle à voix basse à Stepan. Tous regardent Kaliayev qui lève les yeux
vers Stepan.
KALIAYEV, égaré – Je ne pouvais pas prévoir… Des enfants, des enfants
surtout. As-tu regardé des enfants ? ce regard grave qu’ils ont parfois…. Je n’ai
jamais pu soutenir ce regard… Une seconde auparavant pourtant, dans l’ombre,
au coin de la petite place, j’étais heureux. Quand les lanternes de la calèche ont
commencé à briller au loin, mon cœur s’est mis à battre de joie, je te le jure. Il
battait de plus en plus fort à mesure que le roulement de la calèche grandissait. Il
faisait tant de bruit en moi. J’avais envie de bondir. Je crois que je riais. Et je
disais « oui, oui »… Tu comprends ?
Il quitte Stepan du regard et reprend son attitude affaissée.
J’ai couru vers elle. C’est à ce moment que je les ai vus. Ils ne riaient pas, eux. Ils
se tenaient tout droits et regardaient dans le vide. Comme ils avaient l’air triste !
Perdus dans leurs habits de parade, les mains sur les cuisses, le buste raide de
chaque côté de la portière ! Je n’ai pas vu la grande-duchesse. Je n’ai vu qu’eux.
S’ils m’avaient regardé, je crois que j’aurais lancé la bombe. Pour éteindre au
moins ce regard triste. Mais ils regardaient toujours devant eux.
Il lève les yeux vers les autres. Silence. Plus bas encore..
Alors, je ne sais pas ce qui s’est passé. Mon bras est devenu faible. Mes jambes
tremblaient. Une seconde après, il était trop tard. […]
Albert CAMUS, Les Justes, 1949, acte II
1
Mouchards : il s’agit d’indicateurs de la police.
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