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Courteline sont encore souvent données. L’opérette occupe aussi une bonne place parmi les spectacles
proposés. La comédie populaire et légère, souvent grivoise, domine sur les scènes parisiennes.
Des pièces naturalistes, inspirées des thèses de Zola : elles ont pour but de reproduire la nature
humaine, au plus près de sa vérité scientifique. Le metteur en scène André Antoine, fondateur du théâtre
du Théâtre-Libre en 1887, fait école pour chercher les « détails vrais », dans le cadre d’une « dramaturgie
expérimentale » qui reproduit « une tranche de vie ». Henry Becque est l’auteur le plus représentatif et le
plus représenté de cette tendance.
Des pièces symbolistes : elles fuient le réalisme et les péripéties de l’intrigue caractéristiques du
théâtre naturaliste. Elles se veulent intemporelles, mettant à nu des vérités éternelles et des êtres
tourmentés, en quête de grands idéaux. Le refus du réalisme débouche sur une mise en scène suggestive et
un jeu désincarné dont Lugné-Poé et le Théâtre de l’Œuvre sont les représentants. Maeterlinck et Claudel
sont les auteurs emblématiques de ce courant.
Pour mémoire, précisons également que la pièce Les Mamelles de Tirésias a été donnée pour la
première fois le 24 juin 1917, au théâtre Maubel, rue de l’Orient à Montmartre. La représentation
constitue le point d’orgue d’une série de manifestations (conférences, débats, matinées littéraires et
musicales) organisées, depuis Noël 1916, par la revue SIC
de Pierre Albert-Birot
. À l’affiche, les noms
de Serge Férat (décors et costumes), Germaine Albert-Birot (Musique
) ; Louise Marion, Jean Thillois
(Marcel Herrand à la ville), Yéta Daesslé, Juliette Norville, Howard. Edmond Vallée joue le rôle du
directeur de la troupe. Max Jacob est l’un des quatre comédiens
du chœur. La Première fait date dans
l’histoire du théâtre : à la fois hostile et favorable, le public est avant tout surpris et décontenancé.
Certaines copies ont très finement exploité le contexte historique et littéraire que l’on ne pouvait
globalement ignorer. Citant des passages de Poèmes à Lou, de Calligrammes ou d’Alcools, plusieurs
candidats ont judicieusement utilisé leur connaissance de la poésie de Guillaume Apollinaire, « poète de
la modernité » et précurseur du surréalisme. D’autres n’ont pas hésité à prendre appui sur la peinture
simultanéiste ou cubiste pour mieux étayer leur démonstration. Les meilleures copies sont bien celles
dont les auteurs, nourris de littérature, de peinture et de musique, possèdent un bagage culturel
solide et suffisamment large pour tisser des liens et donner à leur lecture une hauteur et une richesse
qui forcent parfois l’admiration. Insolite, le texte n’en était pas moins exigeant. Il a donc révélé des
lacunes inquiétantes dans les savoirs littéraires et la culture générale de nombreux candidats.
Les années passant, rares sont les copies qui ne comportent aucun appui sur le texte. Mais
beaucoup rencontrent des écueils récurrents d’année en année. C’est tout d’abord, n’ayons pas peur des
mots, celui de la paraphrase. Au lieu de l’analyser et de l’interpréter, les candidats glosent le texte. Ils le
reproduisent et le recomposent par juxtaposition de citations. Ils produisent ainsi une logorrhée verbale et
verbeuse dont le sens n’émerge pas. Peut-être parce que beaucoup de candidats ont eu du mal à se saisir
du texte, de nombreuses copies présentaient cette année ce défaut. A contrario, certains candidats se
livrent à une analyse minutieuse certes, mais tellement fragmentée et techniciste que le sens ne jaillit pas
davantage de leur commentaire. Leurs propos finissent par devenir gratuits.
Pour compléter un tableau que d’aucuns jugeront assez noir, il nous faut signaler une expression
trop souvent défaillante. Orthographe, syntaxe, incorrections, impropriétés, imprécision du vocabulaire
littéraire, barbarismes, etc. Nous ne nous livrerons pas ici à un relevé désobligeant, mais nous attirons
l’attention des candidats sur le soin qu’ils doivent apporter à la langue. Le manque de temps pour la
relecture ne saurait tout expliquer. Il en est de même pour la présentation des copies. Soucieux sans
doute de faire réaliser des économies au Ministère qui leur fournit le papier, certains candidats écrivent,
en pattes de mouche, sur toutes les lignes des petits carreaux qui leur servent de guide. Le résultat est
illisible ! On peut aussi recommander d’éviter les stylos qui bavent et autres feutres épais dont l’encre
Sons, Idées, Couleurs
Pierre Albert-Birot (1876-1967) : écrivain, dramaturge et poète français, fondateur de la revue SIC.
Il s’agissait d’une musique d’orchestre. La plupart des musiciens étant à la guerre, elle fut jouée au piano par Niny Guyard.
À l’exception de Louise Marion, tous les comédiens sont débutants ou amateurs. Apollinaire honore chacun d’eux d’un
poème, paru dans SIC le 18 juin 1917 sous le titre « Six Poèmes » et repris dans la préface de la pièce.