1
Philippe GENUIT
Psychologue S.M.P.R. Rennes ( Centre hospitalier Guillaume Régnier) .
A.R.T.A.A.S. ( Association pour la Recherche et le Traitement des Auteurs d’Agressions
Sexuelles sous main de justice) .
CONFERENCE DE CONSENSUS. FEDERATION FRANCAISE
DE
PSYCHIATRIE Novembre 2001 .
2
EXISTE T’IL DES OUTILS PERMETTANT D’EVALUER LES RISQUES DE
RECHUTE ET QUELS SONT-ILS ?
INTRODUCTION p1
I- RECIDIVE ET RECHUTE p1à3
II- HETERONOMIE ET HOMOLOGIE DES CADRES D’EVALUATION p4à6
III-RECHUTE REPETITION SERIALITE p6à7
IV- IL N’Y A PAS D’OUTILS SANS OUVRIER p8
CONCLUSION p9à10
3
INTRODUCTION
Le sujet de l’intervention proposé faut-il l’avouer peut laisser perplexe dans un premier
temps. Existe t’il des outils d’évaluation de risque de rechute ? Plutôt que de répondre à cette
question , et en raison de la perplexité que suggère cette question , je répondrai : il existe des
thérapeutes qui utilisent des méthodes qu’ils pensent ou du moins prétendent être des outils
d’évaluation des risques de rechute ; ou plus exactement le terme utilisé est risque de récidive.
Il semble plus pertinent d’interroger cette intrication entre rechute et récidive sachant que les
études des thérapeutes jusqu’ici portent sur des programmes de traitements de prévention de
la récidive . Cette intrication rechute- récidive ne peut se départir d’une réflexion sur leurs
cadres de référence , juridique d’un côté , thérapeutique de l’autre , qui sous-tend l’explicite
de la réitération à savoir , la répétition .
I- RECIDIVE ET RECHUTE .
Plusieurs difficultés inaugurent la réponse à la question : « Existe t’il des outils permettant
d’évaluer les risques de rechute et quels sont-ils ? » . Ces difficultés sont avant tout d’ordre
épistémologique et de méthodes heuristiques relatives à l’évaluation clinique
particulièrement dans le domaine des auteurs d’agressions sexuelles . ( Je me permets
d’ajouter le pluriel à agression sexuelle proposée comme titre pour cette « conférence de
consensus » tant la réalité socio- juridique et clinique montre le caractère réitératif des actes
de leurs auteurs ) . Ce côté réitératif est d’ailleurs inscrit dans le concept de rechute .
En ce qui concerne les difficultés épistémologiques , celles-ci se rencontrent au détour de
l’interférence des cadres sociétaux d’investigation et d’intervention . Bien entendu pour notre
étude il s’agit essentiellement des cadres juridique et thérapeutique , principalement au travers
des concepts juridiques de « récidive » et thérapeutique de « rechute » . Cela est si vrai que
dans les études les plus approfondies à ce jour provenant essentiellement des pays anglo-
saxons , particulièrement des U.S.A et du Canada , ( cf . Blanchette , K . (1996) . Evaluation ,
traitement et risque de récidive des délinquants sexuels : analyse de la documentation ) la
notion de récidive est dépendante , quant à l’évaluation du « risque » , de celle de rechute,
elle, liée aux programmes thérapeutiques . Il faut ajouter à cette intrication les liens des
programmes thérapeutiques aux programmes éducatifs se côtoient , dans une prise en
charge normative , l’accompagnement social et le coercitif .
Avant même que d’interroger ce qui relève de la notion médicale de rechute , il convient de
remarquer les conclusions que nous offrent les études de nos collègues nord- américains
corroborées par l’étude de l’équipe du professeur MORMONT de l’université de Liège .
( Giovanelli , D ; Cornet, J.P ; MORMONT , C . Etude comparative dans les 15 pays de
l’union européenne : les méthodes et les techniques d’évaluation de la dangérosité et du risque
de récidive des personnes présumées ou avérées délinquants sexuels . )
Les conclusions canadiennes sont que :« l’étude de la récidive chez les délinquants sexuels,
de ses corrélats et du pouvoir thérapeutique du traitement constitue un fi de taille pour les
chercheurs . La détermination des causes de la récidive et des éléments qui l’influencent
dépend de facteurs complexes , tels que la période de risque passée dans la collectivité le
degré de surveillance et tout un tas de variables . ( Plus la période post- carcérale est longue ,
plus le taux de récidive est élevé Et à ce jour les études françaises ne nous donnent pas assez
de recul pour une évaluation optimale N.D.A -- ). Les études réalisées dans ce domaine
concordent rarement sur les taux de récidive relevés , en partie à cause du nombre de
définitions données au terme « récidive » . ( BLANCHETTE . K . Opus cit .) .
4
L’équipe du professeur MORMONT ( Op . cit) constate identiquement parmi les études
consacrées , en Europe ,à l’évaluation de la récidive chez certaines populations , et notamment
chez les auteurs d’agressions sexuelles , une disparité des taux obtenus . « Cette variation des
résultats s’explique en grande partie par les définitions divergentes de la notion de récidive
qui président à ces études » .
Selon les pays , selon l’obédience professionnelle , selon l’obédience théorico- clinique , le
même vocable va recouvrir des contenus sémantiques et des réalités sociales différents . De ce
fait l’option méthodologique et les « outils » d’évaluation qui y affèrent sont largement
susceptibles d’influer sur les résultats obtenus .
Aussi notre étude ne sera pas exhaustive . ( En ce qui concerne l’exhaustivité des
techniques nous renvoyons le lecteur à l’étude très approfondie et documentée de l’équipe du
professeur MORMONT ( Op . cit) ) .
Epistémologiquement il nous paraît fondamental de désintriquer les notions de
« réitération » , « récidive » , « rechute » et celle de « sérialité » . Cela nous amènera à
interroger les cadres de « savoir » auxquels ces notions se raccrochent d’une part , et d’autre
part à dissocier ce qui est de l’ordre du « phénoménal » et ce qui est de l’ordre du
« processuel » . Un processus peut se manifester sous différentes formes , et des phénomènes
apparemment identiques peuvent dépendre de processus différents .
Une autre difficulté est relative à l’hétérogénéité du groupe « auteurs d’agressions
sexuelles » . Autant il est difficile de mettre d’accord les cliniciens sur la question de la
récidive , autant il y a unanimité sur l’hétérogénéité clinique des A.A.S . Les délinquants et
les criminels sexuels différent les uns des autres, de part leurs antécédents personnels et
judiciarisés , les circonstances qui ont précédé les infractions commises , l’âge et le sexe de
leurs victimes , les attitudes et convictions sur lesquelles s’appuient leurs comportements
déviants , ainsi que le degré de violence qu’ils ont fait subir à leurs victimes , et d’autre part
par les structures de personnalité différentes . Comme le font remarquer GORDON . A et
PORPORINO au Canada et tout spécialement BALIER . C en France , cela revient à dire que
les auteurs d’agressions sexuelles forment un groupe hétérogène dont les besoins en terme
d’évaluation et de traitement sont variés . Cependant si les cliniciens sont d’accord en ce qui
concerne l’hétérogénéité des A.A.S . leurs obédiences théorico cliniques et les stratégies de
soins et d’évaluation divergent . Ceci a pour conséquence de constater que comme tout
humain le clinicien diverge de ses semblables et qu’une étude scientifique , si elle est possible
à acter , doit tenir compte de l’hétérogénéité de la population des sujets étudiés , mais aussi de
l’hétérogénéité de la population des cliniciens , ceci afin d’éviter au mieux d’être ce que Boris
CYRULNIK appelle des « abuseurs sémantiques » . ( cf . mémoire de singe et parole
d’homme . Poche pluriel . Paris ) .
L’hétérogénéité clinique s’éprouve dans la diversité des catégories psychopathologiques et
des typologies des A.A.S . Cette hétérogénéité clinique se retrouve dans la non concordance
des taux de récidive précédemment évoquée et surtout dans les méthodes heuristiques
d’investigation et d’évaluation .
En ce qui concerne les A.A.S , les études nord- américaines , bien que de loin les plus
nombreuses et les plus construites , font surtout référence à une construction « cognitivo-
comportementaliste » qu’il est difficile à retranscrire comme telle en France les
élaborations cliniques notamment sous l’influence indéniable de C. BALIER s’étayent sur une
conception psychodynamique du sujet avec pour référence une psychanalyse pragmatique ,
qui correspond mieux à notre art de vivre ( ou notre way of life) .
5
A ces considérations sur les obstacles épistémologiques et méthodologiques s’ajoutent
l’intérêt pour les populations jusqu’ici peu étudiées en France et qui si elles ne bouleversent
pas fondamentalement les études actuelles n’en demandent pas néanmoins un
approfondissement de la clinique des A.A.S , à savoir les femmes et les adolescents .
En ce qui concerne les adolescents , l’augmentation de la judiciarisation de leur actes
sexuels violents , sans que l’on puisse se prononcer sur l’augmentation de commissions
d’actes , nous renseignent sur la précocité de ceux-ci . Ceci bat en brèche l’idée d’une
spécificité adulte incestueuse ou dophilique de l’agression sexuelle . Par contre la
spécificité de la dynamique groupale décrite depuis longtemps dans les analyses socio-
psychologiques des jeunes , se retrouve dans les agressions sexuelles telles que ce qui est
convenue d’appeler les « Tournantes » .
La femme , elle , a longtemps été considérée plus comme une victime qu’une personne
capable d’agression sexuelle , hormis dans une vision de complicité passive .
Les études anglophones ou francophones , certes beaucoup moins nombreuses , battent en
brèche cette représentation . Ce qui , au vue des dernières données cliniques et statistiques ,
vient pointer l’essentiel de la particularité de l’agression sexuelle féminine est le cadre
domestique . Ce cadre domestique ou familial rend compte à sa manière de la place de la
femme dans la société , fut- ce à travers des comportements morbides . L’actuelle mutation
sociale avec ses corrolaires de crise de la paternité et de la masculinité , permet de supposer
qu’à l’instar de l’implication professionnelle et égétique des femmes ainsi que de leur plus
grande liberté d’alliance sexualisée , les comportements féminins morbides vont se
transformer en rapport avec celle-ci .
Statistiquement les données dont nous disposons , semblent montrer un taux de récidive
important chez les adolescents hommes et faible chez les femmes adultes .
II- HETERONOMIE ET HOMOLOGIE DES CADRES D’EVALUATION
Comme la clinique épistémologique nous y invite , nous devons scientifiquement
désintriquer le manifeste de l’acte déjudiciarisé du processus qui le rend possible et surtout
observable .
Ainsi que le fait remarquer Gaston BACHELARD ( 1986 . la Formation de l’esprit
scientifique . VRIN . Paris) nous n’observons que ce que nous concevons théoriquement au
préalable .
Chaque cadre de formalisation construit donc son objet . Ceci implique la nécessité de
désintriquer ce qui apparaît comme une manifestation unitaire , à savoir la réitération de l’acte
(potentiellement judiciarisable) en une pluralité d’objets d’évaluation .
Ainsi la notion de récidive renvoie au cadre juridique , celle de rechute au cadre
thérapeutique . A noter que la notion psycho-dynamique de « répétition » (énoncée par la
psychanalyse) interroge l’analogie implicite et structurale , qui s’exprime dans les diverses
réitérations d’acte .
La question de la rechute suppose donc dialectiquement être analysée en tenant compte de la
diversité et donc de la différence des cadres et de leurs objets tout autant que de leur
fonctionnement analogue . C’est cette analyse dialectique à laquelle nous incite Pierre
BOURDIEU ( in Questions de sociologie , Paris , Les éditions de minuit , 1980 ) en ce qui
concerne les taxinomies sociologiques ; autrement dit les modes de classement , catégories ,
typologies . D’un côté les champs sociologiques , ici juridique et thérapeutique , sont
autonomes et ne peuvent se comprendre si on ne connaît pas les règles implicites et explicites
1 / 11 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !