Tocqueville et les dangers de l`individualisme

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MASTER 1- Philosophie politique
Cours commun : Pr. Jean-Michel BESNIER
Les pages qui suivent sont destinées à compenser les séances des 7 et 10 mars 2006 qui n’ont
pu avoir lieu. Ces séances devraient être suivies par deux cours sur Nietzsche.
Tocqueville et Nietzsche sont convoqués dans la réflexion proposée par le cours commun (JM. Besnier, A. Boyer et A. Renaut) sur la raison pratique dans la mesure où ils occupent une
place de choix dans la mise en question de la subjectivité et de la volonté et, par conséquent
dans celle du point de vue moral. On examine ci-dessous le statut de l’individualisme tel que
Tocqueville est conduit à le décrire et, au-delà, la manière dont les idéaux démocratiques se
trouvent problématisés. Peut-être sera-t-il permis, par la suite, d’aborder le thème
tocquevillien de l’avenir, sachant qu’il est décisif de savoir si l’homo democraticus peut se
dispenser d’associer morale et sens du projet. Par la suite, on examinera le rapport de
Nietzsche aux valeurs et on focalisera l’attention également sur sa prise en charge du thème
de l’avenir.
Tocqueville et les dangers de l'individualisme
Ceci doit être clairement énoncé, faute de quoi l'essentiel de la
philosophie tocquevillienne risque d'échapper : I'individualisme n'est pas une
force mais au contraire une faiblesse. Contrairement à ce que croient souvent
les actuels thuriféraires du libéralisme, opposer l'individu à l'État — quelque
forme que l'opposition revête (privé/public, liberté d'entreprendre/bureaucratie,
etc.) — n'est pas une solution et témoigne même d'un certain aveuglement. S'il
est une leçon claire dans De la Démocratie en Amérique, elle concerne le
destin prévisible de l'individu livré à lui-même et cette leçon conserve
assurément toute sa portée aujourd'hui.
En décrivant la situation propre aux siècles démocratiques, Tocqueville
ne peut s'empêcher d'avouer sa crainte devant l'absence de points de repère,
la disparition des règles pré-tracées que portent les rites et les traditions dans
les sociétés aristocratiques. En démocratie, le citoyen n'a plus la possibilité de
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se situer autrement que par rapport à lui-même; il est devenu sa propre
mesure. Or, cette émancipation par rapport à la tutelle d'un ordre — celui de
l'Ancien Régime — qui imposait son organisation et la fondait sur quelque
réalité transcendante, cette émancipation est lourde à porter. De sorte que
l'individu triomphant apparaît plus démuni et vulnérable que jamais; faute d'être
désormais réceptif à la symbolique, aux rituels et aux lois qui cimentaient jadis
la coIIectivité, il se voit condamné à l'atomisation. Individu, il l'est certes, mais
au sens où l'on désigne par là un représentant, n'importe quel représentant, de
l'espèce humaine; égal à son voisin, il l'est assurément, mais au sens où l'un
vaut l'autre, où nul n'est plus irremplaçable dans un monde réduit à
l'équivalence généralisée des biens et des hommes, ce que Herbert Marcuse
désigne comme
democraticus
—
"I'univers de l'unidimensionnalité"; libre, enfin, I'homo
I'"homo
aequalis",
selon
I'expression
utilisée
par
l'anthropologue Louis Dumont — le demeure pour autant qu'il parvient à
résister à la foule de ses semblables, au mouvement d'assimilation et
d'homogénéisation des comportements individuels que GiIIes Lipovetsky a
récemment baptisé "I'ère du vide". Mais Tocqueville est bien pessimiste quant
aux chances de l'individu dont il perçoit avec acuité la tendance à surestimer le
poids de la société pour mieux justifier sa faiblesse et son inertie. Avec le
développement des démocraties, le citoyen glissera bientôt de l'enthousiasme
pour la société libératrice aux litanies plaintives : "C'est la faute à la société !"
Car l'individualisme a décidément pour corrélat le sentiment d'une omnipotence
du tout social : "A mesure que les conditions s'égalisent chez un peuple, les
individus paraissent plus petits et la société semble plus grande, ou plutôt
chaque citoyen, devenu semblable à tous les autres, se perd dans la foule, et
l'on n'aperçoit plus que la vaste et magnifique image du peuple lui-même." (11,
356)
N'en déplaise, encore une fois, à ceux qui attendaient de l'aristocrate
déchu qu'il fasse nécessairement l'apologie de l'individualisme : Tocqueville est
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beaucoup trop soucieux des libertés politiques, c'est-à-dire de l'exercice public
de la volonté, pour ne pas redouter le repli sur soi de l'individu.
De fait, abandonné à lui-même, "n'ayant ni supérieurs, ni inférieurs, ni
associés habituels et nécessaires", I'homme se met à vivre comme une
monade "sans portes ni fenêtres" (Leibniz); il désinvestit la chose publique,
déserte l'espace socio-politique et se laisse peu à peu aIIer à abandonner le
soin des affaires communes au seul représentant visible et permanent des
intérêts coIIectifs, autrement dit : à l'État (cf. II, 359). C'est ainsi que
l'individualisme implique la désaffection des libertés politiques et qu'il impose la
demande d'un État vigilant et prévoyant. Mais comment en serait-il autrement
dans un contexte où chacun fait l'expérience de sa faiblesse et cherche, par
conséquent, à préserver ses intérêts propres en consacrant tout son temps à
leur gestion et promotion ? Parlant de ceux qui vivent en démocratie,
Tocqueville avoue son scepticisme désabusé : "Non seulement ils n'ont pas
naturellement le goût de s'occuper du public, mais souvent le temps leur
manque pour le faire." (II, 359)
L'individualisme finit par être franchement inquiétant dès lors qu'il
encourage les hommes à se reposer sur l'État des soucis coIIectifs. En effet,
jaloux de leur intimité et vivement désireux d'assurer leur confort, ceux-ci vont
bientôt désirer un État fort pour protéger leur personne et leurs biens. Par où
l'on voit combien l'indépendance, loin de signifier l'autonomie, peut au contraire
équivaloir à l'asservissement. La quatrième partie du second volume de La
Démocratie décrit précisément la logique qui conduit de l'individualisme à la
concentration d'un pouvoir de plus en plus tentaculaire : "L'amour de la
tranquillité publique est souvent la seule passion politique que conservent ces
peuples, et elle devient chez eux plus active et plus puissante, à mesure que
toutes les autres s'affaissent et meurent; cela dispose naturellement les
citoyens à donner sans cesse ou à laisser prendre de nouveaux droits au
pouvoir central, qui seul leur semble avoir l'intérêt et les moyens de les
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défendre de l'anarchie en se défendant lui-même." (II, 360)
Voilà comment, en favorisant l'individualisme, la démocratie risque de
faire le lit du despotisme. Avant Tocqueville, il était entendu qu'en se
corrompant la démocratie engendrait son contraire : Aristote avait révélé le rôle
joué par les démagogues dans cette dégénérescence; Montesquieu avait mis
l'accent sur la responsabilité de "I'esprit d'égalité extrême" dans l'installation du
despote. L'auteur de La Démocratie qui connaît ses classiques incrimine avant
tout l'aveugle désir de sécurité et, en cela, il éveiIIe sans doute plus d'un écho
dans notre contemporanéité souvent frileuse. En tous cas, il n'a pas son pareil
pour décrire l'apparition insidieuse du despotisme au sein des démocraties
sans ressort coIIectif ni volonté de s'auto-instituer. Citons par exemple le
portrait qu'il propose, dans L'Ancien Régime et la Révolution (I, 213), des
enfants de 1789 : "Un peuple composé d'individus presque semblables et
entièrement égaux, cette masse confuse reconnue pour le seul souverain
légitime, mais, soigneusement privée de toutes les facultés qui pourraient lui
permettre de diriger et de surveiller elle-même son gouvernement. Au-dessus
d'elle, un mandataire unique, chargé de tout faire en son nom sans la
consulter." De là à l'avènement de l'État absolutiste ou policier, il n'y a qu'un
pas : franchi dès lors que "les occasions d'agir ensemble" ont disparu et que
dominent l'isolement et l'indifférence entre les hommes (cf. II, 131-132).
Au fond, c'est peut-être que l'homme des démocraties attend de l'État
qu'il le désigne comme individu. Peut-être l'État apparaît-il, dans les
démocraties, comme la dernière transcendance qui puisse conférer une
identité... Si tel est le cas, il n'y a jamais trop d'État. Ainsi que l'écrit Marcel
Gauchet; "L'État est le miroir dans lequel l'individu a pu se reconnaître dans
son indépendance et sa suffisance, en se dégageant de son insertion
contraignante
dans
les
groupes
réels."1
Bref,
dans
cette
logique,
I'individualisme s'alimenterait aux efforts tentaculaires déployés par l'Etat
1
M. Gauchet, « Tocqueville, l’Amérique et nous », in Libre, 80-7, éditions Payot., p. 106
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5
gestionnaire de l'activité des hommes et on comprendrait qu'à terme, rien
n'arrêtera
"le bras du gouvernement [qui] va chercher chaque homme en
particulier au milieu de la foule pour le plier isolément aux lois communes". M.
Gauchet résume avec force ce paradoxe qui scelle la solidarité entre
l'affirmation de l'individu et l'emprise croissante de l'État : "Dérisoire entreprise
que d'opposer l'individu à l'État, alors qu'ils sont termes strictement
complémentaires, dont l'apparente rivalité n'est que le moyen de se renforcer
l'un l'autre. Toujours plus d'individu, toujours plus d'État. L'un ne décroîtra pas
sans que l'autre recule." On ne saurait s'exprimer plus clairement.
C'est probablement sur le terrain de la critique de l'individualisme que
Tocqueville nous est le plus contemporain. Le lecteur d'aujourd'hui y déchiffre
ce qui a fécondé pour une bonne part la pensée anti-totalitaire du XXè siècle :
nul mieux que Tocqueville ne saurait iIIustrer le thème de la fragilité des
démocraties et annoncer, derrière la démission des libertés politiques et le
désintéressement de la chose publique, la brèche dans laquelle risque de
s'engouffrer l'État totalitaire. Sa méfiance à l'égard de l'individualisme suffit à
suggérer, comme le dit encore M. Gauchet, que "les démocraties portent en
elles, constitutivement, leur négation totalitaire virtuelle. La possibilité du
totalitarisme est de naissance inscrite dans les démocraties telles qu'elles se
sont développées sur le Vieux Continent". On soupçonnera peut-être les
critiques du totalitarisme de "récupérer" abusivement la pensée de Tocqueville.
Reste qu'il y a certaines pages dans La Démocratie qui témoignent d'une
espèce de vision prémonitoire ou, en tout cas, d'une formulation anticipatrice
de ce que le XXè siècle a dû affronter; par exemple, celle-ci dans laquelle
Tocqueville dévoile la radicale nouveauté de ce qui menace les démocraties
ainsi que son inéluctable imminence : "Je pense (...) que l'espèce d'oppression
dont les peuples démocratiques sont menacés ne ressemblera à rien de ce qui
l'a précédée dans le monde; nos contemporains ne sauraient en trouver l'image
dans leurs souvenirs. Je cherche en vain moi-même une expression qui
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reproduise exactement l'idée que je m'en forme et la renferme; les anciens
mots de despotisme et de tyrannie ne conviennent point. La chose est nouvelle,
il faut donc tâcher de la définir, puisque je ne peux la nommer. (11, 385)
Toute la célébrité posthume de Tocqueville, ainsi que le remarque
Claude Lefort2, tient dans cette approche de l'inédit et dans l'exercice
d'imagination visionnaire dont elle est l'occasion : "Je vois, continue
l'observateur d'un monde en voie de désenchantement, une foule innombrable
d'hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour
se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme."
Vision presque apocalyptique d'une société complètement atomisée, où
l'horizon s'arrête pour chacun à ses enfants et ses amis — le reste de
l'humanité ne formant pas plus de relief qu'un décor de marionnettes. Mais
prolongeons justement le spectacle qu'offrent les citoyens privatisés : "Audessus de ceux-là s'élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul
d'assurer leur jouissance et de veiIIer sur leur sort." En quelques lignes,
Tocqueville dresse un portrait saisissant de ce nouveau Léviathan : "Il est
absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance
paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l'âge
viril; mais il ne cherche au contraire, qu'à les fixer irrévocablement dans
l'enfance". Parce qu'il assure son pouvoir d'entretenir dans leur minorité ceux
qu'il conduit, cet État — ce Père abusif — s'impose comme unique
dispensateur des plaisirs, protecteur exclusif et administrateur pointilleux de
ses sujets. "Que ne peut-il, conclut Tocqueville, leur ôter entièrement le trouble
de penser et la peine de vivre ?" On a rarement dit aussi fortement combien la
démocratie, quand elle porte les hommes à se débarrasser de leurs
responsabilités civiques, peut avoir des effets infantilisants. De là à suggérer
qu'il entre comme une nostalgie de l'enfance dans l'abandon de soi au
2
Cl. Lefort : "De l'égalité à la liberté - Fragments d'interprétation de La Démocratie en Amérique", in
Libre 78-3, Payot, p. 235.
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despotisme, il n'y a qu'un pas : celui qui conduit de l'État-providence à l'État
tout-puissant.
Il
est
temps
de
conclure
cette
description
des
dangers
de
l'individualisme. On comprend que la leçon de Tocqueville ait la portée d'une
mise en garde. Ce que l'on doit redouter le plus, dans l'évolution des
démocraties, ce n'est assurément pas l'octroi des libertés politiques, fût-il le
résultat de révolutions, mais c'est bien plutôt la désaffection de ces libertés que
manifeste l'individualiste, tout entier préoccupé de jouir en privé et en toute
quiétude des biens matériels dispensés par les progrès de l'égalité des
conditions. De sorte que le destinataire de La Démocratie peut être clairement
identifié : c'est celui qui, dans la France des années 1830, se trompe d'ennemi
en voulant conjurer toute nouvelle révolution et en ne voyant pas que l'anarchie
est moins à redouter que le despotisme sournois que s'inocule le "nanti" des
démocraties modernes.
"Tocqueville s'adresse tout particulièrement à des
hommes qui se croient libéraux, font partie comme lui d'une élite éclairée; qui
tiennent pour acquis le bouleversement dans la propriété issu de la Révolution
française et les Droits de l'homme, mais qui sont hantés par le danger du
développement des libertés politiques et des libertés individuelles, mus par la
peur d'une dissociation du corps social, de l'anarchie; qui attendent du
renforcement du pouvoir la protection de la tranquillité publique sans entrevoir
la montée du despotisme."3
Ainsi la critique de l'individualisme permet-elle de mieux situer la
problématique de Tocqueville dans La Démocratie : étant donnée l'aspiration
égalitaire, que résulte-t-il pour la liberté des hommes ? Le fait de l'égalité,
constaté à l'état pur en Amérique, éveiIIe néanmoins assez peu d'inquiétude
chez le voyageur; c'est qu'il parcourt un pays où, comme il l'écrit à Chabrol,
n'existe
"point de gouvernement central", ni État-providence ni État tout-
puissant. Ies hommes y ont certes développé l'individualisme, mais de façon
3
Cl. Lefort : "Réversibilité", in Passé-Présent n°1, éditions Ramsay 1982., pp. 20-21
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8
pondérée, c'est-à-dire en maintenant des "occasions d'agir ensemble" pour la
sauvegarde de l'esprit public. Tel n'est pas le cas de la France dans laquelle
Tocqueville diagnostique une sorte de faiblesse constitutive, imputable au fait
que la liberté y est trop récemment acquise pour battre en brèche les effets
aliénants d'une égalité enracinée de longue date. Question d'équilibre, donc,
qui peut se formuler ainsi : à quelles conditions, dans un pays démocratique, la
liberté résistera-t-elle à la fascination égalitaire ? La réponse de Tocqueville est
simple : plus la liberté est ancienne, plus elle est forte; plus l'égalité est récente,
moins elle risque d'abuser. Les Américains ont hérité des habitudes de liberté
politique qui avaient cours dans leur mère-patrie, I'Angleterre; c'est pourquoi on
les voit attachés, aujourd'hui, à la constitution et à la défense d'institutions
libres. Il n'en est pas de même en France où l'égalité fut introduite très tôt "par
le pouvoir absolu et sous l'œil des rois" (II, 364), ces niveleurs de rangs
soucieux de s'affirmer incomparables dans leur royaume : la liberté y est donc
jeune et incontrôlée; objet d'une passion capricieuse, elle est emportée aussi
bien que facile à décourager et, on le sait, "il suffit de ne pas la retenir, et elle
s'échappe" (II, 121). Tout cela fait dire à Tocqueville au sujet de la France et
des nations démocratiques en Europe : "On dirait que chaque pas qu'elles font
vers l'égalité les rapproche du despotisme." (II, 369)
Nul doute, en tous cas, que le drame des démocraties ne se joue entre
l'égalité et la liberté.
L'égalité est-elle liberticide ?
Il y a plusieurs façon de concevoir le rapport entre la liberté et l'égalité; la
réflexion de Tocqueville propose de chacune d'elles une version plus ou moins
explicite. En les examinant successivement, nous saisirons l'occasion pour
mobiliser les pièces d'un dossier très actuel — dossier qui enregistre la faveur
dont jouit aujourd'hui le libéralisme, aussi bien celui qui dénonce les effets
8
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stérilisants d'une politique égalitaire que celui qui, moins nuancé, cherche à
accréditer un idéal anti-égalitaire. On comprendra vite sur la base de quels
malentendus ou en vertu de quelle stratégie idéologique, Tocqueville reçoit,
dans ce contexte, le meilleur des accueils. Pour qui ne s'épargne pas la lecture
sérieuse de La Démocratie, il apparaît en effet que son auteur tient jusqu'au
bout à l'idée que la liberté des modernes exclut l'inégalité des conditions et qu'à
cet égard, on ne saurait sans abus l'utiliser comme une arme réactionnaire,
c'est-à-dire anti-démocratique. On pourra toujours relever quantité de
passages, dans l'œuvre de Tocqueville, qui suggèrent une certaine fluctuation
de l'assise philosophique; il n'empêche que le refus de céder à la nostalgie est
partout visible : les aristocrates ont sans conteste perdu leur liberté
traditionnelle et cela de façon rédhibitoire, car il est évident qu'après 1789, les
hommes se feront tuer plutôt que de laisser se ré-instaIIer les privilèges de
l'Ancien Régime; de cette liberté-là, on ne veut décidément plus et Tocqueville
l'a parfaitement compris. C'est donc pour une autre liberté, en accord avec la
passion de l'égalité, qu'il faut désormais lutter, non seulement parce qu'elle est
dans le vent de l'histoire mais aussi, Tocqueville n'hésite pas à l'écrire en 1836,
parce qu'elle est la seule qui soit fondamentalement juste : "D'après la notion
moderne, la notion démocratique, et j'ose dire la notion juste de la liberté,
chaque homme, étant présumé avoir reçu de la nature les lumières nécessaires
pour se conduire, apporte en naissant un droit égal et imprescriptible à vivre
indépendant de ses semblables, en tout ce qui n'a rapport qu'à lui-même, et à
régler comme il l'entend sa propre destinée". Même s'il donne l'impression de
s'être quelque peu aigri après le Coup d'État de Louis-Napoléon, le penseur de
la démocratie ne changera pas d'idée sur le tard et il continuera, dans L'Ancien
Régime et la Révolution (1856), de présenter la liberté aristocratique comme
ayant eu quelque raison de disparaître : "On aurait donc bien tort de croire que
l'Ancien Régime fut un temps de servilité et de dépendance. Il y régnait
beaucoup plus de liberté que de nos jours; mais c'était une liberté irrégulière et
9
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intermittente, toujours contractée dans la limite des classes, toujours liée à
l'idée d'exception et de privilège, qui permettait presque autant de braver la loi
que l'arbitraire, et n'aIIait presque jamais jusqu'à fournir à tous les citoyens les
garanties les plus naturelles et les plus nécessaires." (II, ch. XI, 204)
En voilà dit assez pour conclure, contre toute perversion de lecture ou
détournement aux fins de propagande, que Tocqueville ne juge pas a priori
l'égalité des conditions contraire à la liberté. Reste que — et c'est là, pour
l'essentiel, ce qui le motive à écrire — I'observation de son temps semble
vouloir le mettre au défi de demeurer dans la même disposition d'esprit. En
effet, la France post révolutionnaire offre le douloureux spectacle d'une
désertion de la liberté consécutive à l'installation de l'égalité. Bref, n'était le
modèle américain, liberté et égalité paraîtraient radicalement antinomiques.
Telle sera donc notre première approche de la partie que se livrent la liberté et
l'égalité.
1 - Achevant La Démocratie en Amérique, Tocqueville confesse qu'il n'a
aucune confiance dans l'esprit de liberté de ses contemporains, ce qui ne
saurait surprendre de sa part. Dans le même chapitre, cependant, il va plus loin
et formule un constat au sujet des Français en des termes pratiquement
désespérants : "Ils avaient voulus être libres pour pouvoir se faire égaux, et, à
mesure que l'égalité s'établissait davantage à l'aide de la liberté, elle leur
rendait la liberté plus difficile"(II, 381). Si l'on oublie qu'il s'agit là d'un jugement
porté sur la France révolutionnaire, qui avait engagé un processus de
renforcement du pouvoir central et si l'on se laisse aIIer à la généralisation, on
aura tôt fait de conclure ceci : liberté et égalité ne sauraient coexister et il faut
donc choisir entre elles.
Il nous paraît intéressant de signaler que cette généralisation a tenté un
penseur de notre siècle qui a d'abord cru trouver dans le marxisme le moyen
de réaliser — en pleine liberté, croyait-il, - la justice sociale, c'est-à-dire une
répartition égalitaire des produits du travail et, partant, I'abolition des classes
10
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sociales. Ce penseur se nomme Max Horkheimer et il a fondé dans les années
1930 un mouvement intellectuel baptisé l'Ecole de Francfort. En 1970, au
moment de retracer l'itinéraire qui fut le sien ainsi que celui de ses amis,
Horkheimer explique les raisons qui conduisirent les penseurs francfortois à
renoncer à leur engagement en faveur du marxisme; parmi ces raisons, I'une,
manifestement plus décisive pour lui, est propre à attirer l'attention du lecteur
de Tocqueville car elle formule très exactement l'antinomie entre la liberté et
l'égalité telle que nous venons de l'évoquer : "Ce que Marx attendait finalement
de la société juste, écrit Horkheimer, est vraisemblablement faux, ne serait-ce
que parce que (...) la liberté et la justice sont tout autant liées qu'elles sont
opposées. Plus il y a de justice, moins il y a de liberté. Si l'on veut aIIer vers
l'équité, on doit interdire aux hommes de nombreuses choses, et notamment
d'empiéter les uns sur les autres. Mais plus il y a de liberté, plus celui qui
déploie ses forces avec une habileté supérieure à celle des autres sera
finalement capable de les asservir; ainsi, moins il y aura de justice ».4. Et,
enregistrant l'irrésistible ascension de la revendication égalitaire, la conclusion
énoncée par ce marxiste désabusé et repenti a des accents proprement
tocquevilliens :
"Nous sommes parvenus à la conviction que la société va
évoluer vers un monde totalement administré; que tout va être réglé, tout !"
Victoire de l'égalité donc :
"Tout sera identique" et seules quelques
catastrophes, dont Hitler et Staline sont les premiers symptômes au XXe siècle,
devraient contrarier cette
"tendance immanente au développement de
l'humanité". Comme on voit, non seulement liberté et égalité sont exclusives
l'une de l'autre mais la seconde paraît devoir inéluctablement l'emporter car
Horkheimer, de même que Tocqueville, sait qu'il n'est plus possible de choisir
entre les deux. Alors, que faire ? Résister autant qu'on peut, préserver dans
toute la mesure du possible des espaces de liberté et veiller, ainsi que John
4
Max Horkheimer : Théorie critique, Payot, 1978, p. 358. c'est nous qui soulignons. Voir aussi sur ce
point J .-M. Besnier : Histoire de la philosophie moderne et contemporaine. Figures et oeuvres, Paris,
Grasset 1993, pp.603-621. Voir aussi Le Temps des philosophes, Paris, Hatier 1995, pp.594-605.
11
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Stuart MiII y incitait déjà dans ses Principles of Political Economy (1848), à ce
que les hommes ne bafouent pas en eux-mêmes l'humanité : "L'éducation qui
enseignerait ou les institutions sociales qui exigeraient des individus
d'échanger la libre disposition de leurs actes contre une somme quelconque
d'aisance ou d'abondance, c'est-à-dire de renoncer à la liberté en vue de
l'égalité, dépouillerait ces individus des caractères les plus élevés de la nature
humaine."
Voilà donc la première mise en scène de l'égalité et de la liberté pour
laquelle une lecture de La Démocratie en Amérique propose un scénario. En
situant le pessimisme qui achève l'itinéraire intellectuel de Horkheimer dans la
postérité (méconnue comme telle) de Tocqueville, qu'avons-nous fait sinon
suggérer combien le problème du conflit entre la revendication égalitaire et le
goût de la liberté continue de se poser à notre temps? Et ce, avec une acuité
telle que disparaît peut-être tout sens de la nuance ainsi qu'en témoigne sa
formulation en termes de stricte antinomie : La liberté ou l'égalité, tertium non
datur !
2.- L'analyse des méfaits de l'individualisme nous a déjà donné
l'occasion d'aborder un second cas de figure, celui qui révèle comment la
logique égalitaire concourt à installer elle-même le despotisme. On sait donc
maintenant combien Tocqueville est attentif au devenir-pervers de la recherche
d'égalité : les hommes se veulent obstinément égaux et ne s'avisent pas que,
ce
faisant,
ils
encouragent
l'émergence
d'un
État
fort
qui
réalise
approximativement le thème judéo-chrétien de "I'égalité devant Dieu". Pour
assurer leur sécurité, pour réglementer le champ de leurs activités et éviter
qu'ils n'empiètent les uns sur les autres, les peuples démocratiques se livrent à
une entité commune qui s'enrichit peu à peu de leur lâche démission ainsi que
de leur peur de la liberté. Rien de plus facile, en effet, que de se démettre de sa
liberté : il suffit, comme le disait Thomas Paine, de ne plus vouloir en assumer
le risque, pratiquement de n'y plus songer. Rien de plus facile, par conséquent,
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que de contribuer au despotisme : il suffit de s'abandonner à l'idée qu'un
souverain, inaccessible aux simples citoyens, neutralisera en l'incarnant tout
entière leur volonté de puissance. Logique aberrante qui par crainte du mal
embrasse le pire : "Cette haine immortelle, et de plus en plus aIIumée, qui
anime les peuples démocratiques contre les moindres privilèges, favorise si
régulièrement la concentration graduelle de tous les droits politiques dans les
mains du seul représentant de l'Etat. Le souverain, étant nécessairement et
sans contestation au-dessus de tous les citoyens, n'excite l'envie d'aucun
d'eux, et chacun croit enlever à ses égaux toutes les prérogatives qu'il lui
concède" (11, 361).
La perspicacité de Tocqueville n'est assurément pas passée inaperçue
de nos jours et la chaîne qui associe pour le pire égalité-uniformitéconcentration des pouvoirs et despotisme suscite au plus haut point la réflexion
des penseurs politiques contemporains. Ainsi, se référant explicitement à La
Démocratie en Amérique, deux d'entre eux — Patrick Viveret et Pierre
RosanvaIIon — avaient conçu en 1977 le projet de
"renouveler la culture
politique démocratique". Cette ambition les conduisit à reconsidérer, au risque
de le dévaluer, le thème, emblématique depuis 1789, de l'égalité pour lui
substituer celui, autrement moins connoté, de l'autonomie. En érigeant
l'autonomie en valeur démocratique fondamentale, pensaient-ils ainsi se
donner l'avantage d'échapper au conflit, ruineux pour l'idée des Droits de
l'homme, de la liberté et de l'égalité ? "L'autonomie commence à devenir une
référence clef et n'est peut-être pas loin de supplanter l'égalité au panthéon des
valeurs démocratiques", écrivaient-ils5 Est-ce à dire, se demandaient nos
auteurs, que le nouveau thème se définit contre l'ancien ? Voilà qui porterait un
rude coup à l'héritage révolutionnaire.
"Disons plutôt qu'il interroge la
conception traditionnelle de l'égalité." Soit. Viveret et Rosanvallon, en
5
P. RosanvaIIon et P. Viveret : Pour une nouvelle culture politique, Paris, éditions du Seuil, 1977,
p.104.
13
14
tocquevilliens qu'ils étaient, chercheront donc davantage à amender la
démocratie jacobine issue de 1789 qu'à la contester au nom d'une nouvelle
échelle de valeurs.
Mais, au fait, que gagne-t-on à substituer l'autonomie à l'égalité ? De
quelles promesses est porteur ce glissement à première vue motivé par
l'intention de dénouer l'opposition crispée entre la liberté et l'égalité ? La
réponse nous maintient dans le registre de ce que Tocqueville cherche à nous
rapporter d'Amérique, à savoir : le modèle d'une société qui évite le dérapage
de l'égalité dans l'uniformité et le centralisme politico-administratif. Ainsi,
évoquant les choix politiques de Viveret et Rosanvallon, nous ne quitterons pas
le champ de réflexion propre à l'auteur de La Démocratie. C'est qu'en effet la
philosophie politique contemporaine est facilement tocquevillienne dans sa
conviction que la recherche de l'égalité produit la demande d'État et suggère la
nécessité d'un gouvernement uniforme et fort. Rompant avec l'inspiration
marxiste qui fut celle de nombre d'intellectuels jusque dans les années 1960,
elle n'hésite pas à identifier dans l'égalité — dans l'esprit d'égalité qui incite
chaque individu, comme le dit Saint-Just, à se penser comme "une portion
égale de la souveraineté, c'est-à-dire du tout" — la cause du despotisme, qu'on
le nomme aujourd'hui collectivisme ou totalitarisme. Viveret et Rosanvallon
expliquaient ainsi sans détour que le coIIectivisme n'est qu'"un individualisme
élevé à la puissance d'une unité absolue centrée en tous et en chacun" et ils en
appellaient à l'autorité de Louis Dumont pour enchérir : "Le totalitarisme résulte
de la tentative, dans une société où l'individualisme est profondément enraciné
et prédominant, de le subordonner à la primauté de la société comme totalité."
Sous leur plume s'inscrit de la sorte ce qui est devenu un lieu commun pour la
seconde moitié du XXe siècle : "C'est parce qu'il est identitaire que l'esprit
égalitaire peut ainsi mener au totalitarisme. Le totalitarisme est en quelque
sorte l'"effet" de l'individualisme égalitaire dans une société centralisée et
globalisante."(p.107) Mais, peut-être, pour ne pas tirer de cette révélation une
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conclusion libertaire, Viveret et Rosanvallon s'imposaient-ils de concevoir
l'autonomie comme une formule de synthèse entre une égalité dont il s'agit
d'éviter le dévoiement liberticide et une liberté dont il faut maîtriser les
éventuels effets anarchisants.
Tocqueville aurait sans doute souscrit à cette opération conceptuelle, de
même qu'aurait satisfait son goût pour le fédéralisme américain le modèle de
société que nos auteurs sont amenés à défendre : une société non plus fondée
sur un individualisme atomisant et soucieux d'identité mais bien plutôt sur la
diversité de groupes désireux de fonctionner comme entités à part entière et
dotées d'un "droit à la différence". L'idée est donc claire et répond très
exactement à l'analyse tocquevillienne : "Seule la notion d'autonomie permet de
réconcilier la liberté et l'égalité et d'articuler une nouvelle pensée de la
démocratie avec les impératifs d'un autre type de croissance. En économie
comme en politique, le concept d'autonomie est au cœur des déplacements à
opérer" (p.109).
Ce n'est pas le lieu de demander si le thème du "droit à la différence",
originellement destiné à faire pièce à celui de l'égalité-uniformité, n'a pas révélé
son caractère instable et même les effets pervers dont il est susceptible.
Songeons seulement que, formulé dans un esprit de justice, il en est parfois
venu à étayer des positions politiques si peu concernées par cet esprit que,
sous le titre de
"différencialisme", elles prétendent aujourd'hui mettre
"I'inégalité à la mode". Du soupçon porté sur l'égalité à la lutte ouverte contre
l'égalitarisme, le passage est aisé qui se réclame évidemment de la défense
des libertés, c'est-à-dire du culte des différences. Dira-t-on que la pensée de
Tocqueville
couvre
de
son
prestige
le
refus
croissant
de
l'idée
fondamentalement chrétienne d'égalité ? NuIIement, mais force est de
constater que la mise en relief de l'incompatibilité de la liberté et de l'égalité
expose à d'excessives conséquences, peu propices à la paix sociale dont
l'auteur de La Démocratie envisageait tout de même l'avènement.
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Plus sereine est, toutefois, I'attitude qui consiste non plus à substituer
simplement l'autonomie et le droit à la différence à l'égalité mais à encourager à
la solidarité. Signalons, sans malveillance aucune, que l'idée est loin d'être
neuve, qu'elle soutint même la philosophie officielle de la IIIè République à
laquelle s'imposa l'exigence d'articuler, précisément sous le nom de
solidarisme, les droits et les devoirs du citoyen. Il
n'empêche : I'idéal de
solidarité fait un retour en force, dans un contexte où les conséquences d'une
égalité imposée paraîtraient plus que jamais néfastes. Mais quelle expression
prend au juste cet idéal ré-activé ? Au cours d'un entretien consacré au
système d'assurances sociales en matière de santé, Simon Nora a trouvé à le
définir très pédagogiquement : "La solidarité commence le jour où l'on dit :
"Mais Dupont qui a trente ans court de très faibles risques par rapport à Durand
qui en a quatre-vingts; il n'est pas logique que ce soit le vieiIIard qui paye les
primes les plus fortes; par conséquent, on va jumeler les risques de Dupont et
de Durand et on leur fera payer une cotisation moyenne." Il y a un premier acte
de solidarité, qui est une péréquation en fonction des risques. Est-ce suffisant ?
Dupont est peut-être très riche et Durand très pauvre. Ne doit-on pas tenir
compte de leurs capacités financières à faire face aux cotisations?" 6 Sur cet
exemple choisi à dessein pour son prosaisme s'affiche la volonté nouvelle
d'inclure un principe de différence dans la définition de la justice.
Le livre de John Rawls, A Theory of Justice, a ouvert aux États-Unis un
large débat philosophique et économique en soutenant une idée somme toute
assez simple : on doit pouvoir tolérer les inégalités économiques "pour autant
qu'elles améliorent la situation de chacun, y compris celle des plus mal lotis, et
pourvu que ces inégalités soient compatibles avec une liberté égale pour tous
et la juste égalité des chances". D'où ce "principe de différence" en vertu
duquel la justice impose à "ceux qui ont gagné plus que les autres d'agir de
6
Simon Nora, Entretien avec Edmond Maire : "Sécurité sociale : de l'impasse à la réforme ?", Le
Débat n° 26, Paris, éditions Gallimard p. 143. Voir aussi P. Rosanvallon, La nouvelle question sociale.
Repenser l'Etat-providence, Paris, Editions du Seuil 1995.
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façon à améliorer la situation de ceux qui ont moins gagné"7 Gageons que
Rawls aidera de plus en plus ceux qui inclinent à soutenir la justice dans une
société solidaire, tout en sachant l'urgence de la dégager de l'État-tutélaire. Car
la révision du concept d'égalité tel qu'il fonctionne en trio avec la liberté et la
fraternité au frontispice de notre Révolution conduit immanquablement à
dénoncer la centralisation des pouvoirs.
C'est en quoi Tocqueville est bien le père de la philosophie politique
contemporaine. Qu'on le sache ou pas, qu'on l'exprime ou non, c'est à sa
clairvoyance qu'on rend hommage lorsqu'on se dresse contre l'État
hégémonique pour en appeler à la réalisation d' "une démocratie civile"; c'est
sa pensée que l'on rencontre lorsqu'on affronte
"les excès de pouvoir du
Pouvoir" et qu'on découvre qu'un tel combat exige de "responsabiliser" les
citoyens — concrètement : en les rendant attentifs, par exemple, à leurs
dépenses de santé —; et c'est finalement dans l'ouverture frayée par De la
démocratie en Amérique
que l'on s'engage quand on fait valoir les effets
appauvrissants de l'égalité et la nécessité d'y remédier par un réflexe de
solidarité — concrètement encore : en condamnant une fiscalité exorbitante
qui, sous prétexte d'égaliser les situations, appauvrit le riche sans enrichir le
pauvre et en réclamant, par contre, un juste partage du travail et une équitable
répartition des efforts. Tocqueville est présent, pour ainsi dire, derrière chacune
des tentatives pour échapper aux pièges tendus par la prise en charge étatique
de la passion égalitaire.
Jean-Michel Besnier
7
J. Rawls, Justice et démocratie, Paris, éditions du Seuil 1993, p.63. Le livre de Rawls Théorie de la
Justice a été traduit en France par Catherine Audard aux éditions du Seuil en 1987.
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