Annexe 1
Une première naissance après sélection génétique
Un bébé sélectionné génétiquement, afin d'être exempt d'une maladie incurable et héréditaire,
est né dans la nuit de dimanche, à lundi à l'hôpital Antoine-Béclère de Clamart.
Cette première médicale pour la France marque l'application du diagnostic pré-implantatoire
(DPI), une méthode d'analyse génétique permettant la sélection d'embryons en laboratoire
pour ne garder que les enfants sains, depuis des années accessibles dans d'autres pays.
Cette technique constitue un espoir pour les couples risquant de transmettre des maladies
génétiques à leur enfant, comme la mucoviscidose ou les myopathies, mais fait redouter à
certains une dérive eugénique, une dangereuse sélection de l'espèce humaine.
« L enfant né lundi prématuré de six semaines, va bien », a indiqué hier le Pr René Frydman,
chef du service de gynéco-obstétrique de l'établissement. « Valentin est indemne d'une
maladie enzymatique grave, dénommée déficit en ornithine carbamyl transférase. »
Le couple avait déjà eu trois enfants atteints de ce « déficit enzymatique hépatique, rare et
mortel », pouvant notamment provoquer un coma néo-natal.
Trois centres en France (Paris, Montpellier, Strasbourg) sont autorisés à pratiquer le DPI.
Auparavant les parents résidant sur le territoire français n'avaient comme solution que de se
rendre dans d'autres pays pour y avoir accès, par exemple à Bruxelles ou l'on dénombre déjà
une soixantaine de naissances après DPI.
La naissance de Valentin est le fruit de la collaboration entre les équipes de l'hôpital Antoine-
Béclère et de l’hôpital Necker, à Paris, avec le Pr Michel Veckemans (service de
cytogénétique) et le Pr Arnold Munnich (unité de recherche INSERM en génétique médicale).
Ces spécialistes ont ainsi obtenu avant l'été 2000 huit grossesses, dont cinq en cours, après
avoir pris en charge 21 couples ayant un risque prouvé de transmettre une maladie génétique
grave.
Le DPI est une alternative au diagnostic prénatal qui implique une longue attente et parfois un
avortement pénible et différé lorsque le fœtus est atteint, rappellent ces spécialistes.
« Une trentaine de maladies génétiques ont été diagnostiquées dans le monde par cette
méthode du DPI », note le Pr Frydman. De surcroît, le diagnostic du sexe de l'embryon
permet d'écarter 200 maladies.
Les trois centres travaillent ensemble pour se répartir les diagnostics à faire selon les
maladies.
« Cette avancée médicale ouvre de nouvelles perspectives pour les couples à risques. Les
parents étant susceptibles de mettre au monde un enfant développant une maladie
particulièrement grave et incurable au moment du diagnostic pourront maintenant faire appel
à cette technique comme le prévoit la loi bioéthique de 1994 », a commenté le ministre de la
Recherche, Roger-Gérard Schwartzenberg.
La Grande-Bretagne pratique depuis une dizaine d'années le DPI, selon le Pr Nisand de
Strasbourg, qui admet un retard français dans ce domaine. En France, les premières
autorisations ne sont intervenues qu'en 1999. « La loi française limite la possibilité à un seul
diagnostic, celui de la maladie qui touche le couple demandeur », souligne-t-il.
En revanche, la législation est plus souple dans d'autres pays comme la Belgique, où plusieurs
diagnostics sont autorisés, par exemple une myopathie dont souffre la famille, plus une
détection de mongolisme. A l'extrême, « aux Etats-Unis, plus on paye, plus 1a batterie de
dépistage des maladies génétiques est importante », poursuit le Pr Nisand. Un tri d'embryons
qui va trop loin à son goût et fait craindre des dérives.
La Voix du Nord, 16 novembre 2000