Fiche I Utilitarisme, Néo-utilitarisme et Critique Sociale A. L’utilitarisme, une philosophie morale Obscurantisme : - croyance en l’existence d’un univers surnaturel qui donne un fondement aux comportements humains - croyance qui dépasse les capacités rationnelles des hommes et requiert leur soumission intégrale D’un point de vue scientifique, l’obscurantisme est une démission de la raison ; D’un point de vue politique, c’est l’asservissement de l’homme à des forces magiques. Mouvement des Lumières va contre l’obscurantisme : il prône l’émancipation de la condition humaine : - raison autonome : l’homme acquiert une autonomie (n’est plus soumis à une force magique) - valorisation des satisfactions ordinaires : on accorde de l’importance à la richesse et aux états de plaisir - promotion du bien-être : le bien-être devient l’horizon de toute action rationnelle Il y a deux grandes variantes du mouvement des Lumières : - l’anglaise qui donnera naissance à l’utilitarisme et à l’économie moderne et qui accepte un certain théisme. - La française, athéiste, qui donnera naissance au rationalisme technique et scientifique. L’utilitarisme est une philosophie morale qui défend l’idée qu’une société juste est une société heureuse. Les deux « noyaux philosophiques » de l’utilitarisme comme branche des Lumières : 1. HUME et l’empirisme sceptique La raison ne peut se prononcer que sur des faits, et pas sur des valeurs. En effet, le monde des valeurs et des idées est dénue de contenu : une valeur n’est que le reflet d’expériences passées, ce n’est que la trace mentale d’une répétition d’expériences quotidiennes (habitudes), et c’est cette répétition qui fait apparaître un lien de causalité qui peut être interprété comme le reflet d’une valeur. Une valeur n’a de signification que quand elle explique un évènement sensible. Ex : en prenant ses repas ensemble, une famille génère des rapports d’autorité spécifiques, et c’est par cette pratique (=répétition) qu’elle fait apparaître la valeur qu’elle attribue au besoin d’être ensemble. Les idées dérivent de l’expérience (empirisme) Le raisonnement ou réflexion morale dérive de l’habitude (scepticisme) Donc, les valeurs ne peuvent guider l’action ou renvoyer à une autorité morale : elles ne font que refléter un agencement collectif de « l’idée d’éthique » au sein d’une communauté humaine. Résumé Théorie des Organisations 2006-2007 1 2. SMITH et le nouveau statut de la richesse dans la conception de la « vie bonne » La richesse est un bien désirable et est le vecteur principal du bien-être d’un individu. C’est quelque chose d’utile qui contribue au bien-être. La finalité de l’utilitarisme est donc de produire la plus grande quantité de bonheur possible pour le plus grand nombre d’individus possible. L’utilitarisme est une philosophie : - welfariste : on a un ensemble de préférences pour parvenir à un état de bien-être (surtout matériel) qui lui-même procure un état de satisfaction - individualiste : les conduites humaines sont guidées par l’utilité individuelle, c’est le caractère rationnel de l’action. L’intérêt général = ∑ des intérêts particuliers car les préférences renvoient à des classements élaborés par des individus solitaires. >> indifférence à l’égard des dimensions collectives - calculatoire : la procédure de tri et de sélection des préférences est faite par calcul mathématique. Le calcul définit donc le moyen de viser un état de bien-être effectif. >> modalité pratique pour déterminer l’utilité individuelle et l’utilité collective, qui est la somme des utilités individuelles Le calcul serait donc la seule procédure capable de déterminer les buts de l’action humaine à l’échelle individuelle et collective. Le problème est que le calcul de l’action humaine suppose une objectivation préalable des buts de l’action (=arbitrage coûts-bénéfices), objectivation qui suppose une lecture binaire du réel ce qui n’est pas idéal car on cache la partie de L’action humaine qui repose sur l’interaction. L’utilitarisme n’est pas qu’égoïste, mais c’est une philosophie qui s’appuie sur une conception individualiste de la vie sociale. C’est une philosophie conséquentialiste : le bienfondé d’une action repose sur la nature des résultats obtenus (et non sur la correspondance des actions avec des principes préalablement fixés). Dans ce contexte, une conduite est dite rationnelle si et seulement si elle vise l’amélioration d’un état donné de bien-être, repose sur l’agrégation de comportements individuels et peut faire l’objet d’un calcul coûts-bénéfices (dit « calcul d’utilité »). B. L’économie de marché : un utilitarisme radicalisé 1. L’économie, une fonction générale et plurielle Pour WEBER, une action a une orientation économique quand elle chercher à aller au devant d’un désir d’utilité ; l’utilité étant définie comme une préférence pour le bien-être matériel. L’économie c’est donc la fonction générale du monde humain qui a pour objet la satisfaction de ses besoins matériels, en vue d’assurer sa reproduction et son développement. Cette utilité n’implique pas les présupposés individuels car à l’origine, la science économique a été créée dans des sociétés où le collectif était important. Résumé Théorie des Organisations 2006-2007 2 L’économie est un ensemble de motivations visant l’accroissement pacifique du bienêtre, mais pas nécessairement dans une conception individuelle du comportement humain et elle n’est pas exclusive. Activité strictement économique : c’est l’exercice pacifique d’un droit de disposition d’orientation essentiellement économique. Activité à orientation économique : o Soit c’est une activité orientée à d’autres fins mais qui tient compte des faits économiques o Soit c’est une activité à orientation essentiellement économique mais avec des moyens violents. ► Autrement dit, c’est toute activité dont l’orientation n’est pas essentiellement et pacifiquement économique, mais dans laquelle entrent des facteurs économiques. L’économie peut donc être décrite comme un complexe d’activités concerné par la distribution, la production, l’échange et la consommation de B&S. Elle repose donc sur une pluralité de polarités : le marché, la redistribution publique et la réciprocité. Elle ne se cantonne donc pas à la conception étroite utilitariste ; elle permet d’articuler amélioration du bien-être et objectifs qui tiennent aux fondements de la vie sociale. 2. L’économie et le marché : un moment particulier Contrairement à l’économie au sens large, l’économie de marché assure la prépondérance du marché, qui est un mode de coordination de l’action humaine. Elle radicalise les trois supposés de l’utilitarisme : - formalisme : la préférence pour le bien-être matériel acquiert le statut de « métapréférence », càd une préférence de niveau supérieur non discutable. Ceci entraîne une absence de recul critique : cette préférence guide-t-elle vraiment les comportements ? La rationalité devient formelle : en se référant à une échelle prédéterminée de préférences, les échanges peuvent faire l’objet d’une formalisation économique et donner lieu à un calcul d’utilité déterminant la pertinence des choix. Elle met donc l’accent sur la logique interne des choix. - égoïsme : c’est la radicalisation de l’individualisme. L’idée générale est que la poursuite du bien-être n’est possible que si chacun poursuit préalablement son intérêt personnel et que cet intérêt vise à détenir des ressources limitées et simultanément convoitées. (= lutte pour la possession de ressources communes) On repose maintenant sur un principe d’appropriation : on est dans un régime de propriété privée. Le marché autorégulateur compte sur l’égoïsme économique pour assurer sa régulation. Optimisation marchande : à cause de cette lutte pacifique, la mode de coordination des conduites individuelles dominant est le marché. Cela ne veut pas dire qu’on renonce à la collectivité, mais que la formation de l’intérêt général n’est possible qu’au travers de l’échange égoïste entre les hommes. Le marché est donc le seul dispositif capable de réaliser l’agrégation des utilités individuelles ; agrégation fondée sur le principe d’optimalité. C’est la théorie de la main invisible de SMITH qui repose sur l’hypothèse d’un ordre spontané et optimal. Résumé Théorie des Organisations 2006-2007 3 La logique de calcul qui servait à déterminer un certain état de bien-être s’en trouve profondément modifiée : alors qu’elle servait seulement à « trier » des préférences individuelles et à construire une utilité collective de manière « agrégée », elle est cette fois redéfinie sous la forme d’un calcul d’optimalité, c’est-à-dire d’une procédure visant un état collectif idéal. Le marché a acquis de l’importance : il est maintenant défini comme un mécanisme « naturel » de coordination des utilités individuelles. Au point de rencontre entre la philosophie utilitariste et l’économie de marché on assiste à la naissance de la rationalité utilitaire-formelle : c’est une rationalité calculatrice qui défend une conception individualiste et conséquentialiste de la vie en société et qui chercher à atteindre un optimum collectif: un état de satisfaction idéal à l’échelle d’une communauté humaine (>< rationalité substantielle qui est fondée sur l’interaction). C. Marché et division du travail : quand l’organisation est encore une « boîte noire »… Conséquences de cette évolution sur le concept et la réalité des organisations selon SMITH : - la richesse devient un bien désirable. Cette richesse provient du travail effectué, qui est une valeur susceptible d’être achetée/vendue sur le marché. - Le temps de travail (=le temps passé à la production) devient un indicateur de cette valeur. - Le travail devient source de toute valeur. On fait donc abstraction de l’expérience du travailleur. La division du travail a donc beaucoup d’importance car elle définit le mode de création de la richesse. - Le désir d’enrichissement est censé conduire à la satisfaction des besoins de l’ensemble de la population (riches et pauvres) et implique une distinction entre les biens nécessaires et les biens de luxe. - Le salarié vend sa force de travail en échange d’une amélioration supposé de son bien-être et le capitaliste confirme sa richesse. L’acte de travailler devient une grandeur abstraite : un bien acquiert de la valeur à travers les transactions qui s’opèrent sur un marché. La science des organisations repose donc sur un processus d’abstraction du travail : il est maintenant assimilé au temps de production et devient une valeur d’échange. Pbl : on ne sait pas prendre en compte la nature des rapports sociaux vécus dans la sphère productive et on fait de la division du travail un principe justifiable sur le plan de l’efficacité économique ; le travail pourrait donc être divisible ad infinitum. Cette approche ne dit rien des modes de coordination interne, des problèmes de motivation ou de conflit, de la gestion des compétences, etc. Selon SMITH, l’organisation serait donc entièrement guidée par un mode de coordination externe régi par l’échange marchand. Résumé Théorie des Organisations 2006-2007 4 D. Le taylorisme ou l’utilitarisme appliqué aux organisations de production Le taylorisme est le second moment fondateur de la théorie des organisations. Il a donné naissance à un ensemble de méthodes et de principes d’organisation de la production, rassemblés sous le terme d’Organisation Scientifique du Travail (O.S.T.). Le taylorisme défend l’intérêt général à travers la croissance de la prospérité matérielle (comme Smith) ; mais au lieu de faire du travail une valeur abstraite et d’évoquer le principe de la division du travail, il va ouvrir la « boîte noire » de l’organisation et construire des moyens d’action permettant de l’influencer. Il reprend aussi le postulat utilitariste d’une rationalité fondée sur le calcul mais cette fois, ce sont les rapports sociaux de production qui en font l’objet. 1. Traits principaux qui marquent la naissance du taylorisme : - - - objectif : accroître la quantité de bien-être : « une plus grande prospérité pour tous » repose sur un raisonnement économique classique : o définition de méthodes visant à augmenter la productivité o productivité est le facteur principal d’amélioration des performances économiques des entreprises (=condition du bien-être collectif) o performance permise par l’augmentation de la demande croissance de la production réconcilie les intérêts contradictoires des employeurs et salariés (augmentation de leur pouvoir d’achat) repose sur un « deal social » : les changements de la productivité donnent un plus haut niveau de vie aux pauvres : les objets de luxe deviennent des objets de nécessité le marché est insuffisant pour assurer l’optimalité économique et il fait de l’organisation du travail un objet de science positivisme scientifique : il considère que la Science (destinée à produire un ensemble de connaissances objectives sur le monde naturel et sur le monde social) constitue une étape indispensable vers le Progrès : en améliorant la connaissance du monde on améliore ses conditions de vie, on sort de la dépendance et on ouvre la voie à une société harmonieuse. Le taylorisme vise donc à faire une norme scientifique objective d’organisation des moyens de production : OST. 2. Les 3 principes de l’OST : - Lutte contre la flânerie et les savoirs de métier : il faut des méthodes de travail objectives pour atteindre une efficacité économique. Il faut donc lutter contre le syndicalisme ouvrier et assurer la suprématie des techniques de production sur les luttes sociales. Il faut donc déqualifier le travail ouvrier : on remplace les ouvriers professionnels par des ouvriers peu qualifiés et interchangeables. Résumé Théorie des Organisations 2006-2007 5 - - Contrôle des temps de production et parcellisation des tâches : c’est l’entrée du chronomètre dans l’atelier. L’augmentation de la productivité du facteur travail repose sur le contrôle du temps passé à la réalisation des tâches. Il faut donc diminuer ce temps au minimum, ce qui fera baisser les coûts de production et fera augmenter les marges bénéficiaires. Marges dont les ouvriers tireront parti par l’augmentation de leur pouvoir d’achat. Par le chronomètre : o On standardise les gestes o L’apprentissage individuel repose sur une logique de commandement o Le travail est soumis à un pouvoir hiérarchique légitime Tâche complexe = Σ opérations simples Ces tâches sont o Descriptibles de l’extérieur o Séparées de tout individu concret o Divisibles en séquences de production simples pouvant faire l’objet d’un calcul de production Le temps de production fait donc l’objet d’une allocation scientifique, celle du temps alloué. Division du travail entre concepteurs et exécutants : cette division est scientifiquement légitime : les concepteurs ne sont pas les exécutants et les exécutants ne sont pas les concepteurs car ils n’ont pas les savoirs nécessaires. La production doit être pilotée par des experts qui définissent l’ensemble des règles et exercent un contrôle absolu. On a une nouvelle catégorie d’acteurs : les ingéconcepteurs qui permettent aux employeurs d’asseoir leur méthode de gestion sur une base scientifique objective. Le management scientifique fait reposer l’optimum économique sur la scission entre concepteurs et exécuteurs. Cette scission est une structure invisible rendue incontestable vu qu’elle s’appuie sur une base scientifique objective ; mais derrière cette base scientifique objective se cache un projet politique : celui de neutraliser la contestation ouvrière sur la division du travail. On se retrouve avec une architecture socio-politique à grande échelle. La théorie des organisations est encastrée dans - une théorie utilitariste (enrichissement individuel est le moteur de l’action rationnelle et l’objectif du marché est l’optimisation du bien-être collectif) - à laquelle s’ajoutent des moyens objectifs de rationalisation de la production de façon à accroître la productivité du facteur travail pour générer une plus-value. 3. Fondements du taylorisme Dans l’économie classique : les conduites humaines sont rationnelles si guidées par l’égoïsme et l’optimum collectif est atteint par la concurrence sur le marché. →contradiction entre satisfaction des divers intérêts individuels et la rationalité d’un groupe organisé Résumé Théorie des Organisations 2006-2007 6 Smith a répondu par la notion de marché mais pas suffisant Taylor répond en appliquant le positivisme scientifique à l’analyse des rapports sociaux de la production càd qu’il conditionne les intérêts individuels à une certaine forme d’organisation de la production : les travailleurs poursuivent leurs intérêts individuels que s’ils inscrivent préalablement dans l’intérêt de l’organisation à laquelle ils appartiennent. Ceci suppose qu’ils acceptent les principes scientifiques de division du travail. La réponse de Taylor à cette contradiction n’est donc pas seulement l’économie, mais le management scientifique: la rationalité calculatrice ne s’applique plus prioritairement à la formalisation de l’échange économique mais à l’analyse scientifique des rapports sociaux. Trois remarques à propos de ce basculement : - la rationalité (indissociablement descriptive et prescriptive) énonce un fait (ce qui est) et des conditions pour que ce fait soit vérifiable en pratique (ce qui doit être pour que ce qui est soir effectif) - ces conditions ont trait à l’agencement des relations entre personnes et choses : ils faut des experts, des contremaîtres, des travailleurs, des chronomètres, des machines, … La rationalité fondée sur le calcul présuppose une rationalité fondée sur l’interaction. o Ex : pour qu’une organisation soit efficace il faut définir des méthodes de production et une autorité de pouvoir distincte du marché Mais en faisant reposer cette structure de pouvoir sur une base scientifique, il refuse d’accepter qu’elle puisse avoir une dimension relationnelle qui échapperait à un calcul d’utilité. Les décisions prises au nom d’une rationalité calculatrice présupposent un certain nombre de conditions ; on dira donc que cette rationalité n’est pas naturelle mais qu’elle résulte d’une construction sociale. - la rationalisation est un processus qui assure la prééminence de cette rationalité sur toute considération relative aux dimensions non calculatrices de l’action humaine. Les théories de Smith et de Taylor définissent une rationalité parmi d’autres et les conditions nécessaires à la prééminence du calcul d’intérêts sur les autres manières d’appréhender la vie sociale. Ces théories sont donc le reflet d’un rapport dans force dans le champ de la rationalité. Critiques et dépassements ? Le taylorisme est la pensée utilitariste appliquée aux organisations. Il y a 3 grandes critiques : - La critique marxiste : le paradigme utilitariste est vicié car o la logique de l’égoïsme ne peut que conduire à une lutte de tous contre tous dans un contexte de ressources rares. La justification d’un échange optimal de sert qu’à masquer cette lutte inégale entre les capitalistes et les salariés et à maintenir les privilèges des dominants o le travail se présente sous une forme aliénée : le travailleur ne maîtrise ni le produit, ni l’organisation de son travail. Résumé Théorie des Organisations 2006-2007 7 - - o En plus, la division du travail conduit à l’exploitation de l’homme par l’homme : le travailleur ne perçoit pas le salaire correspondant à sa dépense et à son travail… c’est de la que vient la plus-value du capitaliste Limites de la critique marxiste : o la vision de Marx est très stéréotypée : selon lui, une organisation ne vise qu’à exploiter ses travailleurs o Marx érige la préférence pour le bien-être matériel en méta-préférence dans l’affrontement entre les classes, càd qu’elles ne se préoccupent que du bien-être matériel. o Marx ne théorise que l’organisation capitaliste, pas les autres (les non marchandes) Principale critique : l’indignité humaine qui accompagne le développement du capital et des organisations marchandes La critique fonctionnaliste (Mintzberg) : qu’en est-il de l’adaptation à l’environnement : les effets de système qui caractérisent tout fonctionnement organisationnel ne sont pas réductibles à la simple addition de comportements individuels. → l’inadaptation fonctionnelle est une source de sous efficacité La critique structuraliste (Foucault) : il y a un contrôle social permanent qui n’est plus réservé à une élite mais qui est à la disposition collective : on cherche tous à voir sans être vus. C’est dans les organisations que ces pratiques de contrôle prennent corps. → rationalité utilitariste est une idéologie au service d’un contrôle social généralisé La théorie utilitariste a répondu à ces critiques en prenant deux directions spécifiques : - l’économie des coûts de transaction : les échanges sociaux que l’utilitarisme sousestime. Il faut donc reconnaître l’importance de ces interactions ainsi que leur calculabilité. - la théorie du choix rationnel : on revient à l’utilitarisme originel en faisant des préférences, dont on a un large éventail, le vecteur de l’action rationnelle. On va ainsi faire une description de la méthodologie générale du comportement humain. Pbl : radicalisation de l’individualisme qui est en contradiction avec le besoin d’articuler logique individuelle et logique collective. Ces trois critiques posent les limites de la rationalité instrumentale : Le concept de rationalité instrumentale désigne le processus selon lequel la gestion utilitaire et calculatrice de ressources est érigée au rang de finalité unique de l’action humaine. Elle correspond, en d’autres termes, à la volonté d’occulter l’existence d’une rationalité fondée sur l’interaction. Ca renvoie à l’idée d’une confusion entre les moyens et la fin. Résumé Théorie des Organisations 2006-2007 8 Fiche II Fonctionnalisme vs. Structuralisme : les structures en question A. Le paradoxe organisationnel et la question des structures On va maintenant réfléchir aux composantes de l’organisation qui renvoient à une conception élargie de l’action humaine : on va réfléchir aux interactions concrètes qui entourent les décisions. On ne va pas pour autant aboutir à une vision du monde désintéressé : il existe en effet une norme globale d’utilité (domaine du calculable) mais elle est insuffisante pour assurer l’efficacité de manière concrète et peut aboutir à un résultat inverse de ce qui était prévu. C’est le paradoxe de toute organisation : la recherche d’efficacité collective suppose de faire un détour par les dimensions non utilitaristes de l’action humaine pour permettre à cette efficacité de s’inscrire dans la réalité. On doit donc élargir le spectre des motifs de l’action. En effet, on constate souvent que quand on se focalise trop sur une conception trop utilitaire de l’action humaine on se retrouve devant des situations imprévues et difficilement gérables : le facteur humain est trop complexe pour pouvoir être considéré comme strictement utilitariste. Deux remarques : - la rationalité fondée sur l’interaction n’est pas moins rationnelle que celle fondée sur le calcul, elle l’est différemment. - Une organisation n’est pas intrinsèquement vertueuse : il ne suffit pas d’ajouter un peu d’interaction à beaucoup de calcul pour qu’une organisation soir efficace. Au contraire, avec l’interaction on voit apparaître de nouvelles sources d’inefficacité (tensions, conflits,…) qui n’apparaissaient pas dans le paradigme utilitariste Paradigme structurel : les décisions humaines sont faiblement maîtrisées par les individus et dépendent des structures globales qui en influencent le cours. Contrairement au paradigme utilitariste, la focalisation sur une logique individuelle (voire égoïste) est contre-productive et contraire à la logique des décisions humaines. Il faut donc maintenant analyser les structures dans lesquelles les humains interagissent. Structure = agencement de rapports entre les entités d’une même organisation, de telle sorte que chaque entité tire son fonctionnement de son rapport aux autres entités (et non pas de sa logique propre comme c’est le cas dans l’utilitarisme). Les différentes interprétations de la notion de structure ont donné naissance à deux courants idéologiques : - le structuro-fonctionnalisme : la notion de structure a pour objectif une meilleure adaptation de l’organisation à son environnement (Mintzberg). - le mouvement structuraliste : la notion de structure sert à critiquer les mécanismes de distribution du pouvoir dans les organisations et à indiquer les formes possibles de gouvernement (Foucault). Résumé Théorie des Organisations 2006-2007 9 B. Structures fonctionnelles et adaptation continue (MINTZBERG) Un comportement est rationnel si et seulement s’il vise à s’adapter aux contraintes que lui impose son environnement. Il n’est donc plus nécessaire de savoir si la poursuite individuelle du bien-être est suffisante pour assurer la production de la manière la plus efficace (utilitarisme). Il suffit maintenant d’adapter les différentes composantes d’un système aux contraintes imposées par l’environnement pour que la production soit faite de la manière le plus efficace. La rationalité n’est donc plus une affaire de choix individuels : elle décrit la capacité d’adaptation d’un collectif. Quatre dimensions spécifiques des travaux de Mintzberg : 1. Conception fonctionnelle du pouvoir : o Pour le taylorisme, on établit la validité scientifique d’un rapport des hommes entre eux (hiérarchie au sein de la division du travail) sur la nécessité d’accroître la productivité. → Les différences hiérarchiques sont naturelles dans une organisation rationnelle o pour les structuro-fonctionnalistes : une telle considération est source d’inefficacité. L’environnement présente une triple caractéristique : déterministe : l’analyse organisationnelle inscrit les organisations dans une relation de dépendance vis-à-vis d’un environnement considéré comme donné. L’enrichissement est vu comme une finalité possible. plurielle : il y a une diversité d’environnements existants donc plusieurs approches sont possibles exogène : les organisations sont des lieux dépendants et l’environnement est une variable exogène → Les organisations n’influencent pas l’environnement Selon les structuro-fonctionnalistes on doit sortir de l’ombre des rapports de pouvoir internes aux organisations: les interdépendances entre les différentes entités sont politiques : elles décrivent un ensemble de contraintes que des individus exercent les uns vis-à-vis des autres (contenu substantiel). Ces contraintes sont liées aux positions qu’occupent les membres par rapport à un système de décision plus ou moins formalisé. Ces relations de pouvoir ne sont donc pas que de pures contraintes ; elles remplissent une fonction spécifique : celle de permettre l’adaptation plus ou moins rapide de l’organisation à son environnement. → Le pouvoir définit une fonctionnalité nécessaire dans l’adaptation d’une organisation à son environnement. Résumé Théorie des Organisations 2006-2007 10 2. Coordination, point de rupture avec le taylorisme : Ce sont les dispositifs transversaux et régulés permettant de combiner des actions indépendantes et séparées. o Pour Taylor : avec la division du travail, il rejette le pouvoir de coordination qu’avaient les ouvriers de métier. En permettant des activités de coordination, on dilue le pouvoir organisationnel et on fait éclater la situation privilégiée des concepteurs → La coordination est donc un monopole des ingé-concepteurs car c’est le produit spontané des opérations mathématiques ayant fondé la division du travail et seules ceux-ci peuvent légitimement organiser rationnellement la production et assurer la coordination d’activités qu’ils ont séparées. La coordination apparaît donc comme une fonction secondaire, dérivée de la division du travail. o Pour Mintzberg : la coordination joue un rôle fondamental dans les organisations. En se focalisant trop sur la division du travail et en confisquant toute initiative de coordination on risque de nuire à la capacité adaptative des firmes. 3. La pluralité des sources de coordination : o Taylor : relation dans l’organisation = obéissance et conformité au pouvoir hiérarchique o Mintzberg : la coordination résulte de plusieurs sources dont 3 principales : Les relations interpersonnelles : les individus coordonnent leurs actions à tous les niveaux de l’organisation. La coordination ne s’oppose pas directement à la division du travail formalisée ; c’est un processus complémentaire qui permet d’accroître la capacité d’adaptation. La supervision hiérarchique : la hiérarchie sert à s’assurer que les ordres qui émanent des échelons supérieurs soient connus, formalisés et mis en œuvre dans les meilleures conditions possibles. Face à un environnement changeant, ceci demande un travail de coordination entre les membres d’une même entité. La standardisation : Il ne pense pas, non plus, que ce processus puisse être décrit comme une forme intrinsèque d’« aliénation » (Marx) ou de renforcement des dispositifs « disciplinaires » (Foucault), dissimulés derrière le voile de l’accroissement du bien-être. Pour lui, il s’agit d’un moyen parmi d’autres permettant de produire la coordination dont Résumé Théorie des Organisations 2006-2007 11 les organisations ont besoin pour faire face à la complexité.3 standardisations possibles : Standardisation des procédures et résultats : homogénéisation des procédures de fabrication et définition des procédures de contrôle Standardisation des qualifications : homogénéisation de la qualité de la main-d’œuvre par une formation de domaines d’expertise et le développement de la coordination par le partage des savoirs communs Standardisation des modèles culturels : il faut que les membres de l’organisation se reconnaissent dans le modèle culturel de l’organisation → développement de valeurs communes La dimension culturelle ne peut plus être absente des choix de gestion : la culture est utilisée à des fins d’efficacité productive et d’adaptation fonctionnelle. C. Coordination et pouvoir, une articulation complexe La pouvoir se mesure dans la faculté des individus ou des groupes à peser sur les décisions en mobilisant des ressources de coordination : les acteurs en charge de la coordination influencent les choix et évolutions de leur organisation. Le pouvoir est un pouvoir de décision, de gérer et il est donc propre à une organisation donnée. 1) Le pouvoir comme pouvoir de décision : Il y a deux sortes de pouvoir : o le pouvoir comme accès à la décision : c’est la possibilité d’accéder à la définition des principes de la division du travail. o Le pouvoir comme possibilité d’influencer la décision : la faculté d’influencer le système de décision dépend de la capacité d’un individu à peser sur les différents dispositifs de coordination disponibles (influence formelle ou informelle). 2) Les principaux acteurs de la décision et coordination: o les acteurs externes : ce sont les propriétaires des moyens de production → pouvoir de tutelle mais pas opérationnel Ce sont eux qui investissent le capital initial et qui demandent un retour o les acteurs internes, liés à la décision formelle : ce sont les acteurs liés de près au système décisionnel o les acteurs internes susceptibles d’influencer la décision : analystes de la technostructure : individus qui ont un rôle à jouer dans les processus de standardisation (normes culturelles comprises). services logistiques : ceux qui fournissent aux analystes les moyens matériels leur permettant d’assurer leur fonction ; ils ont un rôle d’appui. Résumé Théorie des Organisations 2006-2007 12 Ces services sont souvent filialisés et ne font donc souvent plus partie des acteurs internes. Mintzberg ne parle pas des individus associés aux activités de production proprement dites, mais ils peuvent avoir une influence indirecte. Les membres de la ligne hiérarchiques participent à la décision formelle (mise en œuvre) et l’influencent (ils ont en charge la coordination par supervision) 3) Coordination et pouvoir, des relations structurées : a) On avait défini le pouvoir comme la production majeure de contraintes vis-à-vis d’autres personnes. En le liant à la coordination et en le réduisant à une forme d’accès à la décision, peut-on dire qu’il s’exerce en-dehors de toute contrainte ? → Non, ici la contrainte est l’adaptation fonctionnelle et les besoins de coordination On ne pense pas au pouvoir en terme de domination (=situation dans laquelle certaines personnes sont limitées dans leur action à cause de contraintes imposées par les autres, quelle que soit la fonction de ces contraintes). Pour Mintzberg, la domination n’a pas de statut scientifique car le pouvoir doit être associé à une fonction particulière pour être légitime. b) La nature de la relation n’est pas hasardeuse : cette relation a été construite au fil du temps donc on peut parler de relation de pouvoir structurée. → Le pouvoir résulte d’une combinaison organisée et régulière entre des systèmes de décision formalisés et des formes plus ou moins stabilisées de coordination. La démarche structuro-fonctionnaliste met l’accent sur les interdépendances collectives entre les « entités » d’un même système, en vue d’une adaptation continue à un environnement donné. Premier constat : nous sortons du paradigme de l’intérêt individuel. Importe cette fois non la rationalité d’un comportement individuel mais la rationalité d’un système. Deuxième constat : l’efficacité d’un système passe par une articulation ouverte entre coordination et pouvoir. Troisième constat : la démarche structuro-fonctionnaliste s’intéresse à l’ensemble des dimensions d’un système, et particulièrement aux interdépendances mutuelles des acteurs. On ne rompt pas avec la visée optimisatrice du paradigme utilitariste, optimisation qui concerne l’ensemble des dimensions d’un système. Mais comme on ne sait pas obtenir le degré de formalisation obtenu précédemment à cause des diverses dimensions prises en compte (on ne se réduit plus à la dimension utilitariste calculatrice) on va dégager plusieurs configurations typiques fondées sur un principe d’adaptation optimale vis-à-vis d’un environnement donné. Résumé Théorie des Organisations 2006-2007 13 D. La notion de configuration organisationnelle Mintzberg a remplacé la notion de structure par celle de configuration qui a permis de classer les organisations à partir de « types-idéaux ».Il existe des relations régulières entre pouvoir et coordination. 5 grandes configurations organisationnelles : - configuration taylorienne ou bureaucratique : o système de décision organisé autour d’une forte division du travail o intense coordination par standardisation des procédures et résultats (pouvoir central des analystes de la technostructure) o coordination par relation interpersonnelle pas légitime - configuration entrepreneuriale : o organisation placée sous l’autorité personnelle d’un leader o division du travail moins marquée o supervision directe mais niveau hiérarchique peu formalisé o leader a un rôle de centralisation des décisions et diffusion d’un modèle culturel o les salariés sont poussés à entreprendre - configuration professionnelle : o importance des comportements des salariés dans l’organisation et du processus de la création de valeur o division du travail marquée et niveaux de hiérarchie nombreux o coordination par standardisation des qualifications : formation et développement des compétences est un domaine d’investissement majeur → sphère dirigeante dépend des compétences de la main-d’œuvre - configuration missionnaire : o l’organisation vise à répondre à des missions allant au-delà de la production et de la commercialisation → objectifs marchands passent au second plan o coordination s’opère à travers la standardisation des normes culturelles → la force du modèle culturel sert d’écran à la reconnaissance de la divergence des intérêts individuels - configuration adhocratique : o structuration temporaire des rapports entre pouvoir et coordination, structure qui dépend de la variation de la demande extérieure o division du travail temporaire en fonction du projet et peu marquée car elle évolue beaucoup o coordination par standardisation des qualifications ou supervision directe o intensification des rapports informels - organisation flexible : o double radicalisation : Résumé Théorie des Organisations 2006-2007 14 configuration taylorienne : renforcement de la division du travail configuration adhocratique : les organisations ont de moins en moins de visibilité sur leur avenir, donc ajustements successifs et structure de travail temporaire E. Structures et assujettissement : la rupture structuraliste Pour FOUCAULT, les structures organisationnelles ne font que refléter des transformations sociopolitiques. Pour lui, une structure décrit la logique interne qui transparaît derrière une pratique sociale. La structure met en scène une procédure spécifique de distribution du pouvoir et décrit un processus de renversement du pouvoir par rapport aux mécanismes politiques traditionnels : le pouvoir devient une technique sans autorité. Chaque personne est surveillée en permanence et cette surveillance est permise par la nouveau statut qu’on accorde au corps dans les sociétés modernes : celui d’un corps strictement utile, structuré par une gestualité objective et soumis à une utilisation maximale. → la société discipline qu’est devenue la société moderne fabrique des corps d’autant plus soumis qu’ils sont censés être utiles. On ne va pas contre le mouvement des Lumières : cette docilité des corps va de pair avec la volonté d’adoucir la violence. La contrepartie de cet adoucissement est la construction d’un projet de maîtrise généralisée : la société dans son ensemble devient disciplinaire. La raison est un processus à deux faces, dont l’une (le désir d’utilité) sert de masque à l’autre (la surveillance généralisée). F. Pouvoir, surveillance, gouvernementalité : la formes de domination modernes 1) Point de départ : le panoptique (« voir partout ») : Il répond à un souci pratique : le besoin d’une organisation rationnelle des prisons à mesure que la population pénale s’accroît. On a une architecture permettant une surveillance permanente et cette surveillance est anonyme. Selon Foucault, le pouvoir moderne s’exerce à partir de l’effacement progressif d’une figure personnalisée de l’autorité. Une organisation panoptique procède d’une économie de la visibilité : on répartit les cellules autour d’une position centrale de telle sorte que le détenu soir visible en permanence et que le surveillant ne le soit pas. → rupture fondamentale avec la façon dont s’exerçait le pouvoir dans l’Ancien Régime où on voyait l’autorité Résumé Théorie des Organisations 2006-2007 15 2) Principes de surveillance retour à l’emploi du temps : on fractionne la matrice temporelle de manière à surveiller et contrôler le moindre comportement - articulation « corps-geste objet » : le corps a perdu toute autonomie à l’égard du monde des objets (car le corps est réduit à l’état de geste, qui dépend luimême de sa capacité à manipuler des objets) - l’utilisation exhaustive : la recherche de l’efficacité dépend de la capacité d’une organisation à faire un usage maximale des machines et des corps à sa disposition. => on chercher à intensifier l’usage du moindre instant (économie positive) >< principe négatif de l’emploi du temps dans sa forme traditionnelle (non oisiveté) - 3) Conclusion : Foucault prend des intuitions de Taylor : Taylor définit des principes d’organisation devant conduire à une efficacité maximale - Foucault dit que ces principes pervertissent la raison et marquent l’entrée des sociétés dans des processus d’assujettissement, d’autant plus efficaces qu’ils sont voilés par l’extension de la démocratie et le renoncement à la violence objective. => Même constat pour les deux : les principes de la surveillance généralisée caractérisent la réalité des organisations modernes. La nouveauté de Foucault résulte dans le fait que le pouvoir se retire de toute figure d’autorité et sa loge dans des dispositifs et des techniques anonymes. Foucault ne fait pas de différence fondamentale entre utilitarisme et fonctionnalisme : c’est l’utilisation exhaustive des travailleurs qui marque la naissance de la discipline. Il ne fait pas non plus de différence entre la rationalité et l’utilité : il s’appuie sur la définition utilitariste de la rationalité. - 4) Pouvoir et gouvernementalité : pouvoir : savoirs et subjectivités étaient des points d’inscription passifs la problématique de la gouvernementalité met en place l’idée de résistance : rien n’est si extérieur au pouvoir qu’on pourrait s’y opposer mais ce n’est pas vrai pour des formes de gouvernement. En s’intéressant au gouvernement des organisations, on cherche à mieux comprendre la nature de leurs processus de domination politique et à introduire une plus grande distinction encore entre l’appareil de la contrainte anonyme et la faculté de réaction de ceux qui la subissent. Avec la notion de gouvernementalité, une certaine forme de liberté devient possible. La gouvernementalité serait la nouvelle expression de pouvoir moderne et des résistances qu’il rencontre. - Résumé Théorie des Organisations 2006-2007 16 Fiche III Le paradigme stratégique Le paradigme structurel a permis d’analyser les interactions et les échanges sociaux sous la forme d’interdépendances entres les entités d’un système. De là ont découlé deux orientations : - celle de Mintzberg pour qui l’analyse des structures a pour but l’adaptation permanente de l’organisation a son environnement - celle de Foucault pour qui l’analyse permet de prendre conscience des formes modernes de domination et de contrôle dans les univers organisés. Dans les deux cas on surmonte l’impasse du paradigme utilitariste qui réduisait ces échanges à un simple calcul d’utilité. Trois critiques du paradigme structurel : 1. On a une organisation sans acteurs : o Mintzberg : il parle d’acteurs dans un sens tellement général qu’on ne peut pas parler d’acteurs au sens strict : les acteurs occupent des places a priori et l’organisation semble être un mécano complexe entre des positions désincarnées o Foucault : le pouvoir est une pratique anonyme. Il parle de l’existence charnelle des personnes surveillées mais elles n’ont pas de réalité en dehors de la surveillance. Et l’anonymat des structures efface l’idée que le pouvoir est exercé par un individu. → le pouvoir est conçu comme un attribut de la structure. 2. L’organisation est extrêmement dépendante de l’environnement. La vision de Mintzberg est trop réductrice car o la frontière entre l’intérieur et l’extérieur d’une organisation est poreuse o certaines personnes ont comme activité stratégique d’anticiper les évolutions de l’environnement et d’interagir avec lui 3. Il n’existe pas de rationalité sans limite : o Taylor : optimalité atteinte par la division du travail o Mintzberg : optimalité atteinte par l’adaptation optimale aux contraintes de l’environnement. o Foucault : optimalité atteinte dans la surveillance généralisée et dans le principe d’exhaustivité (=utilisation optimale des capacités des travailleurs) En d’autres termes, le paradigme utilitariste comme le paradigme structurel s’accordent sans le dire sur une vision commune : l’idée d’une rationalité sans limite, omnisciente, optimale. Résumé Théorie des Organisations 2006-2007 17 A. Le concept de rationalité limitée Est-on sûr que le choix rationnel puisse se réaliser dans des conditions analogues au postulat scientifique ? Les paradigmes utilitaristes et structurels reposent sur une rationalité des acteurs qui est censée être - parfaitement informée - dotée de préférences stables - capable d’examiner l’ensemble des solutions alternatives pour procéder à un choix optimal Cette vision est pourtant irréaliste et idéologique : les décideurs sont limités et contextualisés et ne savent donc pas mener un raisonnement synoptique (=raisonnement qui évaluerait l’ensemble des scénarios alternatifs). Le rationnel est repensé comme décrivant un ensemble de comportements permettant à un acteur de parvenir à une solution satisfaisante dans un contexte donné. → en d’autres termes, qui dit absence d’optimisation dit rationalité limitée Avant, la rationalité était décrite en fonction - de la participation à l’accroissement du bien-être de l’individu (Taylor) - de la capacité d’adaptation d’un système (Mintzberg) - de la manière dont ce système développe des formes modernes de contrôle (Foucault) Le contexte intervient dans le formation du comportement rationnel et est donc un élément important dont il faut tenir compte. En effet, il conditionne l’étendue des choix et la structure du raisonnement : - l’information devient limitée - les préférences des acteurs sont maintenant variables - l’examen des solutions alternatives est partiel. Les acteurs adoptent un raisonnement sous contraintes. La rationalité ne peut se comprendre que dans son rapport à un contexte : la raison doit être examinée empiriquement. On a à faire à une conception pragmatique de la raison. B. Bien-être, opacité et opportunisme On peut maintenant étendre le raisonnement utilitariste au-delà du domaine économique : les dimensions non calculatrices de l’activité humaine peuvent être considérées comme la résultante d’un comportement global fondé sur l’intérêt. L’intérêt serait donc une notion assez pertinente pour englober l’ensemble des motifs d’une action. → On n’a donc plus de scission entre calcul et échanges sociaux mais un enchevêtrement mutuel : la rationalité d’une personne est contextuelle, culturelle et intéressée L’intérêt n’étant plus réductible à un simple calcul d’utilité, il renvoie maintenant à la gestion d’un système d’opportunités en situation concrètes. Ces opportunités décrivent la Résumé Théorie des Organisations 2006-2007 18 capacité d’un acteur à se situer à l’intérieur d’un contexte d’actions et renvoient à un ensemble de ressources disponibles. → Elles vont au-delà de l’accroissement du bien-être Cette relecture des motifs d’une action a deux conséquences : - la perspective d’une formalisation exhaustive des échanges est impossible - le pouvoir est une finalité pragmatique (avant c’était le bien-être, l’adaptation et la surveillance) L’intérêt n’est donc plus économique mais politique : il vise à accroître l’influence que chacun exerce sur autrui. Il traduit la capacité de gérer un ensemble d’opportunités au sein d’un système de pouvoir ; opportunités parmi lesquelles les acteurs essayent d’élargir leur degré de liberté et d’acquérir un espace d’autonomie. C. Le triangle opératoire : ressource, stratégie, pouvoir 1) Les organisations, des « systèmes d’action concrets » La notion d’organisation dans les différents paradigmes : - Paradigme utilitariste : l’organisation est le fruit d’une rationalité formelle, sans limite véritable - Mintzberg : relation entre pouvoir et coordination façonnait des « configurations organisationnelles » - Foucault : déconstruction des rapports anonymes de pouvoir - Paradigme stratégique : l’organisation est un lieu empirique, concret où s’affrontent des rationalités diverses, dans un espace technique et géographique dont les frontières vis-à-vis de l’environnement ne sont pas toujours précises. → dissolution entre rationalité formelle et substantielle : les actions de standardisation de la production peuvent être le fruit d’acteurs autonomes, et des agents agissant de manière informelle peuvent exiger la formalisation de leur action l’organisation = système d’actions concrètes (acteurs concrets, ressources diverses,…) un système d’action = milieu organisé compris empiriquement dans son rapport à l’action 2) Les Ressources Ce sont un ensemble d’éléments variés que les acteurs peuvent mobiliser pour s’engager dans des rapports d’échange et de négociation avec d’autres, et qui pourront être utilisées de manière dynamique pour accroître les marges d’action des protagonistes. → ce sont des ressources dans le cadre d’une négociation Formes de ressources : - Le capital économique = le salaire et les divers revenus = les ressources dont dispose un acteur et qui pèse plus ou moins fortement sur les résultats économiques de la firme. Résumé Théorie des Organisations 2006-2007 19 Ces ressources n’interviennent que de manière limitée dans les rapports entre individus et groupes : il existe de nombreuses ressources dont : - les ressources informationnelles - les ressources techniques - les ressources professionnelles - les ressources identitaires Toutes ces ressources renvoient à des dimensions de l’expérience professionnelle et sociale mobilisables dans le cadre d’un échange négocié, en vue d’élargir les marges de jeu des acteurs au sein d’un univers contraignant. 3) La Stratégie a) C’est le caractère actif de tout comportement humain. La rationalité des acteurs est limitée et dépend des marges de jeu dont ils disposent. → La conduite stratégique est limitée mais pas déterminée b) Un comportement stratégique a toujours un sens. Au lieu d’être un comportement stratégique rationnel par rapport à des objectifs économiques, il l’est par rapport à des opportunités politiques. c) Ce comportement présente un aspect offensif (saisie d’opportunités en vue d’améliorer sa situation) et défensif (maintien et élargissement de sa marge de liberté). → Ce comportement vise à défendre des intérêts spécifiques et à gagner l’intérêt des autres → On a un rapport d’influence mutuel, un rapport de pouvoir Une stratégie, pour Crozier et Friedberg, est le fondement inféré ex post des régularités des comportements observés empiriquement. Friedberg parle aussi d’instinct stratégique : les acteurs assument l’indétermination de leur situation et adoptent des conduites visant à accroître leur autonomie et leur pouvoir d’influence. 4) Le Pouvoir C’est la possibilité pour certains individus/groupes d’agir sur d’autres. Caractère relationnel du pouvoir : agir sur autrui c’est entrer en relation avec lui. >< Mintzberg et Foucault où le pouvoir était un attribut, càd qu’il dépendait de la position d’un acteur à l’égard d’un système de décision pré-existant. → pouvoir = dynamique de la relation d’échange ; c’est ce qui fait agir et c’est le résultat visé pas l’action Caractéristique de la relation de pouvoir : - ses conséquences sont imprévisibles et parfois dysfonctionnelles. - elle est non transitive car elle dépend de la dynamique d’échange - elle est réciproque mais déséquilibrée. (pouvoir = jeu d’équilibre instable) On passe donc d’une conception structurelle du pouvoir (liée à l’existence d’interdépendances structurées dans des organisations) à une conception relationnelle du pouvoir (liée à l’action stratégique des acteurs). Résumé Théorie des Organisations 2006-2007 20 le pouvoir est le rapport de force dans lequel l’un peut tirer davantage que l’autre mais où l’autre n’est jamais totalement démuni (échange opaque et asymétrique). Le pouvoir est partout et réside dans la marge de liberté dont chacun dispose pour refuser ou accepter ce que l’autre demande ; c’est un pouvoir d’influence. D. De la coordination à la coopération Coordination = relations générales entre des entités pré-déterminées par une structure d’interdépendances donnée Coopération = l’activité stratégique des acteurs en situation concrète La coopération procède d’une décision individuelle ou collective (donc n’est pas dictée par l’organisation) et n’est donc jamais désintéressée : elle s’enracine dans un effort d’élargissement des marges de manœuvre dont dispose chacun. Mais elle n’est pas exclusivement utile, elle permet de nouer des échanges : elle apparaît comme la contrepartie du pouvoir, en articulant le déséquilibre des positions sociales aux possibilités d’action collectives. L’analyse stratégique conduit à plusieurs remarques : - elle porte sur des comportements rationnels des acteurs : elle ne se réduit pas à l’exposé des « configurations organisationnelles » → elle est empirique - elle doit faire ressortir la dynamique du « triangle opératoire » : acteurs&ressources, stratégies déployées et enjeux du pouvoir - elle saisit et interprète les dimensions qui interviennent dans la coopération inter- et intraorganisationnelle : le pouvoir devient l’objet et le support de l’action et le calcul rationnel s’étend à l’ensemble des choix et n’est plus que économique. E. De la défense des intérêts à la création de « règles du jeu » : la notion de régulation Le concept de régulation traduit l’idée que les acteurs ne sont pas seulement guidés par le pouvoir mais aussi par la création de règles communes. REYNAUD repose son analyse sur l’idée que les acteurs ne jouent pas dans un système mais avec un système. → on dépasse le caractère spontanéiste et individualiste Une règle provient de régularités produites par les acteurs qui acquièrent progressivement un caractère obligatoire. → les individus agissent dans leur intérêt propre et en vue de créer des règles du jeu social. On voit donc que des préoccupations de nature collectives peuvent structurer les choix individuels. La production de règles repose sur la distinction entre deux types de règles : - les règles autonomes qui assurent l’autonomie d’un groupe social en le situant à l’écart des rapports de pouvoir auxquels il est sinon contraint de se soumettre - les règles de contrôle qui encadrent cette autonomie, veillent à la bonne exécution des ordres et au maintien de la division du travail. Résumé Théorie des Organisations 2006-2007 21 Le fonctionnement réel d’une organisation vient d’un compromis entre ces deux formes de régulation (régulation conjointe). La vie sociale organisée procédant toujours d’une pluralité de régulations, l’ambition des partenaires de l’interaction est autant de tirer profit de l’échange que de participer à la définition des règles de l’échange. Ce compromis présuppose un accord quant aux conditions d’échange et il peut affecter les principes autant que les contenus qui résultent de l’échange. Résumé Théorie des Organisations 2006-2007 22