Résistance à l`influence Pour que le groupe puisse fonctionner, qu`il

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RESISTANCE A L’INFLUENCE
Pour que le groupe puisse fonctionner, qu’il soit formel ou informel, comme il y
a une tâche à accomplir, il faut distribuer les rôles et accepter que certains donnent les
ordres et que d’autres s’y soumettent. Malgré cela, tout le temps, on a constaté que
lorsque l’autorité abuse, il suffit que deux ou trois victimes de ces ordres injustes se
regroupent pour prendre conscience que l’autorité abuse. Du coup, l’obéissance va
être plus faible. Plus il y a de personnes victimes de cette autorité qui se regroupent et
plus il y a une désobéissance à cette autorité qui devient illégitime parce que des
personnes se rendent compte que les ordres de cette autorité sont abusifs. Il y a
établissement d’un nouveau consensus qui permet de renverser des pratiques jugées
inacceptables. En général la désobéissance est un acte collectif. Il y a un mécanisme
de résistance à cette influence.
Est-ce qu’une tentative d’influence sociale aboutit toujours à la conformité, à
l’uniformité des comportements ?
L’influence n’est pas automatique. On peut obtenir une déviance par rapport à la
norme du groupe qui veut influencer. On peut constater que certaines personnes
dévient, elles n’appliquent pas à la lettre les normes du groupe mais il y a des cas où
on assiste à un rejet pur et simple de la norme. On peut relever des phénomènes de
résistance à l’influence.
Il y a plusieurs phénomènes de résistance à l’influence.
1. LA REACTANCE, RESISTANCE INDIVIDUELLE(BREHM)
Il s’agit de réaction individuelle de résistance à la tentative d’influence. Elle peut s’expliquer
par des facteurs psychologiques. Dans une situation où des individus se sentent menacés
dans leur indépendance, dans leur liberté, ils réagissent par un comportement appelé
réactance.
On peut définir cette réactance comme un état psychologique d’un individu qui vient de voir
sa liberté de choix restreinte. Elle se traduit par une résistance à l’influence en vue de
retrouver sa liberté perdue.
EXPERIENCE DE WICKLUND & BREHM.
Objectif : étudier les changements d’attitudes liés à une situation de censure.
Déroulement : L’expérience porte sur les attitudes des lycéens sur l’abaissement de
l’âge de vote. Le sondage initial a montré que la majorité, presque tous, était favorable
à cette mesure.
On leur annonce qu’un conférencier allait venir dans le lycée pour leur faire une
conférence en faveur de la mesure mais, le jour J, la conférence ne peut avoir lieu. Les
élèves sont divisés en deux groupes :
- A un premier groupe, on annonce que la conférence a été annulée,
interdite par une commission régionale parce qu’elle ne voulait pas que les
élèves entendent la conférence ;
- A un second groupe, on dit que le conférencier est malade.
On présente une situation de censure au premier groupe, le second étant témoin.
Quelle est l’attitude des sujets des deux groupes ? On repose les mêmes questions aux
deux groupes.
Résultats : Conformément aux hypothèses, ceux à qui on a infligé la censure n’ont pas
changé d’attitude mais ils sont encore plus déterminés, plus strictes.
Les individus peuvent résister dans certains cas à la pression sociale exercée sur eux parce
qu’elle déclenche des motivations opposées à l’effet recherché. Les motivations peuvent être
liées aux sentiments de leur indépendance, aux valeurs qu’ils défendent ou aux divers
engagements dans lesquels ils sont impliqués.
Cet effet ne se manifeste pas toujours de la même façon, de la même intensité. L’effet peut
varier :
- La réactance sera d’autant plus grande que le comportement menacé est important
pour le sujet, càd si on menace un des comportements pas ou peu important pour le
sujet, il est probable que le sujet n’en soit pas très affecté. Tout dépend de
l’importance que le sujet accorde au comportement.
- La réactance sera d’autant plus grande que la menace sera grande, càd que la
probabilité que le comportement soit effectivement éliminé est grande. Quand on
menace un comportement, si on pense que la menace peut être mise en faits, on peut
changer de comportement, réagir de manière forte.
- Pour qu’une menace soit perçue par un individu, elle n’a pas besoin de lui être
adressée directement. L’observation de la menace ou de l’élimination effective d’un
comportement chez une autre personne suffit à engendrer chez le sujet un
comportement de réactance.
- L’importance des comportements menacés pour l’identité de soi. Les comportements
que j’ai, j’ai choisi de les avoir. Ils me permettent de m’identifier. Si on menace un de
ces comportements, on menace du même coup l’identité du sujet.
D’autres expériences ont été réalisées par BREHM.
Objectif : étudier comment un individu sous pression est amené à faire un choix.
Déroulement : Quand le sujet naïf arrive dans la salle de l’expérience, il y trouve un
deuxième étudiant, compère. L’expérimentateur leur présente deux tâches comme
étant des tests de personnalité. Le choix du test A ou B va déjà donner une indication
de personnalité. L’expérimentateur sort de la salle et laisse les deux sujets décider
seuls de la tâche qu’ils vont faire. Le compère essaie d’influencer l’autre en lui
proposant de faire une des deux tâches.
Parallèlement, un autre groupe, témoin, n’est pas en présence du compère pour
choisir la tâche.
Résultats : Les sujets du groupe expérimental n’ont pas choisi la tâche. L’importance
du comportement a été introduite dans la présentation de la tâche comme un
élément fondamental du sujet, sa personnalité. Les sujets ont tendance à choisir
plutôt un test différent du compère.
La réactance ne se manifeste pas toujours, selon les limites. Il y a toujours des limites à
la liberté et donc à la réactance, à sa manifestation.
EXPERIENCE DE HEILMANN
Objectif : étudier comment des individus se sentent menacés dans leur liberté et
changent d’attitudes.
Déroulement : On propose de signer une pétition à l’entrée d’un supermarché pour
faire superviser le contrôle des prix par l’état. On fait varier la source et la force de la
menace.
Intensité
Source
Menace faible
Menace forte
Menace forte + menace
de représailles
Faible : membre d’une
association locale
Forte : personnage
du gouvernement
fédéral
On dit que la pétition est une menace, un danger
pour l’économie
Les gens ne doivent pas être autorisés à signer la
pétition
On notera les noms de ceux qui auront signé la
pétition
Résultats : Quel que soit le statut de la source, le taux des signatures augmente avec la
menace mais tant que la menace n’appelle pas de représailles. Mais ; lorsque la source
menace de représailles, la réactance s’est manifestée avec une source faible(agent
local). Par contre, lorsqu’elle émane d’une source élevée(agent fédéral), très peu ont
osé signer.
L’expression de la liberté(réactance) aurait une limite dans sa réalisation objective quand il y a
menace d’exercice de pouvoir. L’autonomie d’un individu ne serait récupérée qu’à condition
d’être libre d’agir.
2. CONFORMITE SUPERIEURE DE SOI, EFFET PIP(CODOL)
Dans le conformisme, les individus qui veulent appartenir à un groupe ont tendance à se
conformer aux normes du groupe en question.
Ici, l’individu se moule dans le groupe. L’effet PIP fait intervenir une opposition entre deux
termes, une dichotomie entre
- le désir de l’individu de plaire aux autres qui le conduit au
conformisme
- La volonté qu’ont la plupart des individus de préserver sa
singularité.
Cette alternative peut pousser l’individu vers la recherche simultanée du conformisme et de la
différence.
L’effet PIP serait caractérisé par le fait que l’individu aurait tendance à se valoriser par rapport
aux normes en vigueur, en se décrivant comme étant plus conformiste que les autres même
si ce n’est pas réel, objectivement. Il n’y aurait qu’une seule façon de se présenter comme
étant différent des autres dans le respect des normes sociales, c’est de s’affirmer comme étant
en plus grande conformité que les autres.
EXPERIENCE PRINCEPS DE CODOL :
Objectif : étudier quelle évaluation de ses compétences fait le sujet, dans quelle
mesure le sujet s’attribue la première position dans un classement.
Déroulement : On propose une expérience d’évaluation de stimuli physiques à un
sujet naïf et trois compères. Il s’agit d’estimer la longueur d’une règle présentée à
quelques mètres de distance. On présente douze règles différentes et, pour chaque
règle, le sujet peut faire trois estimations.
Quand la règle est présentée, chaque sujet à son tour donne son estimation. Au bout
des trois estimations, les sujets doivent classer les individus dans l’ordre, du plus juste
au plus faux. Il y a toujours un compère qui donne la réponse exacte.
Résultats : Dans 37% des cas, le sujet naïf s’attribue systématiquement la meilleure
performance du groupe alors qu’il y avait toujours un compère qui donnait la bonne
réponse.
Leyens fait remarquer que, dans les expériences de Codol, on voit apparaître l’effet PIP parce
qu’il y a une comparaison entre pairs, de statut équivalent. Mais, dans la vie quotidienne, on
trouve souvent des situations de comparaison entre des personnes qui n’ont pas le même
statut, on n’observe donc pas le même phénomène. On parle alors de différenciation sociale.
3. LA DIFFERENCIATION SOCIALE(LEMAINE)
La référence à autrui conduit à la différenciation lorsqu’elle fait peser une menace sur
l’identité et que la restauration de celle-ci se fait à travers la recherche de la différenciation.
Cette menace sur l’identité est considérée comme découlant de l’infériorité d’un agent social
dans une situation donnée. Ce qui permet l’initiative de la différenciation, ce sont ces agents
sociaux placés en situation d’infériorité. Au lieu de subir la menace, on va chercher à se
différencier de ce groupe qui veut éliminer.
Cette position inférieure sur une échelle sociale mettrait en cause leur identité et amènerait
ces individus à des tentatives de se démarquer de ceux à qui ils se comparent, de créer de
nouveaux critères sur lesquels ils sont différents, de devenir incomparables et échapper ainsi
à leur infériorité.
LEMAINE réalise des expériences en situation ouverte dans lesquelles on peut relever des
innovations(conduites nouvelles). On peut créer des critères originaux d’évaluation sans
remettre en cause le système en tant que tel même si les innovations vont modifier des
positions acquises par les gens en place.
 colonies de vacances et camps scouts
Dans l’une des expériences, deux groupes de garçons de 11 à 13 ans devaient construire des
cabanes par groupe et la plus belle recevait un prix. On leur présente des outils identiques
pour les deux groupes mais il n’y a pas assez de ficelle pour les deux à la fois, on la tire donc
au sort. Un groupe aura de la ficelle ; on crée donc un groupe favorisé et un groupe
défavorisé.
En parallèle, dans un camps scout, on demande au deux groupes d’illustrer une histoire
racontée auparavant sur un panneau en bois. On leur distribue un matériel identique pour
les deux groupes mais il n’y a pas assez de colle pour les deux groupes et il ne faut pas
vadrouiller entre les deux. On tire donc la colle au sort.
Dans certains groupes défavorisés, l’atmosphère était moins bonne, l’organisation également
moins bonne que dans les groupes favorisés. Quand les expérimentateurs essaient de voir le
travail, les groupes défavorisés ne veulent pas qu’on inspecte leur travail. Lemaine parle de
fermeture des frontières. Ils essaient systématiquement de faire autre chose car ils savent
pertinemment qu’ils ne pourraient pas rivaliser car les autres ont une ressource
supplémentaire.
Dans le cas des cabanes, ils créent un jardin autour de la cabane. Lorsque le travail est fini, ils
présentent la maison avec jardin. Après discussion, finalement ils ont créé un autre critère de
jugement et sont devenus ainsi incomparables et, de ca fait, ils échappent à leur infériorité.
Dans le camp scout, après avoir observé les autres, les groupes défavorisés ont essayé de se
différencier en faisant du non-figuratif(masses de couleur). A l’inspection, le groupe
défavorisé a trouvé un autre critère dont il savait bien avoir seul. Ils se sont rendus
incomparables et ont échappé à leur infériorité.
MATALON a essayé de savoir si on pouvait trouver ce phénomène entre des individus.
Objectif :
Déroulement : Il demande à des étudiants de psychologie de rédiger une lettre de
candidature à un poste de psychologue. On demande, dans un premier temps, de
rédiger la lettre de façon individuelle.
Dans une deuxième phase, ils doivent rédiger la lettre sachant qu’ils sont en
concurrence avec :
- un autre étudiant de psychologie
- quelqu’un qui a une expérience professionnelle qu’ils n’ont pas
- un élève de polytechnique
On regarde s’il y a des différences entre les lettres.
Résultat : Si le concurrent sort de psychologie, les sujets font aussi bien appel à
l’expérience plus ou moins grande qu’ils ont qu’à des connaissances spécifiques. Face
à un professionnel ou un polytechnicien, les sujets introduisent plus de critères de
personnalité, des capacités d’adaptation, qui sont plus difficiles à juger.
Dans les expériences, on relève le processus de différenciation des individus qui utilisent des
stratégies de différenciation, leur permettant de se rendre incomparables et échapper à leur
importance.
4. INFLUENCE DE LA MINORITE
Lors des expériences sur l’influence sociale, on s’est surtout intéressé à l’influence de la
majorité et la minorité subit les influences de la majorité. Il y a des situations où une minorité
arrive à influencer la majorité.
4.1. EXPERIENCE DE MOSCOVICI, LAGE & NAFFRECHOUX
Objectif : étudier comment une minorité consistante peut influencer la majorité.
Déroulement : on fait passer un test de vision à des étudiantes pour s’assurer qu’elles ne sont
pas daltoniennes.
Le groupe est constitué de quatre sujets naïfs et deux compères. Les sujets sont installés face
à u écran. Elles doivent évaluer six séries de six diapositives bleues, à différentes luminosités.
On fait varier la position des compères : en première et deuxième position ou en première et
quatrième position, les sujets répondant à haute voix. Dans le groupe témoin, les sujets
répondent par écrit.
Dans une première condition expérimentale, les deux compères vont donner constamment
la réponse vert. Dans l’autre condition expérimentale, ils répondent parfois vert et parfois
bleu, c’est un comportement inconstant.
La situation est un peu ambiguë.
Résultat : Dans la situation de la minorité consistante, la minorité arrive à influencer la
majorité. Dans cette situation, 8.4% des réponses sont des réponses d’influence minoritaire
sur la majorité.
Dans la situation de la minorité inconsistante, 1.25% et 0.25% dans la situation témoin.
Dans les entretiens post-expérimentaux, on constate que les compères sont perçus comme
moins compétents que les sujets naïfs mais ils ont l’air d’être sur d’eux, comme ayant plus
d’assurance et de confiance en soi. Pour les sujets naïfs, c’est paradoxal, c’est la consistance, la
confiance en soi qui sont des éléments permettant à des minorités d’influencer la majorité.
4.2. EXPERIENCE DE NEMETH & WACHTLER
Objectif : il s’agit de voir quels sont les effets positifs et négatifs de l’influence minoritaire.
Déroulement : On présente aux sujet 19 paires de tableaux dont un est attribué
aléatoirement à un peintre italien et l’autre à un allemand. On demande aux sujets de dire
lequel des deux ils préfèrent.
Dans une étude préliminaire, auprès d’une population similaire, on montre une très large
préférence pour la peinture italienne.
Dans l’expérience, comme les tableaux sont attribués au hasard, les sujets ont des préjugés
favorables(jugement à priori) à la peinture italienne.
On introduit un compère, Fritz Muller, et on demande aux sujets de se présenter. Le compère
marque une préférence constante pour la peinture allemande.
Résultat : on observe une augmentation très nette pour la popularité des peintres allemands.
C’est un effet positif.
Déroulement :On introduit un autre compère, Angelo Milano, visiblement d’origine italienne,
qui préfère la peinture italienne. Il est consistant et va dans le même sens que la majorité.
Résultat : Ici les sujets vont prendre conscience de leur comportement stéréotypé, de leurs
préjugés. La minorité n’a pas réussi à influencer la majorité, au contraire, elle a obtenu un
effet inverse, l’effet boomerang : on fait une action en vue d’obtenir quelque chose et on
obtient l’inverse.
Cette position extrémiste n’aboutit pas toujours à l’influence d’une minorité sur une majorité,
lorsque les personnes se sentent sures de leur point de vue, lorsqu’ils ont confiance en euxmêmes, il peut se produire un rejet ou un renforcement de leur position.
Les sujets minoritaires sont en situation précaire dans la mesure où on se demande comment
on peut bénéficier des effets positifs et éviter les effets négatifs.
Pour MATALON, il s’agit d’un style comportemental de l’agent d’influence. En fait, il y aurait
trois éléments :
– l’investissement de l’individu par rapport au problème, son implication
– son autonomie
– la consistance dans le comportement
La minorité doit créer un conflit(cognitif) avec la majorité, de fait, elle marque, crée son
existence. De là, sa position sera identifiée. En restant consistant et résistant aux pressions
vers l’uniformité, et ainsi on manifeste aux autres qu’il est possible d’agir et penser autrement
que la majorité. Du même coup, la majorité voit qu’il n’y a pas qu’un seul avis.
La condition d’efficacité de l’influence minoritaire consiste dans un système consistant de
réponses qui doit s’accompagner d’une certaine confiance en soit.
5. CONCLUSION
Les études sur les minorités ont permis d’observer qu’en fait, majorité et minorités ne sont pas
deux blocs rigides et figés ; ce ne sont pas les majorités qui détiennent de façon exclusive les
systèmes d’influence. Elles sont influencées par l’opinion des minorités et ainsi les majorités
peuvent modifier leurs opinions et leurs modes de comportement.
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