Maladie de CROHN et ARTHRITE : Et si le microbiome faisait le lien ?
Science Translational Medicine
« Nous savions qu'il y avait de la fumée, mais nous ne savions pas où était le
feu », explique l’un des auteurs de cette étude. « Si nous parvenions à
bloquer la capacité des bactéries à induire l'inflammation, nous serions
alors capables d’obtenir la rémission dans la maladie de Crohn et la
spondylarthrite associées ». Cette équipe du Weill Cornell Médecine
contribue à expliquer dans la revue Science Translational Medicine, le lien
entre ces deux pathologies apparemment non apparentées mais souvent associées que
sont la maladie de Crohn et la spondylarthrite : des bactéries du microbiome intestinal.
De nouvelles données qui vont également permettre aux cliniciens de pouvoir identifier
les patients atteints de la maladie de Crohn susceptibles de développer des douleurs
articulaires.
Les patients atteints de la maladie de Crohn, une maladie inflammatoire de l'intestin
(MICI) qui cause des douleurs abdominales et la diarrhée, éprouvent fréquemment des
douleurs articulaires. Dans la maladie de Crohn, le système immunitaire peut attaquer non
seulement les intestins, mais aussi le système musculo-squelettique, entraînant une
spondylarthrite, une affection douloureuse qui affecte la colonne vertébrale et les
articulations.
A l’aide d’une toute nouvelle technologie de cytométrie en flux, les chercheurs ont pu
identifier un type de bactérie E. coli présente spécifiquement chez les personnes
atteintes de la maladie de Crohn, capable de déclencher l'inflammation associée à la
spondylarthrite. Les chercheurs ont analysé des échantillons fécaux de patients atteints
de MICI pour identifier les bactéries spécifiques dans l'intestin pourvues d'anticorps
appelés immunoglobuline-A (IgA) qui combattent l'infection. Des sondes fluorescentes
ont été utilisées pour détecter les espèces bactériennes recouvertes d'IgA, c’est ainsi que
les chercheurs ont découvert que les E. coli enrobées d'IgA étaient abondantes dans les
échantillons de selles provenant de patients souffrant à la fois de la maladie de Crohn et
de spondylarthrite. En travaillant ensuite sur ces échantillons de patients et sur des
modèles de souris, les chercheurs ont pu lier ces bactéries à des cellules qui contribuent
à déclencher l'inflammation, connue sous le nom de cellules Th17, chez les personnes
atteintes de troubles auto-immunes.
Des niveaux plus élevés de cellules Th17 sont ainsi caractéristiques chez les
patients atteints à la fois de la maladie de Crohn et de spondylarthrite. Une protéine
appelée IL-23 déclenche l’activité des Th17. Or un médicament anti-IL-23
(ustekinumab) vient d’être approuvé par l’Agence américaine FDA pour la maladie de
Crohn. Ces résultats vont donc aider les médecins à sélectionner la bonne thérapie,
capable de cibler les symptômes des intestins comme des articulations.
De nouveaux outils de diagnostic vont également pouvoir être développés : car le
séquençage de la flore intestinale qui fournit un inventaire des bactéries peut permettre
de caractériser l'E. coli identifiée dans l'étude. « Nos résultats vont nous permettre de
développer des outils de diagnostic pour qualifier les patients de Crohn ayant des
symptômes de spondylarthrite ainsi que les patients à risque de symptômes articulaires
», explique l'auteur principal Dr Randy Longman, professeur de médecine au Weill
Cornell Medicine.
Dans la thérapie des MICI, c’est donc un pas qui vient d’être franchi vers la médecine de précision :
il est possible par analyse du microbiote intestinal de caractériser cliniquement et biologiquement
un sous-type de MICI, puis de sélectionner le médicament le mieux adapté au patient.