Introduction
« Trop développé dans ses détails et trop peu philosophique dans son ensemble. »
C’est par ces mots que l'Assemblée constituante rejeta le premier projet de code civil
de Cambacérès pour la Constitution de 1791. On pourrait en dire autant de bien des
programmes politiques, sans parler de la jungle de lois qui en résultent.
Car trop souvent un programme présidentiel en France se contente du flou de slogans
réducteurs et démagogiques, et d’un catalogue à la Prévert de domaines obligés de l’action
politique, pêle-mêle : Emploi, Solidarité, Agriculture, Formation, Energie solaire, Culture,
Santé, Création d’entreprise, Apprentissage, Recherche, Citoyenneté, Industrie, Numérique,
Coopération, Education, Innovation, etc.
Sans vision d’ensemble du candidat et donc de mandat clair du peuple, cet assemblage
hétéroclite se défait très rapidement devant la dure réalité des évènements. L’homme politique
moderne a tendance à courir derrière l’actualité et à laisser les faits divers le guider vers
l’élaboration trop hâtive de lois bancales et bavardes, au lieu de veiller au bon fonctionnement
des règlements en place – souvent, il faut bien l’avouer, parce qu’on ne peut pas exister
politiquement si on n’est pas présent continument dans les médias.
A l’opposé des vieilles recettes, l’objectif de ce rapport est d’envisager un programme
présidentiel qui ne soit pas un simple catalogue mais au contraire un plan d’action resserré
devant une situation d’urgence. La France n’en est pas encore là, mais il n’est pas difficile
d’imaginer qu’à la suite d’une nouvelle crise économique mondiale, les déficits de notre pays
et le niveau de sa dette puissent exploser, la note des agences de notation s’effondrer, la
cohésion sociale se déliter et les instances internationales, Union européenne et FMI en tête,
sommer notre pays de mettre au point un plan d’urgence de redressement.
Nous nous focaliserons donc sur l’essentiel des réformes économiques à accomplir,
laissant de côté de nombreux pans de l’action publique, telles que les questions
environnementales et géopolitiques, importantes certes, mais ne jouant pas un rôle direct dans
les évolutions économiques du pays, du moins à l’échelle de la prochaine génération. Ce parti
pris n’exclut pourtant pas l’examen de mesures de long terme, notamment sur les
problématiques de l’éducation et de la mondialisation.
Il n’est bien-sûr pas question de nous substituer au débat démocratique, de prétendre
qu’il n’existe qu’une trajectoire unique de réforme, mais nous voulons sonner l’alerte :
l’inadéquation de l’offre politique aux réalités nous paraît aujourd’hui telle que l’immense
majorité des Français pourrait payer un prix disproportionné aux erreurs accumulées durant
plusieurs décennies. La France vit depuis longtemps au dessus de ces moyens et ne se donne
pas les bonnes priorités.