Eléments de correction du devoir surveillé : Dans quelle mesure la flexibilité du travail favorise-t-elle l’emploi ? – Un exemple d’accroche : la politique de l’emploi conduite en France récemment met l’accent sur une flexibilité accrue dans la gestion des effectifs salariés (d’abord CNE puis CPE). L’hypothèse est dans ce cas de considérer que la faiblesse de la création d’emplois par les entreprises (notamment pour les jeunes actifs dans le cas du CPE) s’explique par les rigidités institutionnelles qui découlent du droit du travail et plus précisément des types de contrats de travail. On suppose donc que si les entreprises peuvent gérer de manière plus « souple » leurs effectifs (et notamment en licenciant le salarié sans préavis comme le proposait le CPE pendant une durée de deux ans), elles seront incitées à créer davantage d’emplois. Cette proposition est toutefois fortement controversée dans le débat public tant pour ses conséquences sociales (précarisation accrue du travail) que pour ses effets incertains sur le volume de l’emploi. – Définition des termes du sujet : emploi : combinaison des éléments sociaux et juridiques qui institutionnalise la participation des individus à la production des biens et services socialement valorisés. ; flexibilité du travail : la flexibilité correspond à la capacité d’une entreprise à s’adapter aux évolutions de la demande et de son environnement (Bernard Bruhnes). La flexibilité du travail implique donc la remise en cause des rigidités implique donc la remise en cause des rigidités liées au travail (conditions d’embauche et de licenciements, coût du travail conditions d’utilisation de la main d’ouvre). Elle peut prendre plusieurs formes : flexibilité quantitative externe et interne, salariale, fonctionnelle, par externalisation. – Problématique : pour les tenants de la tradition néoclassique, le chômage de masse qui s’est implanté de façon durable dans la majorité des PDEM entre les années 1970 et 1990 et qui reste soutenu dans certains pays d’Europe au milieu des années 2000 (en France métropolitaine, 7,3 % des actifs sont au chômage en au troisième trimestre 2008 selon la mesure du BIT), s’explique essentiellement par les rigidités institutionnelles en vigueur sur les marchés du travail nationaux (rigidités salariales, rigidités des « charges sociales », rigidités dans la gestion de la main d’œuvre notamment). Ainsi, les libéraux assurent que la flexibilité du marché du travail est favorable à l’emploi et à la croissance. Mais elle risque de nuire à la croissance et donc à l’emploi lorsqu’elle débouche sur une précarité qui pénalise la demande. Comment peut-on analyser l’impact de la flexibilité du travail sur le volume des emplois créés ? Si une plus grande flexibilité du travail permet une adaptation plus rapide des entreprises aux évolutions de leurs marchés, peut-on affirmer pour autant que cela se traduit par davantage d’emplois créés par le système productif sur le long terme ? La flexibilité du travail permet-elle de créer des emplois ou, à l’inverse, n’est-elle pas nuisible à l’emploi ? – Annonce du plan : si le recours à une plus forte flexibilité du travail depuis plusieurs décennies a visiblement des effets positifs sur la création de certains emplois et notamment ceux qui concernent les salariés à bas niveaux de qualification (partie 1), il semble en revanche que son impact soit limité et même contre-productif et qu’elle s’avère, à long terme, être un obstacle à la création d’emplois (partie 2). 1. La flexibilité du travail peut favoriser la création d’emplois Les libéraux expliquent le chômage principalement par des rigidités affectant le marché du travail. Dans ce sens, la flexibilité du travail, et notamment la flexibilité salariale favorise la création d’emplois. L’observation empirique permet de confirmer les effets favorables de la flexibilité du travail sur l’emploi. 1.1. La flexibilité du travail permet de créer des emplois car elle réduit les rigidités relatives aux contrats de travail. S’agissant de la flexibilité dans la gestion de la main d’œuvre, la théorie néoclassique montre que les mesures législatives qui visent à renforcer le droit du travail (notamment en matière de contrats ou de procédures de licenciement) limitent l’entreprise dans sa capacité à s’adapter aux évolutions du marché et pénalisent sa compétitivité-prix. En effet, le courant libéral considère qu’une des raisons majeures à l’existence d’un chômage de masse vient des difficultés qu’éprouvent les entreprises à débaucher ou à avoir recours à des formes d’emploi moins rigides que le CDI à temps plein. Les 1 libéraux prônent alors d’assouplir les procédures relatives aux licenciements et/ou de faciliter le recours à des emplois flexibles (CDD, intérimaires, temps partiels..) et à la sous-traitance. (doc.2) Dès lors, dans un contexte de variabilité de la demande, la flexibilité quantitative externe et l’externalisation permettent une meilleure adaptation des entreprises vis-à-vis du marché (surtout pour les secteurs soumis à la concurrence internationale dans lesquels la conjoncture évolue de façon plus aléatoire). Ainsi, si la demande est plutôt favorable, les entreprises seront plus facilement incitées à embaucher car elles n’auront pas à supporter le poids de ces nouveaux travailleurs précaires en cas de retournement de la conjoncture. Dans la plupart des pays d’Europe dont la France, c’est plutôt ce type la de politique de l’emploi qui est préférée à celle de la flexibilité salariale. Aujourd’hui, l’Etat participe activement au développement de cette forme de flexibilité notamment en développant directement les emplois atypiques par des embauches dans la fonction publique. 1.2. La flexibilité du travail permet de créer des emplois car elle permet de réduire le coût du travail S’agissant de la flexibilité salariale, la théorie néoclassique enseigne que le marché fonctionne de manière optimale et conduit au plein-emploi lorsque l’économie se rapproche des conditions de la concurrence pure et parfaite. Dans le cadre de ce modèle théorique, le marché du travail est autorégulateur et conduit à un équilibre stable via l’effet-prix (on observe un retour à l’équilibre après un choc exogène sur l’offre ou sur la demande) ; le seul chômage qui subsiste est un chômage de type volontaire. Dans une étude devenue célèbre au début des années 1930, l’économiste français J. Rueff a montré que toute rigidité institutionnelle telle qu’une assurance chômage (ou un salaire minimum) perturbe le fonctionnement du marché, empêche le retour à l’équilibre et maintient un niveau élevé de chômage. C’est bien l’absence de flexibilité du prix du travail (le taux de salaire) qui maintient l’économie dans une situation sous-optimale de « chômage permanent ». L’approche libérale fait des rigidités à la baisse des salaires une cause essentielle du chômage ; en s’inspirant de la théorie néoclassique, il apparaît que l’entrepreneur ne prendra la décision d’embaucher un salarié supplémentaire qu’à partir du moment où la productivité marginale du travail reste supérieure à son coût marginal. Les libéraux considèrent aussi que des « charges salariales et patronales » (les prélèvements obligatoires sur le travail) trop lourdes pèsent trop lourdes sur le coût du travail et n’incitent pas aux créations d’emplois. Développer la flexibilité salariale et abaisser les niveaux des prélèvements obligatoires sur le travail peuvent donc inciter à l’embauche notamment des travailleurs les moins qualifiés1. (doc.2) Par ailleurs, la flexibilité quantitative externe mais aussi la flexibilité quantitative interne (recours aux heures supplémentaires, annualisation du temps de travail..) permettent de réduire le coût global du travail en évitant les coûts liés à d’éventuels licenciements, en n’ayant pas à supporter le coût d’une main d’œuvre excédentaire, en proposant des rémunérations relativement faibles aux salariés précaires, ce qui peut pousser à créer davantage d’emplois. Enfin, la baisse du coût du travail peut se traduire par une baisse de prix (amélioration de la compétitivité-prix des entreprises) ; cela peut non seulement favoriser une relance de la consommation des ménages mais aussi rendre les entreprises nationales plus compétitives et favoriser ainsi les exportations ; au total, c’est la demande qui peut s’améliorer et, dans une vision keynésienne, c’est l’emploi qui peut se trouver favorisé. (doc.3 et 5) Au final, la politique de l’emploi fondée sur une plus grande flexibilité du travail vise à générer le cercle vertueux suivant: flexibilité accrue dans la gestion des effectifs et/ou baisse du coût du travail meilleu -prix 1.3. Une vérification empirique permet de confirmer les effets favorables de la flexibilité du travail. S’agissant des politiques qui concernent la question du coût du travail, on observe que plusieurs pays ont opté pour des politiques l’emploi de nature « flexibilistes ». Aux Etats-Unis et en Grande Bretagne par exemple, les réglementations sur les salaires sont faibles tout comme (les Etats-Unis ont opté pour un système de protection sociale dit « résiduel » et donc peu coûteux). 1 2 Sur le plan internationale, il est possible de mettre en évidence une certaine corrélation entre le degré de flexibilité du travail et le taux de chômage. Ce sont surtout des pays comme la GrandeBretagne et les Etats-Unis qui ont développé ce type de politique mettant l’accent sur le rôle accru des mécanismes du marché. Depuis deux décennies, on peut considérer que cette politique a été efficace dans le cas américain et britannique. Aux Etats-Unis, le taux de chômage est inférieur à 5 % au début de l’année 2006 et il est même inférieur à 3 % de la population active en Grande-Bretagne ; à l’inverse, des économies où la flexibilité du travail est relativement faible enregistrent des résultats en matière de chômage peu favorables (Belgique, Grèce, Italie..). (doc.4) Le cas de la France vient également confirmer cette relation ; effectivement, de multiples emplois flexibles ont été créés depuis le milieu des années 1990 et cette flexibilisation accrue du marché du travail semble coïncider avec une situation en matière de chômage qui cesse de se dégrader et qui paraît même engager une légère amélioration (doc.1). Il est également possible de constater que la flexibilisation des emplois permet bien d’enregistrer des créations nettes d’emplois malgré une croissance économique relativement molle. Toutefois, le recours systématique à une intensification de la flexibilité n’est pas toujours synonyme d’une dynamique plus importante de la croissance économique et de l’emploi. De nombreux faits invitent à considérer d’autres hypothèses. Par exemple, la Suède a aujourd’hui un coût du travail supérieur à celui de la France (25,8 euros de l’heure) et pourtant un taux de chômage plus faible (à peine plus de 6 % des actifs sont au chômage en Suède en janvier 2006). La situation des nouveaux pays qui ont adhéré à l’Union européenne en juin 2004 amène au même type de commentaire : la plupart d’entre eux connaissent un taux de chômage très élevé (plus de 17 % des actifs en Pologne par exemple) alors que leur marché du travail est particulièrement flexible avec un faible coût du travail notamment. On peut ainsi montrer que les politiques de l’emploi fondées sur une flexibilité accrue du travail, loin de stimuler la création d’emplois, peuvent au contraire en constituer un obstacle. 2. Cependant, la flexibilité du travail peut générer des effets pervers et être parfois défavorable à l’emploi Le salaire ne constitue pas seulement un coût pour l’entreprise (vision néoclassique) mais constitue également un pouvoir d’achat qui va stimuler la demande effective (demande de biens de consommation et de biens de production anticipée par les entreprises2. Dans cette optique, la flexibilisation des salaires et le recours à des emplois précaires faiblement rémunérés peuvent nuire, in fine, à la croissance et donc à l’emploi. Par ailleurs, la flexibilité du travail peut également aggraver le chômage. Enfin, les observations empiriques permettent de confirmer que la flexibilité du travail n’est pas toujours favorable à l’emploi. 2.1 La flexibilité du travail peut nuire à la croissance et donc à l’emploi. Dans les années 1930, l’analyse de J. Rueff sur les causes du chômage permanent avait fait l’objet de critiques radicales de la part de l’économiste anglais J. M. Keynes. Celui-ci considère notamment qu’avant d’être un prix sur le marché du travail, le salaire est un revenu qui tient une place essentielle dans la dynamique de l’activité économique. Ainsi, si on inscrit dans une perspective keynésienne, la flexibilité salariale (réduction des salaires et plus globalement du coût du travail) tout comme la flexibilité dans la gestion de la main d’œuvre (flexibilité quantitative externe) avec le développement des emplois précaires, pénalisent le niveau de revenus des actifs, donc le niveau de la production et celui de l’emploi. En effet, même si les titulaires d’emplois atypiques occupent une place relativement faible dans l’ensemble des actifs salariés (autour de 13 % en France si on tient compte des embauches de l’Etat et des collectivités locales), leur progression a été importante depuis le début des années 1980 (il représentaient moins de 4 % de l’ensemble des salariés en 1985). Or, une part importante de ces types de contrats conduit à des niveaux de rémunérations plus faibles (c’est notamment le cas du temps partiel subi, des emplois intérimaires et surtout des stages en entreprises). Toutes choses égales par Enfin, il convient de préciser que les « charges » (c’est à dire en fait les prélèvements obligatoires liés au travail)) qui « pèsent » sur les entreprises sont également un déterminant de la compétitivité à long terme. Elles génèrent des externalités positives (les cotisations d’aujourd’hui augmentent la productivité future des salariés de l’ensemble de l’économie puisqu’elles donnent lieu à des revenus de transferts et/ou à des services collectifs publics tels que la santé ou l’éducation). 2 3 ailleurs, plus leur part relative est élevée dans l’emploi total, plus le niveau de la demande effective est pénalisé ; en définitive, cette insuffisance de la demande peut finir, dans une logique keynésienne, par nuire à la croissance et donc à l’emploi (doc. 5) Ainsi, le développement des emplois atypiques et la faible progression des salaires fragilisent autant les déterminants objectifs de l’activité (notamment le revenu global) que les déterminants subjectifs (la faible demande déprécie la confiance dans l’avenir des entreprises et plus globalement de tout le système productif). Les politiques de flexibilité du travail mises en œuvre depuis deux décennies ont conduit à une segmentation du marché du travail (création d’un marché interne – les titulaires d’emplois typiques – et d’un marché externe du travail – les titulaires d’emplois atypiques –) ce qui, sur le long terme, pénalise la croissance de la productivité du travail de l’ensemble du système productif. De plus, la précarisation des emplois peut nuire à la productivité des travailleurs vivant cette instabilité professionnelle; en effet, le fait de vivre des situations de chômage récurrent, d’avoir des niveaux de salaire bas, de ne pas pouvoir accéder à une norme de consommation, avec des difficultés d’accès au logement et à des prêts bancaires, peut rendre les travailleurs précaires peut motivés et ainsi peu productifs et être nuisible à la croissance et donc à l’emploi. Le flexibilité du travail devient alors contre-productive3. Par ailleurs, un tel contexte de précarisation du travail peut pousser les plus stables à craindre, pour eux-mêmes, une certaine déstabilisation ; ils peuvent alors adopter un comportement prudent en freinant certaines décisions de consommation et en préférant se tourner vers une épargne de précaution. En fin, les nouvelles théories du marché du travail ont mis en lumière la multiplicité des fonctions du salaire, celui-ci ne se réduisant pas à une simple variable d’ajustement de l’offre et de la demande. Le salaire est aussi pour l’entreprise un instrument de sélection, de formation et d’incitation de la main d’œuvre. Ainsi, la théorie du salaire d’efficience enseigne notamment qu’une progression salariale est facteur de gains de productivité pour l’organisation productive. De manière comparable, d’autres études ont montré que l’implication des salariés dans l’activité productive est fonction de certaines variables parmi lesquelles la stabilité de l’emploi occupe une place essentielle. De ce point de vue, le développement des emplois atypiques ne peut que constituer un obstacle à la compétitivité de long terme des entreprises. 2.2 La flexibilité du travail peut aggraver le chômage En période de croissance économique faible, et selon la théorie keynésienne, la flexibilité salariale pénalise les débouchés, donc la demande effective et maintient durablement l’économie dans un équilibre de sous-emploi caractérisé par un déséquilibre durable sur le marché du travail (que Keynes nomme chômage involontaire) qui s’explique par un déséquilibre sur le marché des biens et services (faible demande à laquelle correspond une faible offre). Cet équilibre de sous-emploi déprécie de manière cumulative le niveau de la demande effective et donc celui de l’emploi. En posant comme hypothèse que le déterminant principal de l’emploi réside dans le niveau de la demande anticipée des biens et services et non dans le prix du travail, J.M. Keynes montre que le recours au mécanisme du marché tel que le préconise les économistes néoclassiques ne peut que renforcer la faiblesse de la croissance et accentuer le chômage. La précarité professionnelle dans laquelle sont plongés de plus en plus de travailleurs les conduit vers une forte vulnérabilité face au chômage et les mène, plus précisément, vers le cercle vicieux du chômage répétitif. De plus, dans le cas d’un ralentissement même temporaire de l’activité, les entreprises peuvent simplement cesser de recourir aux emplois flexibles et n’ont donc pas à supporter le poids des CDI qu’il est difficile de comprimer. Le chômage peut alors plus rapidement s’aggraver. La flexibilité du travail constitue le moyen pour les entreprises de disposer de la main d’œuvre nécessaire pour faire face aux aléas de la demande et donc de la production sans devoir embaucher des Cet argument conduit à relativiser la portée de l’efficacité de la politique de l’emploi conduite aux Etats-Unis depuis le début des années 1980. Une partie importante des emplois créés depuis cette époque a entraîné la mise en place d’une nouvelle catégorie de travailleurs qui disposent de niveaux de rémunération très faibles ainsi que d’une forte précarité de l’emploi. Ces « working poor » peuvent, à terme, contribuer à l’affaiblissement de la compétitivité de l’économie américaine. 3 4 salariés en CDI ; malgré tout, les créations d’emplois atypiques ne semblent pas réussir à réduire de manière significative le chômage (doc.6). En vérité, il est de plus en plus admis que la diminution efficace et durable du chômage passe par des créations d’emplois stables à durée indéterminée ; les emplois flexibles n’ont eux qu’un impact temporaire et aléatoire sur le chômage et semblent donc manquer d’efficacité dans un perspective de long terme. 2.3 Une vérification empirique permet de confirmer que la flexibilité du travail n’est pas toujours favorable à l’emploi. Au niveau international, de nombreux pays n’ont pas choisi la voie d’une flexibilisation de leur marché du travail, et enregistrent, dans le même temps, des résultats concernant le chômage plutôt avantageux ; cette situation concerne les pays tels que la Norvège, les Pays-Bas, l’Autriche (doc. 4 et 6). A l’opposé, un pays comme l’Espagne vit une situation en matière de chômage particulièrement négative alors que son marché de travail n’est pas parmi les plus rigides (doc.4). Sur le plan national, depuis le début des années 1990, la flexibilisation accrue des emplois marquée par la multiplication des formes d’emplois atypiques et par l’assouplissement de certaines rigidités liées aux contrats de travail a certes favorisé des créations d’emplois (notamment ceux qui concernent les salariés à bas niveau de qualification) ; pourtant, les chiffres du chômage restent inquiétantes (8,8% de la population en France) et ne parviennent pas à s’améliorer durablement. Cette étude a permis de montrer que les politiques de l’emploi fondées sur la flexibilité accrue du travail trouvent leur origine dans des controverses théoriques qui permettent d’éclairer les déterminants de la création d’emplois et par conséquent du chômage. Nous avons pu observer que ces politiques ont des effets contrastés selon les pays et selon l’horizon temporel que l’on adopte. Pour certains gouvernements, qui s’inspirent de la tradition néoclassique, la flexibilité du travail permet aux entreprises de mieux s’adapter aux évolutions du marché et stimule ainsi la dynamique de l’emploi ; l’exemple américain notamment montre que ce type de politique à effectivement conduit à des créations massives d’emplois. Cependant, d’autres analyses montrent en revanche que ces formes de flexibilité du travail conduisent à créer essentiellement des emplois précaires qui maintiennent les économies des PDEM dans une croissance et une compétitivité qui progresse faiblement, ce qui pénalise l’emploi. Compte tenu de la configuration actuelle sur les marchés du travail dans les PDEM (politiques de flexibilité de longue date, concurrence accrue entre les salariés, rapport de force défavorable pour les salariés dans un contexte de crise du syndicalisme, etc.), il est peu probable que la «flexibilisation » croissante de l’emploi soit prochainement remise en cause. Il ne s’agit donc plus d’être « pour » ou « contre » la flexibilité du travail mais plutôt de s’interroger sur le type de flexibilité souhaitable. Il s’agit de penser une politique de l’emploi qui soit à la fois compatible avec un renforcement de la compétitivité des entreprises (donc de la dynamique de l’emploi) et une intégration plus stable des salariés sur le marché du travail qui est un facteur central de la productivité. Plusieurs travaux récents à l’image de ceux de l’économiste français B. Gazier vont dans ce sens. En s’inspirant du « modèle suédois », il montre que la flexibilité de l’emploi (et notamment des types de contrats de travail) ne peut être légitime et efficace que si elle s’accompagne d’un solide système de protection sociale afin que la collectivité tout entière couvre le risque de la précarité de l’emploi et pas seulement le salarié concerné. C’est le concept de « flexicurité ». 5