L’équipe du professeur MORMONT ( Op . cit) constate identiquement parmi les études
consacrées , en Europe ,à l’évaluation de la récidive chez certaines populations , et notamment
chez les auteurs d’agressions sexuelles , une disparité des taux obtenus . « Cette variation des
résultats s’explique en grande partie par les définitions divergentes de la notion de récidive
qui président à ces études » .
Selon les pays , selon l’obédience professionnelle , selon l’obédience théorico- clinique , le
même vocable va recouvrir des contenus sémantiques et des réalités sociales différents . De ce
fait l’option méthodologique et les « outils » d’évaluation qui y affèrent sont largement
susceptibles d’influer sur les résultats obtenus .
Aussi notre étude ne sera pas exhaustive . ( En ce qui concerne l’exhaustivité des
techniques nous renvoyons le lecteur à l’étude très approfondie et documentée de l’équipe du
professeur MORMONT ( Op . cit) ) .
Epistémologiquement il nous paraît fondamental de désintriquer les notions de
« réitération » , « récidive » , « rechute » et celle de « sérialité » . Cela nous amènera à
interroger les cadres de « savoir » auxquels ces notions se raccrochent d’une part , et d’autre
part à dissocier ce qui est de l’ordre du « phénoménal » et ce qui est de l’ordre du
« processuel » . Un processus peut se manifester sous différentes formes , et des phénomènes
apparemment identiques peuvent dépendre de processus différents .
Une autre difficulté est relative à l’hétérogénéité du groupe « auteurs d’agressions
sexuelles » . Autant il est difficile de mettre d’accord les cliniciens sur la question de la
récidive , autant il y a unanimité sur l’hétérogénéité clinique des A.A.S . Les délinquants et
les criminels sexuels différent les uns des autres, de part leurs antécédents personnels et
judiciarisés , les circonstances qui ont précédé les infractions commises , l’âge et le sexe de
leurs victimes , les attitudes et convictions sur lesquelles s’appuient leurs comportements
déviants , ainsi que le degré de violence qu’ils ont fait subir à leurs victimes , et d’autre part
par les structures de personnalité différentes . Comme le font remarquer GORDON . A et
PORPORINO au Canada et tout spécialement BALIER . C en France , cela revient à dire que
les auteurs d’agressions sexuelles forment un groupe hétérogène dont les besoins en terme
d’évaluation et de traitement sont variés . Cependant si les cliniciens sont d’accord en ce qui
concerne l’hétérogénéité des A.A.S . leurs obédiences théorico – cliniques et les stratégies de
soins et d’évaluation divergent . Ceci a pour conséquence de constater que comme tout
humain le clinicien diverge de ses semblables et qu’une étude scientifique , si elle est possible
à acter , doit tenir compte de l’hétérogénéité de la population des sujets étudiés , mais aussi de
l’hétérogénéité de la population des cliniciens , ceci afin d’éviter au mieux d’être ce que Boris
CYRULNIK appelle des « abuseurs sémantiques » . ( cf . mémoire de singe et parole
d’homme . Poche pluriel . Paris ) .
L’hétérogénéité clinique s’éprouve dans la diversité des catégories psychopathologiques et
des typologies des A.A.S . Cette hétérogénéité clinique se retrouve dans la non concordance
des taux de récidive précédemment évoquée et surtout dans les méthodes heuristiques
d’investigation et d’évaluation .
En ce qui concerne les A.A.S , les études nord- américaines , bien que de loin les plus
nombreuses et les plus construites , font surtout référence à une construction « cognitivo-
comportementaliste » qu’il est difficile à retranscrire comme telle en France où les
élaborations cliniques notamment sous l’influence indéniable de C. BALIER s’étayent sur une
conception psychodynamique du sujet avec pour référence une psychanalyse pragmatique ,
qui correspond mieux à notre art de vivre ( ou notre way of life) .