Résumé Théorie des O..

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Fiche I
Utilitarisme, Néo-utilitarisme et Critique Sociale
A. L’utilitarisme, une philosophie morale
Obscurantisme :
- croyance en l’existence d’un univers surnaturel qui donne un fondement aux
comportements humains
- croyance qui dépasse les capacités rationnelles des hommes et requiert leur
soumission intégrale
D’un point de vue scientifique, l’obscurantisme est une démission de la raison ;
D’un point de vue politique, c’est l’asservissement de l’homme à des forces magiques.
Mouvement des Lumières va contre l’obscurantisme : il prône l’émancipation de la
condition humaine :
- raison autonome : l’homme acquiert une autonomie (n’est plus soumis à une force
magique)
- valorisation des satisfactions ordinaires : on accorde de l’importance à la richesse
et aux états de plaisir
- promotion du bien-être : le bien-être devient l’horizon de toute action rationnelle
Il y a deux grandes variantes du mouvement des Lumières :
- l’anglaise qui donnera naissance à l’utilitarisme et à l’économie moderne et qui
accepte un certain théisme.
- La française, athéiste, qui donnera naissance au rationalisme technique et
scientifique.
L’utilitarisme est une philosophie morale qui défend l’idée qu’une société juste est une
société heureuse.
Les deux « noyaux philosophiques » de l’utilitarisme comme branche des Lumières :
1. HUME et l’empirisme sceptique
La raison ne peut se prononcer que sur des faits, et pas sur des valeurs. En effet, le monde
des valeurs et des idées est dénue de contenu : une valeur n’est que le reflet d’expériences
passées, ce n’est que la trace mentale d’une répétition d’expériences quotidiennes
(habitudes), et c’est cette répétition qui fait apparaître un lien de causalité qui peut être
interprété comme le reflet d’une valeur. Une valeur n’a de signification que quand elle
explique un évènement sensible.
Ex : en prenant ses repas ensemble, une famille génère des rapports d’autorité
spécifiques, et c’est par cette pratique (=répétition) qu’elle fait apparaître la valeur qu’elle
attribue au besoin d’être ensemble.
Les idées dérivent de l’expérience (empirisme)
Le raisonnement ou réflexion morale dérive de l’habitude (scepticisme)
Donc, les valeurs ne peuvent guider l’action ou renvoyer à une autorité morale : elles ne
font que refléter un agencement collectif de « l’idée d’éthique » au sein d’une
communauté humaine.
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2. SMITH et le nouveau statut de la richesse dans la conception de la « vie bonne »
La richesse est un bien désirable et est le vecteur principal du bien-être d’un individu.
C’est quelque chose d’utile qui contribue au bien-être.
La finalité de l’utilitarisme est donc de produire la plus grande quantité de bonheur
possible pour le plus grand nombre d’individus possible.
L’utilitarisme est une philosophie :
- welfariste : on a un ensemble de préférences pour parvenir à un état de bien-être
(surtout matériel) qui lui-même procure un état de satisfaction
- individualiste : les conduites humaines sont guidées par l’utilité individuelle, c’est
le caractère rationnel de l’action.
L’intérêt général = ∑ des intérêts particuliers car les préférences renvoient à des
classements élaborés par des individus solitaires.
>> indifférence à l’égard des dimensions collectives
- calculatoire : la procédure de tri et de sélection des préférences est faite par calcul
mathématique. Le calcul définit donc le moyen de viser un état de bien-être
effectif.
>> modalité pratique pour déterminer l’utilité individuelle et l’utilité
collective, qui est la somme des utilités individuelles
Le calcul serait donc la seule procédure capable de déterminer les buts de l’action
humaine à l’échelle individuelle et collective.
Le problème est que le calcul de l’action humaine suppose une objectivation
préalable des buts de l’action (=arbitrage coûts-bénéfices), objectivation qui
suppose une lecture binaire du réel ce qui n’est pas idéal car on cache la partie de
L’action humaine qui repose sur l’interaction.
L’utilitarisme n’est pas qu’égoïste, mais c’est une philosophie qui s’appuie sur une
conception individualiste de la vie sociale.
C’est une philosophie conséquentialiste : le bienfondé d’une action repose sur la nature
des résultats obtenus (et non sur la correspondance des actions avec des principes
préalablement fixés). Dans ce contexte, une conduite est dite rationnelle si et seulement si
elle vise l’amélioration d’un état donné de bien-être, repose sur l’agrégation de
comportements individuels et peut faire l’objet d’un calcul coûts-bénéfices (dit « calcul
d’utilité »).
B. L’économie de marché : un utilitarisme radicalisé
1. L’économie, une fonction générale et plurielle
Pour WEBER, une action a une orientation économique quand elle chercher à aller au
devant d’un désir d’utilité ; l’utilité étant définie comme une préférence pour le bien-être
matériel. L’économie c’est donc la fonction générale du monde humain qui a pour objet
la satisfaction de ses besoins matériels, en vue d’assurer sa reproduction et son
développement. Cette utilité n’implique pas les présupposés individuels car à l’origine, la
science économique a été créée dans des sociétés où le collectif était important.
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L’économie est un ensemble de motivations visant l’accroissement pacifique du bienêtre, mais pas nécessairement dans une conception individuelle du comportement humain
et elle n’est pas exclusive.
 Activité strictement économique : c’est l’exercice pacifique d’un droit de
disposition d’orientation essentiellement économique.
 Activité à orientation économique :
o Soit c’est une activité orientée à d’autres fins mais qui tient compte
des faits économiques
o Soit c’est une activité à orientation essentiellement économique
mais avec des moyens violents.
► Autrement dit, c’est toute activité dont l’orientation n’est pas essentiellement
et pacifiquement économique, mais dans laquelle entrent des facteurs économiques.
L’économie peut donc être décrite comme un complexe d’activités concerné par la
distribution, la production, l’échange et la consommation de B&S. Elle repose donc sur
une pluralité de polarités : le marché, la redistribution publique et la réciprocité.
Elle ne se cantonne donc pas à la conception étroite utilitariste ; elle permet d’articuler
amélioration du bien-être et objectifs qui tiennent aux fondements de la vie sociale.
2. L’économie et le marché : un moment particulier
Contrairement à l’économie au sens large, l’économie de marché assure la prépondérance
du marché, qui est un mode de coordination de l’action humaine. Elle radicalise les trois
supposés de l’utilitarisme :
- formalisme : la préférence pour le bien-être matériel acquiert le statut de « métapréférence », càd une préférence de niveau supérieur non discutable. Ceci entraîne
une absence de recul critique : cette préférence guide-t-elle vraiment les
comportements ?
La rationalité devient formelle : en se référant à une échelle prédéterminée de
préférences, les échanges peuvent faire l’objet d’une formalisation économique et
donner lieu à un calcul d’utilité déterminant la pertinence des choix. Elle met
donc l’accent sur la logique interne des choix.
- égoïsme : c’est la radicalisation de l’individualisme. L’idée générale est que la
poursuite du bien-être n’est possible que si chacun poursuit préalablement son
intérêt personnel et que cet intérêt vise à détenir des ressources limitées et
simultanément convoitées. (= lutte pour la possession de ressources communes)
On repose maintenant sur un principe d’appropriation : on est dans un régime de
propriété privée. Le marché autorégulateur compte sur l’égoïsme économique
pour assurer sa régulation.
Optimisation marchande : à cause de cette lutte pacifique, la mode de coordination des
conduites individuelles dominant est le marché. Cela ne veut pas dire qu’on renonce à la
collectivité, mais que la formation de l’intérêt général n’est possible qu’au travers de
l’échange égoïste entre les hommes. Le marché est donc le seul dispositif capable de
réaliser l’agrégation des utilités individuelles ; agrégation fondée sur le principe
d’optimalité. C’est la théorie de la main invisible de SMITH qui repose sur l’hypothèse
d’un ordre spontané et optimal.
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La logique de calcul qui servait à déterminer un certain état de bien-être s’en trouve
profondément modifiée : alors qu’elle servait seulement à « trier » des préférences
individuelles et à construire une utilité collective de manière « agrégée », elle est cette
fois redéfinie sous la forme d’un calcul d’optimalité, c’est-à-dire d’une procédure visant
un état collectif idéal.
Le marché a acquis de l’importance : il est maintenant défini comme un mécanisme
« naturel » de coordination des utilités individuelles.
Au point de rencontre entre la philosophie utilitariste et l’économie de marché on assiste
à la naissance de la rationalité utilitaire-formelle : c’est une rationalité calculatrice qui
défend une conception individualiste et conséquentialiste de la vie en société et qui
chercher à atteindre un optimum collectif: un état de satisfaction idéal à l’échelle d’une
communauté humaine (>< rationalité substantielle qui est fondée sur l’interaction).
C. Marché et division du travail : quand l’organisation est encore une « boîte
noire »…
Conséquences de cette évolution sur le concept et la réalité des organisations selon
SMITH :
- la richesse devient un bien désirable. Cette richesse provient du travail effectué,
qui est une valeur susceptible d’être achetée/vendue sur le marché.
- Le temps de travail (=le temps passé à la production) devient un indicateur de
cette valeur.
- Le travail devient source de toute valeur. On fait donc abstraction de l’expérience
du travailleur. La division du travail a donc beaucoup d’importance car elle
définit le mode de création de la richesse.
- Le désir d’enrichissement est censé conduire à la satisfaction des besoins de
l’ensemble de la population (riches et pauvres) et implique une distinction entre
les biens nécessaires et les biens de luxe.
- Le salarié vend sa force de travail en échange d’une amélioration supposé de son
bien-être et le capitaliste confirme sa richesse.
L’acte de travailler devient une grandeur abstraite : un bien acquiert de la valeur à travers
les transactions qui s’opèrent sur un marché. La science des organisations repose donc sur
un processus d’abstraction du travail : il est maintenant assimilé au temps de production
et devient une valeur d’échange.
Pbl : on ne sait pas prendre en compte la nature des rapports sociaux vécus dans la sphère
productive et on fait de la division du travail un principe justifiable sur le plan de
l’efficacité économique ; le travail pourrait donc être divisible ad infinitum.
Cette approche ne dit rien des modes de coordination interne, des problèmes de
motivation ou de conflit, de la gestion des compétences, etc.
Selon SMITH, l’organisation serait donc entièrement guidée par un mode de coordination
externe régi par l’échange marchand.
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D. Le taylorisme ou l’utilitarisme appliqué aux organisations de production
Le taylorisme est le second moment fondateur de la théorie des organisations. Il a donné
naissance à un ensemble de méthodes et de principes d’organisation de la production,
rassemblés sous le terme d’Organisation Scientifique du Travail (O.S.T.).
Le taylorisme défend l’intérêt général à travers la croissance de la prospérité matérielle
(comme Smith) ; mais au lieu de faire du travail une valeur abstraite et d’évoquer le
principe de la division du travail, il va ouvrir la « boîte noire » de l’organisation et
construire des moyens d’action permettant de l’influencer. Il reprend aussi le postulat
utilitariste d’une rationalité fondée sur le calcul mais cette fois, ce sont les rapports
sociaux de production qui en font l’objet.
1. Traits principaux qui marquent la naissance du taylorisme :
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-
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objectif : accroître la quantité de bien-être : « une plus grande prospérité pour
tous »
repose sur un raisonnement économique classique :
o définition de méthodes visant à augmenter la productivité
o productivité est le facteur principal d’amélioration des performances
économiques des entreprises (=condition du bien-être collectif)
o performance permise par l’augmentation de la demande
croissance de la production réconcilie les intérêts contradictoires des employeurs
et salariés (augmentation de leur pouvoir d’achat)
repose sur un « deal social » : les changements de la productivité donnent un plus
haut niveau de vie aux pauvres : les objets de luxe deviennent des objets de
nécessité
le marché est insuffisant pour assurer l’optimalité économique et il fait de
l’organisation du travail un objet de science
positivisme scientifique : il considère que la Science (destinée à produire un
ensemble de connaissances objectives sur le monde naturel et sur le monde social)
constitue une étape indispensable vers le Progrès : en améliorant la connaissance
du monde on améliore ses conditions de vie, on sort de la dépendance et on ouvre
la voie à une société harmonieuse. Le taylorisme vise donc à faire une norme
scientifique objective d’organisation des moyens de production : OST.
2. Les 3 principes de l’OST :
-
Lutte contre la flânerie et les savoirs de métier : il faut des méthodes de travail
objectives pour atteindre une efficacité économique. Il faut donc lutter contre le
syndicalisme ouvrier et assurer la suprématie des techniques de production sur les
luttes sociales.
Il faut donc déqualifier le travail ouvrier : on remplace les ouvriers professionnels
par des ouvriers peu qualifiés et interchangeables.
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Contrôle des temps de production et parcellisation des tâches : c’est l’entrée du
chronomètre dans l’atelier. L’augmentation de la productivité du facteur travail
repose sur le contrôle du temps passé à la réalisation des tâches. Il faut donc
diminuer ce temps au minimum, ce qui fera baisser les coûts de production et fera
augmenter les marges bénéficiaires. Marges dont les ouvriers tireront parti par
l’augmentation de leur pouvoir d’achat.
Par le chronomètre :
o On standardise les gestes
o L’apprentissage individuel repose sur une logique de commandement
o Le travail est soumis à un pouvoir hiérarchique légitime
Tâche complexe = Σ opérations simples
Ces tâches sont
o Descriptibles de l’extérieur
o Séparées de tout individu concret
o Divisibles en séquences de production simples pouvant faire l’objet d’un
calcul de production
Le temps de production fait donc l’objet d’une allocation scientifique, celle du
temps alloué.
Division du travail entre concepteurs et exécutants : cette division est
scientifiquement légitime : les concepteurs ne sont pas les exécutants et les
exécutants ne sont pas les concepteurs car ils n’ont pas les savoirs nécessaires. La
production doit être pilotée par des experts qui définissent l’ensemble des règles
et exercent un contrôle absolu. On a une nouvelle catégorie d’acteurs : les ingéconcepteurs qui permettent aux employeurs d’asseoir leur méthode de gestion sur
une base scientifique objective.
Le management scientifique fait reposer l’optimum économique sur la scission entre
concepteurs et exécuteurs. Cette scission est une structure invisible rendue incontestable
vu qu’elle s’appuie sur une base scientifique objective ; mais derrière cette base
scientifique objective se cache un projet politique : celui de neutraliser la contestation
ouvrière sur la division du travail.
On se retrouve avec une architecture socio-politique à grande échelle. La théorie des
organisations est encastrée dans
- une théorie utilitariste (enrichissement individuel est le moteur de l’action
rationnelle et l’objectif du marché est l’optimisation du bien-être collectif)
- à laquelle s’ajoutent des moyens objectifs de rationalisation de la production de
façon à accroître la productivité du facteur travail pour générer une plus-value.
3. Fondements du taylorisme
Dans l’économie classique : les conduites humaines sont rationnelles si guidées par
l’égoïsme et l’optimum collectif est atteint par la concurrence sur le marché.
→contradiction entre satisfaction des divers intérêts individuels et la rationalité
d’un groupe organisé
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Smith a répondu par la notion de marché mais pas suffisant
Taylor répond en appliquant le positivisme scientifique à l’analyse des rapports
sociaux de la production càd qu’il conditionne les intérêts individuels à une certaine
forme d’organisation de la production : les travailleurs poursuivent leurs intérêts
individuels que s’ils inscrivent préalablement dans l’intérêt de l’organisation à laquelle
ils appartiennent. Ceci suppose qu’ils acceptent les principes scientifiques de division du
travail.
La réponse de Taylor à cette contradiction n’est donc pas seulement l’économie, mais le
management scientifique: la rationalité calculatrice ne s’applique plus prioritairement à la
formalisation de l’échange économique mais à l’analyse scientifique des rapports
sociaux.
Trois remarques à propos de ce basculement :
- la rationalité (indissociablement descriptive et prescriptive) énonce un fait (ce qui
est) et des conditions pour que ce fait soit vérifiable en pratique (ce qui doit être
pour que ce qui est soir effectif)
- ces conditions ont trait à l’agencement des relations entre personnes et choses : ils
faut des experts, des contremaîtres, des travailleurs, des chronomètres, des
machines, … La rationalité fondée sur le calcul présuppose une rationalité fondée
sur l’interaction.
o Ex : pour qu’une organisation soit efficace il faut définir des méthodes de
production et une autorité de pouvoir distincte du marché
Mais en faisant reposer cette structure de pouvoir sur une base scientifique, il
refuse d’accepter qu’elle puisse avoir une dimension relationnelle qui échapperait
à un calcul d’utilité. Les décisions prises au nom d’une rationalité calculatrice
présupposent un certain nombre de conditions ; on dira donc que cette rationalité
n’est pas naturelle mais qu’elle résulte d’une construction sociale.
- la rationalisation est un processus qui assure la prééminence de cette rationalité
sur toute considération relative aux dimensions non calculatrices de l’action
humaine. Les théories de Smith et de Taylor définissent une rationalité parmi
d’autres et les conditions nécessaires à la prééminence du calcul d’intérêts sur les
autres manières d’appréhender la vie sociale. Ces théories sont donc le reflet d’un
rapport dans force dans le champ de la rationalité.
Critiques et dépassements ?
Le taylorisme est la pensée utilitariste appliquée aux organisations.
Il y a 3 grandes critiques :
- La critique marxiste : le paradigme utilitariste est vicié car
o la logique de l’égoïsme ne peut que conduire à une lutte de tous contre
tous dans un contexte de ressources rares. La justification d’un échange
optimal de sert qu’à masquer cette lutte inégale entre les capitalistes et les
salariés et à maintenir les privilèges des dominants
o le travail se présente sous une forme aliénée : le travailleur ne maîtrise ni
le produit, ni l’organisation de son travail.
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o En plus, la division du travail conduit à l’exploitation de l’homme par
l’homme : le travailleur ne perçoit pas le salaire correspondant à sa
dépense et à son travail… c’est de la que vient la plus-value du capitaliste
Limites de la critique marxiste :
o la vision de Marx est très stéréotypée : selon lui, une organisation ne vise
qu’à exploiter ses travailleurs
o Marx érige la préférence pour le bien-être matériel en méta-préférence
dans l’affrontement entre les classes, càd qu’elles ne se préoccupent que
du bien-être matériel.
o Marx ne théorise que l’organisation capitaliste, pas les autres (les non
marchandes)
Principale critique : l’indignité humaine qui accompagne le développement du
capital et des organisations marchandes
La critique fonctionnaliste (Mintzberg) : qu’en est-il de l’adaptation à
l’environnement : les effets de système qui caractérisent tout fonctionnement
organisationnel ne sont pas réductibles à la simple addition de comportements
individuels.
→ l’inadaptation fonctionnelle est une source de sous efficacité
La critique structuraliste (Foucault) : il y a un contrôle social permanent qui n’est
plus réservé à une élite mais qui est à la disposition collective : on cherche tous à
voir sans être vus. C’est dans les organisations que ces pratiques de contrôle
prennent corps.
→ rationalité utilitariste est une idéologie au service d’un contrôle social
généralisé
La théorie utilitariste a répondu à ces critiques en prenant deux directions spécifiques :
- l’économie des coûts de transaction : les échanges sociaux que l’utilitarisme sousestime. Il faut donc reconnaître l’importance de ces interactions ainsi que leur
calculabilité.
- la théorie du choix rationnel : on revient à l’utilitarisme originel en faisant des
préférences, dont on a un large éventail, le vecteur de l’action rationnelle. On va
ainsi faire une description de la méthodologie générale du comportement humain.
Pbl : radicalisation de l’individualisme qui est en contradiction avec le besoin
d’articuler logique individuelle et logique collective.
Ces trois critiques posent les limites de la rationalité instrumentale :
Le concept de rationalité instrumentale désigne le processus selon lequel la gestion
utilitaire et calculatrice de ressources est érigée au rang de finalité unique de l’action
humaine. Elle correspond, en d’autres termes, à la volonté d’occulter l’existence d’une
rationalité fondée sur l’interaction. Ca renvoie à l’idée d’une confusion entre les moyens
et la fin.
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Fiche II
Fonctionnalisme vs. Structuralisme :
les structures en question
A. Le paradoxe organisationnel et la question des structures
On va maintenant réfléchir aux composantes de l’organisation qui renvoient à une
conception élargie de l’action humaine : on va réfléchir aux interactions concrètes qui
entourent les décisions.
On ne va pas pour autant aboutir à une vision du monde désintéressé : il existe en effet
une norme globale d’utilité (domaine du calculable) mais elle est insuffisante pour
assurer l’efficacité de manière concrète et peut aboutir à un résultat inverse de ce qui était
prévu. C’est le paradoxe de toute organisation : la recherche d’efficacité collective
suppose de faire un détour par les dimensions non utilitaristes de l’action humaine pour
permettre à cette efficacité de s’inscrire dans la réalité.
On doit donc élargir le spectre des motifs de l’action. En effet, on constate souvent que
quand on se focalise trop sur une conception trop utilitaire de l’action humaine on se
retrouve devant des situations imprévues et difficilement gérables : le facteur humain est
trop complexe pour pouvoir être considéré comme strictement utilitariste.
Deux remarques :
- la rationalité fondée sur l’interaction n’est pas moins rationnelle que celle
fondée sur le calcul, elle l’est différemment.
- Une organisation n’est pas intrinsèquement vertueuse : il ne suffit pas
d’ajouter un peu d’interaction à beaucoup de calcul pour qu’une organisation
soir efficace. Au contraire, avec l’interaction on voit apparaître de nouvelles
sources d’inefficacité (tensions, conflits,…) qui n’apparaissaient pas dans le
paradigme utilitariste
Paradigme structurel : les décisions humaines sont faiblement maîtrisées par les individus
et dépendent des structures globales qui en influencent le cours.
Contrairement au paradigme utilitariste, la focalisation sur une logique individuelle (voire
égoïste) est contre-productive et contraire à la logique des décisions humaines. Il faut
donc maintenant analyser les structures dans lesquelles les humains interagissent.
Structure = agencement de rapports entre les entités d’une même organisation, de telle
sorte que chaque entité tire son fonctionnement de son rapport aux autres entités (et non
pas de sa logique propre comme c’est le cas dans l’utilitarisme).
Les différentes interprétations de la notion de structure ont donné naissance à deux
courants idéologiques :
- le structuro-fonctionnalisme : la notion de structure a pour objectif une
meilleure adaptation de l’organisation à son environnement (Mintzberg).
- le mouvement structuraliste : la notion de structure sert à critiquer les
mécanismes de distribution du pouvoir dans les organisations et à indiquer les
formes possibles de gouvernement (Foucault).
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B. Structures fonctionnelles et adaptation continue (MINTZBERG)
Un comportement est rationnel si et seulement s’il vise à s’adapter aux contraintes que lui
impose son environnement. Il n’est donc plus nécessaire de savoir si la poursuite
individuelle du bien-être est suffisante pour assurer la production de la manière la plus
efficace (utilitarisme). Il suffit maintenant d’adapter les différentes composantes d’un
système aux contraintes imposées par l’environnement pour que la production soit faite
de la manière le plus efficace.
La rationalité n’est donc plus une affaire de choix individuels : elle décrit la capacité
d’adaptation d’un collectif.
Quatre dimensions spécifiques des travaux de Mintzberg :
1. Conception fonctionnelle du pouvoir :
o Pour le taylorisme, on établit la validité scientifique d’un rapport des
hommes entre eux (hiérarchie au sein de la division du travail) sur la
nécessité d’accroître la productivité.
→ Les différences hiérarchiques sont naturelles dans une
organisation rationnelle
o pour les structuro-fonctionnalistes : une telle considération est source
d’inefficacité.
L’environnement présente une triple caractéristique :
 déterministe : l’analyse organisationnelle inscrit les
organisations dans une relation de dépendance vis-à-vis d’un
environnement considéré comme donné. L’enrichissement est
vu comme une finalité possible.
 plurielle : il y a une diversité d’environnements existants donc
plusieurs approches sont possibles
 exogène : les organisations sont des lieux dépendants et
l’environnement est une variable exogène
→ Les organisations n’influencent pas l’environnement
Selon les structuro-fonctionnalistes on doit sortir de l’ombre des rapports de pouvoir
internes aux organisations: les interdépendances entre les différentes entités sont
politiques : elles décrivent un ensemble de contraintes que des individus exercent les uns
vis-à-vis des autres (contenu substantiel). Ces contraintes sont liées aux positions
qu’occupent les membres par rapport à un système de décision plus ou moins formalisé.
Ces relations de pouvoir ne sont donc pas que de pures contraintes ; elles remplissent une
fonction spécifique : celle de permettre l’adaptation plus ou moins rapide de
l’organisation à son environnement.
→ Le pouvoir définit une fonctionnalité nécessaire dans l’adaptation d’une
organisation à son environnement.
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2. Coordination, point de rupture avec le taylorisme :
Ce sont les dispositifs transversaux et régulés permettant de combiner des
actions indépendantes et séparées.
o Pour Taylor : avec la division du travail, il rejette le pouvoir de
coordination qu’avaient les ouvriers de métier. En permettant des
activités de coordination, on dilue le pouvoir organisationnel et on fait
éclater la situation privilégiée des concepteurs
→ La coordination est donc un monopole des ingé-concepteurs car
c’est le produit spontané des opérations mathématiques ayant
fondé la division du travail et seules ceux-ci peuvent légitimement
organiser rationnellement la production et assurer la coordination
d’activités qu’ils ont séparées.
La coordination apparaît donc comme une fonction secondaire,
dérivée de la division du travail.
o Pour Mintzberg : la coordination joue un rôle fondamental dans les
organisations. En se focalisant trop sur la division du travail et en
confisquant toute initiative de coordination on risque de nuire à la
capacité adaptative des firmes.
3. La pluralité des sources de coordination :
o Taylor : relation dans l’organisation = obéissance et conformité au
pouvoir hiérarchique
o Mintzberg : la coordination résulte de plusieurs sources dont 3
principales :
 Les relations interpersonnelles : les individus coordonnent
leurs actions à tous les niveaux de l’organisation.
La coordination ne s’oppose pas directement à la division du
travail formalisée ; c’est un processus complémentaire qui
permet d’accroître la capacité d’adaptation.
 La supervision hiérarchique : la hiérarchie sert à s’assurer
que les ordres qui émanent des échelons supérieurs soient
connus, formalisés et mis en œuvre dans les meilleures
conditions possibles.
Face à un environnement changeant, ceci demande un travail
de coordination entre les membres d’une même entité.
 La standardisation : Il ne pense pas, non plus, que ce
processus puisse être décrit comme une forme intrinsèque
d’« aliénation » (Marx) ou de renforcement des dispositifs
« disciplinaires » (Foucault), dissimulés derrière le voile de
l’accroissement du bien-être. Pour lui, il s’agit d’un moyen
parmi d’autres permettant de produire la coordination dont
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les organisations ont besoin pour faire face à la complexité.3
standardisations possibles :
 Standardisation des procédures et résultats :
homogénéisation des procédures de fabrication et définition
des procédures de contrôle
 Standardisation des qualifications : homogénéisation de la
qualité de la main-d’œuvre par une formation de domaines
d’expertise et le développement de la coordination par le
partage des savoirs communs
 Standardisation des modèles culturels : il faut que les
membres de l’organisation se reconnaissent dans le modèle
culturel de l’organisation
→ développement de valeurs communes
La dimension culturelle ne peut plus être absente des choix de gestion : la culture est
utilisée à des fins d’efficacité productive et d’adaptation fonctionnelle.
C. Coordination et pouvoir, une articulation complexe
La pouvoir se mesure dans la faculté des individus ou des groupes à peser sur les
décisions en mobilisant des ressources de coordination : les acteurs en charge de la
coordination influencent les choix et évolutions de leur organisation.
Le pouvoir est un pouvoir de décision, de gérer et il est donc propre à une organisation
donnée.
1) Le pouvoir comme pouvoir de décision :
Il y a deux sortes de pouvoir :
o le pouvoir comme accès à la décision : c’est la possibilité d’accéder à la
définition des principes de la division du travail.
o Le pouvoir comme possibilité d’influencer la décision : la faculté d’influencer
le système de décision dépend de la capacité d’un individu à peser sur les
différents dispositifs de coordination disponibles (influence formelle ou
informelle).
2) Les principaux acteurs de la décision et coordination:
o les acteurs externes : ce sont les propriétaires des moyens de production
→ pouvoir de tutelle mais pas opérationnel
Ce sont eux qui investissent le capital initial et qui demandent un retour
o les acteurs internes, liés à la décision formelle : ce sont les acteurs liés de près au
système décisionnel
o les acteurs internes susceptibles d’influencer la décision :
 analystes de la technostructure : individus qui ont un rôle à jouer dans les
processus de standardisation (normes culturelles comprises).
 services logistiques : ceux qui fournissent aux analystes les moyens
matériels leur permettant d’assurer leur fonction ; ils ont un rôle d’appui.
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Ces services sont souvent filialisés et ne font donc souvent plus partie des
acteurs internes.
Mintzberg ne parle pas des individus associés aux activités de production proprement
dites, mais ils peuvent avoir une influence indirecte.
Les membres de la ligne hiérarchiques participent à la décision formelle (mise en œuvre)
et l’influencent (ils ont en charge la coordination par supervision)
3) Coordination et pouvoir, des relations structurées :
a) On avait défini le pouvoir comme la production majeure de contraintes vis-à-vis
d’autres personnes. En le liant à la coordination et en le réduisant à une forme
d’accès à la décision, peut-on dire qu’il s’exerce en-dehors de toute contrainte ?
→ Non, ici la contrainte est l’adaptation fonctionnelle et les besoins de
coordination
On ne pense pas au pouvoir en terme de domination (=situation dans laquelle
certaines personnes sont limitées dans leur action à cause de contraintes imposées
par les autres, quelle que soit la fonction de ces contraintes).
Pour Mintzberg, la domination n’a pas de statut scientifique car le pouvoir doit
être associé à une fonction particulière pour être légitime.
b) La nature de la relation n’est pas hasardeuse : cette relation a été construite au fil
du temps donc on peut parler de relation de pouvoir structurée.
→ Le pouvoir résulte d’une combinaison organisée et régulière entre des
systèmes de décision formalisés et des formes plus ou moins stabilisées de
coordination.
La démarche structuro-fonctionnaliste met l’accent sur les interdépendances collectives
entre les « entités » d’un même système, en vue d’une adaptation continue à un
environnement donné.
Premier constat : nous sortons du paradigme de l’intérêt individuel. Importe cette fois non
la rationalité d’un comportement individuel mais la rationalité d’un système.
Deuxième constat : l’efficacité d’un système passe par une articulation ouverte entre
coordination et pouvoir.
Troisième constat : la démarche structuro-fonctionnaliste s’intéresse à l’ensemble des
dimensions d’un système, et particulièrement aux interdépendances mutuelles des
acteurs.
On ne rompt pas avec la visée optimisatrice du paradigme utilitariste, optimisation qui
concerne l’ensemble des dimensions d’un système. Mais comme on ne sait pas obtenir le
degré de formalisation obtenu précédemment à cause des diverses dimensions prises en
compte (on ne se réduit plus à la dimension utilitariste calculatrice) on va dégager
plusieurs configurations typiques fondées sur un principe d’adaptation optimale vis-à-vis
d’un environnement donné.
Résumé Théorie des Organisations 2006-2007
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D. La notion de configuration organisationnelle
Mintzberg a remplacé la notion de structure par celle de configuration qui a permis de
classer les organisations à partir de « types-idéaux ».Il existe des relations régulières entre
pouvoir et coordination.
5 grandes configurations organisationnelles :
- configuration taylorienne ou bureaucratique :
o système de décision organisé autour d’une forte division du travail
o intense coordination par standardisation des procédures et résultats
(pouvoir central des analystes de la technostructure)
o coordination par relation interpersonnelle pas légitime
- configuration entrepreneuriale :
o organisation placée sous l’autorité personnelle d’un leader
o division du travail moins marquée
o supervision directe mais niveau hiérarchique peu formalisé
o leader a un rôle de centralisation des décisions et diffusion d’un
modèle culturel
o les salariés sont poussés à entreprendre
- configuration professionnelle :
o importance des comportements des salariés dans l’organisation et du
processus de la création de valeur
o division du travail marquée et niveaux de hiérarchie nombreux
o coordination par standardisation des qualifications : formation et
développement des compétences est un domaine d’investissement
majeur
→ sphère dirigeante dépend des compétences de la main-d’œuvre
- configuration missionnaire :
o l’organisation vise à répondre à des missions allant au-delà de la
production et de la commercialisation
→ objectifs marchands passent au second plan
o coordination s’opère à travers la standardisation des normes culturelles
→ la force du modèle culturel sert d’écran à la reconnaissance de
la divergence des intérêts individuels
- configuration adhocratique :
o structuration temporaire des rapports entre pouvoir et coordination,
structure qui dépend de la variation de la demande extérieure
o division du travail temporaire en fonction du projet et peu marquée car
elle évolue beaucoup
o coordination par standardisation des qualifications ou supervision
directe
o intensification des rapports informels
- organisation flexible :
o double radicalisation :
Résumé Théorie des Organisations 2006-2007
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

configuration taylorienne : renforcement de la division du
travail
configuration adhocratique : les organisations ont de moins en
moins de visibilité sur leur avenir, donc ajustements successifs
et structure de travail temporaire
E. Structures et assujettissement : la rupture structuraliste
Pour FOUCAULT, les structures organisationnelles ne font que refléter des
transformations sociopolitiques. Pour lui, une structure décrit la logique interne qui
transparaît derrière une pratique sociale.
La structure met en scène une procédure spécifique de distribution du pouvoir et décrit un
processus de renversement du pouvoir par rapport aux mécanismes politiques
traditionnels : le pouvoir devient une technique sans autorité.
Chaque personne est surveillée en permanence et cette surveillance est permise par la
nouveau statut qu’on accorde au corps dans les sociétés modernes : celui d’un corps
strictement utile, structuré par une gestualité objective et soumis à une utilisation
maximale.
→ la société discipline qu’est devenue la société moderne fabrique des corps
d’autant plus soumis qu’ils sont censés être utiles.
On ne va pas contre le mouvement des Lumières : cette docilité des corps va de pair avec
la volonté d’adoucir la violence. La contrepartie de cet adoucissement est la construction
d’un projet de maîtrise généralisée : la société dans son ensemble devient disciplinaire.
La raison est un processus à deux faces, dont l’une (le désir d’utilité) sert de masque à
l’autre (la surveillance généralisée).
F. Pouvoir, surveillance, gouvernementalité : la formes de domination modernes
1) Point de départ : le panoptique (« voir partout ») :
Il répond à un souci pratique : le besoin d’une organisation rationnelle des prisons à
mesure que la population pénale s’accroît. On a une architecture permettant une
surveillance permanente et cette surveillance est anonyme.
Selon Foucault, le pouvoir moderne s’exerce à partir de l’effacement progressif d’une
figure personnalisée de l’autorité.
Une organisation panoptique procède d’une économie de la visibilité : on répartit les
cellules autour d’une position centrale de telle sorte que le détenu soir visible en
permanence et que le surveillant ne le soit pas.
→ rupture fondamentale avec la façon dont s’exerçait le pouvoir dans l’Ancien
Régime où on voyait l’autorité
Résumé Théorie des Organisations 2006-2007
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2) Principes de surveillance
retour à l’emploi du temps : on fractionne la matrice temporelle de manière à
surveiller et contrôler le moindre comportement
- articulation « corps-geste objet » : le corps a perdu toute autonomie à l’égard
du monde des objets (car le corps est réduit à l’état de geste, qui dépend luimême de sa capacité à manipuler des objets)
- l’utilisation exhaustive : la recherche de l’efficacité dépend de la capacité
d’une organisation à faire un usage maximale des machines et des corps à sa
disposition.
=> on chercher à intensifier l’usage du moindre instant (économie positive)
>< principe négatif de l’emploi du temps dans sa forme traditionnelle (non
oisiveté)
-
3) Conclusion : Foucault prend des intuitions de Taylor :
Taylor définit des principes d’organisation devant conduire à une efficacité
maximale
- Foucault dit que ces principes pervertissent la raison et marquent l’entrée des
sociétés dans des processus d’assujettissement, d’autant plus efficaces qu’ils
sont voilés par l’extension de la démocratie et le renoncement à la violence
objective.
=> Même constat pour les deux : les principes de la surveillance
généralisée caractérisent la réalité des organisations modernes.
La nouveauté de Foucault résulte dans le fait que le pouvoir se retire de toute figure
d’autorité et sa loge dans des dispositifs et des techniques anonymes.
Foucault ne fait pas de différence fondamentale entre utilitarisme et fonctionnalisme :
c’est l’utilisation exhaustive des travailleurs qui marque la naissance de la discipline.
Il ne fait pas non plus de différence entre la rationalité et l’utilité : il s’appuie sur la
définition utilitariste de la rationalité.
-
4) Pouvoir et gouvernementalité :
pouvoir : savoirs et subjectivités étaient des points d’inscription passifs
la problématique de la gouvernementalité met en place l’idée de résistance :
rien n’est si extérieur au pouvoir qu’on pourrait s’y opposer mais ce n’est pas
vrai pour des formes de gouvernement.
En s’intéressant au gouvernement des organisations, on cherche à mieux comprendre la
nature de leurs processus de domination politique et à introduire une plus grande
distinction encore entre l’appareil de la contrainte anonyme et la faculté de réaction de
ceux qui la subissent. Avec la notion de gouvernementalité, une certaine forme de liberté
devient possible.
La gouvernementalité serait la nouvelle expression de pouvoir moderne et des résistances
qu’il rencontre.
-
Résumé Théorie des Organisations 2006-2007
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Fiche III
Le paradigme stratégique
Le paradigme structurel a permis d’analyser les interactions et les échanges sociaux sous
la forme d’interdépendances entres les entités d’un système. De là ont découlé deux
orientations :
- celle de Mintzberg pour qui l’analyse des structures a pour but l’adaptation
permanente de l’organisation a son environnement
- celle de Foucault pour qui l’analyse permet de prendre conscience des formes
modernes de domination et de contrôle dans les univers organisés.
 Dans les deux cas on surmonte l’impasse du paradigme utilitariste qui
réduisait ces échanges à un simple calcul d’utilité.
Trois critiques du paradigme structurel :
1. On a une organisation sans acteurs :
o Mintzberg : il parle d’acteurs dans un sens tellement général qu’on ne peut
pas parler d’acteurs au sens strict : les acteurs occupent des places a priori
et l’organisation semble être un mécano complexe entre des positions
désincarnées
o Foucault : le pouvoir est une pratique anonyme. Il parle de l’existence
charnelle des personnes surveillées mais elles n’ont pas de réalité en
dehors de la surveillance. Et l’anonymat des structures efface l’idée que le
pouvoir est exercé par un individu.
→ le pouvoir est conçu comme un attribut de la structure.
2. L’organisation est extrêmement dépendante de l’environnement.
La vision de Mintzberg est trop réductrice car
o la frontière entre l’intérieur et l’extérieur d’une organisation est poreuse
o certaines personnes ont comme activité stratégique d’anticiper les évolutions
de l’environnement et d’interagir avec lui
3. Il n’existe pas de rationalité sans limite :
o Taylor : optimalité atteinte par la division du travail
o Mintzberg : optimalité atteinte par l’adaptation optimale aux contraintes de
l’environnement.
o Foucault : optimalité atteinte dans la surveillance généralisée et dans le
principe d’exhaustivité (=utilisation optimale des capacités des travailleurs)
En d’autres termes, le paradigme utilitariste comme le paradigme structurel s’accordent
sans le dire sur une vision commune : l’idée d’une rationalité sans limite, omnisciente,
optimale.
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A. Le concept de rationalité limitée
Est-on sûr que le choix rationnel puisse se réaliser dans des conditions analogues au
postulat scientifique ?
Les paradigmes utilitaristes et structurels reposent sur une rationalité des acteurs qui est
censée être
- parfaitement informée
- dotée de préférences stables
- capable d’examiner l’ensemble des solutions alternatives pour procéder à un choix
optimal
Cette vision est pourtant irréaliste et idéologique : les décideurs sont limités et
contextualisés et ne savent donc pas mener un raisonnement synoptique (=raisonnement
qui évaluerait l’ensemble des scénarios alternatifs).
Le rationnel est repensé comme décrivant un ensemble de comportements permettant à
un acteur de parvenir à une solution satisfaisante dans un contexte donné.
→ en d’autres termes, qui dit absence d’optimisation dit rationalité limitée
Avant, la rationalité était décrite en fonction
- de la participation à l’accroissement du bien-être de l’individu (Taylor)
- de la capacité d’adaptation d’un système (Mintzberg)
- de la manière dont ce système développe des formes modernes de contrôle
(Foucault)
Le contexte intervient dans le formation du comportement rationnel et est donc un
élément important dont il faut tenir compte. En effet, il conditionne l’étendue des choix
et la structure du raisonnement :
- l’information devient limitée
- les préférences des acteurs sont maintenant variables
- l’examen des solutions alternatives est partiel. Les acteurs adoptent un raisonnement
sous contraintes.
La rationalité ne peut se comprendre que dans son rapport à un contexte : la raison doit
être examinée empiriquement. On a à faire à une conception pragmatique de la raison.
B. Bien-être, opacité et opportunisme
On peut maintenant étendre le raisonnement utilitariste au-delà du domaine
économique : les dimensions non calculatrices de l’activité humaine peuvent être
considérées comme la résultante d’un comportement global fondé sur l’intérêt. L’intérêt
serait donc une notion assez pertinente pour englober l’ensemble des motifs d’une
action.
→ On n’a donc plus de scission entre calcul et échanges sociaux mais un
enchevêtrement mutuel : la rationalité d’une personne est contextuelle, culturelle et
intéressée
L’intérêt n’étant plus réductible à un simple calcul d’utilité, il renvoie maintenant à la
gestion d’un système d’opportunités en situation concrètes. Ces opportunités décrivent la
Résumé Théorie des Organisations 2006-2007
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capacité d’un acteur à se situer à l’intérieur d’un contexte d’actions et renvoient à un
ensemble de ressources disponibles.
→ Elles vont au-delà de l’accroissement du bien-être
Cette relecture des motifs d’une action a deux conséquences :
- la perspective d’une formalisation exhaustive des échanges est impossible
- le pouvoir est une finalité pragmatique (avant c’était le bien-être, l’adaptation et la
surveillance)
L’intérêt n’est donc plus économique mais politique : il vise à accroître l’influence que
chacun exerce sur autrui. Il traduit la capacité de gérer un ensemble d’opportunités au
sein d’un système de pouvoir ; opportunités parmi lesquelles les acteurs essayent
d’élargir leur degré de liberté et d’acquérir un espace d’autonomie.
C. Le triangle opératoire : ressource, stratégie, pouvoir
1) Les organisations, des « systèmes d’action concrets »
La notion d’organisation dans les différents paradigmes :
- Paradigme utilitariste : l’organisation est le fruit d’une rationalité formelle, sans
limite véritable
- Mintzberg : relation entre pouvoir et coordination façonnait des « configurations
organisationnelles »
- Foucault : déconstruction des rapports anonymes de pouvoir
- Paradigme stratégique : l’organisation est un lieu empirique, concret où s’affrontent
des rationalités diverses, dans un espace technique et géographique dont les
frontières vis-à-vis de l’environnement ne sont pas toujours précises.
→ dissolution entre rationalité formelle et substantielle : les actions de
standardisation de la production peuvent être le fruit d’acteurs autonomes, et des
agents agissant de manière informelle peuvent exiger la formalisation de leur
action
 l’organisation = système d’actions concrètes (acteurs concrets, ressources
diverses,…)
 un système d’action = milieu organisé compris empiriquement dans son
rapport à l’action
2) Les Ressources
Ce sont un ensemble d’éléments variés que les acteurs peuvent mobiliser pour s’engager
dans des rapports d’échange et de négociation avec d’autres, et qui pourront être utilisées
de manière dynamique pour accroître les marges d’action des protagonistes.
→ ce sont des ressources dans le cadre d’une négociation
Formes de ressources :
- Le capital économique = le salaire et les divers revenus
= les ressources dont dispose un acteur et qui pèse plus ou moins
fortement sur les résultats économiques de la firme.
Résumé Théorie des Organisations 2006-2007
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Ces ressources n’interviennent que de manière limitée dans les rapports entre
individus et groupes : il existe de nombreuses ressources dont :
- les ressources informationnelles
- les ressources techniques
- les ressources professionnelles
- les ressources identitaires
Toutes ces ressources renvoient à des dimensions de l’expérience professionnelle et
sociale mobilisables dans le cadre d’un échange négocié, en vue d’élargir les marges de
jeu des acteurs au sein d’un univers contraignant.
3) La Stratégie
a) C’est le caractère actif de tout comportement humain.
La rationalité des acteurs est limitée et dépend des marges de jeu dont ils disposent.
→ La conduite stratégique est limitée mais pas déterminée
b) Un comportement stratégique a toujours un sens.
Au lieu d’être un comportement stratégique rationnel par rapport à des objectifs
économiques, il l’est par rapport à des opportunités politiques.
c) Ce comportement présente un aspect offensif (saisie d’opportunités en vue
d’améliorer sa situation) et défensif (maintien et élargissement de sa
marge de liberté).
→ Ce comportement vise à défendre des intérêts spécifiques et à gagner l’intérêt
des autres
→ On a un rapport d’influence mutuel, un rapport de pouvoir
Une stratégie, pour Crozier et Friedberg, est le fondement inféré ex post des régularités
des comportements observés empiriquement. Friedberg parle aussi d’instinct stratégique :
les acteurs assument l’indétermination de leur situation et adoptent des conduites visant à
accroître leur autonomie et leur pouvoir d’influence.
4) Le Pouvoir
C’est la possibilité pour certains individus/groupes d’agir sur d’autres.
Caractère relationnel du pouvoir : agir sur autrui c’est entrer en relation avec lui.
>< Mintzberg et Foucault où le pouvoir était un attribut, càd qu’il dépendait de la
position d’un acteur à l’égard d’un système de décision pré-existant.
→ pouvoir = dynamique de la relation d’échange ; c’est ce qui fait agir et c’est le
résultat visé pas l’action
Caractéristique de la relation de pouvoir :
- ses conséquences sont imprévisibles et parfois dysfonctionnelles.
- elle est non transitive car elle dépend de la dynamique d’échange
- elle est réciproque mais déséquilibrée. (pouvoir = jeu d’équilibre instable)
On passe donc d’une conception structurelle du pouvoir (liée à l’existence
d’interdépendances structurées dans des organisations) à une conception relationnelle du
pouvoir (liée à l’action stratégique des acteurs).
Résumé Théorie des Organisations 2006-2007
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 le pouvoir est le rapport de force dans lequel l’un peut tirer davantage que
l’autre mais où l’autre n’est jamais totalement démuni (échange opaque et
asymétrique).
Le pouvoir est partout et réside dans la marge de liberté dont chacun dispose pour refuser
ou accepter ce que l’autre demande ; c’est un pouvoir d’influence.
D. De la coordination à la coopération
Coordination = relations générales entre des entités pré-déterminées par une structure
d’interdépendances donnée
Coopération = l’activité stratégique des acteurs en situation concrète
La coopération procède d’une décision individuelle ou collective (donc n’est pas dictée
par l’organisation) et n’est donc jamais désintéressée : elle s’enracine dans un effort
d’élargissement des marges de manœuvre dont dispose chacun.
Mais elle n’est pas exclusivement utile, elle permet de nouer des échanges : elle apparaît
comme la contrepartie du pouvoir, en articulant le déséquilibre des positions sociales aux
possibilités d’action collectives.
L’analyse stratégique conduit à plusieurs remarques :
- elle porte sur des comportements rationnels des acteurs : elle ne se réduit pas à
l’exposé des « configurations organisationnelles »
→ elle est empirique
- elle doit faire ressortir la dynamique du « triangle opératoire » : acteurs&ressources,
stratégies déployées et enjeux du pouvoir
- elle saisit et interprète les dimensions qui interviennent dans la coopération inter- et
intraorganisationnelle : le pouvoir devient l’objet et le support de l’action et le calcul
rationnel s’étend à l’ensemble des choix et n’est plus que économique.
E. De la défense des intérêts à la création de « règles du jeu » : la notion de
régulation
Le concept de régulation traduit l’idée que les acteurs ne sont pas seulement guidés par
le pouvoir mais aussi par la création de règles communes.
REYNAUD repose son analyse sur l’idée que les acteurs ne jouent pas dans un système
mais avec un système.
→ on dépasse le caractère spontanéiste et individualiste
Une règle provient de régularités produites par les acteurs qui acquièrent
progressivement un caractère obligatoire.
→ les individus agissent dans leur intérêt propre et en vue de créer des règles du
jeu social. On voit donc que des préoccupations de nature collectives peuvent structurer
les choix individuels.
La production de règles repose sur la distinction entre deux types de règles :
- les règles autonomes qui assurent l’autonomie d’un groupe social en le situant à
l’écart des rapports de pouvoir auxquels il est sinon contraint de se soumettre
- les règles de contrôle qui encadrent cette autonomie, veillent à la bonne exécution
des ordres et au maintien de la division du travail.
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Le fonctionnement réel d’une organisation vient d’un compromis entre ces deux formes
de régulation (régulation conjointe).
La vie sociale organisée procédant toujours d’une pluralité de régulations, l’ambition des
partenaires de l’interaction est autant de tirer profit de l’échange que de participer à la
définition des règles de l’échange.
Ce compromis présuppose un accord quant aux conditions d’échange et il peut affecter
les principes autant que les contenus qui résultent de l’échange.
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