la geometrie sans cercle dans la formation de la pensee geometrique

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LA GEOMETRIE SANS CERCLE DANS LA FORMATION DE LA PENSEE
GEOMETRIQUE
A l’origine j’ai eu l’idée de travailler dans des constructions géométriques à l’aide du bord de la
règle et du compas à pointes sèches. Puis j’expérimentée ceci dans la formation des professeurs et j’ai vu
que ceci est très intéressant pour l’investissement des propriétés géométriques. Je vous propose un extrait
des activités riches pour la formation initiale et continuée des enseignants de mathématiques.
IUFM de Basse-Normandie, IREM de Basse-Normandie, Université de Caen, France
[email protected]
Niveau éducatif: formation des professeurs et licence de mathématiques.
Introduction
Il est intéressant en didactique de la géométrie de proposer des constructions où on interdit certains instruments.
Une idée m’est venue de n’utiliser que le bord de la règle et la possibilité de « transporter » la longueur d’un
segment à l’aide du compas à pointes sèches. Peut être que le fait d’avoir vu mon père qui se servait beaucoup de
ce compas dans son banc de menuisier amateur et qui m’a appris à m’en servir pour résoudre plein de problèmes
dits « pratiques » que l’idée m’est venue. Ceci conduit très vite à sortir des constructions classiques de la
géométrie euclidienne à la règle et au compas, car le tracé d’un cercle effectif est impossible avec les compas à
pointes sèches. C’est ainsi que des questions de constructibilité se posent. Cette géométrie à suscité l’intérêt de
nos collègues, en particulier Danielle Salles Le-Gac et Eric Lemman qui ont contribué à enrichir la gamme des
constructions possibles et qui travaillent aussi sur des problèmes de constructibilité.
Construction de la bissectrice d’un angle
La construction de la bissectrice d’un angle est fondamentale car elle permet de trouver des
droites parallèles et des droites perpendiculaires.
Il s’agit de tracer quatre segments [OA] ;[AB] ; [OA’] ; [A’B’] tous isométriques, à l’aide du
compas à pointes sèches. Ensuite on trace les segments [AB’] et [BA’] qui se coupent en I
Finalement la droite (OI) est la bissectrice cherchée.
Notons au passage que les droites (AA’) et (BB’) sont parallèles et que ces droites sont
perpendiculaires à la droite bissectrice (OI)
Commentaire : j’ai posé ce « problème de la bissectrice » à des étudiants ayant fait la licence
de mathématiques et à des professeurs et la solution n’est pas trouvée immédiatement. Ceci
nous renseigne sur la possibilité de mettre en situation de recherche les formés avec des
problèmes de construction issus de cette géométrie.
Un autre aspect est le niveau de justification de la solution trouvée. Là aussi c’est un terrain
fertile pour échanger à propos de la notion de « niveau de justification ». S’agit-il de le faire à
la manière d’Euclide ?
A dire prouver tout ce que l’on voit par l’utilisation des propriétés connues de la géométrie.
Par exemple faut-il prouver que le point I existe toujours ?
Construction d’un angle droit de sommet donné A
Etant donnée un point A on veut construire un angle droite ayant pour sommet ce point A.
Solution 1
Pour cela on utilise une des conditions suffisantes pour qu’un quadrilatère soit un rectangle.
« Si un quadrilatère a ses diagonales de même longueur et de même point milieu, alors c’est
un rectangle »
Dans cette solution l’image mentale qui est à la base de la construction est le rectangle
Solution 2
Pour cela on utilise la propriété : « l’angle qui a pour sommet un point quelconque A d’un
demi-cercle, autre que les points extrémités du diamètre [BC], et pour côtés les demi-droites
[AB) et [AC) est toujours un angle droit »
Bien que ce soit une propriété du demi-cercle, on peut effectuer la construction sans tracer de
demi-cercle. Pour cela il suffit de tracer un segment quelconque [AO]. Par la suite une droite
quelconque passant par O. Puis deux points B et C sur cette droites tels que AO=OB=OC
Une autre image mentale que peut être utilisée ici est celle de la propriété : « si la médiane
[AO] d’un triangle ABC est telle que AO est la moitié de la longueur du côté opposé à A,
alors le triangle est rectangle en A ».
Construction d’une perpendiculaire à une droite donnée
Etant donnée une droite (d) on se propose de construire une perpendiculaire (p)
On utilise pour cela le fait que les trois hauteurs d’un triangle sont concourantes dans un point
H. C’est ainsi que on trace O et B sur la droite (d) tels que AO=OB
Ensuite on trace un segment quelconque [ON] tel que ON=OA De même un point M tel que
OM=OA. Les angles en M et en N sont droits. On trace les droites (AM) et (BN) qui se
coupent dans un point C Alors les droites (BM) et (AN) sont hauteurs du triangle ABC. Ces
deux hauteurs se coupent en H Alors la droite (CH) est la troisième hauteur du triangle ABC
et elle est perpendiculaire à la droite (d) donnée.
Commentaire : nous avons proposé ce problème de construction formation initiale et continue
et d’une part les stagiaires professeurs ou professeurs expérimentés sont très vite placés en
situation de recherche et ils prennent parfois des figures particulières. En revanche ils ont
trouvé d’autres constructions valides pour ce problème. D’autre part une autre solution qui
utilise les bissectrices et le triangle isocèle, est proposée, dans l’ouvrage « Du dessin perçu à
la figure construite » éditions Ellipses, août 2005, par Ruben Rodriguez Herrera et Danielle
Salles le-Gac
Construction d’une parallèle (d’) à une droite (d) donnée, passant par un point M
donné.
On utilise le théorème de Thalès ou la propriété de la parallèle moyenne dans un triangle
On trace une droite auxiliaire passant par M et sécante à (d) en A
On trace sur cette auxiliaire deux points A’ et C tels que A’A=AM=MC
On trace une autre auxiliaire passant par M et sécante en B à (d)
On trace un point M’ tel que B soit le milieu de [MM’]
On trace un point B’ sur (d) tel que AB=BB’
On trace les droites (B’C) et (A’M’) qui se coupent en D
On trace le point D’ sur la droite (CD) tel que B’D’=B’D
Alors la droite (D’M) est la parallèle à (d) passant par M
Commentaire : nous avons présenté une autre construction dans l’ouvrage cité plus haut.
Construction d’une perpendiculaire à une droite (d) passant par un point M donné.
Nous avons ici pour la première fois à utiliser le caractère constructif, à la manière des « Les
Eléments d’Euclide » de la suite des constructions de cette géométrie.
En effet, on peut raisonner ainsi :
D’abord on trace un perpendiculaire quelconque (p’) à la droite (d) et ensuite une parallèle à
(p’) passant par le point M
Ces deux constructions étant résolues précédemment, elles sont donc possibles dans cette
géométrie. C’est ainsi que la suite de deux constructions permet de résoudre cette nouvelle
construction.
Construction d’un segment ayant pour mesure 1/n par rapport à un segment donnée.
Soit un segment donnée [AB] on veut construire un segment [AC] tel que AC = (1/n) AB ou
bien que nAC=AB
On trace une demi-droite auxiliaire d’origine A et sur cette demi-droite une suite des
segments de même longueur à partir de A. On a pris ici n=5 Ensuite on rejoint le dernier point
A5, de la suite des extrêmes des segments avec le point B par une droite. Ensuite on trace des
parallèles à cette dernière droite par les points A1, A2, A3, A4 qui coupent la droite (AB) en
B1, B2, B3, B4 Alors les segments [AA1], [A1,A2]… etc. sont tous de même longueur égale
à (1/n)AB La propriété qui valide cette construction est le théorème de Thalès.
Remarque cette construction peut servir pour trouver le milieu d’un segment, dans le cas où
n=2
Construction de la médiatrice d’un segment donné [AB]
On utilise ici la propriété que la médiatrice d’un segment est droite perpendiculaire à celui-ci
dans son milieu I. Comme on sait déjà construire le milieu et la perpendiculaire on sera alors
capable de construire la médiatrice de [|AB]
Construction d’un segment de longueur le produit ab avec a et b les mesures des
segments constructibles dans notre géométrie.
On utilise la propriété de Thalès pour justifier que x = ab
Construction d’un segment de longueur 1/a avec a la longueur d’un segment
constructible.
La justification utilise toujours le théorème de Thalès
Construction d’un segment de longueur n avec n un entier naturel
Par exemple ici on construit un segment de longueur 3
Pour cela on utilise la propriété de Pythagore dans les triangles rectangles
On construit un premier triangle rectangle ayant les côtés de l’angle droit de mesure 1, alors
l‘hypoténuse mesure 2 et par la suite un nouveau triangle rectangle ayant pour mesures des
côtés de l’angle droit 2 et 1 , alors l’hypoténuse mesure 3 , et ainsi de suite . On peut alors
de proche en proche construire un segment de mesure n
Commentaire : la construction de cette suite donne la fameuse spirale de Théodore de Cyrène
qui avait été tracé par lui jusqu’à 17.
Constructibilité dans cette géométrie
Comme on le voit dans cette géométrie on peut construire à partir d’un segment donnée choisi
comme unité les segments de longueur :
m un nombre entier
1/m avec m nombre entier
p/q avec p et q nombres entiers, et q différent de 0
m avec m nombre entier positif
P/q avec p/q nombre rationnel positif
Les nombres que j’appelé les « polyradicaux » de la forme combinaison linéaire des racinés
carrés d’entiers positifs avec des coefficients rationnels. Par exemple :
(3/2) 2 + (-4/7) 3 + (5/6) 5 En effet en partant des nombres entiers on peut par ma
construction des inverses multiplicatifs, des produits, des racines carrés d’entiers naturels, des
sommes, des opposées, construire tout « polyradicaux » donnée.
Dans cette géométrie tout problème de construction sera étudié en particulier
Voici quelques uns :
Construction d’un triangle équilatéral de coté donné par un segment constructible de
mesure a
Il sera toujours constructible car il suffit de tracer un segment [AB] de longueur a. Ensuite
tracer son milieu I. Après la perpendiculaire à (AB) passant par I. Puis dans une construction
annexe un segment [IC], sur cette perpendiculaire de longueur (1/2) 3. Et finalement le
triangle ABC qui vérifie AB=BC=AC =a
Dans la figure que nous vous présentons les perpendiculaires ont été données directement
pour alléger la figure.
Construction de certaines racines carrées. Exemple (2+2)
Dans ce cas nous savons qu’on peut construire un triangle EDF rectangle en D tel que
ED=(1/2)2 , FD=1+(1/2) 2
Alors EF² = 2/4 + 1² + 2/4 + 2x(1)x(1/2) 2 = 2 + 2
Et EF aura la mesure (2+2)
Par contre on démontre qu’il est impossible à construire dans cette géométrie un segment de
longueur (1+2)
Une formule du cosinus en fonction des longueurs a, b et c d’un triangle constructible
donné ABC
Comme on le voit dans cette géométrie on est vite confronté à des problèmes de
constructibilité. Ceci m’a conduit à m’intéresser au problème de l’obtention du cosinus d’un
angle afin de l’utiliser pour construire des triangles à partir des trois mesures de ses côtés.
L’idée a été de partir de la formule de Héron de l’aire d’un triangle en fonction du demi
périmètre p.
Soit par exemple l’angle aigu du sommet B du triangle ABC
L’aire du triangle vaut :
Selon la formule de Héron :
Cette aire divisée par a nous donne la hauteur AH
C'est-à-dire AH = S/a et alors le cosinus est :
Cos B = S/ac
Ici on obtient aussi BH par (c² - AH²)
Ceci nous permet de justifier certaines constructions des triangles
Construction d’un triangle dont les mesures données sont trois nombres rationnels a,b,c
Sans perte de généralité on peut convenir que a>b>c pour se référer à la figure précédente.
Alors dans ce cas le nombre p(p-a)(p-b)(p-c) est un nombre rationnel, représenté par exemple
par une fraction irréductible p/q. Et p , q sont constructible ainsi que leur quotient.
On peut alors le diviser par a et ainsi calculer AH et puis par la suite à l’aide d’un triangle
rectangle construire un segment de longueur BH
Alors la construction devient possible car on trace une perpendiculaire à (BC) par le point H
et ensuite sur celle-ci on trace un segment de longueur HC à partir de H
On rejoint les points A, C, et pour finir le triangle ABC
Conclusion
Dans cet article je vous présente un simple aperçu des possibilités de cette géométrie. Elle a
démontré son efficacité dans la formation de professeurs de mathématiques où je constaté que
les professeurs sont déstabilisés car ils n’ont pas l’habitude de s’interdire l’utilisation du
compas. Cette déstabilisation les replace à l’époque où ils étaient élèves. C’est alors que
l’analyse épistémologique de la démarche de résolution de problèmes de construction en
géométrie devient plus facile par un échange collectif de l’historique de chaque recherche
personnelle.
D’autre part en ce qui concerne la résolution de problèmes en géométrie, on trouve ici un
grand nombre de questions qui font intervenir des propriétés algébrique et géométriques. Par
exemple, à partir du cosinus extrait de la formule d'Al Kashi on peut retrouver une identité
algébrique en identifiant à la formule trouvée plus haut. L’algèbre prends plus de sens car il
s’agit de vérifier l’identité de deux formules du cosinus.
Nous avons dans ce court exposé, donné une petite partie des nos travaux réalisés dans cette
géométrie sans cercle. Vous pouvez trouver d’autres questions dans l’ouvrage « Du Dessin
Perçu à la Figure Construite », chez Ellipses Août 2005, Ruben Rodriguez Herrera, avec la
collaboration de Danielle Salles Le Gac.
Ruben Rodriguez Herrera
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