Objectifs urgents

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Le Programme présidentiel de Praxis
«Vous qui cherchez des festins gratuits / Et qui, les jours travaillés comme les dimanches,
N’avez pas beaucoup d’argent, / Afin que chacun d’entre vous entende
Comment on peut s’en procurer, / Veuillez-vous retrouver
Autour du sermon qui est écrit dans ce livre. / Mettez-vous tous en peine de le lire […]»
François Villon
«Si l'on veut faire bouger cette société bloquée qu'est devenue la société française, il faut
absolument secouer le carcan que fait peser sur elle la passion de commandement, de
contrôle et de logique simpliste qui anime les grands commis, les patrons, les techniciens et
mandarins divers qui nous gouvernent, tous trop brillants, trop compétents et trop également
dépassés par les exigences de développement économique et social...
Pour que la participation soit possible et efficace, il faut que les organisations passent d'un
modèle rigide bureaucratique contraignant à un modèle plus souple et plus tolérant fondé sur
la mobilité, la concurrence et la négociation.»
Michel Crozier - La Société bloquée (1971)
Auteurs :
New York, le
www.clubpraxis.com
@ClubPraxis
1
Introduction
« Trop développé dans ses détails et trop peu philosophique dans son ensemble. »
C’est par ces mots que l'Assemblée constituante rejeta le premier projet de code civil
de Cambacérès pour la Constitution de 1791. On pourrait en dire autant de bien des
programmes politiques, sans parler de la jungle de lois qui en résultent.
Car trop souvent un programme présidentiel en France se contente du flou de slogans
réducteurs et démagogiques, et d’un catalogue à la Prévert de domaines obligés de l’action
politique, pêle-mêle : Emploi, Solidarité, Agriculture, Formation, Energie solaire, Culture,
Santé, Création d’entreprise, Apprentissage, Recherche, Citoyenneté, Industrie, Numérique,
Coopération, Education, Innovation, etc.
Sans vision d’ensemble du candidat et donc de mandat clair du peuple, cet assemblage
hétéroclite se défait très rapidement devant la dure réalité des évènements. L’homme politique
moderne a tendance à courir derrière l’actualité et à laisser les faits divers le guider vers
l’élaboration trop hâtive de lois bancales et bavardes, au lieu de veiller au bon fonctionnement
des règlements en place – souvent, il faut bien l’avouer, parce qu’on ne peut pas exister
politiquement si on n’est pas présent continument dans les médias.
A l’opposé des vieilles recettes, l’objectif de ce rapport est d’envisager un programme
présidentiel qui ne soit pas un simple catalogue mais au contraire un plan d’action resserré
devant une situation d’urgence. La France n’en est pas encore là, mais il n’est pas difficile
d’imaginer qu’à la suite d’une nouvelle crise économique mondiale, les déficits de notre pays
et le niveau de sa dette puissent exploser, la note des agences de notation s’effondrer, la
cohésion sociale se déliter et les instances internationales, Union européenne et FMI en tête,
sommer notre pays de mettre au point un plan d’urgence de redressement.
Nous nous focaliserons donc sur l’essentiel des réformes économiques à accomplir,
laissant de côté de nombreux pans de l’action publique, telles que les questions
environnementales et géopolitiques, importantes certes, mais ne jouant pas un rôle direct dans
les évolutions économiques du pays, du moins à l’échelle de la prochaine génération. Ce parti
pris n’exclut pourtant pas l’examen de mesures de long terme, notamment sur les
problématiques de l’éducation et de la mondialisation.
Il n’est bien-sûr pas question de nous substituer au débat démocratique, de prétendre
qu’il n’existe qu’une trajectoire unique de réforme, mais nous voulons sonner l’alerte :
l’inadéquation de l’offre politique aux réalités nous paraît aujourd’hui telle que l’immense
majorité des Français pourrait payer un prix disproportionné aux erreurs accumulées durant
plusieurs décennies. La France vit depuis longtemps au dessus de ces moyens et ne se donne
pas les bonnes priorités.
2
Pourquoi gouverner ?
La question peut paraître provocante, mais si on pouvait se passer de gouvernement,
des coûts et des contraintes qui lui sont associés, on le ferait aisément. La raison en est que
l’Etat n’est qu’une construction au service de ses citoyens et du libre épanouissement de leurs
libertés fondamentales.
Du reste, l’idéal des fondements de la République n’est pas dans la constitution d’un
Etat puissant mais dans l’organisation de la société par elle-même. Comme le souligne
Nicolas Roussellier1, « d’une manière générale, en 1830 comme en 1870, toutes générations
confondues, l’espoir républicain par excellence est de voir surgir des institutions depuis la
société elle-même plutôt que de voir les institutions venir réguler et organiser la société. »
Chez Proudhon, Louis Blanc, Fourier, « dès lors qu’elle sera construite sur un système
d’associations, la société sera enfin instituée ; elle pourra progressivement se passer d’un
Etat qui agissait jusque-là depuis l’extérieur d’elle-même ; elle pourra le réduire à un
minimum institutionnel. » Ironiquement, il existe une similarité philosophique entre les
socialistes d’hier, devenus partisans de « l’autogestion » dans une période plus récentes, et les
libéraux d’aujourd’hui.
L’objectif du gouvernement doit être fondamentalement simple et modeste : procurer
les conditions de l’amélioration de la situation matérielle, émotionnelle et spirituelle du
peuple par lui-même. Des thèmes importants comme le rayonnement de la France dans un
monde pacifié, la protection environnementale, l’éducation, la croissance, une justice efficace,
la sécurité pour tous, ne peuvent exister par eux-mêmes, ils ne sont que des moyens
d’atteindre les ambitions du peuple.
1
(Roussellier, 2015)
3
Diagnostic économique
C’est le financement des dépenses publiques, plus que leur niveau, qui est critiquable.
1. Le Mythe : les dépenses publiques sont élevées donc la France est dépensière.
L’erreur est grossière mais elle est reprise par quasiment tous les responsables politiques.
Considérons les dépenses sociales, qui expliquent en grande partie la hausse des dépenses
publiques par rapport à la richesse nationale, comme l’explique le graphe ci-dessous2 :
Source : Ministère de l’Economie et des Finances
Les dépenses sociales doivent être considérées dans leur ensemble et inclure les dépenses
publiques, qui sont essentiellement des transferts aux ménages, et les dépenses privées, qui
sont directement imputées aux ménages. Par ailleurs, il faut tenir compte de l’impact de la
fiscalité qui vient réduire la dépense publique, notamment les taxes indirectes sur les dépenses
médicales : c’est 3,4% du PIB en France pour 2014. De sorte que la dépense sociale nette en
France est de 31,3% du PIB, pas si éloignée du niveau de 28,8% observé aux Etats-Unis3.
Mais la différence est bien plus grande si on s’en tient aux dépenses publiques : 31% en
France contre 19% aux Etats-Unis.
En général et comme le montre le graphe ci-dessous, le niveau de dépenses sociales apparait
plus semblable dans les pays de l’OCDE lorsque l’on inclut l’ensemble des dépenses que
lorsque l’on considère uniquement les dépenses publiques.
2
3
Source : (Ministère de l'Economie et des Finances, 2013)
Source : (OCDE, 2014)
4
Source : OCDE
En surface, il apparaît que le niveau de dépenses sociales de la France est supérieur de 6
points de PIB à celui de l’Allemagne. Mais en réalité la part des retraites est plus
prépondérante en France (18,5% du PIB) qu’en Allemagne (14,4% du PIB). Or les retraites
doivent être considérées avant tout comme une opération financière, elles ne peuvent pas être
assimilées à des dépenses. On en comprend mieux les raisons dans le cadre d’un plan de
retraite privé : si un individu épargne aujourd’hui dans une sicav obligataire pour la revendre
dans dix ans, les sommes touchées dans dix ans ne sont pas des dépenses, mais un revenu
financier qui peut ou non être dépensé. Dans le cadre d’un système par répartition, le
rendement des retraites dépend de la structure intergénérationnelle du pays et de
considérations budgétaires puisque le système n’est pas autofinancé, mais conceptuellement
tout versement d’un régime de retraite provient du rendement d’une contribution effectuée
dans le passé, même si elle n’est pas facilement traçable.
L’élément déterminant n’est donc pas le niveau des dépenses, mais leur productivité. Si on
pouvait mesurer le taux de rendement global au cours de la vie, pour différentes catégories
d’individus, des prestations reçues au regard des prélèvements opérés, on disposerait d’un
outil de comparaison beaucoup plus robuste que les agrégats actuels. Non seulement la
structure des dépenses est différente d’un pays à l’autre, mais aussi les prestations reçues ne
sont pas égales.
2. La réalité : les entreprises sont pénalisées par une fiscalité élevée, une compétitivité
réduite, une réglementation du travail trop rigide et une demande nationale en berne.
Une philosophie de l'action politique
1. Limiter le champ d'action des pouvoirs publics par une application stricte du principe
de subsidiarité : les initiatives citoyennes doivent primer, puis les associations, puis les
pouvoirs locaux, puis l'Etat (un niveau de pouvoir comme un autre, en somme), puis l'Union
européenne, puis les traités internationaux.
5
2. Corolaire : Décentraliser les décisions : en finir à la fois avec les jugements venus d'en
haut (la « passion de logique simpliste » dont parlait Crozier).
3. Améliorer l'efficacité de l'Etat dans le champ régalien.
4. Diminuer les interventions de l'Etat dans la sphère économique, à l’exception d’un
domaine « stratégique » strictement délimité.
5. Privilégier l'émergence de grands principes plutôt que de règlements tatillons, même
si la complexité du monde dans lequel nous vivons rend de plus en plus conflictuel la relation
entre les libertés et la régulation.
6. Éviter les incitations fiscales, surtout prolongées, et dans le même ordre d’idée, fuir les
effets de seuil, en général produit d'une trop grande complexité réglementaire et sources
d’une multitude d'effets pervers. L’économie n’a pas besoin d’être durablement sous
perfusion. Et de « petits gestes » et « coups de pouce », la dette explose.
7. Epouser le Big Data : faire parler les chiffres et examen ex-post de la productivité des
politiques publiques.
Objectifs urgents
« Nous avons tout fait à la fois : restructuré le système bancaire, augmenté les impôts, taillé
dans les dépenses. […] ces mesures ont été annoncées dans une atmosphère volontairement
dramatisée, pour que les enjeux soient bien compris. »
Gunnar Lund, ancien ministre social-démocrate de Suède4
Il est important de se concentrer sur le paquet de réformes structurelles le plus à même de
générer des gains de croissance, aussi bien en termes d’emplois que de productivité. Une
étude de l’OCDE5 montre que les réformes déjà engagées (dont le Pacte de responsabilité et
solidarité), ainsi que les réformes annoncées pourraient générer une augmentation du PIB de
0,4% par an sur dix ans.
1. La sécurité des personnes et des biens doit primer sur les interventions militaires
extérieures où les intérêts de la France ne sont pas directement remis en cause.
[Cf. Gilles Kepel, Banlieue de la République]
[Taux des jeunes frôlant les 50% dans les zones urbaines sensibles – Observatoire des
inégalités, 2013]
2. La justice doit être rendue rapidement et la présomption d'innocence doit être renforcée.
Nous faisons le pari que certains secteurs de la réglementation (notamment le droit du travail)
vont décroitre au profit d’une augmentation de la jurisprudence. L’enjeu de l’efficacité de la
justice est donc important.
3. Le processus législatif doit être plus rapide. On doit enfin supprimer le Sénat,
4
Parlant des réformes structurelles implémentées en Suède à partir de 1992 (Interview à Paris Match, septembre
2014)
5
(OCDE, octobre 2014)
6
réexaminer le rôle du Conseil d’Etat et du Conseil constitutionnel.
4. Devant l'accélération des mutations technologiques, l'éducation continue (notamment
numérique) doit devenir une priorité nationale, mais ouverte à la concurrence. La
réduction des inégalités passe davantage par un renforcement de l'égalité des chances et une
amélioration du rôle régalien de l'Etat que de mesures fiscales.
5. Continuer l’effort de libéralisation des règles concurrentielles sur la lancée de la loi
Macron.
6. Briser l'injustice « insiders » vs. « non-insiders » en instaurant un contrat de travail
unique sur le modèle italien ou allemand.
7. Flexi-securité : l’entreprise n’aurait plus à justifier le motif d’un licenciement collectif et à
l’obligation de reclassement. En contrepartie, l’entreprise paierait une « contribution de
solidarité » à l’Etat destinée à renforcer le service public de Pôle Emploi6.
« Le modèle suédois est simple : on ne protège pas les jobs, on protège les
personnes »,explique Jens Henriksson, PDG de l'assureur Folksam, ancien directeur du Trésor
suédois. La Suède croit à « un marché capitaliste dynamique, mais qui donne de la sécurité
aux gens », explique-t-il. Cela veut dire, par exemple, augmenter les indemnités chômage
mais faciliter les licenciements. « Il faut protéger les gens mais pas les emplois, car les
emplois changent. »7
8. Retour de la durée hebdomadaire légale à 39 heures. D’après Eurostat, les Français
travaillent d’ailleurs déjà 40,5 heures en moyenne par semaine.
9. Réformer le droit des faillites pour contrer l’incertitude des entreprises sur le coût
d'ajustement à la conjoncture, le manque de visibilité et les délais des procédures.
10. Le Code du travail doit être simplifié (même les grandes entreprises se plaignent de
l’extrême complexité du système français) mais aussi refondé car la nature du travail
change (30% d'auto-entrepreneurs aujourd’hui aux Etats-Unis, 40% prévus d'ici 2022).
Une commission de 3 conseillers d’Etat et 3 chefs d’entreprises seront chargés de nettoyer le
code du travail en 6 mois, sous la conduite directe du ministre des finances. Le modèle, sans
précédent sous la Cinquième République pourrait être l’élaboration du Code Napoléon (les
modalités, pas le contenu) ou de la réforme Hartz en Allemagne.
11. Réduire les charges sociales supportées par les entreprises de 5 points du PIB,
concentrées au niveau du SMIC et compenser par des baisses équivalentes de dépenses
sociales. La baisse résultante, pour le coût des salaires au niveau du SMIC devrait être
créatrice d'emploi (les pertes de compétitivité des entreprises sont estimées dues pour un tiers
à la hausse de la fiscalité8). Les hausses de salaires doivent venir de la relance, ne peuvent être
décrétées indépendamment d'elle.
12. Le statut de fonctionnaire ne sera plus accordé que pour les ministères régaliens :
l’objectif doit être au moins de converger vers le taux moyen de l’OCDE, en pourcentage de
la population active, d’ici 20 ans.
13. Supprimer l’ISF et rétablir le bouclier fiscal tant que la fiscalité n’est pas réformée
profondément. Utiliser la TVA comme variable d’ajustement.
6
(Ménil, 2007) p.198-199. Voir aussi (Blanchard & Tirole, 2003), (Cahuc & Kramarz, 2004), (Cahuc &
Zylberberg, Le chômage, fatalité ou nécessité, 2005), (Salanié, 2005).
7
Source : Les Echos - 12/2/2014
8
Jean Lemierre, président du Conseil de surveillance de BNP Paribas, parlant aux Entretiens de Royaumont en
décembre 2014.
7
Le besoin d'un paquet de réformes cohérentes à plus long terme
1. Réamorcer l’ascenseur social dès l’école primaire en remettant à niveau la forte
proportion d’élèves arrivant au collège sans bonne connaissance des acquis de base en lecture,
écriture et calcul.9
2. Dans un monde de sur-communication, l'objectif doit être la maîtrise de l'anglais pour
tous les Français. Il faut aussi faciliter l’implantation d’écoles bilingues sur le territoire
français pour davantage attirer les cadres internationaux.
« Le monolinguisme, c’est l’illettrisme du XXIème siècle. »
Jeffrey Kluger
3. Développer la dimension économique de la francophonie [rapport Attali, Deuxième
Forum économique de la Francophonie, etc].
4. Embrasser l’Europe : 80% des normes s'appliquant aux entreprises françaises sont prises
au sein d'institutions internationales (cf. BPI France Le Lab).
Réforme européenne :
(i) nous souhaitons à terme un exécutif européen fort, élu au suffrage universel ou procédant
du Parlement européen, mais débarrassé de la tutelle du Conseil européen. Une telle réforme
demanderait cependant un changement des traités dans un contexte politique difficile.
(ii) dans l’immédiat, nous reprenons l’idée d’un « super-ministre » européen des finances,
telle qu’elle a été avancée notamment par Benoît Cœuré, membre du directoire de la BCE,
Emmanuel Macron, Wolfgang Schäuble, l’Institut Jacques Delors (Enderlein & Haas, 2015)
et, au moins du point de vue de la gestion budgétaire, par le Rapport des Cinq Présidents. A la
fois président de l’ECOFIN10 et président de l’Eurogroupe, le ministre coordonnerait les
politiques économiques et budgétaires – avec des moyens existants importants comme la
procédure de déficit excessive, le Pacte de stabilité et de croissance, la procédure concernant
les déséquilibres macroéconomiques et budgétaires -, mènerait les négociations en cas de crise
avec pleine autorité sur un Fond monétaire européen (en remplacement du Mécanisme
européen de stabilité) et contrôlerait un budget propre, notamment pour les investissements.
L’intérêt du FME serait de créer un véritable prêteur de dernier ressort, ce qui n’est pas le cas
du MES, puisque comme le souligne l’Institut Jacques Delors, « la logique du partage des
risques [est] multiple et non conjointe ». « En temps de crise, un État membre brusquement
confronté à une envolée des coûts de refinancement à cause d’une crise économique ou d’un
changement brutal dans l’attitude des marchés serait autorisé à émettre une dette
additionnelle dans le cadre du FME en échange d’un transfert progressif de souveraineté [i.e.
paquet de réformes sous contrôle européen]. Ces niveaux seraient fixés par avance, pour que
tous les pays connaissent les coûts et avantages du recours au FME. »
9
« Spécialiste du temps scolaire, Bruno Suchaut est arrivé à la conclusion inédite qu’il faut 35 heures de
sollicitation quasi individuelle de chaque élève fragile durant son année de CP pour être sûr qu’il apprenne à
lire. Or, les observations qu’il a menées avec la chercheuse Alice Bougnères de l’Institut de recherche sur
l’éducation (Iredu) dans une centaine de classes l’ont conduit à la conclusion que le temps moyen durant lequel
chaque élève travaille effectivement ses compétences en lecture est de 20 heures. » (Le Monde, 19/12/14 http://abonnes.lemonde.fr/education/article/2014/12/19/les-eleves-manquent-de-temps-pour-apprendre-alire_4543774_1473685.html)
10
Conseil pour les affaires économiques et financières rassemblant les ministres des finances des Etats membres.
8
5. Un pilotage plus rigoureux des finances publiques – même le Trésor reconnait manquer
d’outils efficaces11 et la Cour des comptes comme la Commission européenne critiquent le
manque de transparence de la prévision et de l’exécution budgétaires.
En principe, et au plan juridique, on ne fait pas l’impasse sur l’équilibre structurel. Cet
objectif est désormais inscrit dans la Constitution et décliné dans la loi organique12, en
cohérence avec le Traité européen. Cette orientation contre-cyclique doit permettre de
dégager des surplus dans les périodes plus favorables du cycle économique.
Il faut donner au Haut conseil des finances de vrais moyens, au niveau par exemple du
Congressional Budget Office aux Etats-Unis.
Il nous paraît essentiel de développer de véritables « stress tests » des finances publiques sur
des durées assez longues et en incluant les évolutions de la démographie. L’intérêt
fondamental de ces analyses serait d’identifier une trajectoire enfin crédible d’un retour à
l’équilibre budgétaire, qui pourrait prendre éventuellement plus longtemps que les scénarios
trop optimistes proposés depuis des années, mais qui serait enfin crédible pour nos partenaires
européens et nos créditeurs. Comme l’ont montré les prix Nobel Prescott et Kydland 13, un
gouvernement a tout à gagner d’une gestion à long terme de l’économie. En effet, si un
gouvernement prend une décision ponctuelle sur un problème immédiat, les agents
économiques ajusteront leur comportement et leurs anticipations, changeant les données du
problème initial et forçant le gouvernement à constamment réviser ses politiques, ce qui
impacte sa crédibilité et compromet la stabilité et la performance de l’économie.
[Fiscal Monitor, FMI, avril 2013 : cf. table 13a sur les surplus à dégager progressivement d'ici
à 2020 et à maintenir jusqu'à 2030 pour ramener la dette à 60% du PIB à cette date]
Il faut pouvoir séparer dépenses courantes et dépenses d’investissement (comme c’est le cas
dans le budget du Royaume-Uni) dans l’application du Pacte de stabilité .
6. Réforme de la fiscalité des ménages : la fiscalité doit être plus simple, plus neutre et plus
stable. Les ménages les plus modestes doivent être aidés mais, pour tous les autres, les
incitations au travail doivent être renforcées14.
7. Une vraie réforme des retraites basée sur l’instauration d’un compte individuel
transférable et la suppression de l’âge légal de la retraite.
11
Dixit un ancien Directeur du Trésor
« Chapitre Ier : Dispositions relatives à la programmation des finances publiques
Article 1
Dans le respect de l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques prévu à l'article 34 de la
Constitution, la loi de programmation des finances publiques fixe l'objectif à moyen terme des administrations
publiques mentionné à l'article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union
économique et monétaire, signé le 2 mars 2012, à Bruxelles.
Elle détermine, en vue de la réalisation de cet objectif à moyen terme et conformément aux stipulations du traité
précité, les trajectoires des soldes structurels et effectifs annuels successifs des comptes des administrations
publiques au sens de la comptabilité nationale, avec l'indication des calculs permettant le passage des uns aux
autres, ainsi que l'évolution de la dette publique. Le solde structurel est le solde corrigé des variations
conjoncturelles, déduction faite des mesures ponctuelles et temporaires.
La loi de programmation des finances publiques détermine l'effort structurel au titre de chacun des exercices de
la période de programmation. L'effort structurel est défini comme l'incidence des mesures nouvelles sur les
recettes et la contribution des dépenses à l'évolution du solde structurel.
La loi de programmation des finances publiques présente la décomposition des soldes effectifs annuels par soussecteur des administrations publiques. »
12
13
14
(Kydland & Prescott, June 1977)
(Club Praxis, 2015)
9
8. Les lois et règlements sur les entreprises et l'organisation des marchés doivent être
simplifiés dans le sens de meilleures incitations économiques. Supprimer les seuils utilisés
dans les règles régissant les entreprises, notamment le seuil de 49 employés.
9. Encourager les traités destinés à de plus grand échanges commerciaux, TTIP en tête.
Ratifier le Trade Facilitation Agreement de l'OMC - « Le TAF réduira les délais et les
formalités nécessaires quand les marchandises traversent les frontières : ces deux facteurs
ont pour effet d'augmenter les coûts du commerce international de 12 %. » (Gattaz, Levy, etc,
Les Échos, 20 novembre 2015),
10. Changement de la législation des brevets : introduire, au niveau de l’Union européenne,
des clauses de type « use it or lose it » et « non obvious », réduire les durées.
11. Fonctionnement des institutions : soit revenir à l’esprit de la Vème République, avec
mandats non-concomitants du président et de l’Assemblée nationale, soit arriver à une vraie
présidentialisation du régime avec suppression du droit de censure de l’Assemblée, du droit
de dissolution du président, et l’introduction d’un droit de veto du président sur les nouvelles
lois.
10
Bibliographie
Blanchard, O., & Tirole, J. (2003). Protection de l'emploi et procédures de licenciement.
Conseil d'analyse économique.
Cahuc, P., & Kramarz, F. (2004). De la précarité à la mobilité : vers une sécurité sociale
professionnelle. Ministère de l'économie et des finances.
Cahuc, P., & Zylberberg, A. (2005). Le chômage, fatalité ou nécessité. Flammarion.
Club Praxis. (2015). Rapport sur la fiscalité des ménages.
Enderlein, H., & Haas, J. (2015). Quel serait le rôle d'un ministre européen des finances ?
Une proposition. Institut Jacques Delors.
Kydland, F., & Prescott, E. (June 1977). Rules Rather Than Discretion : The Inconsistency of
Optimal Plans. The Journal of Political Economy, Vol. 85, No. 3.
Ménil, G. d. (2007). Common Sense pour débloquer la société française. Odile Jacob.
Ministère de l'Economie et des Finances. (2013). Rapport sur la dépense publique et son
évolution.
OCDE. (octobre 2014). France - Les réformes structurelles : impact sur la croissance et
options pour l'avenir.
OCDE. (novembre 2014). Le point sur les dépenses sociales.
Roussellier, N. (2015). La force de gouverner. Le pouvoir exécutif en France, XIXe-XXIe
siècles. Gallimard.
Salanié, B. (2005). L'économie sans tabou. Economica.
11
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