Le Kaizen 1 NOTIONS ESSENTIELLES Définition Le Kaizen est un outil de base de gestion des processus. C'est un outil d'amélioration continue concret réalisé dans un laps de temps très court par une équipe multidisciplinaire. Objectif La méthode Kaizen permet d'éliminer les activités ne créant pas de valeur ajoutée par une chasse au gaspillage sous toutes ses formes. Il s'agit de rechercher des petites améliorations résultant d'efforts constants en opposition à des réformes brutales du style : « on jette tout et on recommence ». Mise en place d'un chantier Kaizen Un chantier Kaizen permet de s'attaquer de manière intensive à un problème spécifique dans un laps de temps réduit (une à deux semaines). Pour optimiser l'efficacité de cette méthode, le responsable d'un chantier Kaizen doit passer par trois étapes : 1/ Préparation : — identification des sept sources de gaspillage (surproduction, stockage, réparations/rejets, déplacement, traitement, attente et transport) ; — standardiser : il convient au préalable de vérifier les performances actuelles et d'estimer combien d'entre elles peuvent être améliorées et comment. L'utilisation d'un système de mesures standardisé du travail permet d'assurer la qualité du travail et de prévenir la réapparition des problèmes ; — synchroniser : après avoir calculé le temps réel d'un cycle par rapport à la cadence idéale (takt time), toutes les opérations de production doivent être synchronisées en fonction de ce temps ; — utilisation des outils : la situation actuelle de l'entreprise doit être établie clairement grâce à l'utilisation de grilles d'observation et de tables de capabilité des processus pour mettre en pratique les concepts clés au plus juste ; — plan d'action : définir et mettre en place un plan d'action pour améliorer la performance. 2/ Réalisation : — former les participants au chantier à la méthode Kaizen ; — collecter et analyser les données ; — recommander les solutions ; — valider et simuler les solutions (mettre en pratique les concepts clés de l'opération au plus juste) ; — apporter les changements. 3/ Faire le suivi : apporter les correctifs nécessaires pour poursuivre l'amélioration. Prévoir des réunions de suivi pour revoir les plans d'action, les modifications réalisées et les résultats. La valeur ajoutée du Kaizen La valeur ajoutée est une notion cruciale en Kaizen. La valeur ajoutée à une opération permet de transformer un produit en ce qui est vendu au consommateur. Dans les entreprises conventionnelles, des études ont montré que près de 95 % des opérations sont des opérations sans valeur ajoutée. Elles ne sont pas inutiles, mais ne transforment pas le produit reçu par le consommateur. Elles peuvent donc être éliminées ou réduites sans affecter le produit final. Une entreprise qui réussit est une entreprise qui a modifié à son avantage le ratio valeur ajoutée/non-valeur ajoutée. Les éléments qui n'apportent rien de plus au client et augmentent le coût sont du gaspillage. Le Kaizen permet de focaliser tous les efforts sur cette non-valeur ajoutée en réduisant et en éliminant un maximum d'opérations. Cellules de production Le Kaizen est l'outil qui agit sur les sept sources de gaspillage identifiées. Les cellules de production sont un outil polyvalent qui s'attaque aux sources de non-valeur ajoutée en réaménageant les postes de travail : — rapprocher les machines pour éviter les transports inutiles ; — transformer les petites surfaces en U pour éliminer les mouvements inutiles ; — réduire les espaces pour le stockage inutile ; — former des opérateurs polyvalents pour réduire les attentes inutiles ; — diminuer le transfert vers d'autres postes pour éliminer les tâches inutiles ; — un opérateur responsable de plusieurs opérations pourra réparer ses erreurs pour éliminer les produits défectueux ; — limiter la surproduction à une cellule et non à chaque machine. Tableau d'affichage C'est un outil non spécifique mais qui est très utilisé parce qu'il facilite la mise en place des chantiers Kaizen. Il identifie une situation à améliorer et montre les changements apportés. Tout le monde doit pouvoir le voir. Il facilite la communication entre les employés et les membres de l'équipe d'amélioration en passant de l'abstrait des réunions au concret du terrain. Le tableau d'affichage des améliorations se compose de plusieurs éléments : 1/ les cartes de faits qui décrivent les problèmes (explications brèves, listes des causes...) ; 2/ les cartes de solutions qui décrivent les améliorations (recommandations, idées, suggestions, mesures correctives...) ; 3/ le tableau de suivi des idées d'amélioration (synthèse du chantier Kaizen). Utilité des chantiers Kaizen La recherche de petites améliorations résultant d'efforts constants est optimisée par le principe même du Kaizen : — mettre à contribution l'expérience et la créativité de tout le personnel (réunions en petits groupes, boîte à idées...) ; — trouver des solutions durables en détectant les sources de gaspillage à l'aide de grilles d'observation ; — reconfigurer la disposition de l'équipement et du personnel pour utiliser au mieux l'espace et améliorer la productivité ; — suivre le cycle PFVA : Planifier, Faire, Vérifier, Agir (Plan, Do, Check, Act) ; — planifier, réaliser et gérer le suivi d'un chantier Kaizen en utilisant les fiches de contrôle. 2) À SAVOIR Historique Kaizen est un mot japonais qui signifie amélioration sans gros moyens. Kai signifie étudier et Zen améliorer. La méthode Kaizen tire son origine du principe d'« opération au plus juste » (Lean Manufacturing) développée pour la firme Toyota par Taichi Ohno et Shigéo Shingo. Un mot à la mode Tout le monde utilise le mot Kaizen, de peur de passer pour « hors du coup ». L'amélioration permanente est une dynamique que tout le monde revendique. Même s'il implique tout le personnel d'une entreprise, du directeur aux ouvriers, il repose surtout sur le bon sens commun. Écueils Alors qu'il est relativement facile d'introduire des nouveautés dans une organisation, il est plus difficile d'en maintenir la dynamique. Cela est dû à plusieurs raisons : — résistance au changement. Changer une routine confortable, particulièrement par décision de la direction, dans un but d'augmentation du profit n'est pas la meilleure manière d'améliorer une organisation. Il faut donc informer, former et donner confiance pour obtenir l'adhésion de tous. Le Kaizen, dans la mesure où il fait participer tous les acteurs d'un projet, permet de « faire fondre » la résistance au changement ; — sans moyens opérationnels, il est très difficile de maintenir une nouvelle organisation. Le manque de structures, de systèmes et de procédures conduit inévitablement à l'échec d'un projet. L'implication de la direction (en charge du maintien et de l'animation) et des cadres (mise à disposition des moyens opérationnels) est donc cruciale pour la réussite du projet ; — il ne faut pas perdre de vue que les améliorations doivent apporter de la valeur ajoutée ou au minimum, supprimer des pertes. La tentation d'améliorer pour améliorer, d'en faire trop est grande et il est nécessaire de veiller aux dérives. Toute action n'est pas justifiable sous prétexte qu'elle s'accompagne du mot amélioration. L'utilisation d'outils d'analyse et d'aide à la prise de décision permettent de maintenir un cadre strict : diagramme de Pareto (cf. Chap. 1), QQOQCPC (cf. Chap. 4). Kaizen n'est pas synonyme d'innovation Parce que l'innovation est symbole de dynamisme, elle est souvent préférée au Kaizen. Mais ce sont là deux démarches différentes. L'innovation signifie changement sans idée de continuité ; Kaizen signifie amélioration dans la continuité. L'innovation jette souvent au panier une organisation existante, Kaizen utilise au mieux des ressources existantes. Exemple Le Kaizen apportera des améliorations sur un matériel existant mais plus assez compétitif, l'innovation changera ce matériel pour le tout dernier modèle ! Leçon de japonais Les méthodes de management japonaises sont un étonnant mélange de pratiques simples et de philosophie qui fait son chemin dans les mentalités occidentales et apportent avec elles leur vocabulaire : • Kaizen : Kai = étudier, Zen = amélioration. • Teian : recueil de suggestion (boîte à idées). • Muda : gaspillage, opération ne générant pas de valeur ajoutée. Tout ce qui est Muda doit être éliminé : — surproduction, stocks, matériels non nécessaires immédiatement ; — produits défectueux ; — mouvements inutiles ; — mauvais timing... • Gemba : place réelle. En production, Gemba signifie poste de travail. Le Gemba Kaizen apporte des améliorations efficaces puisqu'il va se réaliser sur le lieu où se génère la valeur. Boîte à outils La démarche Kaizen est une démarche contrôlée et, même si tout le monde y participe, il n'est pas question de « bricoler » dans son coin. Le Kaizen est piloté par un groupe d'amélioration qui est le comité compétent pour transformer des suggestions en applications. Le Kaizen s'accompagne d'un système de recueils et de suggestions (boîte à idées) qui doit permettre à tout le monde de faire part de ses observations et de ses idées. Une bonne idée peut surgir à tout moment mais peut être terriblement fugace... Que peut-on attendre de la réalisation d'un chantier Kaizen ? Au-delà de l'image de l'entreprise, la compétition mondiale oblige à innover, diversifier, réduire les coûts, améliorer la qualité et livrer dans les plus brefs délais. Le Kaizen permet d'approcher au plus près ces objectifs. Le Kaizen apporte des retombées positives durables. Les résultats d'une bonne utilisation de l'outil Kaizen sont une optimisation des aires de travail, la réduction des stocks et l'amélioration des temps de cycle pour, entre autres, un meilleur climat de travail. L'amélioration de la qualité, à moindre coût et dans des délais courts, permet à l'entreprise d'être compétitive au niveau international. 3) REPRESENTATIONS GRAPHIQUES Trois étapes pour mettre en place un chantier Kaizen La figure 1 représente les trois étapes de la mise en place d'un chantier Kaizen. Tableau d'affichage Kaizen et tableau de suivi des améliorations Le tableau de suivi des améliorations a l'avantage principal de permettre à chacun d'y jeter ses problèmes et ses solutions, mais sans s'en débarrasser vraiment. Inscrits sur le tableau, ils sont visibles de tous et feront l'objet d'une attention particulière à un moment ou à un autre. Le personnel peut donc entamer un processus Kaizen sans idées préconçues (cf. Tab. 1 et Tab. 2). Fig. 1 — Les trois étapes de la mise en place d'un chantier Kaizen. Tab. 1 — Le tableau d'affichage Tab. 2 — Le tableau de suivi des idées d'amélioration 4) EXEMPLES D'ANIMATION Améliorations permanentes Aux grands bonds de restructuration de l'entreprise, le Kaizen préfère les petites améliorations permanentes provoquant une évolution lente mais sûre sans révolution, crainte épidermique des acteurs de l'entreprise. Partant du principe que « c'est la femme de ménage qui connaît le mieux le contenu de la poubelle », les idées naissent de « ceux qui font » (cf. Fig. 1). On met ainsi le personnel à contribution de l'amélioration de son activité à tous les niveaux de l'organisation. Celui qui s'occupe du rangement du magasin a sûrement d'excellentes idées à faire valoir pour éviter les erreurs, mettre en place des poka-yoké pour limiter les ruptures, proposer des seuils d'alerte... Celui qui assure la gestion des stocks générera des idées allant de la mise en place de codes à barres à un changement d'informatisation en passant par une évaluation des risques de Just-in-Time. Le financier et l'acheteur trouveront des méthodes de réduction des coûts de stockage au travers de contrats « marché » ou autres. Fig. 1 — Les idées naissent de « ceux qui font » !