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conséquence fut d’impulser le programme volontariste du New
Deal qui de façon tâtonnante allait néanmoins réaliser un certain
nombre de réformes économiques, sociales, politiques réclamées
précédemment lors du court intermède progressiste des
présidences Théodore Roosevelt et Woodrow Wilson.
Surlignant dans son livre The Public and Its Problems (1927) les
traits du progressisme, le grand philosophe pragmatiste John
Dewey proposait plusieurs clarifications opportunes
: il
commençait par écarter les tentations naturalistes en sciences
sociales et insistait sur le fait que des questions normatives de
sens et de valeur étaient inévitables dans toutes enquêtes
humaines. Il relevait également que l’homme étant un être
social et historique, philosophie et politique devaient rester
flexibles, et sensibles aux changements culturels. Il présentait
trois rappels aux conceptions trop lénifiantes du libéralisme :
D’abord, insistant sur la relativité historique des désirs et
intérêts, il notait, « l’idée d’un individu naturel pourvu dans son
isolement de besoins complets, d’énergies susceptibles d’être
utilisées selon sa propre volonté, et d’une faculté de prévision et
de calcul prudent sur mesure est autant une fiction en
psychologie que l’est en politique la doctrine d’un individu en
possession de droits politiques antécédents ». Ensuite, il
proposait une définition « laïque » de la communauté exempte
de tout relents romantiques ou mystiques ; partie intégrale de
l’expérience quotidienne, la communauté est forgée par des
individus à travers un processus imparfait de communication et
reconduite continûment par leur participation active à des
entreprises communes. Enfin Dewey récusait l’idée d’une
démocratie gérée par des élites compétentes mieux à même que
le public lui-même à déterminer les moyens mais aussi les fins
de la coopération sociale. En revanche le projet démocratique
nécessitait une participation élargie et critique de tous sur la
constitution des désirs, la communication des idées, la
construction des communautés et la formation de la politique
publique. Il fallait dès lors pour créer une culture
authentiquement démocratique multiplier les lieux où
Je m’appuie ici sur JT. Kloppenberg, « Une histoire des idées et des
mouvements politiques », in La démocratie américaine au XXème siècle,
textes traduits et réunis par J. Heffer, P. Ndiaye et F. Weil, Paris, Belin, 2000.