L'étude des réseaux trophiques sur la base de groupes fonctionnels a permis d’avancer
considérablement dans la compréhension du fonctionnement des milieux aquatiques en permettant
d’intégrer le rôle de la taille et de l’omnivorie au sein des communautés planctoniques et piscicoles.
Cependant, ces études réalisées sur des réseaux fonctionnels très simplifiés sont rapidement limitées
par la complexité des interactions trophiques en jeu, la richesse en espèces et la grande importance
de l’omnivorie dans un grand nombre d’écosystèmes naturels. Dans ce cas, la séparation des
espèces trophiques présentes en un faible nombre de groupes fonctionnels est susceptible de ne
restituer que très imparfaitement la complexité des interactions au sein des peuplements.
Une démarche alternative est de prendre en compte l'ensemble des espèces à travers une analyse
topologique des réseaux basée sur l’existence ou non d’une relation mangeur - mangé entre les
taxons pris deux à deux. Une telle démarche permet de dégager certaines caractéristiques
structurales, comme la connectance, le degré d’omnivorie, la longueur des chaînes trophiques, ou la
« compartimentalisation » des réseaux trophiques. Une limite claire de cette approche est liée à son
caractère dichotomique. Lorsqu’ils existent, tous les liens trophiques sont considérés comme
équivalents. Or, les réseaux trophiques réels sont caractérisés par un grand nombre d’interactions
faibles et un faible nombre d’interactions fortes. Une alternative pourrait donc être de donner une
probabilité d’occurrence ou un poids (nombre continu entre 0 ou 1) au lien trophique potentiel entre
2 espèces quelconques d’un réseau trophique.
L’objectif du stage de Master proposé est de mettre en place les bases expérimentales d’une
telle approche en milieux aquatiques. L’accent pourra être mis sur : (1) le rôle de la taille relative
des organismes prédateurs et de leurs proies, (2) le comportement des prédateurs. Ainsi, on pourra
comparer l’importance de certains modes de prédation caractéristiques (par exemple, « sit and
wait » ou chasse à vue versus « active foraging » ou filtration peu sélective) sur la probabilité de
consommation en fonction du rapport de taille [proie : prédateur]. L’utilisation des traits
fonctionnels des espèces et de la taille relative [proie : prédateur] pourrait permettre de s’affranchir
partiellement de la taxonomie des organismes. L’étudiant(e) profitera du cadre expérimental général
fourni par des expériences à long terme actuellement en cours sur le rôle des poissons dans
l’organisation générale des communautés (lac de Créteil, banlieue parisienne). En parallèle, le
stagiaire initiera la construction des réseaux trophiques associés aux systèmes expérimentaux sur
une base dichotomique ou pondérée. Il existe un programme d'analyse topologique des réseaux,
créé par Stéphane Legendre au sein de l'UMR 7625. Ce logiciel permet d’étudier des réseaux
trophiques existants ou construits par l’utilisateur selon certains critères. Les réseaux sont
représentés par des graphes auxquels s’appliquent divers algorithmes de la théorie des graphes
(composantes connexes, distribution des degrés des sommets, longueurs des chemins). La matrice
du graphe peut être de type présence/absence, mais aussi contenir des valeurs quantifiant les
interactions, ce qui ouvre la porte à d‘autres algorithmes (recherche de flot maximum, par exemple).
L’étudiant(e) pourra s’il le désire intégrer des procédures à ce programme. Nous pourrons ainsi
analyser quels sont les paramètres topologiques ou structuraux qui différencient les systèmes
expérimentaux. Les positions trophiques déterminées à travers l’analyse des matrices de réseaux en
0 ou 1 (organisme mangé ou non mangé) pourront être comparées à celles déduites des matrices
« quantitatives ou probabilistes » et celles, expérimentales, déduites de l’analyse des isotopes
stables au sein des organismes (analyses isotopiques réalisées par ailleurs).
Pour les stages de M2
Ce stage peut-il se poursuivre par une thèse : OUI