Résumé Théorie des Organisations 2006-2007
1
Fiche I
Utilitarisme, Néo-utilitarisme et Critique Sociale
A. L’utilitarisme, une philosophie morale
Obscurantisme :
- croyance en l’existence d’un univers surnaturel qui donne un fondement aux
comportements humains
- croyance qui dépasse les capacités rationnelles des hommes et requiert leur
soumission intégrale
D’un point de vue scientifique, l’obscurantisme est une démission de la raison ;
D’un point de vue politique, c’est l’asservissement de l’homme à des forces magiques.
Mouvement des Lumières va contre l’obscurantisme : il prône l’émancipation de la
condition humaine :
- raison autonome : l’homme acquiert une autonomie (n’est plus soumis à une force
magique)
- valorisation des satisfactions ordinaires : on accorde de l’importance à la richesse
et aux états de plaisir
- promotion du bien-être : le bien-être devient l’horizon de toute action rationnelle
Il y a deux grandes variantes du mouvement des Lumières :
- l’anglaise qui donnera naissance à l’utilitarisme et à l’économie moderne et qui
accepte un certain théisme.
- La française, athéiste, qui donnera naissance au rationalisme technique et
scientifique.
L’utilitarisme est une philosophie morale qui défend l’idée qu’une société juste est une
société heureuse.
Les deux « noyaux philosophiques » de l’utilitarisme comme branche des Lumières :
1. HUME et l’empirisme sceptique
La raison ne peut se prononcer que sur des faits, et pas sur des valeurs. En effet, le monde
des valeurs et des idées est dénue de contenu : une valeur n’est que le reflet d’expériences
passées, ce n’est que la trace mentale d’une répétition d’expériences quotidiennes
(habitudes), et c’est cette répétition qui fait apparaître un lien de causalité qui peut être
interprété comme le reflet d’une valeur. Une valeur n’a de signification que quand elle
explique un évènement sensible.
Ex : en prenant ses repas ensemble, une famille génère des rapports d’autorité
spécifiques, et c’est par cette pratique (=répétition) qu’elle fait apparaître la valeur qu’elle
attribue au besoin d’être ensemble.
Les idées dérivent de l’expérience (empirisme)
Le raisonnement ou réflexion morale dérive de l’habitude (scepticisme)
Donc, les valeurs ne peuvent guider l’action ou renvoyer à une autorité morale : elles ne
font que refléter un agencement collectif de « l’idée d’éthique » au sein d’une
communauté humaine.
Résumé Théorie des Organisations 2006-2007
2
2. SMITH et le nouveau statut de la richesse dans la conception de la « vie bonne »
La richesse est un bien désirable et est le vecteur principal du bien-être d’un individu.
C’est quelque chose d’utile qui contribue au bien-être.
La finalité de l’utilitarisme est donc de produire la plus grande quantité de bonheur
possible pour le plus grand nombre d’individus possible.
L’utilitarisme est une philosophie :
- welfariste : on a un ensemble de préférences pour parvenir à un état de bien-être
(surtout matériel) qui lui-même procure un état de satisfaction
- individualiste : les conduites humaines sont guidées par l’utilité individuelle, c’est
le caractère rationnel de l’action.
L’intérêt général = ∑ des intérêts particuliers car les préférences renvoient à des
classements élaborés par des individus solitaires.
>> indifférence à l’égard des dimensions collectives
- calculatoire : la procédure de tri et de sélection des préférences est faite par calcul
mathématique. Le calcul définit donc le moyen de viser un état de bien-être
effectif.
>> modalité pratique pour déterminer l’utilité individuelle et l’utilité
collective, qui est la somme des utilités individuelles
Le calcul serait donc la seule procédure capable de déterminer les buts de l’action
humaine à l’échelle individuelle et collective.
Le problème est que le calcul de l’action humaine suppose une objectivation
préalable des buts de l’action (=arbitrage coûts-bénéfices), objectivation qui
suppose une lecture binaire du réel ce qui n’est pas idéal car on cache la partie de
L’action humaine qui repose sur l’interaction.
L’utilitarisme n’est pas qu’égoïste, mais c’est une philosophie qui s’appuie sur une
conception individualiste de la vie sociale.
C’est une philosophie conséquentialiste : le bienfondé d’une action repose sur la nature
des résultats obtenus (et non sur la correspondance des actions avec des principes
préalablement fixés). Dans ce contexte, une conduite est dite rationnelle si et seulement si
elle vise l’amélioration d’un état donné de bien-être, repose sur l’agrégation de
comportements individuels et peut faire l’objet d’un calcul coûts-bénéfices (dit « calcul
d’utilité »).
B. L’économie de marché : un utilitarisme radicalisé
1. L’économie, une fonction générale et plurielle
Pour WEBER, une action a une orientation économique quand elle chercher à aller au
devant d’un désir d’utilité ; l’utilité étant définie comme une préférence pour le bien-être
matériel. L’économie c’est donc la fonction générale du monde humain qui a pour objet
la satisfaction de ses besoins matériels, en vue d’assurer sa reproduction et son
développement. Cette utilité n’implique pas les présupposés individuels car à l’origine, la
science économique a été créée dans des sociétés où le collectif était important.
Résumé Théorie des Organisations 2006-2007
3
L’économie est un ensemble de motivations visant l’accroissement pacifique du bien-
être, mais pas nécessairement dans une conception individuelle du comportement humain
et elle n’est pas exclusive.
Activité strictement économique : c’est l’exercice pacifique d’un droit de
disposition d’orientation essentiellement économique.
Activité à orientation économique :
o Soit cest une activité orientée à d’autres fins mais qui tient compte
des faits économiques
o Soit c’est une activité à orientation essentiellement économique
mais avec des moyens violents.
Autrement dit, c’est toute activité dont l’orientation n’est pas essentiellement
et pacifiquement économique, mais dans laquelle entrent des facteurs économiques.
L’économie peut donc être décrite comme un complexe d’activités concerné par la
distribution, la production, l’échange et la consommation de B&S. Elle repose donc sur
une pluralité de polarités : le marché, la redistribution publique et la réciprocité.
Elle ne se cantonne donc pas à la conception étroite utilitariste ; elle permet d’articuler
amélioration du bien-être et objectifs qui tiennent aux fondements de la vie sociale.
2. L’économie et le marché : un moment particulier
Contrairement à l’économie au sens large, l’économie de marché assure la prépondérance
du marché, qui est un mode de coordination de l’action humaine. Elle radicalise les trois
supposés de l’utilitarisme :
- formalisme : la préférence pour le bien-être matériel acquiert le statut de « méta-
préférence », càd une préférence de niveau supérieur non discutable. Ceci entraîne
une absence de recul critique : cette préférence guide-t-elle vraiment les
comportements ?
La rationalité devient formelle : en se référant à une échelle prédéterminée de
préférences, les échanges peuvent faire l’objet d’une formalisation économique et
donner lieu à un calcul d’utilité déterminant la pertinence des choix. Elle met
donc l’accent sur la logique interne des choix.
- égoïsme : c’est la radicalisation de l’individualisme. L’idée générale est que la
poursuite du bien-être n’est possible que si chacun poursuit préalablement son
intérêt personnel et que cet intérêt vise à détenir des ressources limitées et
simultanément convoitées. (= lutte pour la possession de ressources communes)
On repose maintenant sur un principe d’appropriation : on est dans un régime de
propriété privée. Le marché autorégulateur compte sur l’égoïsme économique
pour assurer sa régulation.
Optimisation marchande : à cause de cette lutte pacifique, la mode de coordination des
conduites individuelles dominant est le marché. Cela ne veut pas dire qu’on renonce à la
collectivité, mais que la formation de l’intérêt général n’est possible qu’au travers de
l’échange égoïste entre les hommes. Le marché est donc le seul dispositif capable de
réaliser l’agrégation des utilités individuelles ; agrégation fondée sur le principe
d’optimalité. C’est la théorie de la main invisible de SMITH qui repose sur l’hypothèse
d’un ordre spontané et optimal.
Résumé Théorie des Organisations 2006-2007
4
La logique de calcul qui servait à déterminer un certain état de bien-être s’en trouve
profondément modifiée : alors qu’elle servait seulement à « trier » des préférences
individuelles et à construire une utilité collective de manière « agrégée », elle est cette
fois redéfinie sous la forme d’un calcul d’optimalité, c’est-à-dire d’une procédure visant
un état collectif idéal.
Le marché a acquis de l’importance : il est maintenant défini comme un mécanisme
« naturel » de coordination des utilités individuelles.
Au point de rencontre entre la philosophie utilitariste et l’économie de marché on assiste
à la naissance de la rationalité utilitaire-formelle : c’est une rationalité calculatrice qui
défend une conception individualiste et conséquentialiste de la vie en société et qui
chercher à atteindre un optimum collectif: un état de satisfaction idéal à l’échelle d’une
communauté humaine (>< rationalité substantielle qui est fondée sur l’interaction).
C. Marché et division du travail : quand l’organisation est encore une « boîte
noire »…
Conséquences de cette évolution sur le concept et la réalité des organisations selon
SMITH :
- la richesse devient un bien désirable. Cette richesse provient du travail effectué,
qui est une valeur susceptible d’être achetée/vendue sur le marché.
- Le temps de travail (=le temps passé à la production) devient un indicateur de
cette valeur.
- Le travail devient source de toute valeur. On fait donc abstraction de l’expérience
du travailleur. La division du travail a donc beaucoup d’importance car elle
définit le mode de création de la richesse.
- Le désir d’enrichissement est censé conduire à la satisfaction des besoins de
l’ensemble de la population (riches et pauvres) et implique une distinction entre
les biens nécessaires et les biens de luxe.
- Le salarié vend sa force de travail en échange d’une amélioration supposé de son
bien-être et le capitaliste confirme sa richesse.
L’acte de travailler devient une grandeur abstraite : un bien acquiert de la valeur à travers
les transactions qui s’opèrent sur un marché. La science des organisations repose donc sur
un processus d’abstraction du travail : il est maintenant assimilé au temps de production
et devient une valeur d’échange.
Pbl : on ne sait pas prendre en compte la nature des rapports sociaux vécus dans la sphère
productive et on fait de la division du travail un principe justifiable sur le plan de
l’efficacité économique ; le travail pourrait donc être divisible ad infinitum.
Cette approche ne dit rien des modes de coordination interne, des problèmes de
motivation ou de conflit, de la gestion des compétences, etc.
Selon SMITH, l’organisation serait donc entièrement guidée par un mode de coordination
externe régi par l’échange marchand.
Résumé Théorie des Organisations 2006-2007
5
D. Le taylorisme ou l’utilitarisme appliqué aux organisations de production
Le taylorisme est le second moment fondateur de la théorie des organisations. Il a donné
naissance à un ensemble de méthodes et de principes d’organisation de la production,
rassemblés sous le terme d’Organisation Scientifique du Travail (O.S.T.).
Le taylorisme défend l’intérêt général à travers la croissance de la prospérité matérielle
(comme Smith) ; mais au lieu de faire du travail une valeur abstraite et d’évoquer le
principe de la division du travail, il va ouvrir la « boîte noire » de l’organisation et
construire des moyens d’action permettant de l’influencer. Il reprend aussi le postulat
utilitariste d’une rationalité fondée sur le calcul mais cette fois, ce sont les rapports
sociaux de production qui en font l’objet.
1. Traits principaux qui marquent la naissance du taylorisme :
- objectif : accroître la quantité de bien-être : « une plus grande prospérité pour
tous »
- repose sur un raisonnement économique classique :
o définition de méthodes visant à augmenter la productivité
o productivité est le facteur principal d’amélioration des performances
économiques des entreprises (=condition du bien-être collectif)
o performance permise par l’augmentation de la demande
- croissance de la production réconcilie les intérêts contradictoires des employeurs
et salariés (augmentation de leur pouvoir d’achat)
- repose sur un « deal social » : les changements de la productivité donnent un plus
haut niveau de vie aux pauvres : les objets de luxe deviennent des objets de
nécessité
- le marché est insuffisant pour assurer l’optimalité économique et il fait de
l’organisation du travail un objet de science
- positivisme scientifique : il considère que la Science (destinée à produire un
ensemble de connaissances objectives sur le monde naturel et sur le monde social)
constitue une étape indispensable vers le Progrès : en améliorant la connaissance
du monde on améliore ses conditions de vie, on sort de la dépendance et on ouvre
la voie à une société harmonieuse. Le taylorisme vise donc à faire une norme
scientifique objective d’organisation des moyens de production : OST.
2. Les 3 principes de l’OST :
- Lutte contre la flânerie et les savoirs de métier : il faut des méthodes de travail
objectives pour atteindre une efficacité économique. Il faut donc lutter contre le
syndicalisme ouvrier et assurer la suprématie des techniques de production sur les
luttes sociales.
Il faut donc déqualifier le travail ouvrier : on remplace les ouvriers professionnels
par des ouvriers peu qualifiés et interchangeables.
1 / 22 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !