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Le Programme présidentiel de Praxis
«Vous qui cherchez des festins gratuits / Et qui, les jours travaillés comme les dimanches,
N’avez pas beaucoup d’argent, / Afin que chacun d’entre vous entende
Comment on peut s’en procurer, / Veuillez-vous retrouver
Autour du sermon qui est écrit dans ce livre. / Mettez-vous tous en peine de le lire […]»
François Villon
«Si l'on veut faire bouger cette société bloquée qu'est devenue la société française, il faut
absolument secouer le carcan que fait peser sur elle la passion de commandement, de
contrôle et de logique simpliste qui anime les grands commis, les patrons, les techniciens et
mandarins divers qui nous gouvernent, tous trop brillants, trop compétents et trop également
dépassés par les exigences de développement économique et social...
Pour que la participation soit possible et efficace, il faut que les organisations passent d'un
modèle rigide bureaucratique contraignant à un modèle plus souple et plus tolérant fondé sur
la mobilité, la concurrence et la négociation.»
Michel Crozier - La Société bloquée (1971)
Auteurs :
New York, le
www.clubpraxis.com
@ClubPraxis
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Introduction
« Trop développé dans ses détails et trop peu philosophique dans son ensemble. »
C’est par ces mots que l'Assemblée constituante rejeta le premier projet de code civil
de Cambacérès pour la Constitution de 1791. On pourrait en dire autant de bien des
programmes politiques, sans parler de la jungle de lois qui en résultent.
Car trop souvent un programme présidentiel en France se contente du flou de slogans
réducteurs et démagogiques, et d’un catalogue à la Prévert de domaines obligés de l’action
politique, pêle-mêle : Emploi, Solidarité, Agriculture, Formation, Energie solaire, Culture,
Santé, Création d’entreprise, Apprentissage, Recherche, Citoyenneté, Industrie, Numérique,
Coopération, Education, Innovation, etc.
Sans vision d’ensemble du candidat et donc de mandat clair du peuple, cet assemblage
hétéroclite se défait très rapidement devant la dure réalité des évènements. L’homme politique
moderne a tendance à courir derrière l’actualité et à laisser les faits divers le guider vers
l’élaboration trop hâtive de lois bancales et bavardes, au lieu de veiller au bon fonctionnement
des règlements en place souvent, il faut bien l’avouer, parce qu’on ne peut pas exister
politiquement si on n’est pas présent continument dans les médias.
A l’opposé des vieilles recettes, l’objectif de ce rapport est d’envisager un programme
présidentiel qui ne soit pas un simple catalogue mais au contraire un plan d’action resserré
devant une situation d’urgence. La France n’en est pas encore là, mais il n’est pas difficile
d’imaginer qu’à la suite d’une nouvelle crise économique mondiale, les déficits de notre pays
et le niveau de sa dette puissent exploser, la note des agences de notation s’effondrer, la
cohésion sociale se déliter et les instances internationales, Union européenne et FMI en tête,
sommer notre pays de mettre au point un plan d’urgence de redressement.
Nous nous focaliserons donc sur l’essentiel des réformes économiques à accomplir,
laissant de côté de nombreux pans de l’action publique, telles que les questions
environnementales et géopolitiques, importantes certes, mais ne jouant pas un rôle direct dans
les évolutions économiques du pays, du moins à l’échelle de la prochaine génération. Ce parti
pris n’exclut pourtant pas l’examen de mesures de long terme, notamment sur les
problématiques de l’éducation et de la mondialisation.
Il n’est bien-sûr pas question de nous substituer au débat démocratique, de prétendre
qu’il n’existe qu’une trajectoire unique de réforme, mais nous voulons sonner l’alerte :
l’inadéquation de l’offre politique aux réalités nous paraît aujourd’hui telle que l’immense
majorité des Français pourrait payer un prix disproportionné aux erreurs accumulées durant
plusieurs décennies. La France vit depuis longtemps au dessus de ces moyens et ne se donne
pas les bonnes priorités.
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Pourquoi gouverner ?
La question peut paraître provocante, mais si on pouvait se passer de gouvernement,
des coûts et des contraintes qui lui sont associés, on le ferait aisément. La raison en est que
l’Etat n’est qu’une construction au service de ses citoyens et du libre épanouissement de leurs
libertés fondamentales.
Du reste, l’idéal des fondements de la République n’est pas dans la constitution d’un
Etat puissant mais dans l’organisation de la société par elle-même. Comme le souligne
Nicolas Roussellier
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, « d’une manière générale, en 1830 comme en 1870, toutes générations
confondues, l’espoir républicain par excellence est de voir surgir des institutions depuis la
société elle-même plutôt que de voir les institutions venir réguler et organiser la société. »
Chez Proudhon, Louis Blanc, Fourier, « dès lors qu’elle sera construite sur un système
d’associations, la société sera enfin instituée ; elle pourra progressivement se passer d’un
Etat qui agissait jusque-là depuis l’extérieur d’elle-même ; elle pourra le réduire à un
minimum institutionnel. » Ironiquement, il existe une similarité philosophique entre les
socialistes d’hier, devenus partisans de « l’autogestion » dans une période plus récentes, et les
libéraux d’aujourd’hui.
L’objectif du gouvernement doit être fondamentalement simple et modeste : procurer
les conditions de l’amélioration de la situation matérielle, émotionnelle et spirituelle du
peuple par lui-même. Des thèmes importants comme le rayonnement de la France dans un
monde pacifié, la protection environnementale, l’éducation, la croissance, une justice efficace,
la sécurité pour tous, ne peuvent exister par eux-mêmes, ils ne sont que des moyens
d’atteindre les ambitions du peuple.
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(Roussellier, 2015)
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Diagnostic économique
C’est le financement des dépenses publiques, plus que leur niveau, qui est critiquable.
1. Le Mythe : les dépenses publiques sont élevées donc la France est dépensière.
L’erreur est grossière mais elle est reprise par quasiment tous les responsables politiques.
Considérons les dépenses sociales, qui expliquent en grande partie la hausse des dépenses
publiques par rapport à la richesse nationale, comme l’explique le graphe ci-dessous
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:
Source : Ministère de l’Economie et des Finances
Les dépenses sociales doivent être considérées dans leur ensemble et inclure les dépenses
publiques, qui sont essentiellement des transferts aux ménages, et les penses privées, qui
sont directement imputées aux ménages. Par ailleurs, il faut tenir compte de l’impact de la
fiscalité qui vient réduire la dépense publique, notamment les taxes indirectes sur les dépenses
médicales : c’est 3,4% du PIB en France pour 2014. De sorte que la dépense sociale nette en
France est de 31,3% du PIB, pas si éloignée du niveau de 28,8% observé aux Etats-Unis
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.
Mais la différence est bien plus grande si on s’en tient aux dépenses publiques : 31% en
France contre 19% aux Etats-Unis.
En général et comme le montre le graphe ci-dessous, le niveau de dépenses sociales apparait
plus semblable dans les pays de l’OCDE lorsque l’on inclut l’ensemble des dépenses que
lorsque l’on considère uniquement les dépenses publiques.
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Source : (Ministère de l'Economie et des Finances, 2013)
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Source : (OCDE, 2014)
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Source : OCDE
En surface, il apparaît que le niveau de dépenses sociales de la France est supérieur de 6
points de PIB à celui de l’Allemagne. Mais en réalité la part des retraites est plus
prépondérante en France (18,5% du PIB) qu’en Allemagne (14,4% du PIB). Or les retraites
doivent être considérées avant tout comme une opération financière, elles ne peuvent pas être
assimilées à des dépenses. On en comprend mieux les raisons dans le cadre d’un plan de
retraite privé : si un individu épargne aujourd’hui dans une sicav obligataire pour la revendre
dans dix ans, les sommes touchées dans dix ans ne sont pas des dépenses, mais un revenu
financier qui peut ou non être dépensé. Dans le cadre d’un système par répartition, le
rendement des retraites dépend de la structure intergénérationnelle du pays et de
considérations budgétaires puisque le système n’est pas autofinancé, mais conceptuellement
tout versement d’un régime de retraite provient du rendement d’une contribution effectuée
dans le passé, même si elle n’est pas facilement traçable.
L’élément déterminant n’est donc pas le niveau des dépenses, mais leur productivité. Si on
pouvait mesurer le taux de rendement global au cours de la vie, pour différentes catégories
d’individus, des prestations reçues au regard des prélèvements opérés, on disposerait d’un
outil de comparaison beaucoup plus robuste que les agrégats actuels. Non seulement la
structure des dépenses est différente d’un pays à l’autre, mais aussi les prestations reçues ne
sont pas égales.
2. La réalité : les entreprises sont pénalisées par une fiscalité élevée, une compétitivité
réduite, une réglementation du travail trop rigide et une demande nationale en berne.
Une philosophie de l'action politique
1. Limiter le champ d'action des pouvoirs publics par une application stricte du principe
de subsidiarité : les initiatives citoyennes doivent primer, puis les associations, puis les
pouvoirs locaux, puis l'Etat (un niveau de pouvoir comme un autre, en somme), puis l'Union
européenne, puis les traités internationaux.
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